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Série : Banques – Peuples : les dessous d’un match truqué ! (9e partie)
Banques : bulletin de santé trafiqué
par Eric Toussaint
23 juillet 2013

9e partie de la série : Banques – Peuples : les dessous d’un match truqué !, et suite de Les banques bluffent en toute légalité, publié le 19 Juin 2013, et que vous pouvez retrouver ici.

L’euphorie néolibérale et Bâle II

Les accords de Bâle II ont été conçus en pleine euphorie néolibérale quand les banquiers capitalistes ont réussi à obtenir la suppression des quelques règles de prudence qui subsistaient encore et qui dataient de l’après grande crise des années 1930.

Bâle II, c’est la période où Alan Greenspan, président de la Fed, la banque centrale des États-Unis [1], pérorait sur la capacité des marchés financiers à s’autoréguler et prônait la suppression de toutes les contraintes qui bridaient encore, selon lui, la « créativité » des banquiers.

Les accords de Bâle II sont entrés en application en 2004-2005, juste avant l’éclatement de la crise qui a commencé en 2007, et sont toujours d’application en 2013-2014. La mise en œuvre des accords de Bâle III, élaborés sous la pression de la crise en 2010, révisés en 2011 [2], fait toujours l’objet d’interprétations et de négociations. Les accords de Bâle III ne devraient être pleinement d’application qu’en 2018-2019. C’est pourquoi il est très important de commencer par prendre le temps de connaître les accords de Bâle II alors que la plupart des commentateurs dirigent leur attention et celle de leurs lecteurs/trices vers Bâle III comme s’ils étaient déjà d’application. Les autorités de contrôle, les gouvernements en cheville avec les grandes banques privées, la grande presse veulent faire croire au public que des contraintes sérieuses ont été imposées au monde de la finance. C’est faux. On verra que ce qui est prévu par Bâle III ne modifie pas réellement les règles laxistes qui ont permis aux banques de faire ce qu’elles voulaient. En effet, Bâle III permettra aux banques de continuer à maquiller leurs comptes et leur bulletin de santé par le système de la pondération des actifs qu’elles détiennent en fonction des risques. Elles pourront aussi continuer à faire du hors bilan en toute légalité. Cela les encourage à prendre des risques. Rien que ces deux éléments rendent totalement inefficace toute la panoplie de petites mesures annoncées à grand renfort de publicité et d’effets d’annonce. Pour faire croire à la dureté de Bâle III, les banques protestent un petit peu et essayent de convaincre les autorités d’adoucir Bâle III ou de reporter les échéances. C’est un vrai jeu de dupes. Les gouvernants et les autorités de tutelle montrent à quel point ils sont complices et solidaires des grandes banques privées.

Avant d’analyser Bâle III, commençons donc par les accords de Bâle II qui sont en vigueur aujourd’hui.

Bâle II : permis de tuer

Bâle II a poussé plus loin la déréglementation qui avait été couverte par Bâle I (voir l’article précédent [3]). Deux points importants sont à souligner dans Bâle II :
1. le montant de capital dur requis a été abaissé ;
2. les banques ont été autorisées à adopter leur propre mode de calcul des actifs à prendre en compte pour atteindre le ratio fonds propres/actifs exigés.

Bâle II et la réduction du capital dur requis

Le montant de capital dur requis a été abaissé à la demande des banques : il ne représente plus que 2% du volume des actifs pondérés ! Vous avez bien lu : il s’agit de 2% du montant des actifs pondérés en fonction du risque. Au-delà de ces 2% de capital dur (c’est-à-dire le capital apporté par les actionnaires et les profits non distribués), afin d’atteindre 8%, Bâle II permet aux banques d’inclure dans leur calcul de fonds propres divers éléments (par exemple, des titres de dette subordonnée) qui n’ont qu’un rapport fort éloigné avec du capital stricto sensu. Les autorités nationales ont la charge de définir ce qui peut être pris en compte par les banques au-delà de ces 2% de capital dur pour atteindre 8%. En d’autres termes : la référence aux 8% de Bâle I a été gardée, mais son mode de calcul a complètement changé :
- au numérateur (fonds propres), on a élargi les catégories de dettes que la banque pouvait inclure dans le calcul, bien au-delà des capitaux durs ;
- au dénominateur, on a introduit la possibilité pour les banques de définir elles-mêmes leur modèle de calcul des actifs pondérés par les risques.

