Bolivie : avancées sur les biens communs et la réforme constitutionnelle

10 janvier 2008 par Eric Toussaint




Sur ce texte [1]

Ce pays de 10 millions d’habitants est un des plus pauvres d’Amérique latine. Sa « capitale » [2] La Paz est située à 3 600 mètres d’altitude. Le pays comprend trois zones géographiques : une grande région montagneuse avec des plateaux situés au-dessus de 2 500 mètres d’altitude à la frontière avec le Pérou, le Chili et l’Argentine ; une plaine à basse altitude proche de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay et une région amazonienne avec végétation luxuriante proche du Brésil. La plaine est riche en hydrocarbures et ses terres fertiles génèrent d’importants revenus d’exportation, notamment grâce au soja.
Le pays a connu une grande explosion révolutionnaire en 1952 qui a abouti à une réforme agraire, à la nationalisation des mines, à l’éducation publique gratuite et obligatoire ainsi qu’au suffrage universel. De 1971 à 1978, la Bolivie a vécu sous la férule du régime militaire du général Hugo Banzer. A partir de 1985, la Bolivie a été soumise aux pires politiques néolibérales. Pour venir à bout de 20 années de néolibéralisme, les mouvements sociaux boliviens ont mené de puissants et héroïques combats. Depuis fin 2005, pour la première fois de l’histoire bolivienne, un représentant de la majorité indienne de la population a été élu président.


Très affectée par la crise de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
qui a explosé en 1982, la Bolivie a été soumise à un plan de choc néolibéral à partir de 1985 : privatisation des mines et du pétrole, réduction massive des salaires et de l’emploi, ouverture économique forcée, réduction des dépenses publiques. L’auteur intellectuel de ce plan d’ajustement structurel Plan d'ajustement structurel En réaction à la crise de la dette, les pays riches ont confié au FMI et à la Banque mondiale la mission d’imposer une discipline financière stricte aux pays surendettés. Les programmes d’ajustement structurel ont pour but premier, selon le discours officiel, de rétablir les équilibres financiers. Pour y parvenir, le FMI et la Banque mondiale imposent l’ouverture de l’économie afin d’y attirer les capitaux. Le but pour les États du Sud qui appliquent les PAS est d’exporter plus et de dépenser moins, via deux séries de mesures. Les mesures de choc sont des mesures à effet immédiat : suppression des subventions aux biens et services de première nécessité, réduction des budgets sociaux et de la masse salariale de la fonction publique, dévaluation de la monnaie, taux d’intérêt élevés. Les mesures structurelles sont des réformes à plus long terme de l’économie : spécialisation dans quelques produits d’exportation (au détriment des cultures vivrières), libéralisation de l’économie via l’abandon du contrôle des mouvements de capitaux et la suppression du contrôle des changes, ouverture des marchés par la suppression des barrières douanières, privatisation des entreprises publiques, TVA généralisée et fiscalité préservant les revenus du capital. Les conséquences sont dramatiques pour les populations et les pays ayant appliqué ces programmes à la lettre connaissent à la fois des résultats économiques décevants et une misère galopante. est l’économiste nord-américain Jeffrey Sachs qui a ensuite conçu le plan de choc appliqué en Russie puis s’est converti en adepte de l’annulation de la dette des pays pauvres, notamment des pays d’Afrique subsaharienne.
A partir de l’année 2000 et jusqu’à aujourd’hui, les luttes sociales ont été nombreuses et le peuple bolivien a joué un rôle d’avant-garde au niveau mondial en mettant au centre de l’agenda la lutte pour le contrôle public sur les biens communs : la lutte victorieuse contre la privatisation de l’eau à Cochabamba en avril 2000 et à El Alto en 2004-2005 ; la lutte pour la récupération du contrôle public sur le gaz en 2003 qui a conduit à la chute du président Gonzalo Sánchez de Lozada [3].

Le contexte de la présidence d’Evo Morales

La majorité de la population est indienne : selon le recensement de 2001, 62% des Boliviens se considèrent comme faisant partie des populations natives indiennes, en majorité Quechuas et Aymaras. Dans la ville plébéienne d’El Alto (4 000 mètres d’altitude), située à la périphérie de La Paz, dont elle s’est autonomisée en 1985 sous l’effet de son explosion démographique, 80% des 850 000 habitants se considèrent comme indiens. La population indienne a été exclue du pouvoir central (présidence de la république et gouvernement) [4] jusqu’à l’élection fin 2005 d’Evo Morales, indien Aymara, dirigeant syndical paysan des producteurs de la feuille de coca, à la présidence de la république bolivienne. Depuis cette date, le MAS (Mouvement vers le Socialisme), parti d’Evo Morales, dispose d’une majorité à la Chambre des députés mais pas au Sénat dominé par la droite qui tente de bloquer toutes les réformes démocratiques et toutes les mesures favorables au peuple. La réforme constitutionnelle est au centre du débat et des combats politiques. Bien qu’également majoritaire à l’assemblée constituante, le MAS n’y dispose pas des deux tiers nécessaires à l’approbation des propositions de modification constitutionnelle.

