Abattre la dictature de la dette pour libérer la Tunisie !

26 janvier 2013 par Fathi Chamkhi


La dette constitue, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, la pierre angulaire de la domination étrangère en Tunisie ; en ce sens, elle est une donnée fondamentale de son histoire contemporaine. Elle y joue un rôle antinational, antidémocratique et antisocial !
Cette domination a fini par pousser les classes populaires à la révolte. Il ne leur a fallu que 29 jours pour venir à bout du dictateur, garant de la stabilité de l’ordre capitaliste ; il leur faut maintenant en finir avec le régime de domination lui-même, pour pouvoir disposer librement d’eux-mêmes et libérer leur propre avenir.



Mais, deux ans après la fuite du dictateur, la tâche s’avère aussi complexe que difficile du fait, notamment, de la faiblesse de la conscience de classe des opprimés, de l’émiettement des organisations révolutionnaires, de la virulence de l’ennemi de classe et de l’importance des intérêts économiques et stratégiques en jeu et qui dépassent largement le cadre de la Tunisie.

La dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
rime avec domination colonialiste

La dette constitue l’un des piliers du régime de domination ; elle est le couteau sous la gorge qui oblige la Tunisie à se soumettre aux intérêts du capital globalisé et de la finance mondiale. Briser le mécanisme de la dette constitue donc l’une des tâches révolutionnaires essentielles sur la voie qui mène au dépassement de l’ordre de domination capitaliste établi.

1864-1881 : La dette comme préalable à la colonisation

La révolte populaire de 1864 contre la décision du Bey de doubler l’impôt, et la féroce répression qui s’ensuivit, ont aggravé les problèmes de trésorerie de l’État beylical. Après avoir conduit la Tunisie à la ruine, le régime beylical se tourna vers les créanciers étrangers, notamment français, pour se financer.
En 1869, les créanciers étrangers, profitant de la première crise de la dette en Tunisie, ont mis en place une « Commission financière » tripartite (française, italienne et britannique), qui a soumis les finances de l’État à leur contrôle direct.

1881-1956 : La colonisation, un régime de domination, d’exploitation et de pillage

Un demi-siècle a été suffisant pour que la Tunisie tombe, comme un fruit mûr, entre les mains de l’impérialisme français. La dette a été le principal outil économique de ce processus colonial.
De 1881 jusqu’en 1956, l’État français s’est approprié la Tunisie pour le compte du capital français. L’administration coloniale qu’il a mise en place avait pour mission essentielle : le maintien par la force armée de l’ordre colonial, l’aménagement de l’espace local et l’organisation de la société selon les besoins de l’exploitation et le pillage capitalistes. Le coût financier du régime colonial a été entièrement porté à la charge de la Tunisie. La société colonisée paye les frais de sa propre exploitation.

Échec du processus de décolonisation

1956-1987 : tentative de transition nationaliste démocratique

Le nouvel État, issu d’un long processus historique combinant lutte politique, voire armée, et négociations, s’était attelé au « parachèvement de la souveraineté nationale » : promulgation du Code du statut personnel [1] en 1956, proclamation de la république en 1957, émission d’une monnaie nationale en 1958, création de la BCT (Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. de Tunisie) et du dinar et promulgation d’une Constitution en 1959, évacuation de la base militaire française de Bizerte en 1963, promulgation de la loi dite de l’évacuation agricole en 1964 [2] et adoption de mesures économiques d’inspiration socialiste.
Cette volonté manifeste d’indépendance a été assez souvent une source de tensions, plus ou moins violentes, avec l’État français : d’abord, lors de la création de la BCT et du dinar ; ensuite, lors de la demande de rétrocession des terres agricoles que les colons s’étaient appropriées en masse sous le régime colonial. La manière dont cette question fut réglée illustre bien les limites des revendications nationalistes du pouvoir petit-bourgeois local. En effet, face aux atermoiements, voire au refus, de l’État français de donner satisfaction à Bourguiba, ce dernier a fini par accepter les conditions françaises : acheter progressivement les terres tunisiennes avec l’argent de la dette que l’État français lui accorde. Tensions encore en février 1958, lorsque l’armée française lance un raid aérien sur la ville frontalière de Sakiet Sidi Youssef en représailles contre le soutien de la Tunisie aux combattants algériens du FLN. Le bilan fut de 75 morts et 148 blessés parmi les civils, dont une douzaine d’élèves d’une école primaire. Enfin, la crise de l’été 1961, autour de la base navale militaire que l’État français a maintenue à Bizerte, s’est transformée en conflit armé qui a entraîné la mort d’un millier de personnes, notamment des civils tunisiens, et l’évacuation de cette base par l’armée française le 15 octobre 1963.