Dans l’exemple théorique de la Banxia (voir partie 8), on a montré que la banque pouvait déjà jouer sur le dénominateur (les actifs). Désormais, Bâle II permet aussi de jouer sur le numérateur (les fonds propres et ce que la banque peut y ajouter pour atteindre 8%).

Dans le jargon des accords de Bâle, on parle de Tier 1 (niveau 1) et de Tier 2 (niveau 2) [4]. Bâle II considère que le Tier 1 (qui représente 4% des actifs calculés en fonction du risque) est composé de deux parties : une de 2% (le capital dur), une autre de 2% où les banques peuvent prendre en compte différents éléments qui ne constituent pas le capital de l’entreprise au sens propre. Les banques françaises ou belges (avec l’accord de leurs régulateurs nationaux) y ont mis par exemple des titres hybrides (mi-capital, mi-emprunt obligataire). Le Tier 2 contient des éléments encore plus éloignés du capital au sens strict. C’est ainsi que les banques japonaises dans les années 1990 avaient obtenu de leurs autorités nationales de pouvoir faire entrer dans le Tier 2 leurs plus-values boursières latentes. Quelques années plus tard, au moment de l’éclatement de la bulle immobilière japonaise, elles sont passées du jour au lendemain en-dessous des ratios réglementaires. Mais cela n’a pas amené le Comité de Bâle à adopter une définition plus stricte de ce qui pouvait rentrer dans le Tier 2, ou même dans le Tier 1. Il a fallu attendre 2010 pour entendre le Comité de Bâle annoncer un durcissement qui entrera pleinement en vigueur en 2018 ou 2019, et encore !

Pour se faire une petite idée de ce qu’une banque peut prendre en compte pour atteindre les 8% que représentent le Tier 1 et le Tier 2, voici ce qu’on peut trouver dans le rapport annuel 2008 de la banque Dexia :
« Les fonds propres éligibles selon la BRI se décomposent en :
Fonds propres de base (Tier 1 capital) qui comprennent le capital social, les primes, le report à nouveau incluant les profits de l’exercice, les titres hybrides, les écarts de conversion et les intérêts minoritaires diminués des immobilisations incorporelles, des dividendes courus, des actions propres et du goodwill ;
Fonds propres complémentaires (Tier 2 capital) qui incluent la part éligible des dettes subordonnées à long terme, diminuée des dettes subordonnées et des actions d’institutions financières.
Les fonds propres de base doivent atteindre 4% et les fonds propres éligibles totaux doivent représenter au moins 8 % du total des actifs pondérés. » [5]

Dans le rapport 2012 de Dexia, on trouve la même énumération [6].

Bâle II : les banques peuvent déterminer elles-mêmes la valeur des actifs à prendre en compte

Bâle II fait une confiance totale aux banquiers : chaque banque peut décider d’adopter son modèle d’appréciation des risques. C’est ce que font toutes les grandes banques à quelques exceptions près.

Plus précisément, Bâle II propose aux banques de choisir entre deux options : soit elles reprennent la méthode de calcul des actifs pondérés par le risque proposée par le Comité de Bâle II, soit elles définissent pour leur propre compte une méthode de calcul des actifs en fonction des risques qu’ils représentent. Pour adopter ce système, elles doivent obtenir l’autorisation des autorités de contrôle, ce qui est facile pour une grande banque munie d’importants moyens.

L’approche standardisée fait appel à des critères préétablis par le Comité de Bâle [7], qui font la part belle aux agences de notation. Dans l’exemple théorique de la partie 8, nous avons repris les critères de l’approche standardisée. Concrètement, les créances de la banque sur des États et des pouvoirs publics qui ont une note comprise entre AAA et AA- sont considérées comme ne présentant aucun risque. En conséquence, les actifs qui lui correspondent ne sont pas à prendre en compte. Cela signifie que les banques n’ont pas besoin de capital pour amortir les pertes éventuelles sur ces créances. Les créances sur des banques ou de grandes entreprises [8] cotées entre AAA et AA- ne comptent que pour 20% (la banque peut déduire 80% des actifs qui correspondent à ces créances). Les créances sur les banques et entreprises cotées entre A+ et A- ne comptent que pour 50%. Les créances sur des banques et des entreprises cotées de BB+ à B- comptent à 100%. Si leur note est inférieure à B-, les créances comptent pour 150%. Les créances sur les ménages comptent pour 75%. Les créances sur les petites et moyennes entreprises comptent pour 100% car elles ne font pas l’objet d’une appréciation de la part des agences de notation.

