20 mai 2020 par Collectif , ATTAC/CADTM Maroc
Pour faire face à la pandémie de Corona et à ses graves conséquences : La nécessité de rompre avec les outils de domination impérialiste sur nos peuples : endettement et accords de « libre-échange »
Les populations d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient/région arabe sont confrontées à une grande épreuve face à cette crise sanitaire mondiale causée par la pandémie du virus Corona. Cette dernière a révélé l’ampleur des dégâts du capitalisme sur l’humanité et la nature. Les classes dominantes tentent de garantir les profits des grandes entreprises et des banques aux dépens des salarié-e-s et des petits producteurs. Ceux-ci se trouvent en première ligne pour assurer la production, risquant leur vie dans les pires conditions d’exploitation. Les impératifs du confinement augmentent leur souffrance en l’absence d’un d’une santé publique détruite par des décennies de politiques néolibérales. Ce sont surtout les femmes qui font les frais de cette situation exceptionnelle, que ce soit sur le lieu de travail ou à la maison.
Les expériences de luttes populaires se sont accumulées depuis plus de quarante ans contre les politiques de néocolonialisme, de dépendance et d’échange inégal que nous imposent les centres de décision impérialistes, avec la complicité des gouvernements et des régimes politiques dans nos pays. Elles ont pris de l’ampleur avec le processus révolutionnaire qui a commencé sa première phase à la fin 2010 – début 2011 avec la révolution en Tunisie, en Égypte, au Yémen, en Libye et en Syrie, et sa seconde à la fin 2018 – début 2019 avec les révolutions au Soudan, en Algérie, au Liban et en Irak. Les masses ont exprimé dans les rues et sur les places leurs aspirations à s’émanciper de l’oppression et du despotisme, et ont réclamé la liberté et la justice sociale.
Nous, organisations, mouvements et réseaux de lutte représentant les différentes couches populaires : ouvriers-ères, femmes, jeunes, nationalités et minorités opprimées, nous nous accrochons aux revendications de ce processus révolutionnaire et nous nous efforçons de les réaliser. Nous ne permettrons pas que la pandémie de Corona soit utilisée pour consolider la contre-révolution et mettre fin à nos aspirations démocratiques. Nous n’accepterons pas non plus la poursuite des mesures d’austérité néolibérales qui généralisent la pauvreté et le chômage et établissent un cadre général d’inégalité sociale. Plus que jamais, et de façon très urgente, le contexte actuel souligne la nécessité d’intensifier la solidarité et la réflexion collective pour jeter les bases d’une société alternative de liberté, de dignité et de justice sociale, valeurs que nos peuples réclament depuis longtemps.
L’endettement public constitue un système de pillage de nos richesses et d’asservissement de nos peuples par l’impérialiste mondial. Le service de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
absorbe chaque année les budgets sociaux de nos pays. Les dépenses de santé publique sont nettement inférieures aux minimums fixés par l’Organisation mondiale de la santé. Il est nécessaire de cesser de rembourser la dette publique pour libérer les liquidités
Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
nécessaires afin de faire face à l’épidémie de Corona et à l’aggravation de la crise sociale et économique. De même, il faut mettre un terme à toute forme de privatisation des services publics. La priorité doit être donnée au développement d’un secteur de santé publique qui garantisse des services médicaux gratuits et de qualité.
La revendication d’annulation de la dette extérieure a toujours fait partie des revendications populaires dans notre région depuis la crise de la dette et les programmes d’ajustement structurel qui ont suivi au début des années 80. Des campagnes ont été organisées en Tunisie et l’Égypte pour l’annulation des dettes odieuses contractées par les dictateurs qui ont été évincés par les révolutions. Des initiatives ont vu le jour au sein du récent mouvement de contestation populaire au Liban, appelant à la suspension du paiement de la dette et à la mise en place d’un programme de réformes sociales, alimentaires et de protection sociale pour la population. Dans le contexte de la crise de Corona, les appels à la suspension du paiement de la dette publique des pays du Sud se sont multipliés au niveau mondial. Par conséquent, nous devons continuer à nous mobiliser au niveau de notre région pour imposer un moratoire
Moratoire
Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.
Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
unilatéral et souverain sur le remboursement de la dette dans nos pays qui sont menacés par une catastrophe humanitaire en raison de l’absence de conditions pour faire face à l’épidémie de Corona. Un contrôle populaire doit également être établi sur les fonds qui seront libérés par la suspension des paiements, et qui doivent être consacrés en priorité aux besoins de santé et au soutien des couches sociales les plus touchées par la crise de Corona. Le moratoire sur les remboursements doit être accompagné de la mise en place d’un mécanisme d’audit de la dette publique qui permettrait à la majorité des citoyen-nes d’être impliqués dans l’identification des parties illégitimes, odieuses et illégales de ces dettes, qui doivent être répudiées. Les ressources ainsi libérées seront affectées à la mise en œuvre de mesures économiques, sociales et environnementales qui se fondent sur les besoins fondamentaux de la classe ouvrière, des petits producteurs et des couches marginalisées en général.
L’annulation de la dette publique entraînera inévitablement la nécessité de rompre avec la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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et le Fonds monétaire international. Ces deux institutions ont toujours soutenu les régimes dictatoriaux dans notre région, se sont alignées sur les grandes puissances impérialistes et l’État sioniste en Palestine occupée afin de freiner le processus révolutionnaire, et ont continué à aggraver l’endettement et à adapter nos économies pour servir les multinationales et les grands spéculateurs financiers à l’échelle mondiale. L’émancipation de nos peuples du despotisme sera incomplète sans cette rupture avec les centres de décision impérialistes.
