La lutte des travailleurs de São Paulo marque un tournant dans la mobilisation pour de meilleurs horaires de travail.
9 décembre 2024 par Israel Dutra

Foto : STILASP
La durée légale du travail est encore, au Brésil, de 44 heures par semaine. La majorité des travailleurs du commerce et l’industrie sont astreints au régime 6×1 (6 jours de travail et un jour de repos) ou 6×2 (6 jours de travail et 2 de repos). Pour ces travailleurs, jamais de week-end complet, même pas la garantie d’avoir son samedi ou son dimanche. Ces conditions d’un autre âge cristallisent le mécontentement des travailleurs. Emblématique et prometteur est donc le succès, même partiel, de la lutte qu’on menée les travailleurs des usines PepsiCo de la périphérie de Sao Paulo (Itaquera) et de sa proche banlieue (Sorocaba) du 24 novembre au 2 décembre.
La grève des PepsiCo pour la réduction des horaires de travail, contre les échelles 6×1 [six jours travaillés suivi d’un jour de repos) et 6×2 a pris fin. D’abord dans l’usine de Sorocaba puis dans l’usine d’Itaquera un peu plus tard, au bout de 9 jours. Le syndicat et les travailleurs ont accepté les termes de la conciliation du tribunal régional du travail, en date du 2 décembre.
Certes la victoire est partielle et précaire en termes de résultats. Quatre points centraux ont été négociés : i) dans les usines d’Itaquera et de Sorocaba, les travailleurs travaillant en 6x1 bénéficieront d’au moins un samedi de congé par mois, voire deux en fonction des heures supplémentaires effectuées ; ii) poursuite des négociations pour une période de 70 jours pour avancer dans la mise en place de nouveaux horaires ; iii) paiement des jours de grève et ; iv) 45 jours de stabilité d’emploi au sein de l’usine. En fonction des conditions difficiles de la grève, de la répression patronale et du rapport de force au sein de l’entreprise, l’acceptation de ces conditions était inévitable. Et le sentiment d’une victoire crée une atmosphère positive en général.
Pepsico est une multinationale qui contrôle plusieurs branches et marques importantes dans le secteur alimentaire. L’usine de Sorocaba produit et conditionne la gamme « Toddy », sous la marque Quaker. L’usine d’Itaquera, à l’est de São Paulo, produit la gamme de produits transformés Elma Chips, les snacks « Torcida » et « Fofura ». L’usine située à l’est de la capitale emploie environ 750 personnes, réparties en trois équipes.
Après quatre mois de négociations sans résultats, la grève a été lancée suite dans la foulée de l’audience atteinte par le mouvement VAT (une Vie Après le Travail) sur les réseaux sociaux . À la suite de l’annonce du PEC et des mobilisations du 15 novembre, le syndicat (STILASP) a profité de l’occasion pour rendre visible sa négociation sur la rotation des semaines de congé à travers la lutte « contre l’échelle 6×1 ».
Pour combattre la grève, l’entreprise a eu recours à la répression policière, des campagnes de presse et, enfin, au harcèlement moral et aux menaces de licenciement, via des groupes WhatsApp, exigeant la reprise du travail. Comme l’a déclaré Carlos Oliveira (Carlão, « le grand Charles »), président de STILASP [Syndicat des travailleurs de l’alimentation, lors de l’assemblée d’usine qui a décidé la reprise du travail :
C’était l’ accord possible, mais qui reste insuffisant. Notre grève a remis la réduction du temps de travail au centre de l’agenda syndical. Notre lutte historique est pour la semaine de 40 heures.
Les patrons ont fait part de leur « solidarité de classe ». La grève a pris des contours plus larges lorsque l’ABIA (le syndicat patronal de l’alimentaire) et la CNI (Confédération Nationale de l’Industrie) se sont associées à l’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
en justice pour à déclarer le mouvement illégal. L’exposé des motifs de la CNI est une réflexion patronale très politique, compte tenu du risque qu’une victoire chez PepsiCo aurait en raison de l’effet de contagion à cette période de l’année.
Après la grève, PepsiCo a pris des mesures pour apaiser le mécontentement (une prime de 440 Reais à la fin de l’année pour tout le monde) et a encouragé les pratiques antisyndicales en offrant des primes aux briseurs de grève. Elle a également publié une série d’articles dans la presse d’entreprise afin d’améliorer l’image de l’entreprise, compte tenu des répercussions de la grève.
La solidarité du côté des travailleurs a aussi été effective. Des syndicats de tout le pays, des mouvements via les réseaux sociaux, des secteurs politiques oú des personnalités comme le juriste Jorge Souto Maior ont apporté leur soutien à la grève. Un manifeste, traduit en quatre langues, a permis de recueillir des soutiens internationaux, perçus ave sympathie.
Les principales organisations syndicales du pays (CUT, FS et CTB) ont boycotté la grève.
Le mouvement VAT sort renforcé. Lors de l’assemblée finale, ses représentants à Sao Paulo ont été reçus avec autorité et respect, son fondateur, Rick Azevedo cité et applaudi. La députée Erika Hilton, autrice de la PEC [1], est devenue une référence. En fait, le PSOL dans son ensemble est apparu comme la principale force soutenant la grève. Les élues Luana Alves, Amanda Paschoal, Monica Seixas et Sirlene Maciel étant présentes régulièrement sur les piquets de grève et ont multiplé les interventions de solidarité.
L’intervention de la députée fédérale Sâmia Bomfim (PSOL-SP) au congrès national a eu des répercussions sur tous les groupes du mouvement syndical.
La lutte contre l’échelle 6×1 est à l’ordre du jour de la société. Et il y a un courant d’opinion, souterrain et encore à peine conscient et organisé, sur les lieux de travail, dans les couches plus larges et plus jeunes du prolétariat brésilien, qui commence à exiger de meilleures conditions de travail. Il s’agit de dizaines de millions de personnes, réparties dans tout le pays, avec une concentration dans les grandes villes, qui discutent, réfléchissent à la manière et au moment d’agir.
L’enquête publiée dans le journal Folha de São Paulo indique que 89 % des personnes interrogées savent que la proposition de mettre fin à l’horaire de travail 6×1 est en cours de discussion au Congrès. Et que 70 % d’entre elles soutiennent directement la fin de l’échelle 6×1, au-delà des clivages idéologiques traditionnels, puisque la majorité des électeurs de droite y sont également favorables.
Publication originale Revista Movimento
Traduction et édition : Alain Geffrouais
[1] La durée maximum du travail est fixée para la Constitution à 8 heures par jours et 44 heures par semaine. La PEC (Projet d’Amendement à la Constitution) maintient la journée maximum de 8 heures, mais réduit la durée hebdomadaire à 36 heures et le nombre de jours travaillés à 4 par semaine. Pour qu’un amendement á la constitution soit adopté, il doit recueillir une majorité qualifiée des 2/3 au parlement.
Israel Dutra é sociólogo, Secretário de Movimentos Sociais do PSOL, membro da Direção Nacional do partido e do Movimento Esquerda Socialista (MES/PSOL)
17 septembre 2024, par Farooq Tariq , Israel Dutra
23 août 2024, par Israel Dutra , Roberto Robaina
3 juin 2024, par Israel Dutra , Roberto Robaina
6 mai 2024, par Israel Dutra , Roberto Robaina
2 avril 2024, par Israel Dutra , Roberto Robaina