Dexia : une belle illustration du laxisme du Comité de Bâle et des autorités nationales de contrôle

L’exemple de Dexia est une belle illustration de la dangerosité du système de pondération des actifs en fonction des risques, qu’il s’agisse de la version standardisée ou de la notation interne.

En juin 2011, Dexia a réussi haut la main le stress test imposé par l’autorité européenne de contrôle à 90 grandes banques européennes [9]. Quatre mois plus tard, elle devait être sauvée de la faillite pour la seconde fois en 3 ans. Il est édifiant de lire le document présenté par Dexia pour réussir brillamment son examen.

Alors que le total des actifs (non pondérés) s’élevait à 567 milliards d’euros, les actifs pondérés par le risque ne représentaient plus que 141 milliards d’euros. Dans l’exemple théorique de la partie 8, la pondération des risques avait permis à la banque fictive Banxia de faire passer ses actifs de 100 à 40. Dexia a fait beaucoup mieux en juin 2011 : ses actifs sont passés de 100 à 25. Coup de chapeau aux prestidigitateurs de Dexia ! La « réalité » a dépassé la fiction.

Dexia affirme dans le document remis à l’autorité européenne que son ratio fonds propres de base / actifs pondérés par le risque atteignait 12,01%. De quoi éblouir les régulateurs ! Si les actifs non pondérés avaient été pris en compte, ce ratio se serait établi à 3%, ce qui aurait donné une image plus proche de la réalité. Si les autorités de contrôle ne permettaient pas aux banques, dont Dexia, d’ajouter à leur capital stricto sensu des produits financiers qui ne correspondent pas à du capital, le ratio aurait d’ailleurs été encore plus inquiétant. Il faut souligner que si les règles de Bâle III (qui entreront en vigueur pleinement en 2018-2019) avaient été en vigueur en ce qui concerne le ratio fonds propres / actifs NON pondérés ainsi que le ratio fonds propres / actifs pondérés, Dexia aurait également réussi le test. Ce qui montre que Bâle III n’apporte aucune solution.

Les Banques : ça trompe énormément

Le cas de Dexia n’est pas du tout isolé. Selon le Rapport Liikanen, en 2011, les fonds propres ne représentent que de 2 à 6% des actifs non pondérés des grandes banques. Dans le cas de la Deutsche Bank, ils représentent à peine plus de 2% (ce qui implique un effet de levier égal à 50). Dans le cas d’ING et de Nordea (Suède), ils représentent un peu moins de 4%. Pour BNP Paribas, Crédit Agricole, BPCE, Société Générale ou Barclays, ils représentent environ 4% (effet de levier de 25). Dans le cas des espagnoles Santander et BBVA, des italiennes Intesa Sanpaolo et Unicredit, ou encore de la belge KBC, environ 6% (effet de levier d’environ 16) [10].

Or toutes ces banques ont réussi le stress test de juin 2011 et présentent un ratio fonds propres / actifs pondérés supérieur à 10%.

Sur la base de leur rapport annuel 2012 publié en 2013, nous avons calculé les ratios fonds propres / actifs pondérés et fonds propres / actifs NON pondérés pour deux grandes banques européennes qui ont la réputation d’être solides : BNP Paribas et la Deutsche Bank. Comme le montre l’illustration suivante, le résultat a de quoi alerter les plus confiants.

Si l’on en croit le Financial Times qui n’a aucun intérêt à foutre la panique dans les marchés, la situation de Deutsche Bank est encore plus inquiétante et scandaleuse que ce qu’indique l’illustration ci-dessus. Le ratio de levier de la plus grande banque européenne ne serait pas de 2,7% (ou 1/37) mais de seulement 1,6% (ou 1/62) [11] ! Cela implique que si la Deutsche Bank devait encaisser une « petite » perte de 10 milliards sur un total de plus de 2000 milliards € d’actifs, elle serait au bord de la faillite ; si elle essuyait une perte de 32,2 milliards, l’entièreté de son capital serait englouti ! Dans le même article, le Financial Times affirme que le ratio d’UBS (la principale banque suisse) s’établit à 2,5%, celui de la Société Générale (France) à 2,8%, celui de Barclays (Royaume Uni) à 2,5%. [12]

Bâle III ne permettra pas d’instaurer une véritable discipline financière

Bâle III, adopté au niveau des principes généraux en 2010 et devant entrer en application à partir de 2018 ou 2019 à l’échelle planétaire, ne prévoit qu’un changement important : au lieu de 2% de capital dur exigé par Bâle II, les banques devront réunir 4,5% de capital dur [13]. S’ajouteront 3,5% de fonds calculés de manière plus coulante pour atteindre les 8% déjà exigés par Bâle I et II.

