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Thèse de doctorat en sciences politiques présentée en 2004 aux universités de Liège et de Paris VIII par Éric Toussaint
Enjeux politiques de l’action de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international envers le tiers-monde
Disponible en pdf
par Eric Toussaint
23 août 2013

Via internet, le CADTM est très heureux de mettre à disposition d’un vaste public cette thèse de doctorat et des documents qui la complètent. Cette thèse peut être reprise librement par d’autres sites à condition de prévenir l’auteur via info chez cadtm.org et de faire un lien vers le site www.cadtm.org. Elle peut être reproduite à condition que ce soit dans son intégralité et pour un usage strictement non commercial. On peut extraire des parties de cette thèse à condition que Éric Toussaint soit clairement identifié comme l’auteur. N’hésitez pas à envoyer vos commentaires et des informations sur l’usage personnel ou collectif que vous faites de cette thèse à info chez cadtm.org. Vos messages seront transmis à Éric Toussaint.

Analyse de l’influence des logiques financières mondiales impulsées par le FMI et la BIRD sur les pratiques politiques des pays en développement, suivie de propositions d’alternatives.

Schema exposé EricT 22­nov2004
Rapport Toussaint par J.M.Harrib­ey
Rapport Rene Passet_ these Toussaint

Exposé d’Éric Toussaint présenté le 22 novembre 2004 à l’Université de Liège pour la soutenance de thèse

Thèse de doctorat en Sciences Politiques

Université de Liège – Université de Paris 8


Titre : Enjeux politiques de l’action de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et du Fonds monétaire international envers le tiers-monde

1) La question centrale renvoie au titre de la thèse : Quels sont les Enjeux politiques de l’action de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et du Fonds monétaire international envers le tiers-monde ?

2) Structure de la thèse
La thèse est constituée de quatre parties.

La première partie, composée de quatre chapitres, aborde les transformations du capitalisme mondial intervenues depuis 1979 de différents points de vue : l’évolution des conditions d’existence des populations de la planète (chapitre 1), l’évolution du capital vers une concentration accentuée menant à une situation d’oligopole (chapitre 2), l’évolution de la hiérarchie dans l’économie-monde en prenant en compte notamment les investissements à l’étranger et le commerce (chapitre 3), les étapes de la déréglementation financière et l’entrée en crise de la mondialisation financière (chapitre 4). Cette première partie permet de cerner le cadre d’ensemble dans lequel évoluent et interviennent la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et le Fonds monétaire international.

La deuxième partie, constituée de 18 chapitres, analyse sous différents angles la problématique de la dette, de l’ajustement structurel et des politiques développées par la BIRD et le Fonds monétaire international. De prime abord, sont analysées les crises de la dette de la Périphérie qui ont précédé la fondation de la BIRD et du FMI (chapitre 5). Ensuite, sont retracées les origines des deux institutions financières internationales et leur évolution jusqu’au début du XXIe siècle (chapitre 6). Les données actuelles de l’endettement du tiers-monde et de la Périphérie en général sont résumées au chapitre 7. Les chapitres 8 et 9 présentent comment la BIRD a envisagé la problématique du développement des origines à aujourd’hui. Les chapitres 10, 11, 12 et 13 montrent la dimension politique des actions de la BIRD et du FMI dans leur relation avec l’ONU, les États-Unis, les autres grandes puissances capitalistes et la Périphérie. Les chapitres 14, 15, 16, 17 et 18 dissèquent la crise de la dette initiée au début des années 1980 et les politiques d’ajustement structurel qui ont été développées depuis. Le chapitre 19 résume les traits principaux de l’OMC en relation avec les PED. Il met en exergue la logique commune qui domine l’action du FMI, de la BIRD et de l’OMC. Le chapitre 20 synthétise les symptômes de la crise de légitimité que traversent les institutions de Brettons Woods et observe les réactions de celles-ci ainsi que les termes du débat aux États-Unis. Les chapitres 21 et 22 concluent la deuxième partie de la thèse en envisageant les différentes formes de transferts de la Périphérie vers le Centre et le rôle de l’Aide publique au développement.

La troisième partie est constituée de cinq études de cas. Est étudiée l’intervention de la BIRD et du FMI dans deux continents (Asie et Amérique latine) et trois pays (Indonésie, Rwanda et République démocratique du Congo).

La quatrième et ultime partie propose des pistes alternatives aux politiques développées par la BIRD et le FMI à l’égard des PED.


3) Conditions de réalisation de la thèse

Durée : Travail entamé voici 14 ans
Les travaux préparatoires à cette thèse ont été entrepris en 2001.
Des parties de textes ont été rédigées en 2002-2003.
L’ensemble du texte définitif qui est soumis à votre appréciation a été rédigé entre le 15 février et le 19 mai 2004.