En 2006, Evo Morales et son gouvernement ont décrété la nationalisation du pétrole et du gaz, ce qui est très apprécié par une grande majorité de la population. La mise en pratique de cette mesure prend du temps et cela a suscité des tensions dans le camp qui soutient Evo Morales. Néanmoins, le gouvernement a réussi à obtenir des multinationales qui opèrent dans le pays de verser une part beaucoup plus importante de leurs revenus au Trésor public, ce qui permet d’augmenter les dépenses sociales.

Les préfets des départements de Santa Cruz, Tarija, Beni et Pando, au service des capitalistes locaux (industriels, grands propriétaires fonciers et commerçants spécialisés dans l’import-export), font tout pour déstabiliser le régime d’Evo Morales : menace de sécession, refus d’appliquer des réformes, mobilisation de secteurs de la population financée par le patronat, campagne diffamatoire contre Evo Morales et son gouvernement. Les dirigeants du riche département de Santa Cruz se comportent comme les dirigeants de la Croatie lors de l’éclatement de la Yougoslavie au début des années 1990. A demi-mot, ils déclarent qu’ils ne veulent plus financer les provinces pauvres du pays et La Paz. Nous assistons au même jeu centrifuge au Venezuela avec l’Etat pétrolier de Zulia (dont la capitale est Maracaibo) qui menace aussi de se séparer du reste du pays, ainsi qu’en Equateur avec la province de Guayaquil (ville très riche du littoral tenue par la droite). Les déclarations de certains dirigeants de la droite sont carrément racistes. Le maire de Santa Cruz, Percy Fernández, a déclaré le 9 décembre 2007 : « Dans ce pays, bientôt, il faudra se peindre et se mettre des plumes pour exister ! » [5].

Le cheminement vers l’élection d’Evo Morales et la mutation du mouvement social [6]

Le mouvement social a connu une mutation profonde au cours des vingt dernières années. Jusqu’à la privatisation des mines décidée en 1985, la Centrale ouvrière bolivienne (COB) constituait incontestablement depuis plus de quarante ans le mouvement social le plus important. La COB jouait un rôle politique de premier plan [7] et mettait en avant un programme de gauche très radical. Les mineurs constituaient la colonne vertébrale de la COB. C’est au même moment que Margaret Thatcher en Grande-Bretagne et le président bolivien Víctor Paz Estenssoro ont lancé leur offensive victorieuse contre les mineurs de leur pays respectif. Cela indique que des objectifs semblables ont été poursuivis au Nord et au Sud de la planète dans le cadre de l’offensive du capital contre le travail sous le drapeau du néolibéralisme. Pour le mouvement social, l’effet de la privatisation des mines et de la fermeture d’un grand nombre d’entre elles a eu des effets encore plus graves en Bolivie qu’en Grande-Bretagne car, dans le pays andin, il n’y avait pas d’autres grands secteurs industriels.
La crise de la dette qui a frappé de plein fouet la Bolivie à partir de 1982 a débouché sur une suspension des paiements en 1984. Le FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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et la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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, épaulés par l’économiste démocrate Jeffrey Sachs, ont obtenu le soutien du gouvernement bolivien à partir de 1985 pour appliquer une politique brutale d’ajustement structurel. Au-delà des 23 000 mineurs du secteur public et des 5 000 du secteur privé qui ont perdu leur emploi, tout le peuple a subi les conséquences de l’ajustement de choc : 18 000 fonctionnaires publics licenciés, réduction de 40% du salaire réel dans les secteurs privé et public en septembre 1985 comme résultat de la dévaluation Dévaluation Modification à la baisse du taux de change d’une monnaie par rapport aux autres. et des mesures d’accompagnement, modification des lois sociales en faveur des patrons entraînant une forte précarisation du statut des travailleurs. L’offensive néolibérale s’est encore consolidée en 1990 par l’adoption de la loi sur les investissements qui a mis fin au contrôle des changes, instauré la liberté totale des mouvements de capitaux et la possibilité de créer des zones franches industrielles exonérées d’impôt ; en 1992, par une nouvelle loi sur les privatisations ; en 1994, par la loi sur la capitalisation ; en 1996, par la loi 1689 qui poussait plus loin la prise de contrôle par les grandes sociétés étrangères (Repsol, BP, Enron et Shell) des filiales de l’ancienne entreprise pétrolière publique (YPFB).
C’est dans ce contexte de profond recul du mouvement ouvrier que naissent les conditions de la mutation du mouvement social et ce, d’une manière très particulière. Les syndicats de producteurs de coca et les comités de quartier deviennent l’élément décisif du mouvement social au cours des années 1990. La dimension indienne de la lutte prend plus d’ampleur que dans les décennies antérieures.