Mais l’élément fondamental à retenir est le fait que les actifs continueront à être calculés en fonction du risque qu’ils représentent. Cela réduit à néant les discours sur la solution apportée par Bâle III à la crise bancaire. Car 4,5% de capital dur en proportion des actifs pondérés par le risque, c’est de la rigolade. Tous les maquillages de comptes sont possibles.

Une étude réalisée par le Comité de Bâle en 2012-2013 conclut que pour un même type d’actifs, des banques différentes adoptent des calculs de pondération des risques qui peuvent varier très fortement, parfois de 1 à 8. La banque X peut considérer qu’il lui faut 8 fois moins de capital que la banque Y pour absorber le risque que représente un portefeuille de dérivés sur des taux d’intérêts. Sur 15 grandes banques (réparties dans 9 pays différents), la différence varie en moyenne du simple au triple, tous actifs confondus [14]. Une étude publiée par la banque Barclays montre que la pondération des risques est utilisée par les banques pour réduire au minimum les fonds propres requis. Selon Barclays, il y a 20 ans, les banques considéraient en moyenne que les actifs pondérés représentaient 53 % des actifs totaux tandis qu’en 2012, ils ne représentent plus que 32% des actifs totaux [15]. De son côté, l’autorité européenne de contrôle des banques (EBA) a publié les résultats d’une étude qui montre que la moitié des pondérations de risques calculées par les banques ne peuvent être expliquées par des facteurs objectifs. Cette étude a été réalisée sur la base des comptes présentés par 89 banques provenant de 16 pays membres de l’UE. Elle montre également que la différence de pondération pour un même type de risques varie de 70% d’une banque à l’autre [16].

Malgré ces évidences, le comité de Bâle maintient le système de pondération actuel. Pourtant certains organismes officiels comme l’OCDE commencent à produire des documents prônant l’abandon de la pondération des actifs par le risque. Dans une étude récente publiée par l’OCDE, les auteurs proposent de prendre en compte les actifs sans les pondérer par le risque afin d’avoir un ratio fonds propres / actifs fiable [17].

D’ailleurs, une série de régulateurs le reconnaissent eux-mêmes. Andrew Haldane, directeur du département Stabilité Financière de la banque d’Angleterre, affirme que l’augmentation du ratio fonds propres par rapport au bilan des banques qui sera généralisé à partir de 2018-2019 est tout à fait insuffisant et n’est pas de nature à réellement diminuer les risques et les effets d’une faillite. Thomas Hoenig, de la US Federal Deposit Insurance Corporation, l’institution créée pendant la présidence de Roosevelt pour réguler le système bancaire, estime également que le niveau des fonds propres qui sera exigé à partir de 2018-2019 devrait être multiplié au moins par trois [18]. Tout comme l’auteur du rapport de l’OCDE cité plus haut, Andrew Haldane et Thomas Hoenig sont partisans de l’abandon de la pondération des risques dans le calcul des actifs et souhaitent que soit instauré un rapport absolu (c’est-à-dire sans pondération) entre capital et actifs. Dan Tarullo, un des gouverneurs de la Réserve fédérale, déclare qu’un ratio fonds propres / actifs non pondérés par le risque fixé à 3% (comme l’a décidé le Comité de Bâle) est insuffisant. Les autorités états-uniennes envisagent d’imposer un ratio de 5% aux plus grandes banques, ce qui montre à quel point la décision du Comité de Bâle de fixer, dans le cadre de Bâle III, le ratio à 3% [19] est minimaliste. Rappelons aussi que la commission Vickers chargée par le gouvernement britannique de faire des recommandations pour répondre à la crise bancaire proposait en 2011 un ratio de 4%, ce qui avait été considéré par le premier ministre britannique comme trop contraignant. Last but not least, le Financial Times s’est fendu d’un éditorial sur le sujet. Il prône de passer à un ratio de 6% [20].

