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Dette des pays pauvres : ce qu’il faut comprendre de la décision du G8
par Arnaud Zacharie
30 juin 2005

Le 11 juin 2005, les ministres des Finances du G8 ont annoncé l’annulation immédiate de 100% de la dette multilatérale de 18 pays pauvres très endettés et de 9 autres dans les dix-huit prochains mois. Cette décision, qualifiée par le G8 lui-même d’« historique », représente un précédent à différents niveaux :

- Elle porte sur l’annulation du stock d’une partie de la dette des pays pauvres, et plus sur son seul service annuel ;
- Elle porte sur la dette multilatérale, qui restait encore largement exclue des opérations d’allégement, même si le principe de mêler les institutions financières internationales avait été adopté dès le lancement de l’initiative PPTE renforcée en juin 1999 ;
- Elle inclut les dettes dues au FMI, qui représentent en moyenne la moitié du service de la dette des pays pauvres très endettés au cours des cinq prochaines années ;
- Elle accepte le principe d’une annulation à 100% des dettes prises en compte par la décision.

Malgré ces acquis, la décision du G8 comporte de nombreuses limites :

- Elle a été prise par le G8 au nom de tous les Etats membres créanciers des institutions financières internationales et doit donc être confirmée par l’Assemblée générale du FMI et de la Banque mondiale en septembre 2005 ;
- Elle ne concerne pas toute la dette multilatérale, mais uniquement les dettes dues au FMI, à la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement, même si ces trois institutions sont les principales créancières multilatérales des pays concernés ;
- Elle prend la forme d’une annulation année après année tout au long des échéances, c’est-à-dire sur une période de 40 ans ;
- Elle ne concerne qu’un petit nombre de pays (27 dans dix-huit mois) pour un allégement de 1,4 milliards de dollars annuels au total, alors que 62 pays pauvres, dont le service annuel de la dette s’élève au total à 39 milliards de dollars, nécessitent une annulation totale de leur dette extérieure pour atteindre les Objectifs du Millénaire ;
- Elle se fonde sur un mécanisme selon lequel chaque dollar de dette annulée est compensé par une diminution d’autant de l’aide versée au pays bénéficiaire, ce dollar d’aide n’étant ensuite reversé au pays concerné que s’il remplit les conditions fixées par les bailleurs de fonds, ce qui implique que l’annulation de la dette ne signifiera pas automatiquement des fonds supplémentaires pour le financement du développement des pays bénéficiaires ;
- Elle implique des conditions lourdes et des réformes d’ajustement structurel pour y avoir accès ;
- Elle reste encrée dans la logique de l’initiative PPTE, dont les limites et la complexité sont pourtant largement admises.

Par conséquent, la décision du G8 a beau être « historique », elle n’en est pas moins totalement insuffisante au vu des besoins nécessaires aux pays pauvres pour atteindre les Objectifs du Millénaire, qui sont pourtant des objectifs minimalistes et jugés « réalistes » par les gouvernements. Cela implique, pour les ONG et les syndicats engagés dans la campagne internationale en faveur de l’annulation de la dette, d’exiger que les gouvernements passent des paroles aux actes :

- Demander l’annulation totale de la dette de tous les pays pauvres, à commencer par ceux qui nécessitent une telle mesure pour atteindre les Objectifs du Millénaire que les gouvernements se sont eux-mêmes fixés ;
- Demander que cette annulation soit additionnelle par rapport aux flux d’aide publique au développement reçus par les pays bénéficiaires ;
· Demander que l’aide soit de meilleure qualité et d’autant plus importante qu’un pays nécessite des moyens pour atteindre les Objectifs du Millénaire ;
- Demander que les conditions liées aux annulations soient remplacées par les seules conditions légitimes, c’est-à-dire celles qui garantissent que les fonds libérés seront affectés démocratiquement dans les services sociaux.


Source : Centre national de coopération au développement (CNCD), www.cncd.be.

Arnaud Zacharie

Secrétaire général du CNCD-11.11.11