Nous, participants du 7e atelier du CADTM Asie du Sud, venus du Bengladesh, du Népal, d’Inde, du Pakistan, du Sri Lanka, du Japon ainsi que de Belgique et de France, rassemblés à Colombo, au Sri Lanka, du 6 au 8 avril 2018, reconnaissons et affirmons que la dette illégitime est un mécanisme utilisé pour transférer la richesse créée par les travailleurs au bénéfice des capitalistes et des autres classes exploitantes. Nous déclarons aussi que la dette publique (tant intérieure qu’extérieure) implique un transfert massif de richesses des Peuples du Sud et du Nord vers les créanciers, tandis que les classes dominantes locales prélèvent leur bénéfice au passage.
Nous décidons de continuer le combat contre le système capitaliste qui crée, exacerbe et nourrit les inégalités dans la région et sur la planète. Les capitalistes voient à la fois la nature et les êtres humains comme des marchandises à exploiter et à commercialiser pour la maximisation de leurs profits. Le système capitaliste perpétue et renforce toutes les oppressions y compris le patriarcat, le racisme, le système des castes, l’ultra-nationalisme, le fondamentalisme religieux et autres. Ce système utilise la dette non seulement comme un outil de soumission économique, mais aussi à des fins de domination politique. En fait, le capitalisme marche main dans la main avec le Système dette.
L’endettement privé s’est développé alors que les États, croulant sous la dette publique et appliquant leur agenda néolibéral, ont abandonné le financement des services sociaux en même temps que leur obligation d’assurer la satisfaction des besoins de base de leur population. Nous réclamons l’annulation de toutes les formes de dette illégitime – publique et privée, y compris les dettes liées aux micro-crédits, les dettes paysannes, les dettes étudiantes, les dettes hypothécaires des foyers et autres.
Le microcrédit, qui a été et reste présenté comme une solution pour sortir les gens de la pauvreté, a eu des effets désastreux sur les populations pauvres du Sud. Avec ses conditions et ses taux d’intérêt abusifs, il a plongé ces gens dans un piège de la dette, en les forçant à contracter de multiples emprunts pour rembourser les anciens, et à faire d’énormes sacrifices pour les rembourser pendant des années ou des décennies. Nous sommes conscients que les femmes sont de loin les premières victimes du microcrédit et nous exprimons notre solidarité avec leurs luttes contre le microcrédit au Sri Lanka, – comme lors de la manifestation qui s’est tenue en février 2018 à Jaffna – de même qu’au Bengladesh et dans d’autres parties du monde.
Nous lutterons contre tous les emprunts prédateurs, tous les accords d’investissement et de libre-échange qui plongent le commun des mortels dans un cercle vicieux d’austérité, de chômage et de pauvreté – que ces accords proviennent des Institutions financières internationales (IFI’s), des puissances du Nord ou de pays émergents comme la Chine ou l’Inde, dont les politiques ont d’importantes répercussions néfastes en Asie du Sud. Nous réclamons que soit mis fin à toutes les sortes d’emprunts illégitimes par les gouvernements, les Institutions financières internationales, les Banques multilatérales de développement et autres car ils détruisent des vies, dévastent le vivant et ruinent la nature.
Nous réclamons la fin de toutes les formes de privatisation y compris la privatisation de l’eau, des ressources naturelles, des entreprises publiques, etc. Nous réclamons la fin de tous les partenariats Public-Privé (PPP).
Nous pensons que la dette publique n’est pas un mal en soi. Les gouvernements peuvent contracter des emprunts pour financer la transition écologique, pour remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables qui respectent l’environnement, pour financer des réformes foncières, pour réduire radicalement les transports terrestres ou aériens et les remplacer par des transports collectifs, pour financer la création d’emplois décents pour tous, pour garantir des services publics décents pour tous et pour garantir le respect des droits humains fondamentaux de chacun. L’emprunt public peut donc être légitime s’il est utilisé pour financer des projets légitimes et si ceux qui y contribuent agissent de manière légitime.
Nous réclamons un audit de la dette impliquant les mouvements sociaux et les masses travailleuses pour identifier les parts de la dette publique qui sont illégales, illégitimes, odieuses ou simplement insoutenables. Les simples gens doivent acquérir la connaissance nécessaire et le pouvoir de mettre fin au paiement de dettes illégitimes et de répudier celles-ci.
Nous réclamons la transparence et un droit de regard pour tous les projets financés par des créanciers étrangers et les IFI en Asie du Sud. Tous ces projets devraient être sous contrôle démocratique. Les parlements respectifs de tous les pays doivent ratifier les accords avant qu’ils soient appliqués.
Nous aspirons à des alternatives comme des subventions ou des bourses, des prêts à intérêt nul sans discrimination, à des projets communs gérés collectivement et de manière socialisée, etc. Nous appelons au développement renouvelé de services publics gratuits de haute qualité et exigeons l’augmentation des financements disponibles pour les dépenses sociales.
Unissons-nous dans nos luttes contre le système dette illégitime, contre les accords de libre-échange qui humilient et exploitent les peuples, pillent et détruisent l’environnement, poussent des populations entières vers la misère et le dénuement.
Nous étendons notre solidarité à toutes les masses travailleuses prisonnières des réseaux infernaux des dettes illégitimes. Nous décidons de continuer notre combat aussi longtemps que des êtres humains peineront sous le poids du système dette, des institutions financières et du microcrédit.
Traduction : Marie-Laure Coulmin Koutsaftis