Conclusions

À partir du début des années 1980, le secteur bancaire privé a réussi à se libérer des contraintes que les pouvoirs publics avaient établies et maintenues pendant plusieurs décennies afin d’éviter une répétition de la crise bancaire des années 1930. Les régulateurs et les gouvernements devenus adeptes du néolibéralisme ont laissé la bride au cou des banquiers capitalistes qui en ont profité au maximum. Le tout s’est déroulé dans un contexte où le grand capital prenait sa revanche sur une série de conquêtes sociales obtenues de haute lutte par les travailleurs. L’actuelle crise qui a débuté en 2007-2008 n’a pas conduit les pouvoirs publics (et donc les régulateurs) à instaurer une véritable discipline au capital privé. Les mécanismes envisagés pour remettre un peu d’ordre dans le secteur financier privé sont tout à fait incapables d’empêcher de nouvelles crises, incapables de mettre un frein à la recherche débridée du profit maximum.

Il faut rompre de manière radicale avec cette logique et ce système qui font payer la facture des sauvetages bancaires par ceux et celles qui en sont les victimes. En finir avec cette logique et ce système qui offrent l’impunité et des parachutes dorés aux responsables des débâcles. Les gouvernants sont directement en cheville avec les grandes banques et mettent les pouvoir publics à leur service. Il y a un va et vient permanent entre les grandes banques et les gouvernants. Le nombre de ministres des finances et de l’économie, ou de premiers ministres, qui proviennent directement des grandes banques ou qui y vont quand ils quittent le gouvernement ne cesse d’augmenter depuis 2008.

Les mesures annoncées pour discipliner les banques sont cosmétiques, elles ressemblent purement et simplement à un emplâtre sur une jambe de bois. Il faut bien sûr imposer de véritables règles très strictes et incontournables qui vont bien au-delà des mesures annoncées dans le cadre de Bâle III notamment. Mais disons-le franchement, cette crise devrait être dépassée par la réalisation de mesures qui touchent la structure même du monde de la finance et du système capitaliste.

Le métier de la banque est trop sérieux pour être laissé dans les mains du secteur privé, il est nécessaire de socialiser le secteur bancaire (ce qui implique son expropriation) et de le placer sous contrôle citoyen (des salariés des banques, des clients, des associations et des représentants des acteurs publics locaux), car il doit être soumis aux règles d’un service public [21] et les revenus que son activité génère doivent être utilisés pour le bien commun.

La dette publique contractée pour sauver les banques est définitivement illégitime et doit être répudiée. Un audit citoyen doit déterminer les autres dettes illégitimes ou/et illégales et permettre une mobilisation telle qu’une alternative anticapitaliste puisse prendre forme.

Ces deux mesures doivent s’inscrire dans un programme plus large [22].

Partie 1 2007-2012 : 6 années qui ébranlèrent les banques
Partie 2 La BCE et la Fed au service des grandes banques privées
Partie 3 La plus grande offensive contre les droits sociaux menée depuis la seconde guerre mondiale à l’échelle européenne
Partie 4 Descente dans le milieu vicieux des banques
Partie 5 Les banques, ces colosses aux pieds d’argile
Partie 6 Même le FMI le dit…
Partie 7 Le miroir aux alouettes de la discipline bancaire
Partie 8 Les banques bluffent en toute légalité
Partie 9 Banques : bulletin de santé trafiqué


Notes :

[1Alan Greenspan a présidé la Fed du 11 août 1987 au 31 janvier 2006.

[2BRI, « Bâle III : dispositif réglementaire mondial visant à renforcer la résilience des établissements et systèmes bancaires », décembre 2010 (document révisé juin 2011) http://www.bis.org/publ/bcbs189_fr.pdf

[3Éric Toussaint, « Les banques bluffent en toute légalité », publié le 19 juin 2013.

[4Voir version Bâle II révisée en 2006 : http://www.bis.org/publ/bcbs128fre.pdf p. 12 à 19.

[7Voir version Bâle II de 2004 : http://www.bis.org/publ/bcbs107fre.pdf#page=1&zoom=auto,0,849  ; voir version Bâle II révisée en 2006 : http://www.bis.org/publ/bcbs128fre.pdf Concernant la pondération de risques, lire à partir de la page 20.

