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La ville de Cajamarca fait dérailler la locomotive minière
par Benito Pérez
30 mars 2017

En lien avec l’article de Lucile Daumas publié dans notre revue Les autres voix de la planète http://www.cadtm.org/Oui-a-la-vie-non-a-la-mine, quelques nouvelles de Cajamarca.
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Près de 98% des votants ont refusé un méga-projet minier. Un non qui pourrait faire des émules mais ne clôt pas le débat.

Beaucoup trop de David pour le Goliath minier. Dimanche, la petite ville de Cajamarca, dans le département agraire du Tolima, a rejeté en masse l’avenir minier que lui promettait La Colosa, le projet de plus grande exploitation d’or de Colombie. Par 6165 voix contre 76 (!), les votants ont expérimenté de façon tonitruante une disposition légale datant de 2015, qui permet aux localités de mettre sur pied des consultations populaires contraignantes. La transnationale promotrice du projet, la sud-africaine AngloGold Ashanti (AGA), ne se donne toutefois pas pour vaincue.

La mine à ciel ouvert devait produire plus de 800 000 onces d’or par année. Une « Colosse » considérée comme la principale découverte aurifère réalisée ces quinze dernières années, qui s’est heurtée au caractère indigène de ce territoire pijao et à sa vocation agraire, puisque la région s’enorgueillit d’être l’un des greniers du pays. « Nous voulons du maïs, nous voulons de l’eau » ont scandé les activistes durant une campagne rondement menée malgré les menaces des Aguilas Negras, le groupe paramilitaire d’extrême droite.

Portée juridique contestée

Tant l’entreprise que l’Etat ont cherché à minimiser l’importance du vote, dont ils contestent la portée juridique. Bien que jugée exécutive par les autorités électorales, la décision des habitants de Cajamarca ne serait pas valide, selon l’entreprise, pour cause de « non rétroactivité » d’un scrutin tenu alors que des autorisations avaient déjà été octroyées.

L’imbroglio juridique semble en tout cas garanti. A la radio, le ministre des Mines et de l’Energie, Germán Arce, a rappelé que les autorités fédérales demeuraient maîtresses du sous-sol. Dès lors, il n’exclut pas une acceptation du permis environnemental par l’Etat, ce qui provoquerait un conflit de souveraineté inédit.

Or le gouvernement joue gros dans cette affaire. Le président Juan Manuel Santos a fait du secteur minier la « locomotive » de son programme de développement, en facilitant autant que possible les investissements, mais également en mettant fin à la rébellion des FARC, actives dans la plupart des régions minières du pays.

L’épouvantail Cerrejón

Malgré les promesses d’emploi, la perspective brossée par Bogota rencontre toujours plus d’opposition au sein des populations directement concernées. Les dégâts environnementaux et sociaux d’exploitations plus anciennes, comme la fameuse mine de charbon du Cerrejón, sont désormais bien connus et font figure d’épouvantail.

En 2013, la localité voisine de Cajamarca, Piedras, avait déjà voté massivement contre La Colosa. Un vote, alors, purement consultatif. Mais avec la nouvelle loi, Bogota peut craindre à raison la multiplication des conflits entre l’Etat et des municipalités tenues par le résultat des urnes. Ainsi en février dernier, Cabrera, dans le département du Cundinamarca, s’était très nettement prononcée contre des projets hydro-électriques et miniers. Depuis, Cumaral, dans le Meta, a annoncé un référendum pétrolier pour le courant 2017.

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Benito Pérez