Malgré ces tensions, l’État tunisien n’a jamais réellement remis en cause la soumission de la Tunisie à l’ancienne métropole coloniale. Ces rapports dominant/dominé sont rebaptisés « rapports d’amitiés et de coopération » ; l’État français fournit l’aide financière et économique, d’une part, et l’État tunisien sollicite, à son tour, cette aide pour les besoins du développement national, d’autre part.
Bourguiba a toujours cru à l’idée que la Tunisie ne pouvait pas se développer sans l’aide financière et économique de la France et de l’Occident en général. Dans son esprit, le maintien de « rapports étroits » avec l’ancienne métropole coloniale, voire leur renforcement, n’est pas en contradiction avec le processus de parachèvement de la décolonisation. C’est ce qui explique le fait que, malgré sa volonté manifeste d’indépendance nationale, il s’est peu à peu accommodé de la tutelle de l’État français.

Après l’indépendance de 1956, la dette reprend du service sous une nouvelle forme ! Elle n’est plus gérée directement par l’État colonial, mais devient du ressort de l’État national/post-colonial. D’un outil d’exploitation coloniale au profit du capital français, elle se transforme en outil présumé du financement du développement. Cette légitimation a été assurée, en grande partie, par « l’économie du développement », qui a souvent servi de couverture idéologique au néocolonialisme.

Selon cette théorie, la Tunisie souffre d’un mal chronique dû à une carence en épargne locale. De ce fait, elle est incapable de financer elle-même son propre développement. La dette est présentée comme le remède idéal au mal du « sous-développement » !
Entre 1956 et 1987, le coût de la dette demeure supportable ; les transferts nets financiers [3] au titre de la dette ont été positifs pour la Tunisie d’environ 5 MD (milliards de dinars [4]). Enfin, tout au long de cette période, la dette a gardé un rôle économique relativement limité, et par conséquent n’a pas beaucoup pesé sur la nature du financement global de l’économie locale. Mais son rôle politique consistait surtout à garder l’économie tunisienne dans l’orbite de celle de la France.

Au cours des années 1960, et surtout des années 1970, le processus de « transition nationale démocratique » a commencé à montrer des signes évidents d’essoufflement. Cette tendance s’est confirmée par la suite, suscitant du même coup les tensions sociales et accélérant les dérives dictatoriales et la dégénérescence bureaucratique de l’État bourguibien : répression violente de la première tentative de grève générale nationale en 1978, de la « révolte du pain » en 1984, suite au premier essai de mise en place d’une politique d’austérité néolibérale, mise sous scellés de la centrale syndicale ouvrière en 1985, etc.
La crise s’est transformée, au cours de la deuxième moitié des années 1980, en faillite du système, sous l’effet combiné de ses propres contradictions, inhérentes à la nature de classe petite-bourgeoise d’un pays sous domination impérialiste, et des pressions qu’exerce la mondialisation Mondialisation (voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.

Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».

La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
capitaliste néolibérale.

