23 mars 2011 par Pauline Imbach
Suite à l’appel de l’Assemblée des mouvements sociaux (AMS) rassemblés à l’occasion du Forum Social Mondial de Dakar le 10 février 2011, la journée du 20 mars a été marquée par des manifestations et des mobilisations de solidarité avec les peuples arabes en lutte pour leur souveraineté. L’assemblée des mouvements sociaux, processus de coordination internationale des mouvements sociaux, a affirmé dans sa déclaration finale son soutien et sa solidarité active « aux peuples de Tunisie, d’Egypte et du monde arabe qui se lèvent aujourd’hui pour revendiquer une véritable démocratie et construire un pouvoir populaire. De part leurs luttes, ils montrent la voie d’un autre monde débarrassé de l’oppression et de l’exploitation » et a appelé à ce que le 20 mars soit « un jour international de solidarité avec le soulèvement du peuple arabe et africain, dont les conquêtes renforcent les luttes de tous les peuples : la résistance du peuple palestinien et saharaoui, les mobilisations européennes asiatiques et africaines contre la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
et l’ajustement structurel, et tous les processus de changement en cours en Amérique latine. » [1]. Bien que cela reste totalement insuffisant, cet appel a largement été entendu et des mobilisations ont été organisées dans de nombreuses villes des quatre coins de la planète, y compris dans le monde arabe. Petit tour d’horizon (le bilan dressé ici n’est pas exhaustif).
Des actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
de solidarité dans le monde entier
En Belgique une plateforme de 69 organisations a appelé à manifester ce 20 mars
Dans le cadre d’une plateforme regroupant 69 organisations (syndicats, coupoles, associations tiers-mondistes, environnementales, pacifistes, féministes et de jeunesse), plus de 2000 personnes ont manifesté dimanche après midi dans les rues de Bruxelles leur solidarité avec les processus révolutionnaires en cours.
Au cours de la marches différentes revendications clés ont été rappelées, avec en premier lieu la solidarité internationale avec les soulèvements pour la liberté, les droits démocratiques et le progrès social en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Autre revendication largement mise en avant, le refus du soutien politique, économique et militaire de l’Occident aux régimes dictatoriaux.
Le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde, membre de la plateforme et du Collectif de solidarité avec les peuples en lutte a, quant à lui, mis en avant la revendication de la répudiation des dettes odieuses contractées par les dictateurs. Ainsi on pouvait lire sur quelques panneaux « Ben Ali et le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
Cliquez pour plus de détails.
sont des amis – FMI dégage ! » ou encore « La dette des dictateurs ne sera pas payée par les peuples ».
Ces revendications font largement écho au travail mené par RAID ATTAC CADTM Tunisie qui milite activement pour la réalisation d’un audit de la dette tunisienne et demande dans ce cadre un moratoire
Moratoire
Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.
Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
unilatéral sur la dette publique de la Tunisie (avec gel des intérêts), pendant la durée de réalisation de l’audit.
Le CADTM Belgique continue de relayer et de soutenir ce travail, notamment en co-organisant le 24 mars 2011 une conférence au Parlement européen sur la dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
de la Tunisie. [2]
En France, plusieurs manifestations ont eu lieu à Paris , place du Trocadéro ou encore à Lille et à Grenoble [3] où une centaine de manifestants ont défilé pour « soutenir les peuples arabes en lutte » et pour protester contre les frappes aériennes en Libye.
En Suisse des manifestations de soutien aux révolutions en cours et pour la fin de l’occupation de l’Irak ont eu lieu à Genève, Lausanne et Berne. A Genève, la manifestation, organisée par le Collectif contre l’impunité et pour le respect des conventions de Genève, a réuni plus de 150 personnes [4].
En Espagne des manifestations ont eu lieu dans plusieurs ville comme Séville, Barcelone (400 personnes), Madrid ou encore Grenade.
En Italie des manifestations se sont déroulées à Rome, Florence, Spezia, Turin, Bologne, ou encore Pise. Un sit-in a également été organisé à Naples, d’où des avions décollent pour la Lybie.
En Allemagne , une grande conférence a été organisée à Frankfurt par le réseau ATTAC Allemagne, et le mouvement de la paix.
La République Démocratique du Congo a également répondu à l’appel des mouvements sociaux. L’UFDH / CADTM Mbuji Mayi a organisé un rassemblement le 20 mars au cours duquel un mot de solidarité avec les peuples des pays arabes et les peuples ivoiriens et burkinabè a été lu devant les leaders communautaires et devant la presse. Un film sur Thomas Sankara a également été projeté à cette occasion.
A Lubumbashi, un débat sur « les révolutions dans les pays arabes, quelles perspectives pour l’Afrique Sub—Saharienne » a été organisé.
Au Sénégal une conférence débat a été organisée dans une banlieue de Dakar par la coalition CADTM Sénégal.