Comment cela s’est-il passé ? Un des phénomènes à prendre en compte est la migration vers la région du Chaparé de dizaines de milliers d’Indiens qui ont perdu leur emploi de mineurs ou qui ont été victimes de la sécheresse qui a sévi dans la première moitié des années 1980 sur les hauts plateaux. La famille d’Evo Morales fait partie de ces familles paysannes qui ont quitté les hauts plateaux arides et froids pour les terres chaudes et humides de basse altitude du Chaparé dans le département de Cochabamba. La culture de la coca a constitué l’activité la plus rémunératrice qui s’est offerte à eux comme reconversion principale. Les familles de mineurs ou de paysans venant des autres régions se sont établies à leur compte et ont travaillé dans un cadre collectif. La coca est une plante sacrée pour les Indiens de Bolivie et d’autres pays andins. La feuille de coca a d’importantes vertus : elle coupe la faim, permet de combattre le mal de l’altitude, réduit le sentiment de fatigue. La consommation de la feuille de coca par mastication ou en tisane est généralisée. Dans le Chaparé, les conditions climatiques sont idéales et permettent de produire au moins trois récoltes par an. La feuille est facile à conserver et à transporter. C’est le seul produit agricole facilement cultivable et commercialisable. Les autres produits n’étaient pas rentables car le Chaparé ne disposait pas de moyens de communication et de commercialisation adaptés. Au cours des années 1980, beaucoup de familles comme celle d’Evo Morales ont remplacé la culture de la pomme de terre des hauts plateaux par la culture de la coca. Il faut dire que le prix de la feuille de coca avait fortement augmenté à partir des années 1970 suite à une demande internationale croissante pour cette plante à partir de laquelle la cocaïne est produite suite à des transformations chimiques.
Vingt ans plus tard, Evo Morales dira dans son discours d’investiture en tant que président de la République : « Nous voulons dire à la communauté internationale que la drogue, la cocaïne, le narcotrafic ne font pas partie de la culture andine et amazonienne. Malheureusement, c’est un mal importé et il faut en finir avec le narcotrafic, il faut en finir avec la cocaïne. Mais ce ne sera pas coca zéro, ce sera cocaïne zéro, narcotrafic zéro. ». [8]
Phénomène extrêmement intéressant : les mineurs qui sont devenus agriculteurs au Chaparé y ont amené leurs traditions d’organisation et leurs conceptions politiques. Les familles de cultivateurs se sont organisées en syndicats et ceux-ci ont joué un rôle important dans leur vie quotidienne. Ils sont intervenus dans la répartition des terres, dans la justice en cas de conflit, dans l’organisation du travail collectif (entretien des chemins, construction d’une école) dans une région où l’Etat est absent. Les syndicats ont également organisé la résistance des cultivateurs (les cocaleros) contre la stratégie d’éradication de la coca appliquée par le gouvernement de Paz Estenssoro à partir de 1986 sous la pression du président Ronald Reagan. Cette politique a été appliquée par d’autres gouvernements jusqu’à la chute de Gonzalo Sánchez de Lozada en 2003.
Les cultivateurs de coca du Chaparé étaient organisés en six fédérations syndicales différentes. Pour affronter la répression et l’éradication de la culture de la coca, ils ont été amenés à dépasser les divisions entre ces six fédérations, à mieux se coordonner et à organiser l’autodéfense face à l’armée. Par ailleurs, à partir de 1988, la CSUTCB, la principale confédération syndicale paysanne bolivienne (qui regroupait en son sein une partie des cocaleros), s’est prononcée pour la construction d’un instrument politique propre aux syndicats. Les syndicalistes, après avoir constaté qu’ils n’arrivaient pas à obtenir un changement politique au niveau du gouvernement notamment, se sont dit qu’ils devaient se doter d’un bras politique afin d’être présents au parlement et à tous les niveaux de pouvoirs via la participation aux élections.

Un autre moment important dans la mutation du mouvement social est constitué par la commémoration en 1992 du 500e anniversaire du début de la conquête coloniale lancée par Christophe Colomb. A cette occasion, le 12 octobre 1992, s’est réunie la première Assemblée des peuples natifs (Asamblea de los Pueblos Originarios) qui est considérée comme l’acte de naissance du mouvement paysan-indien (campesino-indigena) en tant que sujet politique.
Par ailleurs, les mouvements cocaleros ne sont pas la seule expression de la mutation du mouvement social bolivien. Il faut aussi mentionner les associations de quartier (juntas de vecinos), notamment celles de El Alto, la ville champignon, fortement influencées également par la tradition syndicale et politique radicale des mineurs. Sans oublier le mouvement contre la privatisation de l’eau à Cochabamba et à El Alto. Enfin, la COB, bien que fortement affaiblie par les politiques néolibérales, reste active dans plusieurs villes et régions du pays. La Bolivie est certainement un des pays de la planète où le mouvement social est le plus développé et le plus politisé.

