Dès les années 1970, un constat clair a pu être dressé en Afrique : les indépendances n’ont pas concrétisé les espoirs qu’elles portaient. La dépendance vis-à-vis des grandes puissances étrangères reste très forte et les véritables leviers de commande échappent largement aux peuples africains. Malgré une impuissance chronique liée à un manque flagrant de moyens et à de réelles divisions internes, l’Organisation de l’unité africaine (OUA), regroupement des États africains lancé en mai 1963 et installé à Addis-Abeba (Ethiopie), élabore en 1980 le Plan de Lagos, qui tente de remédier aux nombreuses difficultés rencontrées. Fruit de réflexions et de compétences africaines, contrairement à bien d’autres plans imposés depuis cette date à l’Afrique, il cherche à promouvoir un développement régional. Le G7, le FMI et la Banque mondiale vont tout faire en sous-main pour le torpiller, avec succès : il ne sera jamais mis en œuvre. A sa place, les pays africains se voient imposer des programmes d’ajustement structurel (PAS) dès que des difficultés de remboursement apparaissent, à savoir dès les années 1980 pour les fragiles économies africaines. Selon les institutions financières internationales, ces PAS ont pour objectif d’ « assainir » l’économie des pays concernés. Nous verrons qu’ils ont surtout servi à soumettre l’Afrique à la domination néolibérale...
Durant les années 1980 et 1990, pendant lesquelles ces PAS sont imposés, l’espoir suscité par les indépendances s’amenuise et les désillusions se multiplient au sein des populations africaines. Mais pour la plupart des dirigeants africains, leur maintien au pouvoir passe avant les besoins élémentaires de leurs populations. Ainsi, nombreux sont les dirigeants à jouer sans hésiter le jeu des grandes puissances contre leur peuple. D’autres chefs d’État, arrivés au pouvoir dans les années 1980, vont parfaitement se couler dans le moule néolibéral que Washington leur a préparé : c’est le cas de Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie (qui destitue Habib Bourguiba, le père de l’indépendance, en 1987) ou de Lansana Conté en Guinée (qui succède à Sékou Touré à sa mort en 1984). Ailleurs, des projets d’inspiration socialiste ou marxiste sont vidés au fil des ans de toute référence de ce type et remplacés par des politiques strictement néolibérales.
L’Afrique sans dette Chapitre 1 L’Afrique libérée ? Chapitre 2 L’Afrique ligotée Chapitre 3 L’Afrique bridée Chapitre 4 L’Afrique brisée Chapitre 5 L’Afrique mutilée Chapitre 6 L’Afrique trahie Chapitre 7 L’Afrique incomprise Chapitre 8 L’Afrique muselée Chapitre 9 La dette de l’Afrique aujourd’hui |
En Angola par exemple, le pouvoir de José Eduardo Dos Santos, en place depuis 1979 et soutenu par Cuba, s’oppose violemment à l’Unita de Jonas Savimbi, aidé par les États-Unis et l’Afrique du Sud de l’apartheid. Dans les années 1990, la référence marxiste est enterrée : l’appropriation des ressources pétrolières et diamantifères du pays pour des détournements et des achats d’armes s’accélère. Par exemple, la justice française soupçonne Dos Santos de s’être fourni en armes venant d’Europe de l’Est en 1993-1994, pour au moins 500 millions de dollars, auprès de l’homme d’affaires Pierre Falcone, associé pour la circonstance au milliardaire russe Arcadi Gaydamak [1]. Les noms de Jean-Christophe Mitterrand (fils de François Mitterrand), de Charles Pasqua, de Jacques Attali ou de l’écrivain Paul-Loup Sulitzer figurent dans ce dossier sulfureux. Ayant agi sans autorisation officielle de la France, Falcone est mis en examen en novembre 2000 et écroué pour « commerce d’armes illicite, fraude fiscale, abus de biens sociaux et trafic d’influence ». Dos Santos s’engage totalement pour le protéger, au mépris des règles élémentaires du droit. En novembre 2001, la caution de 10 millions d’euros que Falcone doit verser pour sortir de prison est payée par Dos Santos via la société pétrolière publique angolaise Sonangol. Puis il fera rembourser cette somme à Total sous le couvert d’une transaction normale [2]. Il offre même l’immunité diplomatique à Falcone le 10 juin 2003, en le nommant ministre plénipotentiaire de l’Angola auprès de l’Unesco, ce qui lui permet de quitter le territoire français en toute liberté. Par ailleurs, suite à la campagne internationale Publish what you pay, lancée par l’ONG Global Witness, la multinationale pétrolière British Petroleum (BP) a accepté en 2001 de déclarer les montants versés aux pouvoirs publics angolais comme royalties sur le pétrole qu’elle exploite, mais Sonangol a menacé BP de lui retirer toutes ses licences d’exploitation si elle persistait dans cette voie [3]. On estime en effet à un milliard de dollars par an la différence en Angola entre les revenus du pétrole et le montant inscrit officiellement dans le budget du pays [4]...
Au Bénin, Mathieu Kérékou a pris le pouvoir par la force en 1972, avant d’adopter officiellement en 1974 l’idéologie marxiste qu’il abandonnera en 1989. Il quitte pacifiquement le pouvoir après sa défaite à la présidentielle de 1991, face à Nicéphore Soglo, un ancien cadre de la Banque mondiale qui va se lancer dans un grand programme de privatisations et devenir très vite impopulaire. Kérékou reconquiert le pouvoir par les urnes en 1996, sans référence au marxisme cette fois. Depuis lors, il applique sans sourciller les politiques prônées par le FMI et la Banque mondiale.
Au Mozambique, Joaquim Chissano arrive au pouvoir en 1986, mais il opte pour le libéralisme dès 1987. Deux ans plus tard, son parti, le Frelimo (Front de libération du Mozambique) abandonne toute référence au marxisme-léninisme.
Au Congo, Marien Ngouabi prend le pouvoir en décembre 1968 et tente de se réapproprier les leviers de commande économiques, notamment le secteur pétrolier largement dominé par la société française Elf, une nébuleuse où se côtoient pétrole, trafic d’armes, services secrets, franc-maçonnerie, finance occulte et jeux de pouvoir. Son PDG prend ses ordres directement auprès du Président français. En 1976, la stratégie d’Elf, qui considère le Congo comme son pré carré, est contestée par Ngouabi, qui souhaite que son pays profite mieux de ses ressources et décide une augmentation de la fiscalité sur le pétrole. La France organise alors l’asphyxie financière du pays. Est-ce un hasard s’il est assassiné en mars 1977 et remplacé au pouvoir par Denis Sassou Nguesso qui, bien que se revendiquant lui aussi du marxisme-léninisme, se révèlera être l’un des meilleurs serviteurs de la multinationale pétrolière ? Voilà pourquoi l’ancien président d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent, a pu dire : le Congo, « devenu quelque temps marxiste, toujours sous contrôle d’Elf [5] »...
A Madagascar, Didier Ratsiraka prend une première fois le pouvoir en 1972, avec un discours à connotation socialiste. Battu par Albert Zafy aux élections de 1992, il gagne les élections de 1997 de justesse et devient l’un des ténors de cette « Françafrique [6] » soumise aux intérêts d’une mafia politico-financière. Il est chassé du pouvoir par des émeutes populaires au moment des élections de 2002, au profit de Marc Ravalomanana, chef d’entreprise malgache libéral assez proche des États-Unis. Les mesures impopulaires se succèdent dans la Grande Ile.
En Afrique du Sud, la sortie de l’apartheid et l’arrivée de Nelson Mandela au pouvoir en 1994 suscitent un immense espoir dans la population. L’aura mondiale de Mandela est incontestable. Mais sur le plan économique, les nationalisations promises n’ont pas eu lieu, au contraire : le gouvernement du Congrès national africain (ANC), allié à la Confédération sud-africaine des syndicats (COSATU) et au Parti communiste sud-africain (SACP), a opté pour une politique libérale, en accord avec les élites blanches, malgré les besoins fondamentaux non satisfaits. Après le fardeau de l’apartheid, les townships doivent supporter celui de l’ajustement structurel, couronné par le remboursement consciencieux de la dette odieuse contractée par les gouvernements racistes de l’apartheid. Sur le plan économique, Thabo Mbeki poursuit ce « sale boulot »...
Les résistants au modèle économique dominant ne furent pas légion. Au Ghana, Jerry Rawlings, au pouvoir entre fin 1981 et fin 2000, « s’était voulu à la fois l’héritier du père du panafricanisme [Kwame Nkrumah], un modèle d’officier progressiste et l’enfant choyé du Fonds monétaire international [7] ». Charismatique, soutenu par les milieux populaires, il légitime son coup d’État du 31 décembre 1981 par des élections pluralistes remportées en 1992 et 1996. Sur le plan économique, le Ghana devient « la vitrine de la Banque mondiale », signant dès 1983 un programme d’ajustement structurel. Même si Rawlings tente d’atténuer les impacts sociaux négatifs, la population ghanéenne souffre énormément de cette « libéralisation précipitée » et de cette dépendance envers les capitaux étrangers. Personnage ambigu, il a gardé une image positive auprès du peuple africain, tout en étant soutenu par les institutions internationales. Il quitte le pouvoir fin 2000, battu aux élections par John Agyekum Kufuor, qui applique sans scrupules une politique libérale.
La résistance la plus éclatante et la plus sincère à cette logique imposée par le FMI et la Banque mondiale est celle de Thomas Sankara, arrivé au pouvoir par une « révolution démocratique et populaire » en août 1983 en Haute-Volta, qu’il rebaptise Burkina Faso (« pays des hommes intègres »). Il tente d’instaurer une indépendance économique et de développer la production locale. C’est le « consommer burkinabè », et il n’hésite pas à déclarer : « Regardez dans vos assiettes. Quand vous mangez, les grains de mil, de maïs et de riz importés, c’est ça l’impérialisme. N’allez pas plus loin [8]. » Il s’attelle à la construction de services sociaux solides (santé, éducation, logement), agit pour la libération de la femme et mène une grande réforme agraire de redistribution de la terre aux paysans, entre autre. Très populaire, excellent orateur, il déclare notamment : « Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture là. Il faut ranimer la confiance du peuple en lui-même en lui rappelant qu’il a été grand hier et donc, peut-être aujourd’hui et demain. Fonder l’espoir [9]. » Il milite aussi pour le refus de rembourser la dette [10]. En rupture totale avec la logique des grandes puissances, il meurt assassiné le 15 octobre 1987. L’instigateur de ce coup de force, Blaise Compaoré, le remplace alors pour « rectifier la Révolution ». Le Burkina Faso rentre dans le rang.