Des mobilisations se sont également tenues sur le continent latino-américain, des manifestations ont été organisées notamment au Mexique, au Venezuela, en Uruguay, à Puerto Rico, au Brésil, en Argentine et à Cuba. A l’occasion de ces activités, différentes déclarations ont été réalisées.
Les peuples arabes soutiennent l’appel de l’AMS et continuent la lutte
Au Maroc, une mobilisation d’envergure
Des dizaines de milliers de personnes ont participé dimanche dans plus de 60 villes marocaines à des manifestations pour réclamer en priorité une nouvelle Constitution limitant les pouvoirs du roi et plus de justice sociale pour le peuple marocain.
A Casablanca (50 000 personnes), Tanger (16 000), Rabat (15 000), Agadir (16 000), Fès (5000), El Hoceima, El Jadida, Nador, Tétouan, etc. le slogan phare « Du pain, de la dignité et de la liberté » a résonné toute la journée. Les manifestants ont également dénoncé la corruption et le clientélisme ainsi que la répression systématique des militants « Barka min el bouliss, zidouna fel madariss » - assez de police, nous voulons des écoles !
Notons que pour cette nouvelle journée de mobilisation, les forces « de l’ordre » ont été pacifiques.
En Tunisie : Une semaine d’action pour l’annulation de la dette de la Tunisie
Du 14 au 20 mars 2011, s’est tenu une semaine d’action pour l’annulation de la dette de la Tunisie. L’ouverture de la semaine s’est faite par une conférence de presse qui a réuni de nombreux médias dont La Presse et Ettarik El Jadid, qui ont écrit des articles concernant l’annulation de la dette. Côté radio, Chams FM et Radio Mosaïque ont consacré dans la semaine 2h d’émission en direct à la question de la dette. Enfin, la chaine de télévision Nesma a diffusé dans la soirée du 14 mars, dans son journal de 20 h, un reportage sur la question, avec une interview de Fathi Chamkhi, membre de RAID ATTAC CATDM Tunisie.
Le 19 mars de 14h00 à 17h00 une conférence débat, organisée sous la direction commune de RAID ATTAC CADTM Tunisie et le UDC, avec la participation des invités internationaux [5], a permis à quelques 150 personnes de comprendre la question de la dette et les enjeux de son annulation. Durant la conférence une lettre au Gouverneur de la Banque Centrale
Banque centrale
La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale.
de Tunisie a été présentée au public.
Enfin, le 20 mars une grande manifestation a eu lieu dans les rues de Tunis. La marche a commencé vers 12h, et a emprunté l’avenue Mohamed V, l’avenue des banques où se trouve également le siège de la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Environ 300 personnes ont pris part à cette manifestation. La colère des participants pouvait se lire sur les visages et dans les slogans sur l’annulation de la dette ou sur la question de l’emploi. Dans la foule, se mêlaient des drapeaux tunisiens, libyens et palestiniens. Après une heure de marche, le cortège s’est arrêté devant la BCT, gardée par les soldats. Les manifestants se sont alors regroupés et la lettre adressée au Gouverneur de la BCT a été lue au mégaphone. Pour finir, le cortège s’est dirigé vers l’avenue Habib Bourguiba où avait eu lieu la fameuse manifestation du 14 janvier 2011.
En Algérie la mobilisation continue
Environ 300 manifestants se sont rassemblés devant le siège de la Présidence, dans le quartier d’El Madania sur les hauteurs d’Alger. Les revendications étaient principalement basées sur la question du chômage et de la précarité. Depuis janvier 2011, les étudiants, chômeurs, gardes communaux, médecins résidents, pharmaciens, pompiers, etc. ont multiplié les actions et mobilisations pour faire entendre leurs revendications sociales [6]. Cette mobilisation s’est traduite par une trentaine de tentatives d’immolations par le feu, dont cinq ont été mortelles.
En Syrie, 10 000 manifestants réprimés
A Der’aa, une ville dans le sud de la Syrie, assiégée depuis 3 jours, plus de 10 000 manifestants ont manifesté pour revendiquer leurs droits à la liberté et la fin de la corruption. Les forces de « l’ordre » ont tiré à balles réelles et lancé des gaz lacrymogènes sur les manifestants. Le bilan est très lourd : au moins 6 morts et plus de 100 blessés. Différentes sources attestent que les gaz lacrymogènes lancés par la police étaient particulièrement toxiques. Un jeune garçon de 11 ans est décédé le 22 mars suite à l’inhalation de ce gaz durant la marche.
Pendant la marche le siège du parti Baas (au pouvoir), le palais de justice et des succursales de deux compagnies de téléphone portable, ont été incendié, par un groupe de personnes inconnues des manifestants ...
Parallèlement, les arrestations se multiplient dans tout le pays.