[8Il peut s’agir soit de prêts à des banques ou à des grandes entreprises, soit de titres (par exemples des obligations émises par des banques ou des entreprises).

[9Ces 90 banques représentaient 65% des actifs bancaires européens. Voir : http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/dossier/0201290575344-stress-tests-bancaires-un-nouveau-round-en-pleine-crise-de-la-dette-131527.php À noter que les deux banques chypriotes au cœur de la crise de mars 2013 avaient également passé le test sans complication. Parmi ces 90 banques, 59 (les plus grandes) utilisaient leur propre modèle de pondération des risques des actifs (modèle IN).

[10Ce paragraphe présente les fonds propres en rapport avec les actifs. Voir, pour Barclays et Deutsche Bank, le Rapport Liikanen, graphiques 3.4.18 et 3.4.19.

[11Voir Financial Times, “Banks feeling bruised by new capital ratios”, 5 juillet 2013, p. 15. Le calcul du FT se rapporte au 4e trimestre de 2012. Il s’agit du “ratio of adjusted tangible equity to adjusted tangible assets.”

[12Dans « Solvabilité réelle des banques systémiques mondiales », Olivier Berruyer a établi un tableau utile sur l’effet de levier des 28 banques considérées comme systémiques par le G20, voir http://www.les-crises.fr/solvabilite-banques-systemiques/

[13Pour une présentation plutôt favorable à Bâle III, voir Finance Watch : « Bâle III en 5 questions », mai 2012 http://pechesbancaires.eu/pdf/Finance_Watch_Bale_3_en_5_question.pdf Au niveau de l’UE, certains éléments de Bâle III devraient entrer en vigueur au cours de 2014. L’accord reste à finaliser même si le Parlement européen a adopté, le 16 avril 2013, la réforme des règles prudentielles bancaires CRD IV-CRR. Voir http://www.europarl.europa.eu/news/fr/pressroom/content/20130416IPR07333/html/Les-d%C3%A9put%C3%A9s-adoptent-un-ensemble-de-r%C3%A9formes-pour-renforcer-les-banques-de-l%27UE
À signaler que la banque Natixis a produit une synthèse de Bâle III et de la réforme des règles prudentielles bancaires CRD IV-CRR : http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=70138. Finance Watch a également produit un position paper sur le sujet : http://www.finance-watch.org/press/press-releases/505.

[14Voir Brooke Masters and Patrick Jenkins, « Risk models fuel fears for bank safety », Financial Times, 1er février 2013. Voir également un papier que Finance Watch a publié dans le cadre d’une audition au Bundestag : voir le graphique p. 5 http://www.finance-watch.org/ifile/Publications/Hearings,%20speeches,%20presentations/20130507_Bundestag_StatementCRDIV.pdf.

[15Voir Financial Times, 1er février 2013.

[16Brooke Masters, « Bank risk weightings in spotlight after EBA uncovers discrepancies », Financial Times, 27 février 2013.

[17OECD, “Business models of banks, leverage and the distance-to-default”, January 2013, http://www.oecd.org/finance/BanksBusinessModels.pdf

[18Le résumé des propos de Andrew Haldane et de Thomas Hoenig s’appuie sur : Financial Times, “Warnings over steps to reform biggest banks”, 28-29 octobre 2012, p. 3.

[19Selon le Financial Times début juillet le Comité de Bâle aurait donné jusque 2015 aux banques pour atteindre un ratio 3%. Voir Financial Times, “Basel fuels bank safety metric fears », 5-6 juillet 2013.

[20FT, « In praise of bank leverage ratios », 11 juillet 2013, p. 8. “ … there is a strong case for complementing the risk weighted metric with a blunter tool/ a leverage ratio, limiting how many assets can accumulate on given equity, regardless of the perceived risk. (…) the leverage ratio should be tough enough to bite. A threshold that is twice as high as the one agreed in Basel would not be a scandal”.

[21Le secteur bancaire devrait être entièrement public à l’exception d’un secteur coopératif de petite taille avec lequel il pourrait cohabiter et collaborer.

[22Voir Damien Millet et Éric Toussaint, « Europe : Quel programme d’urgence face à la crise ? », http://cadtm.org/Europe-Quel-programme-d-urgence, publié le 10 juin 2012.

Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.