A quelques rares exceptions près, les accommodements, les reniements et les compromissions scandaleuses se succèdent. Au cours des années 1980 et 1990, la pensée dominante néolibérale s’impose. Ces PAS, qui vont laminer de nombreux pays, se partagent en une thérapie de choc immédiate et des réformes structurelles.
Cette thérapie de choc a pour but de prendre des mesures immédiates pour attirer les capitaux étrangers et trouver des ressources destinées au remboursement de la dette : abandon des subventions aux produits et services de première nécessité (riz, lait, sucre, farine, combustible...) ; réduction drastique des dépenses publiques, notamment les budgets sociaux (éducation, santé, logement, infrastructures) ; dévaluation de la monnaie locale ; taux d’intérêt élevés... Détaillons ces mesures et leurs effets sur les populations.
Zêdess (Burkina Faso), Cadeau empoisonné Madame Afrique, qu’est-ce que vous avez maigri ! Asseyez-vous, je suis le docteur Banque Mondiale Je vous présente mon associé, le Docteur FMI Ne vous inquiétez pas, on ne vous fera aucun mal Pour soigner et guérir votre maladie Un comprimé de PAS tous les jours pendant cinq ans Je vous assure l’effet est garanti Contente de savoir que les choses vont changer Mais dès le premier cachet avalé Les effets secondaires n’ont pas tardé Soulèvement populaire, bonjour l’instabilité ! Ils nous donnent de la main droite et reprennent de la main gauche Pendant que la faim, la misère et la maladie nous fauchent Pour distribuer des cadeaux empoisonnés |
Tandis que les gouvernements africains recouraient fréquemment à des subventions pour maintenir les denrées de base à un prix abordable pour les plus démunis, le FMI et la Banque mondiale exigent la suppression de toutes ces aides. Les prix de ces biens et services vitaux, ainsi que du combustible, augmentent donc. Les populations ont d’énormes difficultés pour subvenir à leurs besoins alimentaires, pour la cuisson des aliments, pour faire bouillir l’eau et la rendre potable. Le prix des transports en commun augmente sensiblement, et les petits paysans, qui doivent apporter leurs produits au marché urbain, répercutent cette hausse sur le prix de vente de leurs productions.
Les populations, soumises à rude épreuve, réagissent. Les exemples d’émeutes consécutives à ces mesures sont légion. Elles vont très vite être appelées « émeutes anti-FMI » ou « émeutes de la faim ». Du Maroc (dès 1981) à la Zambie, de la Tunisie à la Guinée, du Zimbabwe au Niger, les soulèvements populaires face à ces hausses de prix sont nombreux en Afrique, souvent sévèrement réprimés, en accord avec les puissances occidentales.
Cette logique est toujours à l’œuvre de nos jours. Pour éviter des mesures impopulaires à l’approche de l’élection présidentielle d’avril 2003, le pouvoir d’Olusegun Obasanjo au Nigeria retarde la suppression des subventions aux produits pétroliers, provoquant en rétorsion une suspension de l’assistance du FMI. Le répit est bref : en juin 2003, sitôt Obasanjo réélu, les rues de Lagos résonnent des manifestations contre l’augmentation de plus de 50 % des prix de l’essence... Depuis, à plusieurs reprises, le gouvernement a décidé un relèvement des prix des carburants, suscitant à chaque fois manifestations, grèves et émeutes. Pour faire face à ces protestations l’obligeant parfois à faire marche arrière, le gouvernement d’Obasanjo s’est attaqué au droit de grève. Le 30 mars 2005, une loi le restreignant est entérinée, interdisant de bloquer des avions, des routes, des institutions ou des sites, et cherchant à affaiblir le puissant syndicat NLC (Congrès du travail nigérian).
Au Ghana, pendant les deux années suivant l’arrivée au pouvoir de John Kufuor en janvier 2001, le prix de l’électricité augmente de plus de 60 %, ceux de l’eau et du téléphone suivent des pentes comparables. Dès février 2001, le prix de l’essence augmente de 64 %, puis en janvier 2003, il double encore. Et ce ne sont que quelques exemples...
Une forte réduction des dépenses publiques, notamment par des coupes franches dans les budgets sociaux (éducation, santé, logement, infrastructures), le gel des salaires et des licenciements dans la fonction publique
Avec la réduction drastique de tous ces budgets sociaux, les familles les plus fragiles sont souvent exclues de toute forme d’accès aux soins de base, elles ne peuvent plus financer les frais liés à la scolarisation des enfants et les retirent de l’école, leurs conditions de vie se dégradent sévèrement. Dans son Rapport mondial sur le développement humain, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) calcule l’indice de développement humain (IDH) qui « combine les mesures d’espérance de vie, de scolarisation, d’alphabétisation et de revenu, afin d’apporter une idée plus large du niveau de développement d’un pays que le simple critère de revenu. » Les pays africains sont groupés aux dernières places du classement selon l’IDH, qui regroupe 177 pays.
58 Libye 64 Maurice 92 Tunisie 105 Cap Vert 108 Algérie 109 Guinée équatoriale 119 Afrique du Sud 120 Égypte 122 Gabon 123 Sao Tomé et Principe 125 Maroc 126 Namibie 128 Botswana 131 Ghana 136 Comores 137 Swaziland 139 Soudan 141 Cameroun 143 Togo 144 Congo 145 Lesotho 146 Ouganda 147 Zimbabwe 148 Kenya 149 Yémen 150 Madagascar 151 Nigeria 152 Mauritanie 154 Djibouti 155 Gambie 156 Érythrée 157 Sénégal 159 Rwanda 160 Guinée 161 Bénin 162 Tanzanie 163 Côte d’Ivoire 164 Zambie 165 Malawi 166 Angola 167 Tchad 168 RDC 169 Rép. Centrafricaine 170 Éthiopie 171 Mozambique 172 Guinée-Bissau 173 Burundi 174 Mali 175 Burkina-Faso 176 Niger 177 Sierra Leone |
Source : PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2004. Le Liberia et la Somalie ne figurent pas dans le classement car les données les concernant sont incomplètes.
Regardons en détail quelques secteurs sociaux essentiels.
Les rapports de l’Unesco [11] analysent précisément la situation de l’éducation en Afrique. Tout d’abord, les disparités concernant la durée de scolarisation sont flagrantes : « Au Burkina Faso, à Djibouti et au Niger, un enfant peut s’attendre à recevoir moins de quatre années d’enseignement, comparativement à près de treize ans en Afrique du Sud et en Tunisie. » De plus, les taux de redoublement sont « extrêmement élevés », par exemple, « au Gabon, à Madagascar et au Rwanda, un élève sur trois inscrit au primaire est un redoublant. » D’autre part : « Dans sept pays (Burkina Faso, République centrafricaine, Congo, Djibouti, Érythrée, Mali et Niger), les taux [bruts d’admission en primaire] sont inférieurs à 66 %, ce qui indique qu’un enfant sur trois ne fréquente pas l’école. »
Ecole maternelle
« L’éducation préprimaire reste relativement marginale en Afrique subsaharienne puisqu’elle ne concerne qu’un enfant sur dix. » La démission du secteur public est patente : « Les écoles privées jouent un rôle significatif dans l’éducation préprimaire, puisque plus de huit enfants scolarisés sur dix dans l’ensemble de la région le sont dans ce type d’institutions. [...] Dans huit pays (Comores, Djibouti, Éthiopie, Kenya, Lesotho, Sierra Leone, Soudan et Togo), la totalité de l’enseignement préprimaire (100 %) est assurée par le secteur privé. Le rôle de ce secteur est le reflet de celui plus effacé de l’État dans la plupart des pays où l’éducation pré-scolaire demeure marginale et ne fait toujours pas partie des domaines prioritaires des politiques éducatives. »
Ecole primaire
Les budgets publics d’éducation sont presque entièrement consacrés au primaire, le but étant juste de donner les savoirs minimaux permettant à l’individu d’être employable avec une productivité maximale. La théorie sous-entendue est que dans des domaines de basse qualification, la compétence universitaire n’est finalement pas souhaitable car elle coûterait trop cher et intensifierait les revendications sociales... Pourtant, la scolarisation en primaire reste largement insuffisante dans de nombreux pays, pour lesquels « la réalisation de l’objectif de l’éducation pour tous en 2015 y semble incertaine, voire illusoire (Burkina Faso, Burundi, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Guinée, Libéria, Mali, Mozambique, Niger, République démocratique du Congo, République Unie de Tanzanie et Soudan). L’objectif de l’universalisation de l’éducation primaire d’ici 2015 [...] reste un défi pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, compte tenu des niveaux d’accès et de participation encore relativement faibles, avec un taux net de scolarisation moyen de 60 % en 1998. En d’autres termes, quatre enfants sur dix ayant l’âge de fréquenter l’école primaire n’y étaient toujours pas inscrits. » Ainsi, « basées sur les données tirées de quarante-quatre sur quarante-neuf pays d’Afrique subsaharienne, on estime que cette région comptait 38 millions d’enfants hors de l’école en 1998, dont 60 % environ en Afrique centrale et de l’Ouest. » En Afrique du Nord, l’Unesco précise que la Tunisie, l’Algérie et l’Egypte « sont relativement proches de l’objectif de l’éducation primaire universelle », le Maroc étant un ton en dessous (74 %). Cependant, en Afrique : « Peu d’enfants dans la région entrent à l’école primaire à l’âge officiel comme semble l’indiquer le taux net d’admission. En effet, seuls 28 % des enfants âgés de 6 ou 7 ans, âges officiels les plus répandus, sont effectivement inscrits à l’école. Autrement dit, plus de sept enfants scolarisables sur dix n’entrent toujours pas à l’école à l’âge officiel d’admission. »
Enseignement secondaire
L’Unesco ne se fait pas d’illusions sur une éventuelle poursuite de la scolarité : « Le taux de participation dans l’enseignement secondaire des jeunes d’âge officiel du secondaire est très faible en Afrique subsaharienne. Le taux net médian de scolarisation parmi les vingt et un pays pour lesquels les données sont disponibles est de l’ordre de 19 %. Cet indicateur varie de façon considérable entre les pays, avec des valeurs allant de 6 % au Niger à 63 % à Maurice. Outre le Niger, quatre autre pays présentent un taux inférieur à 10 % (Burkina Faso, Guinée, Mozambique et Tchad). À l’autre extrémité, un quart des pays pour lesquels les données sont disponibles enregistre un niveau de participation supérieur à 30 % (Botswana, Maurice, Namibie, Swaziland et Zimbabwe). » En Afrique du Nord, la situation est un peu meilleure : contrairement au Maroc qui présente un taux net de participation relativement bas (30 %), l’Algérie, la Tunisie et l’Egypte ont des taux compris entre 59 % et 79 %.
