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Communiqué de presse
Le CADTM condamne les manœuvres en RDC pour entraver la justice dans le procès des anciens employés de la société Anvil Mining
par Eric Toussaint , Damien Millet , Renaud Vivien
2 avril 2007

Après deux guerres ayant causé la mort d’au moins 3,5 millions de Congolais, la paix en RDC demeure fragile. En effet, la stabilité du pays restera menacée tant que les entreprises du Nord continueront de piller impunément ses ressources naturelles avec notamment le soutien de la Banque mondiale à l’origine du Code minier de 2003 très favorable aux investisseurs étrangers. Le CADTM soutient donc des actions en justice contre les transnationales prédatrices comme la société australo-canadienne Anvil Mining. Trois de ses anciens employés sont actuellement jugés par la Haute Cour militaire de Lubumbashi pour complicité dans le massacre de Kilwa.

Aujourd’hui, le CADTM dénonce, comme cinq ONG congolaises et britanniques [1], le transfert de l’auditeur militaire qui a mis en accusation les anciens employés d’Anvil Mining et neuf militaires, car ce changement d’auditeur constitue à la fois une nouvelle obstruction au procès et une ingérence politique inacceptable dans la justice.

Les faits qui sont jugés remontent au 15 octobre 2004, date du massacre de civils et de rebelles dans la ville de Kilwa située dans la province du Katanga riche en ressources minières. C’est dans cette région qu’est installée la société minière Anvil Mining, dont les investissements sont garantis par l’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI, filiale de la Banque mondiale qui garantit les investissements des sociétés à l’étranger). Elle a fourni, selon le rapport de la MONUC (Mission des Nations-Unies en RDC), un soutien logistique aux troupes militaires pour réprimer violemment un mouvement de rébellion de faible envergure en recourant à des exécutions sommaires et à des pillages. Ces anciens employés d’Anvil Mining sont alors accusés d’avoir « avec connaissance facilité la commission de crimes de guerre par le colonel Ademar et ses hommes ».

Mais depuis la décision de l’auditeur militaire Mbombo en octobre 2006 de les mettre en examen, le procès ne cesse d’être ralenti et ce dernier subit de fortes pressions politiques pour que les charges soient abandonnées. Il a finalement été remplacé le 24 février 2007 par le Lieutenant Colonel Kasongo Kyolwele. Or, ce nouvel auditeur était un proche conseiller de Katumba Mwanke lorsqu’il était gouverneur de la province du Katanga. Katumba Mwanke, aujourd’hui membre de l’Assemblée nationale de la RDC et proche du Président Joseph Kabila, a fait partie du conseil d’administration de la société Anvil Mining de novembre 2001 à juin 2004 et entretenu des liens étroits avec l’actuel Directeur général d’Anvil Mining, Bill Turner.

Le CADTM dénonce cette nouvelle ingérence politique comme une atteinte grave et manifeste à l’Etat de droit en RDC compromettant ainsi le droit des victimes à des réparations. Le CADTM exige également qu’il soit mis fin à l’impunité de la Banque mondiale qui continue à soutenir Anvil Mining, via l’AMGI, en lui garantissant ses investissements contre des risques politiques. Alors que la tragédie de Kilwa était rendue publique par les médias, l’AMGI a porté sa caution aux agissements d’Anvil Mining en signant un contrat de garantie de 13,3 millions de dollars en avril 2005. Rappelons que la Banque mondiale n’est couverte d’aucune immunité juridique et qu’il est donc tout à fait possible de la poursuivre en justice. Pour le CADTM, cela est même indispensable pour rendre justice à toutes les victimes des mesures imposées par cette institution qui sert les intérêts des grandes puissances et des riches créanciers.


Notes :

[1Ces ONG sont : Action contre l’impunité pour les droits humains (ACIDH), Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO-Katanga), Centre des Droits de l’Homme et du droit Humanitaire (CDH), Global Witness, Rights and Acountability in Development (RAID)

Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.

Damien Millet

professeur de mathématiques en classes préparatoires scientifiques à Orléans, porte-parole du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), auteur de L’Afrique sans dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec Frédéric Chauvreau des bandes dessinées Dette odieuse (CADTM-Syllepse, 2006) et Le système Dette (CADTM-Syllepse, 2009), co-auteur avec Eric Toussaint du livre Les tsunamis de la dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec François Mauger de La Jamaïque dans l’étau du FMI (L’esprit frappeur, 2004).

Renaud Vivien

membre du CADTM Belgique, juriste en droit international. Il est membre de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015. Il est également chargé de plaidoyer à Entraide et Fraternité.