Des sections d’Attac et le CADTM ont introduit un recours devant le Conseil d’État contre la garantie de 54 milliards accordée par l’État belge lors du sauvetage de la banque Dexia en octobre 2011. Une décision qui aggrave les finances publiques et viole la démocratie.
Le sauvetage des banques coûte cher aux contribuables. La Cour des comptes vient de calculer le coût net : 17,6 milliards d’euros. Ce montant risque à tout moment d’être considérablement alourdi par l’ensemble des garanties offertes par l’État belge aux institutions financières. Avec ces garanties, si une banque ne peut plus rembourser ces créanciers, ceux-ci peuvent exiger le paiement à l’État.
Les montants garantis par la Belgique sont énormes. Depuis la crise financière de 2008, c’est près de 40 % du PIB (Produit intérieur brut) belge, soit 138 milliards d’euros, qui est mis en gage par l’État belge et pourrait s’envoler en cas de défaillance des banques.
En octobre 2011, la garantie des créances bancaires par l’État belge a encore été le principal instrument du plan de sauvetage de la banque Dexia. Concrètement, la Belgique a racheté Dexia Banque Belgique pour plus de 4 milliards d’euros. Parallèlement, elle a offert des garanties pouvant aller jusqu’à 54 milliards d’euros. L’objectif était de permettre à Dexia de continuer à emprunter à d’autres banques les montants dont elle avait besoin pour couvrir ces opérations quotidiennes.
Incitation à la spéculation
Ce deuxième sauvetage de la banque Dexia s’est fait en mettant totalement le Parlement hors jeu, via le mécanisme des pouvoirs spéciaux. Le gouvernement est en effet autorisé à prendre une série de mesures, dont des garanties financières de l’État, s’il existe une crise soudaine des marchés financiers ou en cas de menace grave de crise systémique.
Le but est clair : ces pouvoirs ne sont autorisés qu’en vue de limiter l’ampleur ou les effets de cette crise systémique. C’est principalement sur ce point que le CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde) et ATTAC (sections Bruxelles 2 et Liège) constatent une aberration. Selon Pierre Robert, avocat des associations, « en mettant en gage 54 milliards, soit 15 % de son PIB, le gouvernement belge ne limite par le risque de crise systémique. Il ne fait que transférer le risque pris par les banques sur les finances publiques ».
De plus, les créances garanties sont payables « à la première demande ». « Il s’agit du plus mauvais signal que le gouvernement pouvait lancer, poursuit Pierre Robert. L’État sera toujours là pour sauver les banques qui spéculent. »
Contrairement à la France qui a conditionné ces garanties en fixant une certaine franchise ou en définissant un plafond maximum d’intervention, la Belgique offre son patrimoine en garantie sans aucune réelle condition. « Les garanties octroyées ne règlent pas le problème, elles l’aggravent. Les banques restent impunies et leurs futures prises de risque sont même garanties. D’autres sauvetages bancaires sont donc à prévoir », annoncent les associations.
Pleins pouvoirs au ministre des Finances
La mesure ne met pas seulement le budget de l’État en danger mais aussi notre Constitution. Le gouvernement agit en effet seul sans réel débat public et démocratique. Pire, dans les faits, tous les pouvoirs en cette matière ont été confiés au seul ministre des Finances, qui négocie et conclut ces conventions de garantie seul et dans le plus grand secret. Il ne s’agit d’ailleurs pas de la seule illégalité commise. Les pouvoirs spéciaux ne peuvent en principe qu’être limités dans le temps. Or aucune limitation dans le temps n’est envisagée pour les garanties données aux banques. Les mesures prises par pouvoirs spéciaux doivent aussi donner lieu à une confirmation législative. Or, à nouveau, rien n’a été prévu.
Le recours du CADTM et de ATTAC vise donc l’annulation de ces pouvoirs spéciaux. Mais, plus fondamentalement, les associations veulent lancer un réel débat démocratique : n’y avait-il pas d’autres alternatives que celles d’alourdir considérablement les finances publiques en garantissant les créances des banques sans qu’aucune mesure ne soit prise pour changer leur comportement ?
Bonus indécents
Des bonus allant de 25 000 à 45 000 euros en 2011 pour les plus hauts cadres supérieurs du Holding franco-belge Dexia (cela concerne une cinquantaine de personnes en Belgique). Il n’en fallait pas moins pour créer le tollé. 2011 a été une année catastrophique pour le groupe Dexia (perte probable de 10 milliards d’euros).
Sans le soutien des États belge, français et luxembourgeois, la banque serait en faillite. Le bon sens voudrait que cela change certaines pratiques, notamment en termes de rémunération des tops managers. Il n’en est rien…
Source : http://www.banquepublique.be/archives/6042
Plus d’info sur le recours : lire Pourquoi le CADTM introduit avec ATTAC un recours en annulation de l’arrêté royal octroyant une garantie de 54 milliards d’euros (avec en sus les intérêts et accessoires) à Dexia SA et Dexia Crédit Local SA