De la Coca à la Présidence de la République

En 1996, Evo Morales est élu président des six fédérations syndicales de cocaleros du Chaparé. A la fin des années 1990, Evo Morales et ses partisans lancent le MAS-IPSP (Mouvement vers le socialisme – Instrument politique pour la souveraineté des peuples) dans le prolongement de l’orientation adoptée en 1988 concernant la création de l’instrument politique du mouvement social. Le MAS deviendra au fil des ans la force politique de gauche la plus importante même si d’autres expériences politiques se sont développées dans le prolongement de l’orientation de la CSUTCB de 1988, notamment le MIP de Felipe Quispe [9], sans parler de nombreux partis politiques de gauche qui ont une origine plus ancienne.
En 1997, Evo Morales est élu député au parlement national avec 70% des suffrages dans sa circonscription. A la fin de son mandat parlementaire, en janvier 2002, alors qu’il se lance comme candidat à l’élection présidentielle, le parlement vote son exclusion [10] en l’accusant d’être l’auteur intellectuel des troubles qui ont secoué le Chaparé quatre jours durant lorsque le gouvernement a augmenté la répression contre les cocaleros. L’ambassadeur des Etats-Unis multiplie les déclarations contre Evo Morales pendant la campagne présidentielle [11], ce qui augmente la renommée de celui-ci. Evo Morales, avec humour, dira que cet ambassadeur se comporte comme son chef de campagne électorale. Résultat électoral de juin 2002 : Evo Morales arrive en deuxième position et le MAS fait élire 27 députés et 8 sénateurs [12]. La rébellion populaire d’octobre 2003 contre la politique du gouvernement en matière d’exploitation et d’exportation du gaz provoque la chute du président Sanchez de Lozada, élu en juin 2002, et en décembre 2005 après une transition houleuse, de nouvelles élections présidentielles donnent Evo Morales vainqueur avec 53,7% [13].
Le programme du MAS et d’Evo Morales est constitué d’un ensemble de réformes. Elles visent notamment à consacrer dans toutes leurs dimensions les droits de la majorité indienne victime de plus de cinq siècles d’oppression. Elles visent à rétablir le contrôle public sur les ressources naturelles pour que celles-ci servent à la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels des citoyens boliviens. La réforme constitutionnelle vise à démocratiser le système politique et économique du pays. Il s’agit d’un ambitieux programme réformiste qui ne débouche pas automatiquement sur la rupture avec le capitalisme. Si les classes possédantes décident d’accepter de faire des concessions importantes, elles pourront continuer à faire des profits et l’Etat ne touchera pas à leur propriété sauf quand celles-ci vont à l’encontre de l’intérêt collectif. C’est par exemple le cas des grandes propriétés foncières laissées en friche. Cependant, si les classes possédantes refusent de faire des concessions, si les entreprises étrangères commencent à saboter la politique du gouvernement, le processus pourrait se radicaliser. L’attitude et l’action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
des mouvements sociaux joueront un rôle important. D’ailleurs, le président de la République Evo Morales est resté à la tête des six fédérations de cocaleros. L’avenir dira si la présence du MAS au pouvoir sera un véritable instrument d’émancipation des opprimés ou si, comme cela s’est déjà vu à plusieurs reprises dans l’histoire, il se transformera en un instrument du pouvoir pour tenter d’en haut de discipliner le peuple tout en s’accommodant de l’ordre des choses. Le discours officiel et certaines réalisations pointent clairement dans la bonne perspective mais il faudra juger sur une période de cinq à dix ans pour voir le tour que prendront les actions du gouvernement. Espérons que les énormes espoirs que le peuple bolivien a mis en son président et son gouvernement ne seront pas déçus.

Extraits du Premier discours d’Evo Morales en tant que président de Bolivie, 26 janvier 2006, La Paz

Je voudrais dire, surtout aux frères indigènes d’Amérique concentrés ici en Bolivie, que la campagne pour les 500 années de résistance indigène, noire et populaire, n’a pas été menée en vain. Nous sommes ici pour dire : « ça suffit ». De la résistance durant 500 années, nous passons à la prise du pouvoir pour 500 autres années. Indigènes, ouvriers, tous les secteurs pour en finir avec cette injustice, en finir avec ces inégalités, en finir surtout avec la discrimination, avec l’oppression que nous avons subies en tant qu’Aymaras, Quechuas ou Guaranis. ( …)

Il n’est pas possible que quelques-uns continuent à chercher les moyens de saccager, exploiter et marginaliser. C’est sûr que quelques-uns ont le droit de vivre mieux mais… sans exploiter, sans voler, sans humilier, sans mettre en esclavage. Cela doit changer, sœurs et frères. (…)

