Virginie de Romanet (VDR) : J’ai lu récemment le rapport sur l’audit [1] de la dette irlandaise depuis 2008 et le sauvetage bancaire -rapport que j’ai trouvé fort technique- et j’ai été surprise de voir qu’il n’y avait rien sur l’illégitimité.
Andy Storey (AS) : C’était voulu car nous avons élaboré des termes de référence qui n’obligeaient pas les personnes chargées de faire l’audit de prendre position. Nous les avions mandatées d’un point de vue indépendant pour qu’ils produisent un rapport académique et indépendant que nous considérons pour cette raison comme une ressource importante.
VDR : Le rapport a-t-il fait l’objet d’une certaine publicité ?
AS : Deux journaux nationaux ont publié une fois un court article. Le caractère très technique du rapport a fait que ce n’est pas si surprenant que sa portée ait été si limitée. Il a par contre été diffusé très largement dans les réseaux associatifs par des sites web comme Indymedia Irlande, irishleftreview.org et également au niveau international.
VDR : Quelle est la conscience qu’ont les gens en général de la question de la dette ?
AS : Limitée car le message du gouvernement et des médias est qu’il n’y a pas d’autre solution que de payer la dette et avoir des politiques d’austérité. Il y a un état d’esprit très conservateur. Les gens sont en colère mais pas encore dans une perspective de mobilisation. Cependant, depuis début octobre il y a une occupation à Dublin dans la foulée du mouvement Occupy Wall Street alors qu’il n’y avait rien avant en lien avec le mouvement des Indignés. Les gens sont un peu au courant de ce mouvement. Cette occupation inspirée du mouvement Occupy Wall Street est encore très limitée mais pourrait prendre de l’ampleur au cours des prochaines semaines.
VDR : Quelles sont les étapes prévues après ce rapport d’audit ?
AS : Ce rapport était l’étape préparatoire. Notre intention est de le traduire en quelque chose de plus accessible pour mener campagne avec par exemple une brochure d’information, une publication et des activités.
VDR : Pourquoi n’y a-t-il pas eu de manifestation jusqu’à maintenant selon toi ?
AS : Les directions syndicales sont très conservatrices, opposées aux militants et les gens sont désillusionnés quant à la possibilité de progrès. Les ONG sont à peu près dans le même état d’esprit que les syndicats et il y a bien sûr également le rôle joué par les médias. Il faut ajouter à cela le fait que de nombreux immigrés ont quitté l’Irlande. L’occupation à Dublin pourrait être l’embryon de quelque chose de plus large.
VDR : Quelle est la position du Sinn Fein [2] ?
AS : La position du Sinn Fein est très progressiste. Ils représentent maintenant, avec la United Left Alliance, l’aile gauche du parlement qui dispose de 20 % des sièges depuis les dernières élections de février. Cette aile gauche est susceptible d’appuyer et de donner de l’écho à nos positions. On me demande maintenant de préparer des questions parlementaires, ce qui ne s’était jamais produit auparavant.
VDR : Beaucoup de personnes se sont mobilisées en 2005 pour le Non au Traité constitutionnel européen. Est-il possible de remobiliser ces personnes ?
AS : En 2005 c’était la seconde fois que les gens disaient non après une première fois au référendum sur le Traité de Nice de 2001. Les gens ont été très en colère de voir que leur voix n’était pas écoutée mais il y avait en même temps beaucoup de désillusion. Et comme en France beaucoup de gens qui ont voté non ne l’ont pas fait dans une optique progressiste.
[1] Voir le rapport complet en anglais http://www.cadtm.org/An-Audit-of-Irish-Debt et un résumé en français de ses conclusions, « Aperçu du rapport d’audit de la dette irlandaise » par Virginie de Romanet dans le numéro 52 des Autres voix de la planète et sur http://www.cadtm.org/Apercu-du-rapport-d-audit-de-la
[2] Le principal parti de la gauche radicale. Il est membre du groupe Gauche Unitaire Européenne/ Gauche Verte Nordique (GUE/NGL) au Parlement Européen.
est membre du CADTM Belgique