Les enseignants
Sans budgets dignes de ce nom, amputés par les plans d’ajustement structurel du FMI, la formation et le recrutement d’enseignants sont très difficiles. Pourtant : « Les enseignants jouent un rôle capital dans le processus éducatif. Toute politique visant à améliorer l’accès à l’éducation ainsi que la qualité de celle-ci doit prendre en compte cette variable. » Ce qui n’est pas fait depuis plus de vingt ans. Les conséquences sont inévitables : « La pénurie générale d’enseignants ayant reçu un minimum de formation pédagogique reste un problème épineux dans la région. [...] Le taux d’encadrement dans l’enseignement primaire est très variable en Afrique sub-saharienne. Le nombre d’élèves par enseignant y est en effet de quarante en moyenne. Parmi les quarante pays pour lesquels les données étaient disponibles, dix avaient un rapport élèves-enseignant inférieur à 32:1 [soit une moyenne de 32 élèves par enseignant]. À l’autre extrême, dix pays avaient un ratio de 50:1. [...] En ce qui concerne l’Afrique centrale et de l’Ouest, le taux d’encadrement le plus faible est observé au Tchad (68:1), mais des valeurs supérieures à 60:1 sont également enregistrées au Mali et au Congo. Des conditions d’enseignement particulièrement difficiles dans ces pays ont de profondes répercussions sur la qualité de l’enseignement reçu par les élèves. [...] Il faut souligner que des moyennes nationales de soixante élèves ou plus par enseignant signifient en fait qu’il peut y avoir dans les pays des enseignants ayant en charge cent élèves ou plus. La pratique des doubles vacations [12], fréquente dans certains pays d’Afrique, est souvent la seule solution apportée aux problèmes de ressources limitées en personnel enseignant. »
Le très faible investissement public dans le domaine des infrastructures, à cause des exigences d’ajustement structurel, est aussi un problème crucial pour l’Afrique : « La capacité de ses réseaux de télécommunications est plutôt limitée, avec en 2000 une moyenne de 14 téléphones pour 1 000 habitants - le nombre allant de 1 pour 1 000 habitants en République démocratique du Congo à 120 pour 1 000 en Afrique du Sud. Dans vingt-quatre pays, il existe moins de 10 téléphones pour 1 000 habitants, alors que la moyenne des pays les plus développés est de 450 téléphones pour 1 000 habitants. La faiblesse du réseau des routes revêtues entrave également l’activité économique. En 2000, l’Afrique avait en moyenne 4 kilomètres de routes revêtues pour 100 kilomètres carrés de superficie - allant de 0,02 kilomètres en Ethiopie à 80 à Maurice. Ce dernier pays était le seul à disposer de plus de 10 kilomètres de routes revêtues pour 100 kilomètres carrés [13]. »
L’article 25 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme est formel : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. » L’Organisation mondiale de la santé (OMS) précise dans sa Constitution qu’elle a pour but « d’amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible », en définissant la santé de manière large, comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, [...] pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité [14] ».
Cette définition de la santé est loin de correspondre à une réalité, particulièrement en Afrique. Jeffrey Sachs, Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations unies et président de l’Institut de la Terre à l’université de Columbia, est très clair : « Nous avons besoin d’une révolution pour faire respecter une justice mondiale. Réduire la pauvreté de moitié ne peut s’accomplir sans faire face au fardeau des maladies. » Pour sa part, la ministre kényane de la Santé ajoute : « Si les objectifs sanitaires n’ont pas été remplis précédemment, c’est que ces programmes étaient imposés d’en haut par les organisations de Bretton Woods, ne faisant qu’amplifier les difficultés des pauvres [15]. »
Les programmes d’ajustement structurel ont deux conséquences directes gravissimes dans le domaine de la santé : ils ponctionnent les budgets sociaux des États et incitent fortement à la commercialisation des soins, via la privatisation pure et simple des systèmes de soins ou bien via les politiques de recouvrement des coûts (le malade paie tout ou partie du prix des soins qu’il reçoit). Ces deux fronts d’attaque présentent d’ailleurs des synergies pernicieuses : une fois le système de soins privé de ressources, quoi de plus facile que de constater son manque d’efficacité, de pointer ses faiblesses, tout en proposant comme potion magique la privatisation !
C’est ainsi qu’en Egypte, en 1991, après un accord avec les institutions de Bretton Woods, les dépenses publiques de santé ont été fortement réduites : elles ne représentaient en 1995 plus que 1,4 % du budget de l’État, contre 5,1 % en 1966 (du temps de régime de Nasser). Au Cameroun, le salaire des personnels soignants a été divisé par quatre en 1993, après les premières mesures d’ajustement structurel. Dans ces conditions, les pays africains sont rarement en mesure d’assurer des campagnes de vaccinations systématiques (25 % des enfants du tiers-monde ne reçoivent pas les vaccinations de base), et quand ils peuvent le faire, souvent le programme élargi de vaccination de l’OMS mobilise autoritairement les rares ressources des systèmes de santé et engloutit la moindre marge de manœuvre du Ministère de la santé... Les pays africains doivent aussi renoncer à la construction de nouvelles infrastructures et sont contraints de réduire le personnel soignant : -20 % au Sénégal entre 1989 et 1995, voilà pourquoi il y a seulement 1 médecin pour 130 000 habitants en moyenne dans les banlieues de Dakar. Dans certains pays, des enfants atteints de tuberculose ne peuvent rester à l’hôpital car la famille ne peut payer le prix du traitement, les condamnant à une mort certaine. Les patients devant subir des opérations doivent maintenant apporter eux-mêmes à l’hôpital tout le matériel pour l’opération : alcool, compresses, médicaments anesthésiants, etc., sans compter que les hôpitaux n’ont pour la plupart ni l’eau courante ni l’électricité de manière régulière. Au Zimbabwe, après l’instauration du recouvrement des coûts, les frais de maternité ont augmenté de 257 %, à la suite de quoi un accouchement coûtait le double du salaire mensuel moyen [16].
Et la situation se détériore encore. En 2001, la probabilité de ne pas atteindre l’âge de 5 ans était 26 fois plus élevée pour un enfant d’Afrique que pour un enfant des pays riches, alors que ce rapport n’était que de 19 en 1990 [17]. C’est ainsi que « le risque que court une femme de perdre un nouveau-né au cours de sa vie est de 1 sur 5 en Afrique contre 1 sur 125 dans les pays plus développés [18] ». Les chiffres de l’OMS liés à la maternité des femmes sont eux aussi inquiétants : « C’est en Afrique que la mortalité maternelle est de loin la plus élevée, avec un risque, à la naissance, de décès lié à la maternité de 1 sur 16, contre 1 sur 2800 dans les pays riches. » En effet : « Sur les 20 pays où le ratio de mortalité maternelle est le plus élevé, 19 appartiennent à l’Afrique subsaharienne. » Il faut dire qu’à cause du délabrement des services de santé, « en Afrique subsaharienne, 60 % des femmes accouchent encore sans être assistées par un professionnel qualifié. » La santé est donc de moins en moins un droit pour de plus en plus de monde.
Le cas de Madagascar est emblématique. La gratuité des soins est primordiale dans ce pays où « 42 % de la population doit faire plus de 5 Km pour accéder à un centre de santé ». En 1995, sur injonction du FMI et de la Banque mondiale, Madagascar a instauré la participation financière des usagers (PFU), « une contribution modique du patient au coût de la consultation et du médicament. Le coût moyen d’une consultation dans un centre de santé (avec des médicaments pour trois jours de traitement) varie de 400 à 500 ariary (de 28 à 36 centimes d’euro). Le 20 juillet 2002, le président de la République Marc Ravalomanana avait décrété la suspension de la PFU afin que la crise politico-militaire du premier semestre 2002 n’ait pas trop de conséquences sur l’accès aux soins des Malgaches. Selon une étude de l’Institut national de la statistique et l’Université de Cornell (USA) réalisée en décembre 2002, cette suspension avait augmenté de 57 % la fréquentation des centres de santé par rapport à l’avant-crise. » Il est donc établi que cette politique de recouvrement des coûts dans le domaine de la santé écarte une large partie de la population de l’accès aux soins. Mais le pouvoir Ravalomanana a décidé en septembre 2003 de rétablir la PFU à compter du 1er janvier 2004 : les richesses produites servent avant tout au remboursement de la dette extérieure et ne permettent donc pas de maintenir la gratuité des soins. Le risque est grand de voir les indicateurs sociaux se détériorer, notamment en ce qui concerne les maladies les plus courantes sur place, à savoir « les infections respiratoires aiguës -22% des consultations, dont 45% sont des enfants de moins de 5 ans-, le paludisme -19% dont 40% d’enfants- et les diarrhées -8% dont 51% d’enfants [19] ».