Nous devons en finir avec l’Etat colonial. Imaginez-vous : après 180 années de vie démocratique républicaine, nous pouvons arriver ici, nous pouvons être au Parlement. Avant, nous n’avions le droit à rien de tout cela. Le suffrage universel de l’année 1952 a coûté le sang des paysans et des mineurs levés en armes pour obtenir le suffrage universel. (…)

Il n’est pas possible de privatiser les services de base. On ne peut pas accepter que les ex-gouvernants aient privatisé les services de base, spécialement l’eau. L’eau est une ressource naturelle ; sans eau, nous ne pouvons pas vivre, c’est pourquoi l’eau ne doit pas faire l’objet d’un commerce privé. Depuis que c’est un commerce privé, les droits humains sont violés, l’eau doit rester un service public. (…)

Pour information à la communauté internationale, ce mouvement n’est pas né d’un groupe de politologues. Cet instrument politique n’est pas né d’un groupe de professionnels. Il a surgi de nos compagnons dirigeants de la Confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB), des femmes de la Fédération nationale de femmes Bartolina Sisa, de la Confédération syndicale des colons de Bolivie. Avec quelques frères indigènes de l’Est bolivien, nous avons commencé en 1995 à construire un instrument politique de libération. (…)

Pour que les institutions internationales, la presse internationale le sachent, le pouvoir de la conscience a gagné les élections nationales et le MAS en est l’instrument politique. (…)

Parallèlement, nous devons garantir le référendum sur les autonomies. Nous voulons les autonomies. Les peuples indigènes et originaires, historiquement, avant la période républicaine de la Bolivie, ont lutté pour l’autodétermination. L’autonomie n’est l’invention de personne, c’est la lutte des peuples indigènes de toute l’Amérique pour l’autodétermination. Mais nous voulons l’autonomie avec la solidarité, l’autonomie avec la réciprocité, l’autonomie où les richesses sont distribuées de manière juste. L’autonomie pour les peuples indigènes, pour les provinces, pour les régions. Et cela doit se faire par l’union de la Bolivie au moyen de l’Assemblée constituante. (…)

Nous sommes dans l’obligation Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
de nationaliser nos ressources naturelles et de mettre en route un nouveau régime économique. (…) Et il ne s’agit pas de nationaliser pour nationaliser, que ce soit le gaz naturel, le pétrole ou les ressources minérales ou forestières ; nous avons l’obligation de les industrialiser. Comment est-il possible que, depuis le 6 août 1825, aucune ressource naturelle n’ait été industrialisée dans notre pays ? Comment est-il possible que l’on ait seulement exporté des matières premières ? Jusqu’à quand la Bolivie va-t-elle continuer à exporter des matières premières ? Comment est-il possible que ces gouvernants, durant la République, n’aient jamais pensé au pays ? On ne peut le croire, on ne peut l’accepter. (…)

Il n’est pas possible que le salaire de base soit de 450 bolivianos [14] et que les parlementaires gagnent plus de vingt mille bolivianos. Le président gagne 28 000 bolivianos et le salaire de base est de 450 bolivianos. D’un point de vue moral, pour notre pays, nous avons le devoir de diminuer de 50% nos salaires. (…)

Je veux aussi vous parler, estimés congressistes, de comment changer les politiques sur la propriété de la terre. Je veux vous dire : les terres productives ou qui sont en train de produire, les terres qui remplissent une fonction sociale économique, nous allons les respecter qu’elles soient de 1 000, 2 000, 3 000 ou 5 000 hectares. Mais ces terres qui ne servent qu’à acheter et vendre, nous allons les retourner à l’Etat pour les redistribuer entre les gens qui n’ont pas de terres. Il y aura un dialogue avant qu’on reprenne ces terres par loi ou par décret. Ceux qui accaparent des terres improductives feraient mieux de les rendre à l’Etat au moyen du dialogue et de résoudre les problèmes de cette manière. (...)

Plus de 20% des Boliviennes et des Boliviens sont analphabètes.(…) Nous saluons les pré-accords avec le gouvernement de Cuba, nous saluons les pré-accords avec le gouvernement du Venezuela, disposés à nous aider avec des experts en alphabétisation. (…)

Nous pouvons continuer à parler de beaucoup de thèmes concernant le développement du peuple bolivien, mais fondamentalement, il va être important de renforcer les micro et petites entreprises. (…)

Nous voulons dire à la communauté internationale que la drogue, la cocaïne, le narcotrafic ne font pas partie de la culture andine et amazonienne. Malheureusement, c’est un mal importé et il faut en finir avec le narcotrafic, il faut en finir avec la cocaïne. Mais ce ne sera pas coca zéro, ce sera cocaïne zéro, narcotrafic zéro. (…)