Au Yemen, un cortège massif pour les funérailles de manifestants
Depuis des semaines, le peuple yéménite demande le départ du président Ali Abdallah Saleh. Vendredi 18 mars, la police de Sanaa avait ouvert le feu contre les manifestants, faisant 52 victimes et 126 blessés. Le 20 mars 2011, un cortège massif s’est rendu au cimetière où plusieurs des manifestants tués ont été enterrés, parallèlement, le président contesté a limogé son gouvernement et de nombreux parlementaires ont démissionné.
Libye, pas d’intervention militaire !
20 mars 2003 ... 20 mars 2011 ...
La guerre en Irak a débuté le 20 mars 2003 avec l’invasion de l’Irak sous couvert de l’opération « Iraqi Freedom » menée par une coalition dirigée par les États-Unis contre le parti Baas de Saddam Hussein. A la recherche des fameuses armes de destruction massive, l’invasion a conduit à la défaite rapide de l’armée irakienne, et à la capture et l’exécution de Saddam Hussein. Aujourd’hui, le peuple irakien, largement massacré par l’intervention de l’armée américaine, n’est toujours pas libre, les armes de destruction massive n’ont pas été trouvées ...
Ce 20 mars 2011, la Libye, qui tout comme l’Irak constitue un enjeu stratégique essentiel en ressource pétrolière, a été attaquée par les forces militaires européennes, sous couvert d’une résolution onusienne. Le tout au nom de la liberté et de la défense du peuple ...
L’histoire se répète ? Les peuples ne sont pas dupes et refusent l’ingérence politique comme militaire.
La lutte continue ! Hasta la victoria siempre
En organisant de manière décentralisée toutes ces actions, les mouvements sociaux veulent prouver aux dirigeants du monde entier que les luttes populaires dans les pays arabes sont au cœur des préoccupations et des agendas de centaines de mouvements sociaux dans le monde. Les peuples de Tunisie et d’Egypte montrent la voie aux peuples africains et du monde pour nous aider à rompre avec la logique de fatalité, ce qui est fondamental dans la difficile et âpre lutte contre le capitalisme, qui n’a d’autre soif que celle du profit. Face à une répression grandissante et à l’intervention militaire et politique impérialiste en Libye, les défis à relever sont gigantesques. Le rôle de la solidarité internationale apparaît donc comme fondamental.
Vive la lutte pour la liberté, vive la souveraineté des peuples !
[1] Lire la déclaration : http://www.cadtm.org/Declaration-de-l-assemblee-des,6437
[3] A l’Appel de : ADAFL [Association dauphinoise Amitiés franco- libanaises]- ADES- ADLPF
[Association libres penseurs France]- AFPS- Amitiés franco- arabes- ASALI- ASEG-FSE [Fédération syndicale étudiante]- ATTAC 38- CADTM - CIDEM (Centre d’initiative euro-Méditerranée)- CIIP- Coordination iséroise de soutien aux sans papiers-CSRA- Europe Ecologie/Verts Isère- FSQP [Forum social des quartiers populaires)- FSU Grenoble- Iran solidarités Les Alternatifs - Ligue des Droits de l’Homme 38- Ligue défense des droits de l’homme en Iran- Maroc solidarités citoyennes- Mouvement de la Paix- Nil Isère-NPA- PAG 38- Parti socialiste- Pas à Pas- PAS 38- PCF- PIR [Parti des Indigènes de la République]- PCOF-PRCF & JRCF- Ras l’Front Voiron- Sud Solidaires Isère- Survie Isère
[5] Attac Rhône : Elisabeth Thimonier, Antoinette, Robert Joumard, Roland Calba, Serge Gardien et Joëlle Gardien, Attac France : Jean-Luc Cipière et Jacqueline Balvet, Attac Allemagne : Hugo Braun (président) et Helmut (Attac Munich), Cadtm France : Claude Quemar (Président), Cadtm Afrique : Samir Abi (coordinateur), Cadtm Belgique : Brigitte Ponet (membre du CA), Cadtm international : Eric Toussaint (coordinateur)
17 janvier, par Eric Toussaint , ATTAC/CADTM Maroc , Sushovan Dhar , Pauline Imbach , Daniel Tanuro , Christine Poupin , David Calleb Otieno , Cristina Quintavalla , Arturo Martinez , Hussein Muqbel
6 août 2021, par Myriam Bourgy , Pauline Imbach
21 septembre 2020, par Pauline Imbach
13 septembre 2020, par Pauline Imbach
4 août 2020, par Myriam Bourgy , ATTAC/CADTM Maroc , Pauline Imbach
23 avril 2020, par Pauline Imbach
14 mars 2019, par Renaud Vivien , Pauline Imbach
13 mars 2019, par Pauline Imbach
7 décembre 2018, par Pauline Imbach , Christian Desert
17 octobre 2016, par Pauline Imbach , Owen Chartier