La situation est comparable au Kenya, où en 1989, la gratuité des soins de santé a pris fin, le pouvoir de Daniel arap Moi ayant concédé au FMI un système de partage des coûts, provoquant une augmentation du taux de décès des enfants de moins de cinq ans de 89 pour mille en 1989 à 114 pour mille en 2003. En juillet 2004, les soins préventifs, de traitement et de diagnostic dans les structures publiques sont redevenus gratuits pour les plus pauvres, une décision du président Mwai Kibaki et de son gouvernement Arc-en-Ciel qui a mobilisé 51,5 millions de dollars dans ce but pour 2004/2005. Selon la ministre de la Santé, Charity Ngilu, à l’origine de la mesure, les neuf millions de personnes les plus pauvres du Kenya ne doivent payer désormais que des frais minimaux d’enregistrement, dont sont dispensés les enfants de moins de cinq ans [20]. L’annulation totale de la dette pourrait rendre possible la gratuité des soins de santé en Afrique....
Par ailleurs, l’Afrique subit une recrudescence de maladies que l’on croyait totalement sous contrôle, comme le typhus, la dengue, la tuberculose ou le choléra [21] (sans parler des hécatombes liées au sida et au paludisme [22]), qui touchent surtout les plus faibles, souvent les enfants et les femmes. Selon le Relevé épidémiologique de l’Organisation mondiale de la santé du 4 août 2000, l’Afrique a connu en 1999 plus de 200 000 cas de choléra, ayant entraîné la mort d’au moins 8 700 personnes, essentiellement au Nigeria et en Afrique de l’Est (de la Somalie au Mozambique). En Afrique du Sud, l’ajustement structurel imposé à la fin des années 1990 a entraîné une baisse des budgets sociaux et la privatisation de la distribution d’eau potable. L’augmentation des prix a contraint de nombreux Sud-africains à se servir dans des cours d’eau non potable, déclenchant en 2000 une épidémie de choléra tuant 200 personnes dans la province du KwaZulu Natal. Au Sénégal, le choléra a touché plus de 6 000 personnes et provoqué plus de 80 morts entre novembre 2004 et avril 2005, notamment à Dakar et Touba, ville sainte de la puissante confrérie musulmane des mourides et sorte de zone franche agricole au profit de la hiérarchie religieuse...
En somme, l’ajustement structurel prive des centaines de millions d’individus du droit élémentaire à la santé. Voilà pourquoi l’ex-top model Esther Kamatari [23] peut dire que dans son pays, « au Burundi, l’espérance de vie est de 24 heures renouvelables »...
Avec l’ajustement structurel, le rôle de l’État dans l’organisation économique et sociale est réduit à sa plus simple expression. Il n’est même plus en mesure de garantir le salaire des fonctionnaires, souvent payés avec retard, voire pas du tout. En République centrafricaine, en 2004, les 24 000 fonctionnaires en sont à leur 40e mois d’arriérés de salaires cumulés sur 20 ans [24]. Tout cela découle des mesures qui lui sont imposées, comme l’affirme Joseph Ki-Zerbo : « L’État à peine né est matraqué par des institutions comme la Banque mondiale. Elles exigent toujours moins d’État, et l’influence des entreprises transnationales s’impose de plus en plus [25]. »
La dévaluation a pour fonction de rendre les produits locaux exportés moins chers, donc plus compétitifs sur le marché mondial. En théorie, ils trouvent donc plus facilement preneurs. Cependant, pour récupérer la même quantité de devises étrangères, il faut alors vendre davantage de marchandises. Réciproquement, les produits étrangers importés deviennent plus chers. C’est ainsi que le 11 janvier 1994, le FMI et la France ont obtenu des quatorze gouvernements de la zone CFA une dévaluation de 50 % du FCFA par rapport au franc français. On se souvient des multiples marchandages et de l’annonce de cette dévaluation à Dakar par le ministre camerounais des Finances, sous le regard satisfait de Michel Camdessus, directeur général du FMI, et de Michel Roussin, alors ministre français de la Coopération [26].
Les effets furent terribles : un produit importé de France qui valait 100 FCFA a valu du jour au lendemain 200 FCFA. Et pour récupérer 100 FF, il fallait du jour au lendemain vendre le double de produits. Le pouvoir d’achat des populations des pays de la zone CFA a donc fortement et brutalement baissé, d’autant plus que les salaires étaient bloqués sur injonction du FMI. Dans le même temps, la dette de ces pays (libellée en monnaie étrangère) s’est retrouvée de fait multipliée par 2 en FCFA. En effet, il fallait deux fois plus de FCFA pour obtenir les devises étrangères nécessaires pour rembourser la dette.
Tous les citoyens de ces pays n’ont pas été touchés de la même manière par cette mesure. Les pauvres ont vu leur pouvoir d’achat baisser automatiquement tandis que les plus riches, qui avaient converti leurs avoirs à l’étranger dès les rumeurs de dévaluation, ont pu dès le lendemain acquérir le double de FCFA.
Dix ans après cette dévaluation, le bilan est globalement négatif. Certes, un pays comme la Côte d’Ivoire, gros exportateur de café et de cacao, a pu tirer profit sur l’instant de la dévaluation en récupérant une compétitivité plus importante pour ses activités exportatrices. Mais par la suite, la situation s’est nettement dégradée : « La Côte d’Ivoire, afin d’éviter la banqueroute, a encore accéléré le rythme de la déforestation pour planter du café et du cacao. Or sur la même période, le prix de ces denrées, fixé à Londres et à Chicago, a diminué de plus de 50%. En 1994, la Côte d’Ivoire, contrainte d’étendre ses monocultures d’exportation et de vendre son bois tropical, connaît le taux de déforestation le plus élevé du monde : il ne subsiste plus que 5% de la couverture forestière de 1940 [27]. » Globalement, les populations ont durement souffert au quotidien de cette dévaluation. Aujourd’hui encore, près de 90 % des habitants de la zone CFA (où vivent 100 millions d’habitants alors que son PIB n’est que 3,6 % du PIB de la France et de ses 60 millions d’habitants) doivent s’en sortir avec moins de 2 dollars par jour [28]. La zone CFA est piégée par la dépendance économique vis-à-vis de l’extérieur [29] et la pauvreté de sa population est extrême.
L’économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé avance alors une idée qui pourrait atténuer cette dépendance : « L’expérience de la dévaluation - et de plus de soixante ans de dépendance monétaire à l’égard de la France et de l’Europe - montre que le CFA n’est pas une monnaie contrôlée par les Africains. [...] Pour les pays africains, la voie de l’émancipation passe par la création d’une vaste zone monétaire ouest-africaine avec une monnaie unique (dépassant la zone CFA et impliquant la mort de son franc). [...] La récente augmentation des prix de certaines matières premières (pétrole, sucre...) peut, si elle se prolonge, apporter un répit aux pays de l’Afrique de l’Ouest, mais en aucun cas renverser une situation économique et sociale qui n’a cessé de se dégrader depuis la dévaluation du franc CFA en 1994. Imposée par Paris et par les institutions internationales, celle-ci n’a pas apporté le développement escompté. La création de l’euro, en 2002, a fait resurgir l’idée d’une monnaie panafricaine [30]. »
Le pire est sans doute que les milieux économiques bruissent à nouveau, en 2005, de la rumeur d’une future dévaluation du FCFA, jugée inévitable par la situation difficile de la locomotive de la sous-région, la Côte d’Ivoire justement...
La zone CFA n’est pas la seule concernée par ce problème de la dépréciation sévère de la monnaie. En Guinée, le franc guinéen a perdu plus de la moitié de sa valeur entre 2002 et 2005. En RDC, le franc congolais, qui fut lancé en juin 1998 en remplacement du zaïre, a perdu au 30 mars 2005 plus de 99 % de sa valeur de lancement (1 dollar s’échangeait contre 1,3 franc congolais en 1998, et contre 500 francs congolais en mars 2005). Les exemples sont multiples.
Le problème est que les pays africains sont parmi les plus pauvres et beaucoup d’entre eux n’intéressent pas du tout les capitaux étrangers. Les rares qui peuvent y prétendre, comme l’Afrique du Sud, le Nigeria ou les pays d’Afrique du Nord, voient alors affluer des capitaux spéculatifs, souvent pour une courte durée, ce qui est peu intéressant pour l’économie locale. Cela peut provoquer par exemple une augmentation du prix des terrains et des logements s’il s’agit d’une spéculation immobilière. Par ailleurs, les petits producteurs empruntent sur le marché local pour acheter les semences, les engrais, les outils, etc. : la hausse des taux d’intérêt réduisant leur capacité d’emprunt, l’ensemencement diminue et la production chute. De leur côté, les entreprises endettées doivent faire face à des remboursements plus importants alors que le marché est déjà déprimé, ce qui se solde par des faillites. Enfin, cette hausse des taux d’intérêt augmente la charge de la dette publique interne pour l’État, d’où une augmentation du déficit public, alors que justement l’objectif affiché est de le réduire...
Au-delà de ce que le FMI considère comme des mesures d’urgence, des mesures de réforme de l’économie sont imposées : développement des produits d’exportation au détriment des cultures vivrières ; ouverture totale des marchés et libéralisation de l’économie ; fiscalité aggravant les inégalités avec le principe d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la préservation des revenus du capital ; privatisations...
Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette, les pays africains doivent accroître leurs exportations. Pour cela, ils sont amenés à réduire les cultures vivrières destinées à l’alimentation des populations (comme le manioc ou le mil par exemple) et se spécialisent généralement sur un (ou quelques) produits agricoles d’exportation, une (ou quelques) matières premières à extraire du sous-sol ou des activités primaires comme la pêche. Ils deviennent alors économiquement très dépendants de cette ressource ou de cette monoculture.
Selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (UNECA) : « Soixante pour cent des travailleurs africains se trouvent dans le secteur agricole - et, lorsque les économies relativement plus développées de l’Afrique du Nord et de l’Afrique australe ne sont pas prises en compte, cette part s’élève à près de 70%. Ensuite, la part du secteur manufacturier peu développé ne représente que 14% du PIB et ce secteur est dominé par des industries légères comme l’alimentation et les textiles. La production de machines et de matériel de transport ne dépasse pas 20% du secteur manufacturier. Enfin, l’extraction minière, notamment du pétrole, avec de petits apports du secteur de la construction, occupe la place la plus importante dans les activités industrielles du continent. [...] L’Afrique n’exporte qu’un petit nombre de matières premières. Un seul produit de base compte pour plus de 60 % des exportations, dans 20 pays africains. Trois produits représentent plus de 80 % des exportations de 31 pays, une part qui atteint les 95 % pour 19 d’entre eux (Algérie, Angola, Botswana, Cap-Vert, Congo, Ethiopie, Gabon, Guinée, Guinée équatoriale, Libye, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Ouganda, République démocratique du Congo, Rwanda, Tchad et Zambie) [31]. »
L’Afrique exporte à près de 70 % des matières premières sous forme brute, transformées dans les pays riches qui profitent alors de l’essentiel de la valeur ajoutée. Au Mali, sur les 612 000 tonnes de coton-graine produites en 2003-2004, 99 % sont exportées. Le pétrole extrait au Nigeria, premier producteur africain, est raffiné au Nord et le Nigeria doit le réimporter bien plus cher, alors que ses quatre raffineries tournent au ralenti. Aujourd’hui, l’Afrique est donc avant tout un lieu de récolte et d’extraction, fournissant le matériau brut indispensable à une économie mondialisée dont elle ne retire pas de bénéfices.
L’ouverture des marchés favorise avant tout les multinationales étrangères, incomparablement mieux armées financièrement et technologiquement que les petites entreprises du pays. Ces multinationales qui s’implantent en Afrique peuvent alors conquérir d’importantes parts de marché, provoquer la disparition des producteurs locaux et faire de juteux profits en augmentant les prix. D’autant plus que les productions étrangères (viande, lait, œufs, céréales, tomates, coton, etc.) sont souvent subventionnées dans leur pays d’origine et peuvent arriver sur le marché local sans entraves pour concurrencer « librement » les producteurs locaux... On assiste là à une véritable bataille sémantique menée par les tenants de ce capitalisme prédateur, qui ont imposé les expressions de « liberté économique », de « libéralisme », de « libéralisation », dérivées de « liberté », afin de mieux prôner la stratégie de renard libre dans un poulailler libre, qui va librement manger les poules, privées de tout système protecteur. Dans ce contexte, selon la formule de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » Sur place, conséquences de cette libéralisation, inflation et augmentation du chômage font des ravages sur les classes populaires.
Cette stratégie d’ouverture précipitée est parfaitement délibérée, contrairement à ce que voudrait faire croire le FMI. Les dirigeants des pays riches agissent en permanence afin d’accroître les parts de marchés des entreprises de leur pays, à tel point que les hommes politiques sont de plus en plus des représentants de commerce des grands groupes industriels... La ministre française de l’Industrie, Nicole Fontaine, a déclaré en avril 2003 : « L’industrie française aspire à une ouverture des marchés. Elle a des intérêts offensifs à faire valoir [32]. » Pour ce faire, le FMI et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont de puissants alliés, en mesure d’ouvrir des marchés par la contrainte...
Grâce aux subventions, malgré des frais de production plus élevés et des frais de transport inévitables, les produits du Nord sont souvent moins chers dans les pays du Sud que ceux produits localement. C’est le cas par exemple en ce qui concerne l’élevage de poulets [33]. Depuis 1999, les importations de poulets congelés en provenance d’Europe augmentent de près de 20 % chaque année, inondant le marché africain et mettant en péril les aviculteurs locaux. La pénétration de ces poulets congelés est largement facilitée par la réduction drastique des droits de douane qui protégeaient auparavant les économies africaines. Par exemple, l’Accord sur l’agriculture signé en 1995 dans le cadre de l’OMC vise à supprimer progressivement toute entrave au commerce. Les politiques de dérégulation agricole imposées par le FMI et la Banque mondiale sont de la même veine. C’est ainsi que l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a réduit en 2000 le taux maximum des droits de douane sur les importations de volailles de 60 % à 20 %.
Au Cameroun, la situation du secteur avicole est inquiétante. Selon des ONG camerounaises, le Service d’appui au développement rural (SAILD) et l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (ACDIC), l’importation de poulets congelés est passée de 978 tonnes en 1996 à 22 154 tonnes en 2003. Il s’agit surtout des parties sombres (ailes, croupions, pattes) : les parties blanches sont consommées en Europe, les découpes et les résidus de la consommation européenne étant réservés aux aliments pour animaux ou à l’exportation vers les pays pauvres. Déchets de la surconsommation occidentale, ils peuvent donc être vendus à un prix largement plus bas au Sud. En Europe, ce poulet élevé industriellement est acheté aux éleveurs au prix de 1,48 euro le kilo. Les restes sont congelés et expédiés en Afrique de l’Ouest où ils sont vendus environ 0,50 euro le kilo, soit le tiers du prix d’achat au producteur européen. Pendant ce temps, le poulet africain est vendu sur place entre 1,80 et 2,40 euros le kilo. Le très faible pouvoir d’achat des populations locales est décisif : le choix est vite fait et de nombreux éleveurs africains ne peuvent pas continuer leur activité. Ainsi, selon Bernard Njonga, directeur du SAILD, entre 1996 et 2003, « la filière avicole camerounaise s’est écroulée de 22 500 à 13 500 tonnes. [...] Cela se traduit par 110 000 emplois ruraux perdus, c’est le niveau de vie de plus d’un million d’habitants qui se retrouve affecté. Les paysans qui font du maïs ou du soja pour nourrir les poulets, les petits boulots de plumage. L’engrais de fiente de poulet ne se vend plus. Et l’exode rural s’emballe [34]. » De surcroît, la qualité des poulets consommés est déplorable : une étude de l’Institut Pasteur de Yaoundé au Cameroun, datée de janvier 2004, révèle que 83,5 % des morceaux de poulet que l’Institut a prélevés sur des marchés étaient impropres à la consommation humaine, à cause de ruptures dans la chaîne du froid. Ce sont donc les populations les plus vulnérables de la planète qui subissent à la fois une concurrence injuste, un effondrement de la production locale (avec appauvrissement et exode rural comme corollaires) et les conséquences sanitaires de la consommation de viande de mauvaise qualité.
Dans ces conditions, il est urgent de réaffirmer avec force le droit au protectionnisme des secteurs clés de l’économie et le principe essentiel de la souveraineté alimentaire. Le mouvement paysan international Via Campesina [35], qui en a fait un des thèmes centraux de son action, le définit comme « le droit des populations, de leurs pays ou Unions à définir leur politique agricole et alimentaire, sans dumping vis à vis des pays tiers ». Ce droit inclut notamment le choix d’une agriculture paysanne respectueuse de l’environnement, destinée à satisfaire les besoins alimentaires des populations locales avant de chercher à exporter massivement sa production, et permettant aux paysans de vivre dignement de leur travail. A cette fin, les pays doivent pouvoir soutenir leur agriculture et se protéger des importations agricoles à trop bas prix. Mais tant qu’elles sont en place, la logique de l’ajustement structurel et les règles de l’OMC sont des obstacles majeurs à la réalisation de cette souveraineté alimentaire.
Elle vise à ouvrir totalement les économies africaines aux investissements, aux produits et services des multinationales des pays les plus industrialisés afin de répondre aux desiderata de leurs dirigeants : produire ce qu’ils veulent, où ils veulent, dans les conditions définies par eux, aux salaires fixés par eux. Cela passe par des refontes, dans un sens libéral, du code du travail, du code minier, du code forestier, du code des investissements, etc. Par exemple, la Mauritanie a cherché à se rendre attractive par un nouveau code minier et un régime fiscal très favorable aux investisseurs, provoquant ainsi la réouverture d’une concession minière à Guelb Moghrein recelant cuivre et or, rachetée par la multinationale canadienne First Quantum. Comme le dit très justement Victor Nzuzi, paysan congolais, « auparavant, ils pillaient n’importe comment, maintenant ils pourront piller de façon ordonnée »...
La libéralisation a aussi pour but de supprimer tout obstacle au rapatriement de profits par les multinationales du Nord implantées en Afrique. A titre de comparaison, en 2003, ces rapatriements de profits par les filiales de multinationales installées en Afrique subsaharienne vers leur maison mère se sont élevés à 7,5 milliards de dollars, soit presque autant que l’ensemble des investissements étrangers sur le continent (8,5 milliards de dollars) [36]. Elles reprennent d’une main ce qu’elles donnent de l’autre, en somme...
Enfin, la levée de tout contrôle sur les mouvements de capitaux permet aux riches Africains de délocaliser « leurs » capitaux vers les pays du Nord au lieu de les investir dans l’économie locale. Ils préfèrent les placer dans les banques occidentales, investir en Bourse, acheter des hôtels particuliers à Paris, des résidences sur la Côte d’Azur, ou des lofts à New York pour leurs enfants étudiants qui deviendront peut-être ministre des Finances ou cadre au FMI... La libéralisation des opérations en compte de capital provoque donc une hémorragie de capitaux.
Là aussi, l’échec est patent. Joseph Stiglitz le dit clairement en mars 2004 : « Même le FMI reconnaît aujourd’hui que l’ouverture des flux de capitaux n’a apporté ni croissance ni stabilité à de nombreux pays en développement [37]. » Pour notre part, nous le disons depuis bien longtemps...
La suppression des barrières douanières fait baisser les recettes fiscales de l’État en question, qui adopte alors une fiscalité élargie pénalisant avant tout les populations pauvres : abandon de la progressivité de l’impôt, baisse de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (comme au Rwanda où il est passé de 50 % à 35 %) et système de TVA généralisée (comme au Ghana où son introduction au printemps 1995 a entraîné une hausse des prix de 60 % environ et des émeutes anti-FMI).