Les sources : Documents produits par la BIRD et le FMI depuis leur origine.
Rapport et études produits par d’autres institutions : principalement le PNUD, la CNUCED, l’OCDE, la BRI.

Les ouvrages d’une centaine d’auteurs ayant produit des analyses relatives au sujet.
Le matériel lu intégralement représente plus de 15.000 pages. Le matériel consulté incluant ce qui précède représente plus de 30.000 pages.
Une grande partie de ce matériel est en anglais.

Expérience personnelle :
Au cours des 20 dernières années, plus de cinquante missions dans les PED principalement en Amérique latine, puis suivent l’Afrique, l’Asie et l’Europe centrale et de l’Est.

Mission réalisée à la demande d’un gouvernement : Timor oriental en mars 2003 ;
A la demande d’un parlement : Venezuela en juillet 1997
Rencontre avec un chef d’État : réunion avec le président du Brésil, Lula Ignacio da Silva en juin 2003 à Genève.

Un grand nombre de missions accomplies l’a été à la demande d’ONG et de mouvements citoyens d’une quinzaine de PED réparti sur 3 continents ;

Rencontre et débat avec trois ministres des finances de la Belgique : Ph. Maystadt, J-J. Viseur et D. Reynders.

Rencontre régulières avec les administrateurs belges de la BM et du FMI en place à Washington

Débats publics avec des dirigeants de la BM et du FMI à Prague, à Genève et à Bruxelles.

Des articles écrits ou des conférences données sur le sujet pour des institutions universitaires du Mexique, d’Argentine, du Timor Oriental, du Chili, du Mali, de France et de Belgique.


4) Retour sur la question centrale :
Quels sont les Enjeux politiques de l’action de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement et du Fonds Monétaire International envers le tiers-monde ?

L’art. IV section 10 des statuts de la BIRD stipule : “ La Banque et ses responsables n’interféreront pas dans les affaires politiques d’un quelconque membre et il leur est interdit de se laisser influencer dans leurs décisions par le caractère politique du membre ou des membres concernés. Seules des considérations économiques peuvent influer sur leurs décisions et ces considérations seront soupesées sans parti pris, en vue d’atteindre les objectifs (fixés par la Banque) stipulés dans l’art. I ”.

4 exemples avec transparents (tiré du chap. 13).

  • Brésil
  • Chili
  • Zaïre
  • Roumanie


5) Deux questions au moins que je souhaiterais développer dans un travail ultérieur

  • Les enjeux, les débats aux E-U en ce qui concerne les institutions multilatérales, en particulier la BM et le FMI.
  • Une recherche et une réflexion plus étendues sur les modèles de développement.


6) Conclusions de la thèse

Les IFI, qui ont été fondées comme instrument de régulation lors de la conférence monétaire et financière des Nations unies de 1944 afin d’éviter que ne se reproduise une crise du type de celle des années 1930, ont été par la suite transformées en instrument de déréglementation/déconstruction des mécanismes de contrôle sur les mouvements de capitaux.

Le FMI et la BIRD ne se sont pas affranchis du contrôle des Etats, ils ne se sont pas mués en institutions bureaucratiques autonomes. Leur autonomie est relative. Elles ne constituent pas une sorte de gouvernement supranational.

La politique de la BIRD et du FMI a été influencée de manière déterminante par les principales puissances capitalistes en général, par le gouvernement des Etats-Unis en particulier.

Ces deux institutions ont poussé les PED à recourir systématiquement à l’endettement extérieur qu’elles considéraient comme la condition nécessaire, voire suffisante, au décollage économique de ceux-ci. L’endettement allait de pair avec d’autres apports externes notamment via les investissements étrangers et l’aide publique au développement.

Selon un des modèles de référence des IFI, après une phase transitoire d’endettement, la croissance aurait dû devenir auto soutenue. Cela ne s’est pas produit. Des facteurs indépendants de la volonté des pays endettés ont provoqué l’éclatement d’une crise de la dette au début des années 80 du siècle passé. L’endettement est devenu permanent à quelques exceptions près et pendant des périodes prolongées les transferts nets sur la dette ont été négatifs. Ils le sont globalement à nouveau depuis 1998 jusqu’à aujourd’hui.

Historiquement, l’endettement extérieur des pays de la périphérie a constitué un puissant moyen aux mains des créanciers pour influencer le comportement des autorités de ceux-ci. L’endettement extérieur a été et est encore utilisé par les principaux créanciers comme un instrument de subordination des débiteurs.

