15 février 2012 par Pauline Imbach
Quand le gouvernement veut imposer l’austérité ...
C’est la crise ! La Belgique vit au dessus de ses moyens, il est donc venu le temps de l’austérité, de la cure hivernale visant à rétablir l’équilibre budgétaire. Les citoyen-ne-s belges, ayant largement profité du système, sont aujourd’hui invité-e-s à se serrer la ceinture. Voilà la bande sonore du bourrage de crâne auquel nous sommes soumis depuis que nous avons enfin un gouvernement ...
Le premier ministre Elio Di Rupo a annoncé la couleur pour retrouver le Triple A : Austérité budgétaire, Austérité salariale, Austérité sociale. Pour faire passer la pilule, la méthode est simple : d’abord passer en force pour ensuite « dialoguer » avec les interlocuteurs sociaux pour d’éventuelles modifications à la marge. Quoi de plus beau dans une démocratie que de prendre des mesures politiques hostiles à la grande majorité de la population avec l’aval des syndicats, des associations, etc.
La copie de Di Rupo est sans appel, elle attaque de plein fouet les conquêtes sociales, notamment le système de pension (pension anticipée, prépension, assimilations dans le calcul de la pension, {{}}crédit-temps de fin de carrière, etc.). Le gouvernement veut donc que les Belges travaillent plus ... mais soyons clairs, travailler plus pour gagner quoi ? Dans une situation où le chômage bat son plein, la relance de l’économie par le haut doit se faire, au contraire, par une répartition du temps de travail. Cette mesure passe à la fois par le renforcement des mécanismes qui permettent aux travailleurs d’avoir des carrières moins longues et également par la réduction du temps de travail avec le maintien des salaires et des embauches compensatoires.
Après quelques semaines de flou sur le contenu exact des mesures d’austérité, démontrant la dextérité du gouvernement à manier l’art du suspense, ce dernier va maintenant rédiger sa copie finale et la remettre officiellement aux membres du Groupe des dix, déjà consulté à différentes reprises, notamment le mercredi 21 décembre. Le ’Groupe des dix’ compte en réalité 11 membres : deux représentants de la CSC, deux de la FGTB, un de la CGSLB, trois représentants de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), un de l’Unizo, un de l’Union des classes moyennes (UCM) et un du Boerenbond. [1]
... les organisations syndicales doivent refuser de négocier.
Au vu des plans d’austérité annoncés et du contexte européen qui démontre largement que les mesures des gouvernements - de gauche comme de droite, avec ou sans dialogue social – vont toutes dans le sens de la destruction des conquêtes sociales, faut-il continuer de négocier ? N’est-ce pas là jouer en quelque sorte le jeu du gouvernement et lui offrir la carte qui lui permettra de ne pas assumer seul ses actes et de les légitimer au nom de tous ?
Comme le rappelle à juste titre Nico Cué, leader des Métallos Wallonie-Bruxelles de la FGTB, « il va falloir mener une bataille très dure parce que nous sommes dans une révolution néoconservatrice. (...) Si rien ne bouge, il faudra beaucoup plus qu’une grève nationale pour faire trembler les lignes. (...) Nous proposerons 48 heures de grève en avril et, s’il le faut, 72 heures en juin. Camarades, faites des économies ! (...) Nous nous battrons, pour notre dignité et celle de tous. » [2]
Il paraît nécessaire et urgent d’augmenter la pression sur le gouvernement, c’est pourquoi la grève générale du 30 janvier a constitué un premier pas important, malgré les attaques médiatiques de la presse dominante, dressée en véritable chien de garde du gouvernement. Trente ans après Margaret Thatcher, on nous refait le coup du TINA : There is no alternative (Il n’y a pas d’alternative) aux mesures de répression salariale, de réduction des droits économiques et sociaux ainsi que de compression budgétaire. Tous les grands éditorialistes de la presse écrite, parlée et télévisée enchaînent en boucle : on comprend le mécontentement social mais vraiment il faut appliquer les mesures que prend le gouvernement. C’est inévitable. Certains ajoutent : par leurs actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
syndicales, les salariés défendent des privilèges. Il faut que les directions syndicales gardent le contrôle sur la situation et canalisent le malaise social.
