À propos du dernier AVP (le magazine du CADTM sur la dette sociale)
Le concept de dette sociale contre l’idée d’une dette causée par le financement de la protection sociale, les femmes comme premières et véritables créancières de la dette, le droit à une protection sociale de qualité… Qui sont les véritables débiteurs ?
Des différents articles, je ne souligne que certains points.
La protection sociale est une mutualisation (socialisation) des moyens pour faire face aux aléas de vie des individu-e-s, santé, maternité, retraite, accident du travail, chômage, etc…). Elle peut-être financée soit par des cotisations sociales liées au travail salarié soit par des impôts, soit par une combinaison des deux. A noter que si la majorité de la population mondiale ne bénéficie pas d’une protection sociale suffisante, dans certains pays une part de celle-ci n’est pas individualisée, mais versée au couple (politique familialiste se faisant au détriment de l’autonomie des femmes). Les auteur-e-s proposent un court tour d’horizon dans plusieurs pays par sous-continents. Elles et ils soulignent que la réduction de la pauvreté n’est pas réductible à la croissance, qu’il convient de prendre en compte la réduction des inégalités, la promotion des droits humains…
Elles et ils détaillent les systèmes de retraite par répartition en Europe et soulignent l’enjeu de la répartition des richesse produites par le travail.
Les auteur-e-s font le lien entre le démantèlement des systèmes sociaux via les plans d’ajustement structurel (PAS) et la « crise » de la dette, abordent les logiques « assistencielles », la distribution de denrées alimentaires de base, les transferts monétaires comme rouages du néolibéralisme, « La protection sociale n’est plus censée assurer une sécurité de revenus pour tous et permettre une émancipation individuelle et collective, mais se doit avant tout de soutenir la demande et la productivité économiques pour in fine accroitre la croissance », la perte d’universalité et la circonscription à celles et ceux qui « ont le plus besoin (et qui la méritent…) »
Je souligne l’article de Pascal Franchet : La dette sociale française : un retour aux sources est nécessaire !. L’auteur détaille l’histoire de la protection sociale en France et celle de la financiarisation de la « dette sociale ».
Un extrait :
La Sécurité sociale, créée fin 1945 et début 1946, représente toutefois des progrès sociaux indiscutables que nous devons défendre pied à pied. À titre d’exemple, la nature du financement de la Sécurité sociale qui est actée dans les ordonnances du 4 et 19 octobre 1945 (art.30 et 31).
« La cotisation sociale est un prélèvement sur la richesse créée par le travail dans l’entreprise, qui n’est affectée ni aux salaires ni aux profits, mais mutualisé pour répondre aux besoins sociaux des travailleurs résultant des aléas de la vie, indépendamment de l’État et de la négociation collective et dont le montant est calculé à partir des salaires versés. »
Cette définition est importante pour au moins 3 raisons :
Cette dernière précision nous permet notamment de contester :
Un extrait du livre de Benjamin Lemoine : L’ordre de la dette. Enquête sur les infortunes de l’Etat et la prospérité du marché, permet de souligner les enjeux et choix politiques, derrière la manière de définir la dette, de la mesurer, de l’enregistrer dans la comptabilité nationale, de la financer…
J’ai aussi été particulièrement intéressé par l’article de Christine Vanden Daelen : Les femmes d’Europe face à l’austérité et à la dette publique . L’auteure aborde, entre autres, les caractéristiques et les effets sexuées des mesures d’austérité, « Privatisations, libéralisations et restrictions budgétaires sabrent les droits sociaux des femmes, accentuent leur pauvreté, durcissent et aggravent les inégalités entre les sexes et sapent les « conquis » féministes », la part des prestations et des allocations dans les revenus des femmes, la diminution des subventions, « Partout en Europe, plannings familiaux, maisons des femmes, maisons d’accueil pour femmes battues, violées et maltraitées, lignes d’écoute et d’aide téléphonique pour femmes en situation de crise, refuges pour femmes et enfants… doivent faire face à une diminution de leurs subventions autant publiques que privées », l’augmentation de leur travail non rémunéré et invisible, les répercutions directes sur la santé sexuelle et reproductives des femmes et sur leurs conditions de travail, les attaques contre l’« autodétermination » reproductives, l’extension de la marchandisation…
Au nom de la dette, « C’est ainsi que la dette organise le transfert de sommes considérables en imposant des coupes extrêmement brutales dans les dépenses sociales ». Au nom des remboursements, la réduction des dépenses d’intervention économiques et sociales…
Portugal, Cameroun, Inde, Mali, Maroc…
La dernière partie est consacrées aux fausses solutions et aux alternatives concrètes. Limites des programmes de transferts monétaires ou politiques familialistes, réduction des inégalités, investissements dans les services publics, ayants droit versus bénéficiaires, effectivité de l’« universel », réduction radicale du temps du travail, accès aux soins, annulation de la dette, réforme fiscale, augmentation du salaire socialisé, revenu à vocation universel… Les « recettes » applicables doivent prendre en compte la place de l’informel, le degré de dénuement, les manques criant quant-aux droits des êtres humains et tout ce qui favorise les mobilisations concrètes et les formes d’auto-organisations des individu-e-s et des populations.
Une lecture indispensable, pour débattre, élaborer des réponses et des actions adéquates aux différentes situations, sans perdre le fil des droits à vocation universelle.
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Source : Entre les lignes, entre les mots