Le paiement de la dette publique se fait au détriment de la détérioration des conditions sociales de la majorité des classes populaires et ouvrières et de la faiblesse de leurs revenus annuels. Cette situation les oblige à leur tour à emprunter auprès des banques, des institutions de crédit de logement, de consommation et de microcrédit à des taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
élevés. Dans le contexte de la crise économique exacerbée par le déclenchement de la pandémie de Corona, le chômage va augmenter et les difficultés de ces couches à couvrir leurs frais de subsistance, de santé et d’éducation vont s’accroître. L’endettement des petits producteurs, tels que les petits paysans, qui vivent un grave processus d’appauvrissement menaçant leur propre existence, sera exacerbé. D’où la nécessité de demander la suspension du paiement de ces dettes privées, d’organiser une campagne populaire pour enquêter sur toutes les formes de pillage et les conditions injustes imposées par les institutions du secteur financier, et d’examiner les fondements de l’illégitimité et de l’illégalité de ces prêts pour exiger leur annulation.
Pour mettre l’accent sur les priorités sociales et environnementales, il est crucial d’établir un système d’emprunt public sans intérêt plutôt que de promouvoir des prêts avec des intérêts qui augmentent les profits pour le capital financier. Cela suppose à son tour la socialisation du secteur bancaire, c’est-à-dire la confiscation sans aucune compensation des principaux actionnaires des banques, et son rattachement au secteur public sous contrôle populaire. La socialisation a un contenu beaucoup plus radical que la nationalisation, qui peut se limiter à l’achat par l’État des actions des grands capitalistes à des prix élevés. C’est ce contenu radical qui a été fortement mis en avant par le récent mouvement de contestation populaire au Liban en réclamant la chute du despotisme des banques, la chute de l’oligarchie au pouvoir, la condamnation des hauts fonctionnaires corrompus et la construction d’une économie basée sur la justice sociale.
Les accords de « libre-échange » sont des accords néocoloniaux qui ont été imposés à nos peuples. Ils aggravent la dépendance et les déficits commerciaux, accroissent notre dépendance à l’égard des importations de denrées alimentaires en provenance des marchés spéculatifs mondiaux et détruisent les activités productives paysannes et les possibilités d’emploi permanent. Ces accords ont généralisé la domination des multinationales et d’une partie du grand capital local sur les secteurs économiques rentables, sur les services publics, y compris la santé et les médicaments, et ont assuré la protection de leurs « droits » par le biais des lois sur la propriété intellectuelle et les brevets. La « nouvelle génération » d’accords de libre-échange comprend tous les domaines économiques, sociaux, culturels et environnementaux, comme c’est le cas de l’accord de libre-échange complet approfondi (ALECA) pour la Tunisie qui connait quelques mobilisations pour empêcher la signature imminente de cet accord et aussi pour le Maroc. Ainsi, les accords de « libre-échange » constituent, avec les dettes publiques, les outils de la domination impérialiste sur nos pays. Ils doivent être abolis et nous devons proposer des alternatives autour d’une coopération commerciale qui réponde aux besoins des peuples et qui soit fondée sur l’égalité, la justice et la complémentarité. Ces alternatives doivent donner la priorité aux canaux d’échange à petite échelle et localisés au Nord et au Sud, et renforcer les relations directes entre producteurs et consommateurs. Pour y parvenir, il faut construire une économie locale indépendante, centrée sur la souveraineté alimentaire et fondée sur la démocratie et la solidarité. Il est donc nécessaire de renforcer la rupture avec les institutions du capital mondial, y compris aussi l’Organisation mondiale du commerce
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
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Nous, les signataires de cet appel, et en soutien aux acquis des soulèvements populaires pour la démocratie, la liberté et la justice sociale dans notre région, nous revendiquons :
Nous appelons également à :
Cliquez ici pour signer la pétition
Liste des signataires
Article disponible en arabe ici.
31 mai, par Collectif , France Amérique latine
11 mai, par CADTM France , Collectif
18 avril, par CADTM France , Collectif
3 avril, par Eric Toussaint , Collectif , Olivier Bonfond , Christine Pagnoulle , Paul Jorion , Jean-François Tamellini , Zoé Rongé , Économistes FGTB , Nadine Gouzée
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton
1er février, par Collectif
26 janvier, par Collectif
20 décembre 2022, par CADTM France , Collectif
16 décembre 2022, par CADTM , Collectif
Déclaration ouverte à signature
Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO) : 19 ans, ça suffit2 décembre 2022, par CADTM , Collectif , GRAIN , Friends of the Earth
membre du réseau CADTM, l’Association pour la Taxation des Transactions en Aide aux Citoyens au Maroc (ATTAC Maroc) a été créée en 2000. ATTAC Maroc est membre du réseau international du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM) depuis 2006 (devenu Comité pour l’abolition des dettes illégitimes depuis juin 2016). Nous comptons 11 groupes locaux au Maroc. ATTAC veut être un réseau aidant à l’appropriation par les acteurs engagés dans l’activité sociale, associative, syndicale et plus largement militante des enjeux de la mondialisation sur les problématiques de résistance sociale et citoyenne.
www.attacmaroc.org
http://arabic.cadtm.org/
Adresse : n°140, rue Cadi Bribri Akkari 10000. Rabat. Maroc
Email : attac.cadtm.maroc chez gmail.com
Site Web attacmaroc.org Tel 00 212 6 61 17 30 39
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