Face à cet échec, la bourgeoisie locale jette l’éponge et passe les commandes aux institutions financières internationales (IFI) et à la Commission européenne. Dans le nouveau contexte de la mondialisation capitaliste néolibérale, le capital global use d’armes économiques dans sa guerre contre les peuples du Sud mais aussi, de plus en plus, contre ceux du Nord. La dette devient un outil économique et politique majeur de domination, de pillage et d’exploitation à l’échelle planétaire.
La période qui s’étend de janvier 1984 (révolte du pain) jusqu’au 7 novembre 1987 (coup d’État de Ben Ali) a été déterminante pour l’évolution économique, sociale et politique de la Tunisie durant le quart de siècle suivant. La faillite du modèle capitaliste dépendant et planifié par un État-patron a été sans appel. Une position rentière et un endettement extérieur appuyés par une orientation économique semi-libérale, ont permis à ce modèle de connaître, durant les années 70, une relative prospérité. Mais sa crise globale a mis à nu les limites du système, et l’incapacité de la bourgeoisie locale et de sa bureaucratie d’État à rompre les liens de domination.

Durant cette période de crise ouverte du régime, le rôle des classes populaires et, plus particulièrement, celui de la classe ouvrière, n’a pas été décisif. Ce fut le cas aussi des organisations politiques de gauche. La bourgeoisie locale a donc pu troquer avec les forces impérialistes son maintien au pouvoir, contre le peu de souveraineté nationale qui a été arraché si durement depuis 1956.
Le maintien du régime capitaliste dépendant en Tunisie, et sa restructuration au profit des transnationales et de la finance internationale, a nécessité l’élargissement et l’approfondissement de la nature dictatoriale du régime, qui a été rendu possible grâce au coup d’État de 1987.

1987-2010 : la recolonisation de la Tunisie

Profitant de la faillite de la transition nationaliste démocratique, les IFI et la Commission européenne ont imposé la dictature des marchés en Tunisie : austérité pour les classes populaires et profit maximum pour le capital mondial et son auxiliaire local. Concrètement, cela signifie la capitulation politique de la bourgeoisie locale, la réappropriation coloniale d’un pan entier de l’économie tunisienne et la saignée du corps social. 23 années durant, Ben Ali a été le chien de garde de cette économie.
Sur le plan économique, la restructuration capitaliste néolibérale de l’économie locale a permis un élargissement sans précédent de la sphère de l’économie coloniale. Sur les 8107 entreprises [5] actives dans les secteurs de l’industrie et des services en 2011, 51% sont plus ou moins sous le contrôle direct du capital mondial. 21,3% d’entre elles ont un capital à 100% étranger et emploient 35% de l’ensemble des actifs Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
occupés dans les deux secteurs. Le capital français vient largement en tête avec 42,4% des entreprises totalement étrangères opérant en Tunisie, ensuite le capital italien avec 26,4%. Viennent après les capitaux allemands (6,4%) et belges (5,9%). Ils détiennent à eux quatre 81,1% du capital étranger opérant en Tunisie dans l’industrie et les services. Leur spécialisation est la sous-traitance, notamment dans les activités du textile et du cuir et les activités mécaniques et électriques. Cette économie coloniale, orientée presque exclusivement vers le marché extérieur, a réalisé 63,4% de la valeur totale des exportations dites « tunisiennes » au cours des sept premiers mois de 2012. La Tunisie est une affaire juteuse pour le capital étranger : coûts d’exploitation réduits au maximum et bénéfices exonérés à 100% de l’impôt, avec liberté de leur transfert total vers le pays d’origine.

Les conditions d’existence, de stabilité et d’extension de l’économie coloniale en Tunisie sont la cause de graves problèmes politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Pour cacher ce drame social et écologique, beaucoup de subterfuges, de parades et de stratagèmes sont mis en œuvre.
D’abord, la propagande du régime vante les mérites d’une économie dynamique, ouverte et qui réalise une moyenne de croissance de 5% depuis le début de la contre-révolution capitaliste néolibérale en 1987. Ce discours, qui focalise sur les performances en termes de compétitivité, d’ouverture et de croissance économique, a été relayé à l’extérieur par les représentants des intérêts impérialistes, notamment la Commission européenne et les IFI.
Ensuite, la propagande du régime a également réussi à diffuser l’image d’un pays stable, sûr et moderne. Elle a été facilitée par la faiblesse de la contestation sociale du régime, le soutien quasi inconditionnel de la bureaucratie syndicale à la dictature, l’acceptation par la quasi-totalité de l’opposition politique de la perspective d’une transition démocratique lente et négociée du pouvoir politique, et enfin l’image d’un pays stable, où se rendent chaque année des millions de touristes européens, dans une « région à risque ». Enfin, la gravité de la crise sociale et environnementale est astucieusement occultée par des statistiques falsifiées, et un discours officiel qui proclame son attachement aux droits humains et aux acquis sociaux (éducation, santé, logement, droits des femmes…).

