La commission des affaires économiques de l’Union Africaine (qui comprend tous les Etats africains à l’exception du Maroc car l’UA a reconnu l’Etat sahraoui) a réuni à Addis Abéba les lundi 21 et mardi 22 mars 2005 une série de représentants de gouvernements africains, d’experts internationaux et de délégués d’ONG et de mouvements sociaux. Il s’agissait de débattre du désendettement de l’Afrique que l’UA.
Il y avait 50 participants qu’on peut répartir en 4 catégories :
des délégués des Etats membres de l’Union Africaine (UA) (Délégués représentant : Algérie, Bénin, Côte d’Ivoire, Congo Brazza, RDC, Gabon, Egypte, Ghana, Libye, Mali, Mauritanie, Kenya, Sénégal, Afrique du Sud, Ouganda, Zambie, Zimbabwe) ;
des délégués de l’UA (commission économique, Commission NEPAD, commission Commerce)
des délégués de la Banque Africaine de Développement ;
des délégués d’organisations non gouvernementales et de réseaux internationaux (CADTM -Eric Toussaint- ; Oxfam UK représenté par Irungun Houghton -Kenya- ; New Economic Foundation UK -David Woodward- ; Jubilee South/AIDC -Demba Dembelé, Sénégal ; Third World Network Africa ; Enda ; AFRODAD Zimbabwe ; AWEPON ; Ugandan Debt Network).
Il s’agissait de préparer des recommandations au conseil des ministres de l’UA et de la réunion des présidents qui se tiendra en deux étapes : les 6 et 7 mai à Dakar ; les 6 et 7 juillet (au moment du G7
G7
Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing.
) sur le thème du désendettement de l’Afrique. Cette réunion était la première du genre : premier dialogue sur le thème de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
où la « société civile » était invitée à faire des propositions à l’UA.
Le programme a été conçu des deux journées a été conçu de la manière suivante (conférences de 20 à 30 minutes suivies de discussion en plénière) :
1) Eric Toussaint (CADTM) le matin du premier jour. Sujet : « La dette de l’Afrique au début du XXIe siècle. L’Afrique créancière ou débitrice. Analyse suivie de propositions de solutions »
2) Moustapha Kassé (prof d’économie à l’université de Dakar, conseiller spécial des Affaires économiques du président sénégalais Abulaye Wade), début d’après midi du 1 er jour . Titre : « L’endettement de l’Afrique, quelles voies de sortie après l’initiative PPTE
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
»
3) En fin d’après-midi du 1er jour, Irungun Houghton (Oxfam) sur le programme d’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
des ONG en relation avec G8
G8
Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002.
, OMC
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
, etc. et Demba Dembelé (Société civile africaine, Jubilee South) sur la position de la société civile africaine en matière d’annulation de dette, la nécessité de l’annulation totale et inconditionnelle de la dette externe de l’Afrique.
4) Aké G. M. N’Gbo (professeur université d’Abidjan) : « Capacité d’endettement dans l’Union Economique et Monétaire ouest africaine ».
Après chaque conférence, un vigoureux débat courtois a eu lieu.
Fin de matinée du deuxième jour, a été présentée une proposition du groupe de travail de l’UA par René Kouassi. Il a présenté 5 scénarii possibles de désendettement.
Grosso modo, le débat a été fortement polarisé entre d’une part ceux qui considèrent qu’il ne faut pas se battre pour l’annulation totale de la dette afin de ne pas perdre la possibilité de s’endetter dans le futur (càd continuer à recevoir des financements extérieurs sous la forme de prêts)et d’autre part, ceux qui plaident en faveur d’une annulation totale de la dette et de l’action collective de l’Union Africaine dans ce sens.
La première position était défendue avec force et conviction par Moustapha Kassé (prof d’économie à l’université de Dakar, conseiller spécial des Affaires économiques du président sénégalais Abulaye Wade), appuyé par Aké G. M. N’Gbo (professeur université d’Abidjan), Ambouroue Joseph Didier (qui a travaillé 20 ans pour le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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, Gabon), de Menou Fructueux (directeur adjoint de la dette de la dette publique, Bénin) ainsi que les représentants de la BafD. Ces différentes personnes sont aussi favorables au NEPAD, à la promotion du rôle du privé, aux conditionalités,... CECI DIT, ces personnes ont déclaré qu’elles étaient pour l’annulation de la dette, certaines d’entre elles ont affirmé que cette demande d’annulation de la dette était contenue dans le NEPAD. Le représentant sud africain du NEPAD a souligné que celui-ci était effectivement favorable à l’annulation de la dette (ce que Demba Dembelé de Jubilé Sud a contesté en affirmant qu’A. Wade était opposé à l’annulation de la dette tandis que Obasanjo était favorable à cette exigence). Le fait que les tenants de positions (néo)libérales commencent par affirmer qu’ils sont pour l’annulation traduit un changement de situation sur le plan africain et mondial. La proposition/revendication d’annulation de la dette a le vent en poupe.
La deuxième position (celle en faveur de l’annulation totale et de l’action collective en sa faveur) était défendue par Eric Toussaint (qui avait la charge de la première conférence), Demba Dembelé (Jubilé Sud), Irungu Houghton (Oxfam), Tanoh Gykye (Third World Network) et semble-t-il AWEPON, Ugandan Debt Network et AFRODAD. Manifestement plusieurs fonctionnaires membres de la Commission de l’UA étaient également favorables à cette position. C’est une autre « preuve » de virage à gauche du contenu du débat sur la dette. Sous réserve de confirmation, on perçoit une radicalisation de la part d’ONG et de mouvements qui jusqu’ici adoptaient une position plus modérée.
Bien qu’il ne faille pas se faire d’illusion sur les travaux d’un atelier, il faut néanmoins remarquer qu’au siège de l’UA le vent semble en train de tourner. Est-ce que cela aura des conséquences positives au niveau des chefs d’Etat ? L’avenir le dira.
12 septembre, par CADTM
10 septembre, par CADTM , Nina Guesne , Rouvenn Mikaya
1er septembre, par CADTM
Cycle de formation du CADTM
Nouvelle crise bancaire internationale24 juillet, par CADTM , Eric Toussaint
14 juin, par CADTM , Eric Toussaint
12 juin, par CADTM , Collectif , CNCD , Entraide et Fraternité , CETRI (Centre Tricontinental)
Cycle de formation du CADTM
Les fonds vautours (avec focus sur les cas de l’Argentine et de la Zambie)10 mai, par CADTM , Pablo Laixhay , Pierre-François Grenson , Maxime Perriot
25 avril, par CADTM , Ecologistas en acción , ATTAC Espagne , Plateforme espagnole de lutte contre les fonds vautours , Audit de la santé , Coordination pour le droit au logement à Madrid
25 avril, par CADTM , Maxime Perriot
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton