29 mars 2010 par Guy De Boeck
Ces deux festivals programment plusieurs films politiques dans la perspective du 50e anniversaire de l’indépendance du Congo. Or, le ministère belge des Affaires étrangères veut éviter toute fausse note. Les deux festivals devraient donc revoir leur programmation s’ils veulent recevoir des subsides.
Dans la perspective du 50e anniversaire de l’indépendance du Congo, les festivals de films africains sont sur la brèche et programment plusieurs films politiques, dont le Lumumba, réalisé par le cinéaste haïtien Raoul Peck, ou Mobutu roi du Zaïre, de Thierry Michel.
Comme les années précédentes, les organisateurs de l’Afrika film festival de Leuven (du 16 avril au 1er mai) et d’Afrique taille XL (22 au 25 avril) se sont donc adressés à la Coopération au développement, qui d’ordinaire soutient financièrement ces activités, sur le budget de l’éducation au développement. Mais cette année, une cellule « 50e anniversaire » mise sur pied au ministère des Affaires étrangères supervise toutes les activités liées au Congo. Et semble craindre, par-dessus tout, la moindre fausse note. En un mot : il s’agirait davantage d’une cellule « censure » que d’une cellule d’encouragement.
A tel point que, d’après les organisateurs du festival du film africain à Louvain, Guido Convents et Guido Huisman, il leur a été signifié que, s’ils voulaient encore être soutenus, ils devaient retirer de l’affiche les films précités. Et cela alors que Guido Huisman a déjà invité à Louvain la veuve de Patrice Lumumba, afin qu’elle commente l’œuvre de Raoul Peck au moment de sa programmation. Même son de cloche à Ixelles, chez les organisateurs du festival XL : « À la Division générale de la Coopération au développement, on nous a dit que si nous maintenions au programme le film de Raoul Peck, le financement de notre festival deviendrait problématique », s’inquiète Aurore Engelen, qui ajoute « ce financement de la coopération, cela représente la moitié de notre budget… »
Il faut savoir que le film de Raoul Peck est particulièrement sévère pour le rôle joué dans la disparition de Lumumba par les services secrets belges et s’ouvre d’ailleurs par une assez peu appétissante reconstitution de la destruction des cadavres. Ces faits sont aujourd’hui de notoriété publique et ont été admis pas la « commission Lumumba » du Parlement, mais il semble qu’il y ait des vérités qui ne sont bonnes à dire qu’une fois et ne doivent pas être inopportunément rappelées...
Au ministère des Affaires étrangères, on nie cette forme de censure, ou ce souci du politiquement correct qui date d’un autre âge et on assure que cette menace sur les financements des festivals de films africains ne peut avoir été dictée par la hiérarchie, qui a pour politique de ne pas se mêler du contenu de la programmation des festivals… Il n’empêche que, jusqu’à nouvel ordre, cinquante ans après la mort du héros de l’indépendance congolaise, Lumumba, vu par Raoul Peck, a soudain perdu droit de cité, à Leuven et à Ixelles…
On trouve en toutes lettres dans la Constitution belge cette phrase « La censure est abolie et ne pourra jamais être rétablie ». Il semble que certains ronds-de cuir au service de l’Etat n’aient pas lu le texte fondateur de leur activité !
Si cette censure devait se confirmer, et que les festivals en question finissent par renoncer à cette programmation, il y a néanmoins une possibilité assez simple de réagir à cette fâcheuse initiative et ; à la fois, de réagir contre la censure et de rétablir l’information historique complète à laquelle chacun a droit.
Le film « Lumumba » est en ligne sur « Dailymotion » et peut donc être téléchargé et diffusé par toute personne disposant d’un ordinateur et du matériel nécessaire, soit pour relier celui-ci à une vidéo, soit pour projeter des images sur écran.
Nous suggérons donc à tous les groupes et organisations de Congolais, d’Africains, d’amis du Congo et du Tiers-monde, de défense des Droits de l’Homme et de la liberté d’expression de prévoir, d’ici le 30 juin, le maximum de projections, publiques ou privées, du film de Raoul Pecq et de souligner qu’elles ont lieu à la fois en hommage à Patrice Lumumba et en guise de protestation contre une tantive larvée d’établir la censure en Belgique.
Guy De Boeck est membre du collectif Mémoires Coloniales (Belgique).
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