Quand Ben Ali a pris le pouvoir en 1987, la Tunisie avait une dette d’environ 5 MD (milliards de dinars) ; quand il en a été chassé, elle devait plus de 30 MD. Les flux financiers totaux au titre de la dette, qui ont transité à travers une administration locale corrompue, ont atteint 150 MD [6]. A quoi a servi tout cet argent ?
La dette sert exclusivement les intérêts de l’économie coloniale qui lui assure des flux suffisants de devises étrangères [7] pour garantir, notamment : le paiement du service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. , le financement du rapatriement des dividendes réalisés sur le marché local, le paiement des infrastructures et des importations d’équipements et de matières premières nécessaires au bon fonctionnement de cette économie et le financement du pouvoir despotique.
Entre 1987 et 2010, le transfert net Transfert net On appellera transfert net sur la dette la différence entre les nouveaux prêts contractés par un pays ou une région et son service de la dette (remboursements annuels au titre de la dette - intérêts plus principal).

Le transfert financier net est positif quand le pays ou le continent concerné reçoit plus (en prêts) que ce qu’il rembourse. Il est négatif si les sommes remboursées sont supérieures aux sommes prêtées au pays ou au continent concerné.
financier, au titre de la seule dette à moyen et à long terme, a été négatif de plus de 7 milliards de dinars. Autrement dit, la Tunisie a remboursé plus qu’elle n’a reçu. Elle a été exportatrice nette de capitaux d’emprunts. En conséquence, l’État s’est vu contraint d’affecter une partie, sans cesse croissante, de ses recettes fiscales au paiement du service de la dette.

Cet endettement n’a pas amélioré les conditions de vie de la grande majorité des Tunisiens, et la fortune colossale accumulée par le clan Ben Ali en 23 ans de pouvoir démontre que d’importants détournements ont été effectués avec la complicité de certains créanciers.
La charge financière de cette dette est supportée par les seules classes laborieuses, sans pour autant qu’elles puissent en bénéficier. La régression de la Tunisie de la 78e place en 1993 à la 94e en 2011 dans le classement mondial selon l’IDH Indicateur de développement humain
IDH
Cet outil de mesure, utilisé par les Nations unies pour estimer le degré de développement d’un pays, prend en compte le revenu par habitant, le degré d’éducation et l’espérance de vie moyenne de sa population.
 [8] le confirme. Mais, l’aspect le plus manifeste de cette régression sociale est sans conteste l’extension de la pauvreté [9], du fait notamment de l’aggravation de la crise de l’emploi [10] et de l’érosion du pouvoir d’achat des masses populaires.
Cette tendance à la précarisation contraste avec l’accroissement substantiel des revenus du capital, dopés par un système combinant libéralisme économique, dictature politique, et enrichissement rapide et illicite d’un certain nombre de familles liées au couple présidentiel.

La crise sociale s’aggrave à partir de 2008, du fait des retombées de la crise financière internationale. Les prix des produits de consommation courante connaissent alors une hausse significative, accentuant par là même les effets désastreux de la politique d’austérité et la soumission des services publics à la logique marchande.
Cette situation déclenche plusieurs mouvements sociaux, un peu partout dans le pays, notamment dans plusieurs villes du bassin minier de Gafsa, notamment la ville de Redeyef où le soulèvement populaire a duré plus de six mois malgré une répression féroce. Les événements du bassin minier de 2008 ont fragilisé la dictature tout en préparant le terrain à la révolution qui a commencé à Sidi Bouzid deux ans plus tard.

La révolution se nourrit aussi de la crise politique, résultat de 23 ans de dictature. A cela s’ajoute une dérive mafieuse du pouvoir sous l’impulsion des clans constitués autour des deux familles Ben Ali et Trabelsi. Mais, pour les classes déshéritées et surtout la jeunesse, appauvries, marginalisées et humiliées par ce pouvoir, l’heure de la délivrance a sonné !

17 décembre 2010-25 février 2011 : la première révolution tunisienne

Le 17 décembre 2010, un drame personnel met le feu aux poudres. Les masses déshéritées font « une irruption violente dans le domaine où se règlent leurs propres destinées » en prenant magistralement de court le pouvoir politique, ses commanditaires étrangers et l’élite locale. La première révolution tunisienne est en marche.
Ce n’est pas la première fois que les masses populaires se révoltent en Tunisie [11], mais c’est la première de leur histoire qu’ils réclament et obtiennent, toutes et tous unis dans un mouvement révolutionnaire pour la chute du pouvoir [12].

Cette révolution n’est pas la conséquence d’une quelconque crise économique. L’économie locale a même réalisé une croissance économique de 3,7%, et ce malgré une conjoncture économique mondiale défavorable, notamment dans la zone euro, principal partenaire économique de la Tunisie. Elle est avant tout le retour de manivelle de l’économie coloniale qui surexploite la société, pille ses ressources naturelles et rapatrie la totalité des profits.
Seul un pouvoir despotique est capable d’imposer un tel régime à un peuple. L’idéologie, seule, ne suffit pas. Ici, comme disait Gramsci : « Le pouvoir ne dirige pas, il domine, il règne en maitre absolu ».

Avec la chute de Ben Ali, l’économie coloniale perd un allié stratégique. Mais elle n’entend pas se laisser déposséder de ses intérêts, loin s’en faut ! Pour les forces impérialistes, il faut d’urgence contenir le processus révolutionnaire grâce au maintien des structures et des mécanismes de la domination. Autrement dit, de la dictature !
Une nouvelle fois, la dette est l’outil idéal pour maintenir la Tunisie en laisse. Avec une corde au cou, il est plus facile d’étouffer toute velléité de rupture avec l’ordre dominant ! Pour brouiller les pistes, les forces impérialistes réussissent non seulement à faire porter toute la responsabilité de la crise à Ben Ali et à son clan, mais, surtout, à se présenter comme le « sauveur suprême » de la Tunisie. Durant plus de deux décennies, le pouvoir despotique a servi d’écran de fumée, derrière lequel opérait tranquillement l’économie coloniale. Après la révolution, ce pouvoir est devenu son bouc émissaire.

La première mesure politique de la contre-révolution fut le maintien en place du gouvernement du dictateur et le contrôle direct de la Banque centrale par les IFI. Le soir même de la fuite de Ben Ali, un haut responsable de la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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, ancien ministre de Ben Ali, est parachuté à la hâte à partir de Washington. Le décret de sa nomination est paru au journal officiel du lundi 17 janvier 2011 avec le décret qui a instauré le couvre-feu en Tunisie [13] ! Aussitôt, il affirme que « La Tunisie s’acquittera de ses dettes […] dans les délais [14] ». Pour l’impérialisme, il s’agit de manœuvrer rapidement pour éviter que la chute de Ben Ali ne se transforme en renversement du régime. Après le rafistolage de l’outil politique, la contre-révolution use de l’arme financière pour étouffer la révolution ; la dette agit comme un couteau sous la gorge de celle-ci.

Au cours de 2012, année mise sous le signe de la « transition démocratique » et de la « réalisation des revendications de la révolution », le gouvernement a détourné 2,5 MD de l’argent public, via le budget de l’État, pour payer la dette de Ben Ali. Dans le même temps il n’a consacré que 0,7 MD au développement régional, 1,2 MD à la santé publique, 0,8 MD à l’emploi et la formation professionnelle et 0,6 MD pour les affaires sociales.
Tous les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir depuis le 14 janvier 2011, ceux qui se sont autoproclamés de même que celui qui est issu des élections du 23 octobre, ont fait du remboursement de la dette du dictateur leur priorité. L’ANC (Assemblé Nationale Constituante), issue elle aussi des mêmes élections, a, à son tour, validé le budget qui oriente l’équivalent du cinquième des recettes de l’État au paiement de la dette.