Nous savons et nous sommes convaincus que le narcotrafic fait mal à l’humanité, mais nous pensons aussi que la lutte contre le narcotrafic, la lutte contre la drogue, ne peut être l’excuse pour que le gouvernement des Etats-Unis domine ou soumette nos peuples. (…)

Dans ce processus de changement, j’adresse une demande à la communauté internationale sur le problème de la dette externe. Il est évident que ce ne sont pas nous, les peuples indigènes, qui sommes responsables d’un tel endettement sans résultats. Cela ne signifie pas que nous méconnaissons cette dette externe mais il est important que la communauté internationale considère ce thème de manière responsable et sérieuse. Nous demandons, avec tout le respect, l’annulation de cette dette externe qui a causé tant de dommages et tant de dépendance à notre pays. (…)

Il est important de développer une économie souveraine et nous voulons en profiter pour dire clairement que les entreprises de l’Etat peuvent non seulement exercer le droit de propriété sur les ressources naturelles mais aussi entrer dans la production. (…)

Il est vrai que la Bolivie a besoin de partenaires et non de maîtres de nos ressources naturelles. Sous notre gouvernement, il y aura de l’investissement public et aussi de l’investissement privé que ce soit en partenariat avec l’Etat, en partenariat avec nos entreprises. Nous allons garantir ces investissements et nous garantirons que les entreprises aient le droit de récupérer ce qu’elles ont investi et de faire des bénéfices. Seulement, nous voulons que ce bénéfice soit lié à un principe d’équilibre, que l’Etat, le peuple bénéficient de ces ressources naturelles. (…)

Dans le monde existent des grands pays et des petits pays, des pays riches et des pays pauvres, mais ce en quoi nous sommes égaux, c’est dans notre droit à la dignité et à la souveraineté. Surtout je veux mettre en valeur le message de nos ancêtres, Tupac Yupanqui, qui disait : un peuple qui opprime un autre peuple ne peut être libre. Ici, nous n’avons besoin ni de soumission, ni de conditionnalité, nous voulons avoir des relations avec tout le monde, non seulement avec des gouvernements mais aussi avec les mouvements sociaux ; nous voulons approfondir les relations pour résoudre nos problèmes démocratiquement, en recherchant la justice, l’égalité. C’est notre grand souhait. (…)

Finalement, pour terminer cette intervention, mon respect va fondamentalement au mouvement indigène de Bolivie et d’Amérique, aux mouvements sociaux, à leurs dirigeants qui ont lutté pour ce mouvement, aux intellectuels qui se sont joints pour changer notre histoire. (…) Salut et merci au syndicat San Francisco Bajo de la zone du centre Villa 14 de septembre, à la Fédération du tropique, aux six fédérations du Tropique de Cochabamba où est née la lutte syndicale et la lutte politique !

Je remplirai ma promesse. Et comme dit le sous-commandant Marcos, « diriger en obéissant au peuple », je dirigerai la Bolivie en obéissant au peuple bolivien.

Le retour du pétrole et du gaz dans le patrimoine commun

Le 1er mai 2006, par décret présidentiel, l’Etat bolivien a repris le contrôle du secteur des hydrocarbures qui avait été cédé à de grandes compagnies privées étrangères au cours des années 1980 et 1990. L’armée a été envoyée vers tous les champs pétroliers et gaziers afin de prendre possession de ceux-ci. Cela a provoqué de nombreuses protestations de la part des multinationales pétrolières et des gouvernements de leur pays d’origine. Le président Lula a été fortement mis sous pression par la droite brésilienne pour qu’il dénonce la décision bolivienne qui porte préjudice aux intérêts de Petrobras, mais finalement il a exprimé sa compréhension à l’égard de la décision d’Evo Morales.
Joseph Stiglitz, lauréat 2001 du prix Nobel d’Économie [15], a décrit la nationalisation des hydrocarbures en Bolivie comme un processus de « restitution de biens » [16] qui appartiennent déjà au gouvernement bolivien et a considéré comme « nécessaire » que la Bolivie reçoive une « juste compensation » pour ses ressources naturelles.
L’économiste américain, ancien vice-président et économiste en chef de la Banque mondiale, a fait valoir que la faillite du modèle néolibéral, imposé par le Consensus de Washington pour tenter de réduire au minimum le rôle de l’État dans les économies nationales, était manifeste et il a souligné que la Bolivie, naguère l’un des meilleures élèves du modèle néolibéral, « a souffert tous les maux (de son application) mais n’a retiré aucun bénéfice de l’expérience - il est clair qu’il doit y avoir un changement dans son modèle économique ».
Dans ce contexte, Stiglitz n’a pas voulu qualifier la nouvelle politique énergétique menée par Evo Morales de « nationalisation », mais bien de « récupération » des ressources boliviennes, ou de « retour à la Bolivie de biens qui étaient déjà les siens ».
« Lorsqu’une personne se fait voler, disons, un tableau et qu’ensuite celui-ci lui est rendu, nous n’appelons pas cela une renationalisation, mais bien le retour d’un bien qui lui appartenait antérieurement », a expliqué Stiglitz.
Par contraste, depuis Washington, le FMI a mis en garde contre les «  conséquences économiques de grande portée », ajoutant que l’événement pourrait décourager les investisseurs étrangers.
La nationalisation n’a pas impliqué l’expulsion des entreprises pétrolières étrangères, celles-ci ont pu continuer à exploiter les hydrocarbures, mais à condition de verser à l’Etat des revenus beaucoup plus importants.
Malgré les protestations qu’elles ont émises, elles ont toutes maintenu leurs activités. Nouvelle preuve qu’un Etat qui en a la volonté peut imposer aux entreprises privées étrangères le respect de ses décisions.
Le défi auquel le gouvernement bolivien est confronté est de se doter rapidement, avec l’aide d’autres pays comme le Venezuela, des moyens de développer une véritable industrie publique des hydrocarbures capable d’approvisionner en priorité le marché intérieur tant en combustibles qu’en différents dérivés Dérivés
Dérivé
Dérivé de crédit : Produit financier dont le sous-jacent est une créance* ou un titre représentatif d’une créance (obligation). Le but du dérivé de crédit est de transférer les risques relatifs au crédit, sans transférer l’actif lui-même, dans un but de couverture. Une des formes les plus courantes de dérivé de crédit est le Credit Default Swap.
utiles au développement du pays.