Un des derniers exemples en date concerne le Niger. En avril 2004, le Niger a signé des accords importants avec le FMI, la Banque mondiale et le Club de Paris [38]. Ce pays, loué pour sa démocratie naissante, a reconduit Mamadou Tandja à la présidence à la fin 2004. Mais dès les jours suivants, des mesures très impopulaires sont prises : la TVA passe de 17 % à 19 % [39], et plusieurs produits de base qui en étaient exonérés y sont désormais assujettis (lait, thé, sucre, farine, café, huiles alimentaires). Sur le marché local, le prix du kilo de sucre augmente soudain de 50 %, celui du sac de riz de 50 kg, de la baguette de pain et du mètre-cube d’eau de 20 %. Le 15 mars 2005, la capitale Niamey a connu l’une des manifestations les plus importantes de son histoire, avec plus de 60 000 personnes défilant dans les rues contre l’augmentation des prix de ces produits de base. Les jours suivants, la mobilisation est restée très forte ; les 22 et 30 mars, une opération « ville morte » a été massivement suivie, notamment à Niamey et Zinder. Face à ce mouvement social historique qui associe toutes les couches de la population, le gouvernement nigérien a trouvé comme seule réponse d’arrêter les responsables des mouvements sociaux, inculpés sans preuves de « complot contre la sûreté de l’État et provocation d’attroupements non armés ». Au travers du pays, une centaine de personnes ont été interpellées. Les cinq militants les plus en vue (Nouhou Arzika, président de la coalition Equité contre la vie chère ; Kassoum Issa, secrétaire général du Syndicats des enseignants - SNEN ; Morou Amadou, président de Croisade, association de défense des droits de l’homme ; Moustapha Kadi, président de SOS Kandadji, association de défense des consommateurs ; Moussa Tchangari, responsable du groupe de presse Alternative Espace citoyen) ont été emprisonnés avant qu’une mobilisation internationale permette d’obtenir leur libération le 7 avril 2005. Cette mobilisation a payé puisque le gouvernement a dû revoir sa copie le 19 avril : le lait et la farine resteront exonérés, seul le sucre sera soumis à cette TVA à 19 % ; la quantité d’eau non taxée passe de 15 à 50 mètres-cubes, celle d’électricité de 50 à 150 kWh. Pour obtenir malgré tout une augmentation de ses recettes de l’ordre de 10,7 millions d’euros, imposée par un accord signé en décembre 2004 avec le FMI en contrepartie d’un prêt de 99 millions d’euros, le gouvernement a décidé d’augmenter le taux d’imposition sur les opérateurs économiques et la taxe foncière [40]. La mobilisation des mouvements sociaux nigériens se révèle donc efficace et devrait donner des idées à bien d’autres...
Pour comprendre toute la perversité de ce type de taxe, prenons le cas d’une TVA à 18 % comme en Afrique de l’Ouest francophone (Sénégal, Mali, Burkina Faso, Bénin, Togo). Elle s’applique de la même manière à tout acheteur, riche ou pauvre. Si quelqu’un consacre la totalité de ses revenus à acheter des produits de base pour survivre, il paie, avec une TVA à 18 %, un impôt équivalant à 18 % de la totalité de ses revenus. Si au contraire quelqu’un gagne largement sa vie et ne consacre que 10 % de ses revenus à de tels achats, l’impôt prélevé via la TVA représente 1,8 % de ses revenus, le reste de ses revenus pouvant être placé et non taxé ! Les paradis fiscaux le savent bien, les détenteurs de capitaux détestent payer des impôts... Selon le PNUD : « Dans de nombreux pays, la grave insuffisance des recettes tient au fait que les riches échappent purement et simplement aux impôts directs [41]. » Silvio Berlusconi, Premier ministre italien et plus grosse fortune de son pays, n’a-t-il pas déclaré : « Oui, payer 50% d’impôt justifie l’évasion [42] » fiscale ?
La privatisation à marche forcée des entreprises publiques consiste souvent en une vente à prix bradés, dont profitent les multinationales du Nord et quelques proches du pouvoir. Les sommes récoltées par la privatisation vont directement au remboursement de la dette. Pour le FMI, l’État doit se limiter à son pouvoir régalien (défense, police, justice) et laisser les secteurs concurrentiels (eau, télécommunications, énergie, transports, santé, éducation, etc.) aux mains des entreprises privées. Mais par exemple, une fois l’entreprise de gestion de l’eau privatisée, le nombre des personnes pouvant profiter d’un accès à l’eau potable décroît sévèrement. D’une manière générale, les populations voient se réduire les services auxquels elles ont accès.
Point crucial, l’État perd le contrôle d’éléments stratégiques pour le développement et pour le bien-être des populations locales. Des services d’intérêt essentiel sont confiés au privé, d’où par exemple, la floraison d’institutions scolaires privées, souvent de qualité très médiocre, car les temps de formation et les salaires des enseignants sont réduits à la portion congrue, les chefs d’établissement ne sont pas du métier, ces établissements ne sont pas tous soumis aux inspections par l’État, etc.
Aujourd’hui les privatisations sont à un stade avancé en Afrique. Comme le note le journaliste Thierry Perret : « Après quelques initiatives assez isolées, la première grande phase de privatisations a été engagée au début des années quatre-vingt-dix, période où se diffusent les politiques d’ajustement structurel menées sous la pression des institutions de Bretton Woods. Cette première phase concernait plutôt les petites et moyennes entreprises intervenant dans un secteur concurrentiel, avant de s’étendre à des entreprises publiques plus importantes. On parle aujourd’hui d’une « seconde génération des privatisations », laquelle touche désormais les grandes entreprises dites de « réseau » jugées d’intérêt social ou stratégique (eau, électricité, télécommunications, transports, mais aussi mines, textiles, etc.) [43]. »
Selon Jeune Afrique-L’Intelligent du 9 mars 2003 qui relate le rapport Perspectives économiques en Afrique 2002/2003 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Banque africaine de développement : « Deux mille sept cents entreprises publiques ont bien été cédées et, sur cinquante-trois pays africains, seuls neuf n’ont pas privatisé, soit pour des raisons politiques, comme au Liberia ou en Libye, soit parce qu’ils disposent d’entreprises publiques globalement saines, comme au Botswana, en Namibie ou à Maurice. Mais avec des résultats mitigés : les privatisations menées n’ont, à ce jour, rapporté que 8 milliards de dollars, soit à peine 1,5 % du PIB africain. » Le journal Le Monde, qui commente le même rapport, relève que : « L’emploi semble avoir été la première victime des transferts au secteur privé... Une étude menée par la Banque mondiale auprès de 54 entreprises privatisées au Bénin, au Burkina Faso, au Ghana, au Togo et en Zambie montre que l’emploi y a reculé de 15% en moyenne [44] ». En effet, un bilan tiré au début 2003 sur les privatisations en Zambie a montré qu’en dix ans, 257 entreprises publiques ont été privatisées (y compris le prestigieux secteur du cuivre), pour un montant global de 400 millions de dollars. Suite à cela, 105 000 personnes ont été licenciées. Le président Levy Mwanawasa a eu des mots très durs à l’encontre de ce processus de privatisation imposé par le FMI, qui pousse 86 % de la population à devoir survivre avec moins de 1 dollar par jour... Ce n’est pas surprenant : Juan Somovia, directeur général du Bureau international du travail (BIT), incrimine « les effets pervers des plans d’ajustement structurel prônés par les institutions financières internationales » et fustige les multinationales, « entreprises de pays développés qui viennent avec des machines et des techniciens et qui repartent une fois le travail fait. Très peu restent dans le pays ». Le BIT a fait des expériences sur le terrain montrant qu’en général, on peut créer « trois fois plus d’emplois avec de la main d’œuvre locale tout en respectant les mêmes spécifications techniques, les mêmes délais et les mêmes coûts, voire des coûts inférieurs [45] ».
Le bilan dressé par la publication Afrique Relance de l’ONU, en avril 2000, est pour le moins mitigé : « De nombreuses grèves ont été organisées pour protester contre les projets de vente d’entreprises publiques car les syndicats craignent les pertes d’emplois et la réduction des avantages sociaux. Les étudiants militants, les universitaires et bien d’autres ont condamné la privatisation sur le plan pratique aussi bien que théorique. Certains groupes d’entrepreneurs locaux ont critiqué le rôle prépondérant des entreprises étrangères dans le processus de privatisation. Même des responsables de haut niveau comme le ministre de l’Intérieur du Gabon, M. Louis Gaston Mayila, ont dénoncé la privatisation comme une forme de « retour à la colonisation économique ». Dans certains pays, l’opposition à la privatisation serait l’un des facteurs qui auraient contribué au changement de gouvernement, que ce soit par les élections ou par les armes. [...] En Afrique, ce sont les créanciers, et notamment le FMI et la Banque mondiale, qui ont été les principaux instigateurs de la première vague de privatisation, entreprise dans le cadre des programmes d’ajustement structurel. En 1998, [...] trois quarts des prêts et crédits de la Banque mondiale n’étaient accordés qu’à la condition de privatiser des entreprises d’État. De telles conditions ont provoqué le ressentiment des pouvoirs publics africains et renforcé dans l’opinion publique l’idée selon laquelle les privatisations étaient surtout le fait des créanciers. Puisque les dossiers de privatisation les plus conséquents et les plus en vue consistaient à vendre à des entreprises étrangères (souvent britanniques, françaises, portugaises ou belges), ces pressions extérieures ont également suscité des accusations, les privatisations étant considérées comme un « retour à la colonisation » [46]. »
Un rapport de la Banque mondiale de 1998, cité par Afrique relance, pointe des erreurs graves : « Soucieux d’agir rapidement et d’obtenir des résultats, les bailleurs de fonds ont poussé les pouvoirs publics africains à privatiser sans comprendre les contraintes existantes ni mesurer les ressources et le temps qu’il faudrait pour les surmonter. » Du travail bâclé, en somme.
