Neuf mois après l’annonce tonitruante des huit pays les plus industrialisés (G8
G8
Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002.
) à Londres, la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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vient seulement de dévoiler les modalités de l’annulation des créances
Créances
Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur).
qu’elle détient envers 17 pays pauvres et très endettés (PPTE
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
). L’accord, qualifié d’ « historique » par le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, concerne 13 pays d’Afrique et 4 d’Amérique latine . Au 1er juillet 2006, la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
de ces 17 pays envers la Banque mondiale devrait être annulée. La Banque mondiale avance le chiffre total de 37 milliards de dollars, répartis sur 40 ans.
Mais contrairement aux proclamations de la Banque mondiale, il n’y a là rien de nouveau. Cette décision se contente de concrétiser tardivement la décision prise par le G8 l’année passée. De plus, au cours des dix dernières années, la Banque mondiale n’a dépensé que 2,6 milliards de dollars pour réduire la dette de ces 17 pays alors qu’elle possède plus de 38 milliards de dollars de capitaux propres. Elle est donc très loin d’avoir fait un effort financier significatif, ce qui ne l’empêche pas de proclamer année après année une générosité infondée et usurpée.
Lancée en 1996, l’initiative PPTE devait régler définitivement le problème de la dette de 42 pays très pauvres et très endettés. Mais cette initiative a tourné au fiasco : leur dette est passée de 218 à 205 milliards de dollars, soit une baisse de 6% seulement entre 1996 et 2003 . Bien que la plupart des pays aient appliqué les recettes économiques draconiennes exigées par le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et la Banque mondiale, le fardeau de la dette est toujours bien présent. Pourquoi continuer à faire confiance à ceux qui ont déjà échoué et qui veulent renouveler les mêmes erreurs ?
Pour la Banque mondiale, la dette est un outil de domination très apprécié. En effet, pour décrocher cette annulation, les 17 pays concernés ont dû achever les étapes de l’initiative PPTE et réaliser pendant au moins 4 ans un véritable parcours du combattant néolibéral : réduction drastique des budgets sociaux, privatisations massives, ouverture des marchés, libéralisation de l’économie pour le plus grand profit des sociétés multinationales et des investisseurs internationaux. Mais ce sont autant de coups très durs portés aux conditions de vie des populations pauvres. Tous ces pays ont donc déjà payé très cher, en terme de souffrances humaines, le droit d’être éligibles.
La décision de la Banque mondiale est à la fois inadaptée et inadmissible. Inadaptée car elle ne concerne qu’un petit nombre de pays (17, représentant moins de 5% de la population des 165 pays dits « en développement ») ; inadmissible car elle renforce la domination que les créanciers imposent à la planète entière par l’intermédiaire de la dette. Le docteur Banque mondiale fait mine de prescrire des stratégies de réduction de la pauvreté (en fait, de maigres sommes saupoudrées sur de rares projets sociaux) tout en cachant les graves effets secondaires : dans des pays où plus de 40 % du budget sert à rembourser la dette, il interdit aux gouvernements de recruter et de former suffisamment d’enseignants, d’aides-soignants, de médecins, etc., au nom de sacro-saints principes comme la réduction de la fonction publique et l’équilibre budgétaire.
Enfin, cette annonce laisse de nombreuses questions en suspens : quelle est la date butoir pour le calcul de l’annulation : fin 2004 comme au FMI ou fin 2003 comme le bruit court, ce qui réduirait la portée de l’accord ? la Mauritanie, qui est pour l’instant exclue de la liste, sera-t-elle réintégrée ? qu’en est-il de nombreux pays très pauvres oubliés par l’initiative PPTE - comme Haïti, l’Erythrée ou le Népal - qui aujourd’hui n’ont droit à aucun allégement de dette ? des conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. supplémentaires prouvant la docilité économique du pays concerné ne sont-elles pas discrètement ajoutées par la Banque mondiale ?
La démarche de la Banque mondiale, et plus généralement les mesures prises par l’ensemble des créanciers, ne sont que des leurres permettant de détourner l’attention de l’opinion publique. Les revendications essentielles demeurent l’annulation de la dette extérieure publique de tous les pays en développement et l’abandon définitif des politiques d’ajustement structurel. Cette dette ponctionne les richesses des pays du Sud pour les envoyer vers de riches créanciers, ravage des régions entières, répand la misère et la corruption. Cette dette est illégitime, et, pour une large part, odieuse. Son annulation totale et inconditionnelle n’est pas négociable.
Cycle de formation du CADTM
Les fonds vautours (avec focus sur les cas de l’Argentine et de la Zambie)10 mai, par CADTM , Pablo Laixhay , Pierre-François Grenson , Maxime Perriot
25 avril, par CADTM , Ecologistas en acción , ATTAC Espagne , Plateforme espagnole de lutte contre les fonds vautours , Audit de la santé , Coordination pour le droit au logement à Madrid
25 avril, par CADTM , Maxime Perriot
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton
Cycle de formation du CADTM
Dette et féminisme8 mars, par CADTM , Camille Bruneau
8 mars, par CADTM , Attac France
13 février, par CADTM
16 décembre 2022, par CADTM , Collectif
13 décembre 2022, par CADTM
9 décembre 2022, par CADTM