La Bolivie quitte le CIRDI CIRDI Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a été créé en 1965 au sein de la Banque mondiale, par la Convention de Washington de 1965 instituant un mécanisme d’arbitrage sous les auspices de la Banque mondiale.

Jusqu’en 1996, le CIRDI a fonctionné de manière extrêmement sporadique : 1972 est la date de sa première affaire (la seule de l’année), l’année 1974 suivit avec 4 affaires, et suivirent de nombreuses années creuses sans aucune affaire inscrite (1973, 1975,1979, 1980, 1985, 1988, 1990 et 1991). L’envolée du nombre d’affaires par an depuis 1996 (1997 : 10 affaires par an contre 38 affaires pour 2011) s’explique par l’effet des nombreux accords bilatéraux de protection et de promotion des investissements (plus connus sous le nom de « TBI ») signés a partir des années 90, et qui représentent 63% de la base du consentement à la compétence du CIRDI de toutes les affaires (voir graphique)). Ce pourcentage s’élève à 78% pour les affaires enregistrées uniquement pour l’année 2011.

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, le tribunal institué par la Banque mondiale [17]

Depuis le 2 mai 2007, la Bolivie ne fait plus partie du CIRDI, le Centre international de règlement des différends liés à l’investissement, organe du groupe Banque mondiale. Cette décision a été annoncée par le président Evo Morales lors du sommet des pays membres de l’ALBA [18] le 29 avril 2007 et officialisée le 2 mai dans une lettre envoyée à la Banque mondiale. Le Venezuela et le Nicaragua avaient annoncé qu’ils en feraient autant mais ils n’ont pas (encore ?) mis en pratique cette décision.
Pour comprendre les enjeux du retrait du CIRDI, un petit rappel s’impose sur sa raison d’être et sur son histoire récente avec la Bolivie.
Le CIRDI, institué en 1966, comprend 144 pays (appelés Etats contractants). La Bolivie, qui a comparu deux fois devant cette instance, y a adhéré en 1995. La fonction principale de cette institution du groupe Banque mondiale est d’arbitrer les litiges liés aux investissements réalisés par les ressortissants d’un Etat contractant dans un autre Etat contractant. Bien que le CIRDI se présente comme une institution autonome, il est étroitement lié au reste du groupe Banque mondiale [19] et la teneur de ses décisions laisse peu de doutes quant à ses orientations : c’est encore et toujours le même credo néolibéral qu’il défend, protégeant les intérêts des pays riches et des multinationales et menaçant la souveraineté des Etats.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : des 232 plaintes déposées devant le CIRDI, 230 l’ont été par des multinationales ; dans les 109 différends traités par le CIRDI jusqu’en février 2007, 74% des défendeurs étaient des pays en voie de développement ; enfin, dans 36% des cas, le CIRDI a tranché en faveur des multinationales et dans 34 % des cas, les différends ont été résolus en dehors du Centre mais avec compensation financière pour les firmes ; dans les rares cas où un Etat a gagné, il n’a pas bénéficié d’indemnisation. Cette distorsion n’a pourtant rien d’étonnant, venant d’un « arbitre » qui, en tant qu’entité du Groupe Banque mondiale, est à la fois juge et partie.