Quelques dossiers de privatisations emblématiques pour l’Afrique méritent d’être décrits dans le détail.
La multinationale française Veolia, héritière de la Générale des Eaux et de Vivendi Environnement, a acquis 51 % de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) avec un contrat de concession signé en 1997 pour 20 ans, et 55 % de la Société d’exploitation des eaux du Niger (SEEN) depuis 2001 avec un contrat de 10 ans. De plus, Veolia a signé un contrat d’assistance technique au Burkina Faso depuis 2001 pour 5 ans, et détient les concessions des services de l’eau et de l’électricité à Tanger, Tétouan et Rabat au Maroc. En novembre 2004, Vivendi a acquis auprès de l’État marocain 16 % de Maroc Telecom, entreprise particulièrement rentable, portant ainsi sa participation de 35 % à 51 %. Les journaux économiques se réjouissent de ces nouvelles, mais ils sont moins pressés de relayer certaines coulisses. Par exemple, après d’innombrables coupures de courant aux Comores, en 1996-1997, une concession de service public a été délivrée à Vivendi, mais la situation a encore empiré et l’État a préféré en reprendre la gestion directe [47].
L’arachide et l’électricité au Sénégal
Au Sénégal, l’arachide est une production centrale pour l’économie. Jusqu’en 2001, c’est la SONACOS (Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal) qui était chargée de gérer l’ensemble de cette filière [48]. Elle était omniprésente dans l’ensemble du processus, de la vente des semences et engrais aux paysans à l’achat des récoltes et la transformation en huile par exemple. Par son intermédiaire, l’État sénégalais était un acteur central dans la filière arachidière. Mais en juillet 2001, une mission du FMI au Sénégal exige que l’État cesse de subventionner la commercialisation des arachides et laisse leur cours se rapprocher de ceux pratiqués sur les marchés internationaux. Le mois suivant, la SONACOS réduit le prix payé aux paysans de 145 à 120 FCFA/kg et diminue les quantités achetées, provoquant leur indignation. La SONAGRAINES, qui s’occupait en tant que structure étatique de la vente et de la commercialisation des graines, est dissoute le 31 décembre 2001 et remplacée par des opérateurs privés nationaux, à travers le système dit du « carreau-usine » : à partir de 2002, les producteurs doivent vendre leurs récoltes à l’un des points de vente considérés comme les seuls marchés légaux, où ces opérateurs privés nationaux les achètent, servant de nouveaux intermédiaires entre les petits paysans et la SONACOS qui n’est plus qu’un agent de transformation industrielle de l’arachide en huile de table. Mais le départ d’un acteur important - la SONAGRAINES - a lieu alors que les nouveaux acteurs ne sont pas encore en place. L’État accorde alors des prêts aux opérateurs privés pour qu’ils financent le démarrage de la campagne et les paysans reçoivent des bons de caisse en échange de leur production. Certains opérateurs privés peu scrupuleux disparaissent avec l’argent des récoltes, laissant les paysans avec des bons impayés pour une somme équivalant à 1,5 million d’euros. Les paysans qui manquent de ressources sont alors contraints de brader leur production, tirant les prix vers le bas, souvent entre 60 et 85 FCFA/kg.
De plus en plus, les pays africains sont soumis à la théorie du « faire faire ». Sous la pression du FMI et de la Banque mondiale, l’État ne fait plus, il fait faire. Et le privé engrange les bénéfices, au détriment des gens modestes et de l’intérêt commun. Le responsable d’une association de paysans sénégalais, Mamadou Cissokho, a déclaré en 2002 : « La privatisation tue le paysan. » La situation est devenue si dramatique qu’en avril 2003, la Banque mondiale a autorisé le gouvernement sénégalais à éponger la totalité des dettes des paysans contractées lors des campagnes agricoles, soit l’équivalent de 8,4 millions d’euros. L’État n’a donc que le droit d’éponger les escroqueries des privés pour éviter l’explosion sociale... jamais d’engranger les bénéfices, qu’il doit laisser au privé ! De plus, d’autres mesures ont été décidées : distribution de vivres pour la soudure, d’aliment pour le bétail et de semences pour la prochaine campagne agricole. Dur constat d’échec pour l’idéologie prônée à Washington. Quelle conclusion la Banque mondiale a-t-elle tiré de tout cela ? En 2003, elle a exigé du gouvernement sénégalais la privatisation de la SONACOS... privatisation qui s’est rapidement enlisée et a dû attendre décembre 2004 pour trouver un semblant d’épilogue avec la cession par l’État de 67 % de ses actions à un consortium nommé Advens, regroupant un grand négociant franco-sénégalais (Abbas Jaber), le premier constructeur mondial de raffinerie d’huile de table (la société belge De Smet) et la Sodefitex, entreprise cotonnière sénégalaise rachetée récemment par la société française Dagris dont nous allons très vite reparler... Mais le choix d’Advens ne semble pas s’être fait dans la plus parfaite transparence et un concurrent a contesté la procédure. Cette histoire ne semble pas finie, dix ans après le lancement de la privatisation de la SONACOS...
Toujours au Sénégal, la société d’électricité, la SENELEC, fut mise en concession par le gouvernement d’Abdou Diouf en mars 1999 au profit de Hydro-Québec et Elyo (groupe Suez), puis re-nationalisée par le pouvoir d’Abdoulaye Wade en septembre 2000 pour non-respect des termes du contrat. Alors que Vivendi Environnement associé à l’Office national d’électricité du Maroc d’une part, la multinationale états-unienne AES d’autre part, se déclaraient intéressés, le gouvernement sénégalais ne les considérait pas comme des repreneurs sérieux à cause du faible prix qu’ils proposaient. Et il se refusait à une nouvelle augmentation des prix de l’électricité après celle de 10 % en février 2002. Mais que fera le futur repreneur, appelé de ses vœux par le FMI ?
Le coton malien
En Afrique sahélienne, la filière coton est elle aussi très mal en point. Alors que les partisans d’une libéralisation effrénée ne cessent de dénoncer la gabegie d’une gestion publique, on se rend compte que les exemples se multiplient pour démontrer que la gestion privée de la filière coton est réellement désastreuse.
Au Mali, depuis plusieurs décennies, le secteur du coton dans son ensemble était contrôlé par la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT), détenue à 60 % par l’État malien et à 40 % par la société française Dagris. Véritable colonne vertébrale de l’économie malienne, la CMDT, à travers les bénéfices et les taxes, fournissait à l’État malien la plus grande part des devises récupérées chaque année. Son rôle a toujours dépassé largement la production de coton, réalisant des missions de service public comme l’entretien des pistes rurales ou l’alphabétisation, apportant un soutien important aux organisations villageoises comme pour l’achat de matériel agricole ou la construction d’infrastructures vitales. Le journaliste Gilles Labarthe affirme : « Malgré sa lourdeur administrative et ses défauts certains, la CMDT est aussi l’histoire d’une réussite d’intégration sociale [49]. »
Jusqu’en 1999, la production n’a cessé d’augmenter : 200 000 tonnes en 1988, 450 000 pour 1997, 520 000 pour 1998, 522 000 pour 1999. Cependant, une gestion très discutable de la CMDT et des cours très bas ont provoqué une révolte des paysans et leur refus de récolter en 1999/2000. La production a alors chuté de près de moitié cette saison-là. En avril 2001, se sont alors tenus les États généraux de la filière cotonnière, qui ont décidé un plan draconien de réforme, avec réduction de la masse salariale de 23 %, annulation totale ou partielle de la dette des paysans, réduction des effectifs (entre 500 et 800 personnes concernées sur 2 400), non application de la hausse prévue des salaires de 7 %, prix garanti d’achat du coton aux producteurs augmenté de 170 FCFA/kg à 200 FCFA/kg, ouverture du capital, recentrage des activités et désengagement progressif de l’État malien de la CMDT. La Banque mondiale préconise la privatisation pure et simple, s’appuyant sur un rapport d’audit critique de la société Ernst & Young. Cette idée de privatisation inquiète fortement les villageois concernés, et à raison, comme le confirme Gilles Labarthe : « la dernière proposition de mise en vente des usines nationales d’égrenage de Bamako, Kita et Ouélessebougou s’est soldée par un fiasco total. Le gouvernement misait en septembre 2002 sur une rentrée de 15 milliards de francs CFA. Mais les principaux acheteurs étrangers (le groupe suisse Paul Reinhart, associé avec IPS, la société française Louis Dreyfus Cotton International et le géant américain du coton Dunavant SA) se sont entendus pour se désister les uns après les autres, faisant tomber la valeur à 6 milliards. Un bradage du patrimoine malien effectué dans les règles de l’art. » Déjà les premières restructurations, notamment pour le transport et la gestion des engrais et pesticides, ont fait apparaître de graves dysfonctionnements, qui ont pénalisé durement les producteurs maliens et menacé les récoltes en 2003 et 2004.
Alors pourquoi privatiser ? Surtout que les exemples voisins laissent songeur ! Au Bénin, le bilan de la libéralisation est résumé ainsi par l’hebdomadaire Jeune Afrique-L’Intelligent, pourtant peu suspect d’altermondialisme radical : « Douze ans après le début de la libéralisation des activités, la filière est en pleine déliquescence et accumule les problèmes. [...] Ce constat implacable traduit l’échec d’un mode d’autogestion privée de la filière, instaurée sous l’impulsion de la Banque mondiale [50]. » En Côte d’Ivoire, la privatisation de la Compagnie ivoirienne de développement des textiles s’est révélée être un échec. Pourtant, en mai 2004, le nouveau Premier ministre malien, Ousmane Issoufi Maïga, s’est déclaré pour la privatisation de la CMDT. Afin d’accélérer encore le processus, désapprouvant le fait que la CMDT ait garanti un prix de 210 FCFA/kg qu’elle jugeait trop élevé, la Banque mondiale a fait pression en bloquant le versement d’une aide de 25 millions de dollars. Pas de doute, elle sait y faire...