Contrairement à la section 10 de l’article 4 de la charte de la BIRD [1], cette dernière et le FMI ont systématiquement prêté à des Etats afin d’influencer leur politique. Cette thèse a montré à l’aide de plusieurs exemples que les intérêts politiques et stratégiques des grandes puissances capitalistes sont déterminants dans les choix. Des régimes, soutenus par les grandes puissances capitalistes, ont été aidés financièrement bien que leur politique économique ne répondait pas aux critères officiels des IFI et bien qu’ils ne respectaient pas les droits de l’homme. Inversement, des régimes considérés comme hostiles aux intérêts des grandes puissances ont été privés des prêts des IFI bien qu’ils aient mené des politiques économiques qui n’étaient pas en contradiction avec les critères officiels de la BM et du FMI.

Par ailleurs, le FMI et la BIRD, des origines à aujourd’hui, manifestent une réticence certaine à considérer que le respect des droits de l’homme fait partie de leur mandat [2]. Dès l’origine également, ces institutions ont tenu à marquer leur particularité par rapport au reste du système onusien.

Depuis l’éclatement de la crise de la dette, on constate une augmentation de leur pouvoir d’intervention à l’égard des PED qui recourent à leur service. On constate à partir de 1995 l’existence d’une collaboration étroite entre les IFI et l’OMC dans le cadre d’une politique néolibérale cohérente d’ouverture systématique des marchés des PED, de suppression des contrôles sur les mouvements de capitaux, d’extension des règles de l’OMC à un nombre croissant d’activités humaines. Cette collaboration augmente les contraintes sur les pouvoirs publics des PED (et de l’ensemble du globe). La déréglementation et la libéralisation concernent les capitaux et les marchés où ils circulent. En revanche, en ce qui concerne les pouvoirs publics, c’est d’un renforcement des contraintes dont il est question. Selon cette logique, les marchés doivent discipliner les pouvoirs publics, pas l’inverse.

Il s’agit d’être lucide et de constater que le modèle de développement tel que promu par la Banque et le FMI n’a pas permis le décollage économique promis. Des erreurs d’appréciation grossières ont été commises par ces deux institutions autoproclamées références en matière d’expertise. Le bilan humain et environnemental est gravement négatif.

La plupart des PED soumis à un traitement prolongé d’ajustement structurel se trouve dans un rapport de dépendance et de subordination renforcé à l’égard des principaux pays les plus industrialisés.

Cette thèse se conclut sur la nécessité impérieuse de chercher une alternative aux politiques recommandées par la BIRD et le FMI.

Les certitudes théoriques néolibérales affichées aujourd’hui ne valent guère plus que celles des libéraux ou des conservateurs au pouvoir dans les années 20 à la veille du krach financier. La mondialisation n’est pas un rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage.

Pourquoi dès lors exclure que le mécontentement social s’exprime à nouveau autour de projets émancipateurs ? Il n’est pas dit que le mécontentement doive prendre la voie du repli identitaire, “ ethnique ” ou religieux. Il n’y a ni fatalité économique ni situation politique qui ne peut être modifiée sous l’action des forces sociales. Une nouvelle forme de décolonisation s’impose pour sortir de l’impasse actuelle, dans laquelle les IFI et leurs principaux actionnaires ont enfermé le monde en général, et les nations de la Périphérie en particulier.


Notes :

[1L’art. IV section 10 stipule : “ La Banque et ses responsables n’interféreront pas dans les affaires politiques d’un quelconque membre et il leur est interdit de se laisser influencer dans leurs décisions par le caractère politique du membre ou des membres concernés. Seules des considérations économiques peuvent influer sur leurs décisions et ces considérations seront soupesées sans parti pris, en vue d’atteindre les objectifs (fixés par la Banque) stipulés dans l’art. I ”.

[2Voir chapitre 19. Il a été souligné dans un rapport récent présenté à la Commission des droits de l’homme de l’ONU, que le FMI « …considère toujours que son mandat ne comprend pas le respect des droits de l’homme… ». ONU-CDH, Droits économiques, sociaux et culturels, Droits de l’homme et extrême pauvreté, Rapport établi par l’experte indépendante Anne-Marie Lizin, E/CN.4/2004/43, 23 février 2004, § 48.

De leur côté, les auteurs du Rapport mondial sur le développement humain réalisé par le PNUD (édition 1994) écrivent : “ De fait, l’aide versée par les Etats-Unis pendant les années 1980 est inversement proportionnelle au respect des droits de l’homme. Les donateurs multilatéraux ne semblent pas non plus encombrés de telles considérations. Ils semblent en effet préférer les régimes autoritaires, considérant sans ciller que ces régimes favorisent la stabilité politique et sont mieux à même de gérer l’économie. Lorsque le Bangladesh et les Philippines ont mis fin à la loi martiale, leur part respective dans l’ensemble des prêts de la Banque mondiale a diminué ” (PNUD, 1994, p. 81).

Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.