Carte blanche publiée sur Le Vif le 15 mars 2021
30 mars 2021 par Faire Front
Après un an de confinement, il est temps de Faire front contre les conséquences injustes des mesures, soulignent plusieurs responsables de mouvements sociaux, réunis dans un espace de convergence.
Il y a tout juste un an, ce foutu virus nous a confiné. Il nous a privé d’accolades et de grandes tablées amicales, il a plongé de nombreux/ses aîné.e.s dans une immense solitude et de nombreux/ses précaires dans une encore plus grande précarité. Il a privé les adolescents et les jeunes de leurs espaces de vie et d’interactions. Il a tué beaucoup d’entre nous. Il a fait porter aux personnels des soins une énorme charge de travail, de fatigue et de tristesse, il a privé de travail et de revenus des centaines de milliers d’entre nous, poussant certain-es au désespoir. Le bilan de ce virus est de toute façon accablant : ce n’est pas nécessaire de chercher d’autres reproches à lui adresser !
Et pourtant, lorsque nous regardons d’un peu plus près tous ces méfaits, un élément saute aux yeux : les femmes et les mères seules, les enfants et les ados, les pensionné-es, les pauvres et les précaires, les personnes isolées, les intérimaires, les petits indépendants, les artistes, les intermittents, les migrants, les sans-papiers, les sans-domiciles, les prisonniers, les travailleuses du sexe, etc. sont frappées plus durement que les autres. Dans le même temps, les plus riches ont souvent pu tirer profit de la crise pour s’enrichir encore. Les grandes entreprises ont pu continuer à fonctionner et à engranger des profits importants. Certaines s’apprêtent à verser de généreux dividendes à leurs actionnaires.
En plus d’être sournois, contagieux, mortel, ce virus serait donc aussi sexiste et injuste ?
À moins que ... À moins que ce virus n’ait pas d’opinions ni de préférences ou encore de responsabilités morales ; qu’il fasse simplement, bêtement, ce que les virus savent faire : proliférer partout où il le peut, sans aversion particulière contre la culture ou la démocratie, sans aucune préférence pour telle ou telle catégorie sociale.
Mais alors, puisque, sans le moindre doute, le confinement et l’ensemble des mesures prises ont frappé plus durement les secteurs les plus fragiles, qui est responsable ? Qui doit rendre des comptes ? Pourquoi les temples du commerce ont-ils rouvert si rapidement alors que les lieux de culture restent fermés ? Pourquoi a-t-on mobilisé si vite 390 millions pour une compagnie aérienne, et si peu pour les plus pauvres et les plus précaires ? pourquoi le personnel soignant et les autres métiers essentiels n’ont-ils encore vu aucune revalorisation sérieuse venir ? Des pourquoi comme ceux-là, nous en avons des dizaines, ils nous emplissent d’une vaste colère.
Nous ne voulons plus d’une gestion de la crise qui ne considère pas les liens sociaux et la solidarité comme des valeurs essentielles. Nous ne voulons plus que la crise que nous vivons collectivement exacerbe encore les inégalités et soit assumée injustement par les publics déjà victimes d’injustices au quotidien.
Répétons-le : nous ne voulons pas non plus d’un retour à la normale, car cette « normalité néolibérale », faite d’inégalités violentes, de mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
insensée, de destruction des services publics, de marchandisation de la vie et de résignation à la catastrophe écologique, est aussi la source du drame que nous vivons. L’échec des politiques néolibérales menées ces 4 dernières décennies est complet. Une rupture avec ce modèle est nécessaire, urgente, et possible.
Ce mois de mars voit, presque chaque jour, la mobilisation de collectifs de « perdants du confinement » et des victimes des injustices de notre modèle économique, aggravées par la pandémie. Féministes le 8, sans-papiers le 10, monde de la culture le 13, « affaire climat » le 14, antiracistes le 21, droit au logement le 28, front commun syndical le 29, et nous en oublions beaucoup ...
Chacune de ces luttes est importante, et elles se renforcent mutuellement. elles sont reliées parce qu’elles s’inscrivent en rupture avec cette logique capitaliste mortifère. Et par ce qu’elles revendiquent : ici et maintenant, une autre gestion des risques sanitaires plus juste, plus humaine et plus solidaire ; et, pour demain matin, un autre modèle de société.
Dans l’immédiat, et sans attendre l’allègement général des mesures, il faut en rééquilibrer la charge, en considérant la culture, les liens sociaux, comme aussi importants - et davantage ! - que le commerce et le profit. Il faut également compenser intégralement les pertes de revenus des plus précaires.
Et demain, il faudra tirer les leçons des causes et des conséquences de cette catastrophe, pour amorcer un réel changement de cap. Et c’est possible ! On peut parfaitement transformer radicalement nos modes de production et de consommation, et nos relations avec les êtres humains et la nature. Il existe des alternatives simples, crédibles et immédiatement réalisables pour remettre la finance à sa juste place, pour diminuer radicalement le poids de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, pour sortir de l’austérité, pour refinancer les services publics et la culture, etc. Pour concrétiser ces alternatives et rompre avec l’orientation capitaliste de nos économies, au minimum deux éléments seront nécessaires : du courage politique, mais aussi et surtout un mouvement social puissant qui mette la pression sur nos représentant.e.s politiques afin qu’ils/elles œuvrent réellement en faveur des intérêts de la majorité de la population.
*Faire Front (www.fairefront.be ) est un espace de convergence des mouvements sociaux né au début du premier confinement, qui réunit plus de 100 organisations, associations ou collectifs qui revendiquent, ensemble, une rupture démocratique, sociale et écologique !
Source : Le Vif
est un espace de convergence des mouvements sociaux qui est né au début du premier confinement. Il réunit plus de 100 organisations, associations ou collectifs, dont le CADTM Belgique, qui revendiquent, ensemble, une rupture sociale et écologique ! (lire le texte fondateur : http://www.fairefront.be/texte-fondateur/ )
22 février 2021, par Faire Front