Reconnaître la dette du dictateur, en décidant de poursuivre son remboursement, constitue un acte antinational, antidémocratique et une complicité de fait avec sa dictature. La poursuite de son paiement maintient l’État dans la logique de l’ajustement structurel et de la mondialisation capitaliste néolibérale. De plus, le fait de payer cette dette prive la Tunisie de moyens financiers très précieux, à un moment très critique de son histoire, et aggrave son endettement extérieur. En effet, la Tunisie n’a pas de quoi payer la dette. Elle doit donc s’endetter davantage. Les emprunts nouveaux correspondent exactement au montant du service de la dette publique, et sont la cause d’un déficit budgétaire record, de 6,6% du PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
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La dette odieuse Dette odieuse Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.

Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).

Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.

Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
et illégitime de la Tunisie


Ce qu’on peut d’abord dire de la dette extérieure publique de la Tunisie, à l’instar de nombreux autres pays dominés, c’est qu’elle a déjà été largement remboursée. La dette extérieure due ou garantie par les pouvoirs publics tunisiens s’élevait fin 2011 à près de 15 milliards de dollars, contre environ 625 millions de dollars en 1971. Durant les 40 ans qui ont vu cette dette exploser (elle a été multipliée par 24 !), la Tunisie a pourtant remboursé au total 42,5 milliards de dollars, dont plus de 14 milliards pour les seuls intérêts. Ainsi, le transfert net sur la dette extérieure publique, c’est-à-dire la différence entre les montants prêtés et les sommes remboursées pendant ces 40 ans, est largement négatif pour le pays : près 3 milliards de dollars sont ainsi allés enrichir les créanciers étrangers du pays.
Déjà remboursée donc, et largement odieuse : la définition de la dette odieuse qu’en donnait Alexander Sack en 1927 s’applique parfaitement à la dette contractée sous le régime despotique de Ben Ali. Les scores obtenus par ce dernier lors des cinq élections présidentielles vont de 90% à 99,5%, et les rapports de diverses organisations de défense des droits de l’homme et des libertés faisant état de violations graves ne laissent aucun doute. Les créanciers connaissaient donc la nature despotique du régime de Ben Ali. Ajoutons que dans le cas de dictatures notoires comme celle de Ben Ali, la destination des prêts n’est pas fondamentale pour la caractérisation de la dette car le soutien financier à un pouvoir dictatorial, même pour des hôpitaux ou des écoles, revient à le consolider, à lui permettre de se maintenir.
Si l’on suit jusqu’au bout la doctrine de Sack, la dette de Ben Ali est une dette de régime et doit « [tomber] avec le chute de ce pouvoir ».
Le caractère odieux de cette dette a d’ailleurs été reconnu dans deux résolutions : la première, adoptée en juillet 2011 par le Sénat belge [15], définit comme odieuse une « une dette contractée par un gouvernement non démocratique, ne respectant pas les droits de l’homme, dont la somme empruntée n’a pas bénéficié aux populations locales » ; la deuxième, une résolution de mai 2012 du Parlement européen sur la stratégie de l’UE en matière de commerce et d’investissements pour le sud de la Méditerranée après les révolutions du Printemps arabe, « juge odieuse la dette publique extérieure des pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient sachant qu’elle a été accumulée par les régimes dictatoriaux, par le biais principalement de l’enrichissement personnel des élites politiques et économiques et de l’achat d’armes, utilisées souvent contre leurs propres populations [16] ».
Cependant, il ne faudrait pas oublier la dette contractée sous Bourguiba, et les dettes contractées depuis la chute de Ben Ali. Toutes celles qui ont été contractées par la Tunisie dans le cadre des programmes d’ajustement structurel pilotés par la Banque mondiale et le FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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sont illégitimes. En effet, les conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. ont considérablement appauvri la population, livré le pays aux transnationales, et plus largement elles sont incompatibles avec le droit du peuple tunisien à disposer librement de lui-même. Le prêt de 500 millions de dollars accordé par la Banque mondiale en juin 2011 (avant même qu’il y ait les élections) en est un exemple récent [17].
Il est donc urgent de suspendre les remboursements et de procéder à un audit de la dette tunisienne pour en déterminer la part odieuse et illégitime qui n’a pas à être payée. Le président Marzouki s’est prononcé en faveur d’un audit, et une proposition de loi en ce sens a été déposée à l’Assemblée nationale constituante le 20 juillet 2012. Espérons que la proposition sera retenue et ira dans le sens des revendications portées par RAID/ATTAC/CADTM Tunisie et une frange croissante de la population tunisienne.