En février 2005, six cadres de la CMDT ont été emprisonnés à Bamako pour avoir acheté, de manière illicite, du coton graine à bas prix à des producteurs ivoiriens pour le revendre au prix officiel à la CMDT [51]. Un minimum de 3 000 tonnes serait concerné. Cela aurait coûté au moins 500 millions de francs CFA à la CMDT dont les comptes sont déjà largement déficitaires et qui peinait à écouler la production du pays dont une partie a été perdue. Le principal inculpé est Mahamar Oumar Maïga, PDG de la CMDT jusqu’en mai 2004 et ex-ministre de l’Economie et des Finances sous la présidence d’Alpha Oumar Konaré. La gabegie se poursuit sur le dos d’un bel outil pour les producteurs locaux, donnant des armes précieuses aux chantres de la privatisation.
Les jours de la CMDT publique semblent donc comptés, ce qui est regrettable car le succès de la filière malienne reposait sur l’intéressement des paysans et l’implication de l’État. La Banque mondiale va achever le sabotage de la filière cotonnière malienne, et le privé s’en régale d’avance. Gilles Labarthe conclut : « Comme d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, le Mali assiste impuissant au démantèlement complet de sa filière coton. Une privatisation géante dictée par les bailleurs de fonds internationaux qui suscite beaucoup d’inquiétudes chez les producteurs. »
Rancune tenace chez Nestlé
Privatisation bénie, nationalisation abhorrée... Comble du cynisme, en Ethiopie [52], la société Elidco (Ethiopian Livestock Development Company) a été nationalisée en 1975 par le pouvoir de Mengistu au détriment de la société Schweisfurth, rachetée par la multinationale suisse Nestlé en 1986. A la fin 2002, Nestlé a demandé 6 millions de dollars en dédommagement à l’Ethiopie, pour une nationalisation datant de 1975 et portant à l’époque sur une société qui n’appartenait pas à Nestlé ! Le pire est que l’Ethiopie ne s’y est pas opposée mais a proposé seulement 1,5 million de dollars... Suite à une campagne de l’ONG Oxfam, Nestlé a accepté de s’en contenter. Signalons que cette année-là, l’Ethiopie a fait face à des risques de famine importante sur son territoire tandis que le chiffre d’affaires de Nestlé était de 6,5 milliards de dollars...
La liste des privatisations possibles est encore longue. Des pays sortant à peine d’une guerre civile vont la rejoindre prochainement car la pression des institutions de Bretton Woods ne se relâche pas. La Libye l’a rejointe en 2004 pour des raisons géostratégiques, prévoyant 360 privatisations d’entreprises publiques d’ici fin 2005. La machine à privatiser et à broyer les peuples ne semble pas vouloir s’arrêter seule...
Au total, les programmes d’ajustement structurel défendent les intérêts des institutions financières et des multinationales du Nord. Mais ils sont synonymes de pauvreté et de dénuement pour les populations qui en supportent les conséquences. En effet, selon la Banque mondiale, le nombre de personnes vivant dans une pauvreté extrême au Sud du Sahara a doublé depuis 1981, passant de 164 millions à 314 millions en 2003 [53].
Les dirigeants africains sont complices de cette situation, ce qui ne les empêche pas de l’analyser lucidement. Ainsi, Alpha Oumar Konaré, président de la Commission de l’Union africaine (UA) et ancien président du Mali entre 1992 et 2002, a affirmé le 8 septembre 2004, lors du Sommet extraordinaire de l’UA consacré à la lutte contre la pauvreté à Ouagadougou, que les PAS sont à l’origine de « la persistance et de l’accentuation de la pauvreté » en Afrique, et qu’il faut donc « tirer les leçons des années perdues de ces politiques de non-recrutement dans la fonction publique et de privatisation qui accentuent le chômage et fragilisent le capital humain ». Il a aussi mis en garde les États africains pour qu’ils « ne délèguent pas leurs responsabilités politiques aux institutions financières » internationales.
Le constat est limpide. Comme l’écrit Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture du Mali, sous Konaré justement : « L’ajustement structurel est au corps social ce que le virus du sida est au corps humain : il le fragilise par des réformes économiques inopportunes, à tel point que les défaillances qu’il aurait dû être en mesure de gérer prennent des dimensions dramatiques, d’autant plus que les solutions prônées sont externes [54]. »
[1] Libération, 23 décembre 2000. Voir un bilan fort intéressant sur le site www.denistouret.net/constit/Falcone.html
[2] Jeune Afrique/L’Intelligent, 14 novembre 2004.
[3] Le Figaro, 8 avril 2004.
[5] Cité par Verschave François-Xavier, Noir Chirac, Les Arènes, 2002.
[6] Verschave François-Xavier, La Françafrique. Le plus long scandale de la République, Stock, 1998.
[7] Verlet Martin, « Fin de l’exception ghanéenne », Le Monde diplomatique, novembre 1996.
[8] Robert Anne-Cécile, L’Afrique au secours de l’Occident, L’Atelier, 2004.
[9] Discours en 1983 à Paris, lors de la Conférence internationale sur l’arbre et la forêt. Voir rastafusion.free.fr/ts.htm
[10] Voir en annexe son discours d’Addis-Abeba en 1987.
[11] Les citations de cet encadré sont extraites du Recueil de données mondiales sur l’éducation 2004, du Rapport régional sur l’Afrique subsaharienne, publié par l’Institut de statistique de l’Unesco en 2001, et du Rapport régional sur les États arabes, qui date de 2002.
[12] C’est-à-dire le fait qu’un même enseignant ait la charge complète de deux classes, l’une le matin, et l’autre l’après-midi ou en soirée.
[13] Commission économique pour l’Afrique (UNECA), État de l’intégration régionale en Afrique, Nations Unies, 2004, www.uneca.org
[14] Voir www.who.int/about/fr/
[15] Jeune Afrique/L’Intelligent, 16 novembre 2003 pour les deux citations.
[16] Desgain Stéphane, « La dette contre la santé », Les Autres Voix de la Planète (revue du CADTM), 3e trimestre 2003, n° 21.
[17] PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2003, www.undp.org.
[18] OMS, Rapport sur la santé dans le monde 2005. Donnons sa chance à chaque mère et à chaque enfant, avril 2005, www.who.int/whr/2005/fr/index.html. Les citations de la suite de ce paragraphe sont extraites de ce rapport.
[19] Dépêche AFP, « A Madagascar, la santé publique est à nouveau payante », 16 septembre 2003.
[22] Voir chapitre 5.
[23] D’ailleurs candidate à la présidence du Burundi.
[24] Jeune Afrique/L’Intelligent, 31 octobre 2004.
[25] Ki-Zerbo, op. cit.
[26] Ce dernier est d’ailleurs devenu en 2004 président du Comité Afrique du patronat français (Medef) et vice-président du Groupe Bolloré, multinationale française particulièrement implantée en Afrique dans les domaines du transport et de la logistique et qui rachète depuis quelques années dans toute l’Afrique des entreprises publiques privatisées comme les ports ou les voies ferrées, tout en gérant des plantations d’hévéas et de palmiers à huile.
[27] Bertrand Agnès, Kalafatidès Laurence, OMC, le pouvoir invisible, Fayard, 2003.
[28] Les Echos, 9 janvier 2004.
[29] Obligation est faite aux deux banques centrales de la zone CFA de déposer 65 % de leurs avoirs extérieurs dans un compte d’opération ouvert auprès du Trésor français et domicilié à la Banque de France. Voir Le Monde, 20 janvier 2004.
[30] Dembélé Demba Moussa, « Mauvais comptes du franc CFA », Le Monde diplomatique, juin 2004.
[31] Commission économique pour l’Afrique (UNECA), op. cit.
[32] Les Echos, 9 avril 2003.
[33] Horman, Denis. Chicken Connection. Agrobusiness, dumping, souveraineté alimentaire. Le poulet africain étouffé par l’Europe, Gresea, octobre 2004.
[34] Libération, 6 octobre 2004. Voir aussi : Agir Ici, Exportations de poulets : l’Europe plume l’Afrique !, Campagne n°68.
[35] Voir www.viacampesina.org. La Confédération paysanne, syndicat paysan français, en est membre.
[36] Banque mondiale, Global Development Finance 2004.
[37] Les Echos, 22 mars 2004.
[38] Voir chapitre 8.
[39] Le gouvernement s’est réfugié derrière une prétendue harmonisation des taux au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, alors que la seule exigence dans ce cadre est que le taux soit entre 15 % et 20 %.
[40] Jeune Afrique/L’Intelligent, 24 avril 2005.
[41] PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2003.
[42] Cité par Libération, 19 février 2004.
[43] RFI, 5 mars 2004.
[44] Le Monde, 1er avril 2003.
[45] Dépêche AFP, 8 septembre 2004.
[46] Afrique Relance, Nations unies, avril 2000, www.un.org/french/ecosocdev/geninfo/afrec/vol14no1/privat1fr.htm
[47] Jeune Afrique/L’Intelligent, 14 novembre 2004.
[49] Labarthe Gilles, « Le coton africain, rongé sur tous les fronts », Le Courrier de Genève, 11 novembre 2003.
[50] Jeune Afrique/L’Intelligent, 1er août 2004.
[51] Le Figaro, 23 février 2005.
[52] Jeune Afrique/L’Intelligent, 12 janvier 2003.
[53] Les Echos, 27 avril 2004.
[54] Traoré Aminata, Le Viol de l’imaginaire, Fayard/Actes Sud, 2002.
professeur de mathématiques en classes préparatoires scientifiques à Orléans, porte-parole du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), auteur de L’Afrique sans dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec Frédéric Chauvreau des bandes dessinées Dette odieuse (CADTM-Syllepse, 2006) et Le système Dette (CADTM-Syllepse, 2009), co-auteur avec Eric Toussaint du livre Les tsunamis de la dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec François Mauger de La Jamaïque dans l’étau du FMI (L’esprit frappeur, 2004).