Il faut maintenir le cap des mobilisations et ne rien lâcher. Nous avons besoin de nous retrouver dans des moments de lutte collective. Au-delà de piquets de grève bien utiles ou d’un grand défilé annuel, il faut inviter toute la population à sortir de chez elle pour des manifestations actives, festives, déterminées et répétées.
Les forces sociales doivent encourager et aider à l’organisation de grèves, d’actions, de mobilisations en renforçant les convergences entre les mouvements. Des indigné-e-s aux grévistes, en passant par les chômeurs, les jeunes, les sans-papiers, il y a mille et une passerelles à tisser et c’est en se mobilisant largement et radicalement que l’on pourra faire face à l’austérité.
Contre l’austérité ...
L’austérité n’est pas le fait du hasard, elle résulte d’un choix politique et idéologique savamment mis en place depuis des décennies. Depuis une trentaine d’années, les dirigeants ont mis en place des politiques fiscales et budgétaires visant en priorité à satisfaire les intérêts d’une petite minorité d’individus très bien nantis. D’une part, les gouvernements ont creusé le déficit de l’État en s’endettant et en rémunérant les créanciers avec des taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
importants : entre 1982 et 2007, c’est plus de 500 milliards d’euros que les pouvoirs publics belges ont payé aux créanciers uniquement en intérêts de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
[3]. D’autre part, ils ont mis en place des politiques fiscales en faveur des riches et des grandes entreprises, ce qui a grevé les recettes publiques. En Belgique, 50 grandes sociétés belges ont payé en 2009 un impôt moyen de 0,57% et non de 33,99%, taux officiel de l’impôt des sociétés, privant les recettes publiques de 14,3 milliards d’euros.
Autre élément important à souligner, en valeur absolue, la dette publique belge a augmenté de 44,1 milliards d’euros, passant de 282,1 milliards d’euros en 2007 à 326,3 milliards d’euros en 2009. Sur ces 44 milliards d’augmentation, plus de 20 milliards proviennent du sauvetage financier réalisé par les pouvoirs publics belges en 2008-2009.
... il nous faut auditer la dette.
Dans plusieurs pays européens de nombreuses associations et mouvements sociaux se sont coalisés pour lancer des audits citoyens de la dette publique. En France par exemple, cette initiative connaît un très large succès et les collectifs d’audits citoyens se multiplient. La mise en place de tels collectifs permet non seulement de débattre publiquement d’une question centrale, la gestion budgétaire, mais permet aussi d’examiner les causes de la dette publique, qu’on nous demande aujourd’hui de rembourser. Il en va d’un droit démocratique, celui d’être pleinement informé sur la dette publique et la dette privée qui bénéficie de garanties Garanties Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome). publiques. L’objectif de ce travail est de prendre connaissance des raisons pour lesquelles la dette a été contractée, les termes dans lesquels celle-ci l’a été, la destination des fonds empruntés ou encore de faire la lumière sur les responsabilités. Cette étude précise des livres de comptes a pour finalité d’annuler les parties de la dette publique reconnues comme illégales, illégitimes ou odieuses.
A l’instar de la France, nous devons lancer un processus d’audit citoyen de la dette publique belge. Avant de payer la crise provoquée par les capitalistes, regardons d’abord la facture détaillée !
[1] Actuellement, le ’Groupe des dix’ se compose de : Thomas Leysen (FEB), président du ’Groupe des dix’, Marie-Anne Belfroid (UCM), Luc Cortebeeck (CSC), Rudy De Leeuw (FGTB), Anne Demelenne (FGTB), Claude Rolin (CSC), Rudi Thomaes (FEB), Pieter Timmermans (FEB), Karel Van Eetvelt (Unizo), Piet Vanthemsche (Boerenbond), Jan Vercamst (GGSLB)
[2] A Namur, le 20 janvier dernier, lors d’une rencontre des délégués et militants métallos wallons et bruxellois de la FGTB pour déterminer le programme d’actions d’après la grève nationale du 30 janvier.
http://www.metallos.be/pages/boite-a-outils/actualites/27/01/2012/greve-generale-a-tout-moment-la-rue-peut-aussi-dire-non
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