En acceptant de payer la dette de Ben Ali, la bourgeoisie locale démontre qu’elle persiste dans sa capitulation face à la bourgeoisie mondiale. De manière générale, la politique économique et sociale du gouvernement actuel (issu des élections, dirigé par le parti islamiste Ennahda) est dans le droit fil de celle du gouvernement Essebsi (février-décembre 2011), lequel n’a fait que poursuivre dans le sillon de celle de Ben Ali ; pour preuve :
D’une part, la poursuite des négociations avec l’UE en vue d’aboutir rapidement à une « zone de libre-échange complète et approfondie ». Ces négociations s’inscrivent dans un nouveau projet impérialiste européen [18], qui poursuit et renforce celui commencé, avec Ben Ali, en 1995. Cette zone de libre-échange est une réponse directe à la révolution qu’elle vise à tuer dans l’œuf. Et, tout comme en 1995, ces négociations se déroulent dans le dos du peuple tunisien ;
D’autre part, faisant suite aux injonctions du Fonds monétaire international (FMI) concernant la mise en place de « réformes structurelles exhaustives » [19], le gouvernement Ennahda se montre très coopératif. Là aussi, secret total. Mais, certains signes ne trompent pas : augmentation substantielle du prix des hydrocarbures, glissement du dinar qui perd plus de 10% de sa valeur par rapport au dollar états-unien et à l’euro, vaste programme de privatisations, autrement dit, un nouveau plan d’ajustement structurel Plan d'ajustement structurel En réaction à la crise de la dette, les pays riches ont confié au FMI et à la Banque mondiale la mission d’imposer une discipline financière stricte aux pays surendettés. Les programmes d’ajustement structurel ont pour but premier, selon le discours officiel, de rétablir les équilibres financiers. Pour y parvenir, le FMI et la Banque mondiale imposent l’ouverture de l’économie afin d’y attirer les capitaux. Le but pour les États du Sud qui appliquent les PAS est d’exporter plus et de dépenser moins, via deux séries de mesures. Les mesures de choc sont des mesures à effet immédiat : suppression des subventions aux biens et services de première nécessité, réduction des budgets sociaux et de la masse salariale de la fonction publique, dévaluation de la monnaie, taux d’intérêt élevés. Les mesures structurelles sont des réformes à plus long terme de l’économie : spécialisation dans quelques produits d’exportation (au détriment des cultures vivrières), libéralisation de l’économie via l’abandon du contrôle des mouvements de capitaux et la suppression du contrôle des changes, ouverture des marchés par la suppression des barrières douanières, privatisation des entreprises publiques, TVA généralisée et fiscalité préservant les revenus du capital. Les conséquences sont dramatiques pour les populations et les pays ayant appliqué ces programmes à la lettre connaissent à la fois des résultats économiques décevants et une misère galopante. et un nouveau plan d’austérité, qui sont voulus, là aussi, plus complets et plus approfondis.

Après 1956, la bourgeoisie locale a tenté, malgré sa faiblesse et l’état général de la Tunisie, de mettre à profit le recul à l’échelle planétaire du colonialisme, et l’émergence du bloc de l’Est, pour achever le processus de décolonisation. Depuis le 14 janvier 2011, elle refuse de s’appuyer sur la révolution, et le bilan catastrophique de Ben Ali, pour tenter de se libérer, un tant soit peu, de l’étreinte impérialiste.
Ce qui change par rapport à 1987, c’est le fait important que ce sont bien les classes laborieuses qui sont montées à l’assaut du régime. La bourgeoisie locale qui n’avait plus de projet pour la Tunisie, est, en plus, en panne d’idéologie à l’heure actuelle. Le discours nationaliste et démocratique qui tenait lieu de feuille de vigne au pouvoir de Ben Ali pour dissimuler sa nature antidémocratique et antinationale, ne peut lui être d’aucun secours, tant il est discrédité aux yeux des masses populaires. Alors, bon gré, mal gré, c’est à l’idéologie religieuse que font appel actuellement les intérêts capitalistes afin de fournir la légitimation appropriée pour la sauvegarde du régime.
Face à l’échec du projet bourgeois de transition nationale démocratique, la capitulation définitive de la bourgeoisie locale et la nécessité d’ouvrir des perspectives viables, l’alliance politique des forces révolutionnaires et la poursuite et l’approfondissement du processus révolutionnaire sont indispensables pour débarrasser définitivement la Tunisie de ce régime. Les classes laborieuses et la jeunesse nous ont ouvert la voie par la révolution, c’est à nous maintenant de leur éclairer le chemin qui mène vers la liberté.
Les forces impérialistes n’ont de réponse à donner aux aspirations du peuple tunisien que l’austérité et le libre-échange, à la manière de la médecine populaire de jadis qui avait pour remède universel de saigner le patient, parfois jusqu’à la mort ! A l’instar de la médecine qui a bien progressé et a tourné le dos à la pratique destructrice de la saignée, la société tunisienne doit suivre une nouvelle voie en rupture avec l’ordre établi.

Dans l’immédiat, il est primordial, pour ouvrir des perspectives réelles devant le processus révolutionnaire, de lutter pour :
La suspension immédiate du remboursement de la dette extérieure publique accumulée sous le régime de la dictature (avec gel des intérêts) ;
La mise en place d’un audit de cette dette, qui devra associer des représentants de la société civile et des experts internationaux indépendants, pour permettre de faire la lumière sur la destination des fonds empruntés, les circonstances qui entourent la conclusion des contrats de prêts, la contrepartie de ces prêts (les conditionnalités) ainsi que leurs impacts environnementaux, sociaux et économiques.
L’annulation de la dette odieuse que déterminera l’audit de la dette.


Fathi Chamkhi Universitaire, membre de la Ligue de la Gauche Ouvrière et du Front populaire, et porte-parole de RAID/ATTAC/CADTM Tunisie

Notes

[1Le Code a amélioré de manière considérable la condition féminine en interdisant par exemple la polygamie, la répudiation et a octroyé le droit de divorce aux femmes.

[2L’article 1er de cette loi, en stipulant que seuls les nationaux ont le droit de posséder la terre, rend illégales les propriétés foncières des colons français en Tunisie. Bourguiba entendait ainsi forcer la main de De Gaulle afin d’accélérer la vente de ces terres à l’État tunisien.

[3C’est la différence entre le montant des prêts reçus sur une période et le montant des remboursements pendant la même période. Ce transfert net est positif quand le pays ou le continent concerné reçoit plus que ce qu’il rembourse au titre de la dette.

[41 dinar vaut actuellement 0,5 euro.

[5De 10 employé-e-s et plus.

[6Environ 100 milliards de dollars états-uniens.

[7Le dinar tunisien est une monnaie locale, non échangeable à l’extérieur.

[8Indice de développement humain élaboré par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

[9L’actuel gouvernement provisoire reconnaît un taux de 25% de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté, alors que la dictature prétendait que la pauvreté ne touchait que 3,8% des Tunisiens.

[10La Tunisie connaît un taux de chômage persistant d’environ 15%, couplé à une extension phénoménale du sous-emploi qui concerne environ 60% des actifs occupés.

[11La dernière révolte, connue sous le nom de « révolte du pain », remonte à 1984.

[12En plus de la chute du dictateur, la révolution obtient l’interdiction du parti au pouvoir (RCD) et l’abrogation de la Constitution.

[13Il est toujours en vigueur !

[14Conférence de presse du 21 janvier 2011.

[18« Stratégie en matière de commerce et d’investissements pour le sud de la Méditerranée après les révolutions du Printemps arabe », voir http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2012-0201+0+DOC+XML+V0//FR