Relation incestueuse

La Banque mondiale, par le biais de ses prêts conditionnés, impose notamment aux pays la privatisation des services publics et des ressources naturelles, et la mise en place de lois favorables aux investissements étrangers (exemptions d’impôts, libre circulation des capitaux, des biens et services etc.) : cela laisse la voie libre aux grandes multinationales qui n’ont plus qu’à se servir. Parfois, la Banque mondiale prend directement part aux investissements, à travers sa filiale SFI (Société financière internationale), ou les garantit par l’intermédiaire de l’AMGI (Agence multilatérale de garantie des investissements).
Lorsque ces entreprises entrent en conflit avec les autorités locales, elles ont généralement recours aux bons offices du CIRDI qui tranche en faveur des multinationales que la Banque mondiale elle-même avait encouragées à investir. La boucle est bouclée et la nation prise en otage.

Cette relation incestueuse entre le CIRDI et le reste du groupe Banque mondiale a bien failli coûter très cher au peuple bolivien, engagé dans deux « guerres de l’eau », à Cochabamba en 2000 et à El Alto en 2005. Dans les deux cas, les habitants ont lutté pour récupérer le contrôle de l’approvisionnement en eau potable, dont la privatisation avait été imposée par la Banque mondiale et le FMI. La gestion avait alors été confiée, dans des conditions douteuses [20], à des filiales de grandes multinationales : à El Alto, il s’agissait d’Aguas del Illimani, filiale du groupe français Suez et dont la SFI était actionnaire à 8% [21], et à Cochabamba, l’entreprise Aguas del Tunari était liée au géant états-unien Bechtel. Ces deux entreprises avaient, comme il fallait s’y attendre, privilégié la logique du profit, limitant dangereusement leurs investissements et augmentant de façon drastique les tarifs, privant ainsi une grande partie de la population de l’accès à l’eau.
Sous la pression du peuple bolivien, déterminé à ne pas laisser ces entreprises piétiner leurs droits fondamentaux, les concessions ont été retirées aux entreprises et la gestion de l’eau a de nouveau été confiée au secteur public. Bechtel et Suez ont bien sûr menacé de faire appel au CIRDI. Bechtel est allé jusqu’à réclamer 25 millions de dollars pour compenser l’« expropriation de bénéfices à venir », alors que l’entreprise n’avait investi que 500 000 dollars durant les sept mois qu’avait duré la concession. Devant le refus de la Bolivie appuyée par de nombreuses organisations sociales aux Etats-Unis, Bechtel a finalement renoncé à sa plainte avant même que le procès n’ait réellement débuté. Il s’agissait d’une première victoire. De son côté, Suez, sous la pression d’une campagne de solidarité internationale avec la population et l’Etat bolivien [22], n’a pas entamé de poursuite. Il s’agit d’une deuxième victoire qui démontre que la volonté d’un Etat du Sud et la mobilisation populaire peuvent faire battre en retraite une multinationale.

« On ne peut participer à un organisme où les Etats sont toujours perdants » [23]
Ces deux affaires éclairent à elles seules les motifs de la démarche d’Evo Morales. Le gouvernement bolivien a présenté six arguments pour justifier sa décision. Il a dénoncé le caractère déséquilibré du CIRDI et sa propension à favoriser les multinationales, même lorsque celles-ci se rendent coupables de non respect de la Constitution ou des lois boliviennes. Le président expliquait à ce propos : « Vous avez des sociétés qui ne respectent ni les lois ni les contrats, qui parfois ne payent pas leurs impôts, et à chaque fois le CIRDI leur donne raison » [24]. Il a également qualifié ce tribunal d’antidémocratique, puisque ses audiences se font à huis clos et que ses décisions sont sans appel. De plus, le coût lié aux procédures est très élevé, tout comme les indemnisations demandées par les multinationales qui réclament souvent un dédommagement pour le manque à gagner causé par la rupture d’un contrat. Enfin, le gouvernement a rappelé l’illégitimité d’un arbitre à la fois juge et partie, et l’inconstitutionnalité des recours à cette instance. En effet, la Constitution bolivienne est claire : l’article 135 dispose que toutes les entreprises opérant en Bolivie sont soumises à la souveraineté, aux lois et aux autorités de la République. Les différends entre l’Etat et les entreprises étrangères relèvent donc de la compétence des tribunaux boliviens.

Une autre multinationale s’en prend à la Bolivie via le CIRDI

Le 12 octobre 2007, Euro Telecom International (ETI), une filiale entièrement détenue par Telecom Italia et contrôlée par du capital italien et espagnol, a entamé une action auprès du CIRDI contre la Bolivie [25]. ETI possède l’entreprise bolivienne de téléphonie ENTEL, principal opérateur en télécommunication dans le pays andin. ETI prétend que la volonté du gouvernement bolivien d’examiner les résultats de l’entreprise et d’entamer des négociations pour accroître son contrôle sur le principal opérateur de télécommunications du pays a « détruit » son investissement. Telecom Italia/ETI a déposé sa plainte après que la Bolivie a signifié le 2 mai 2007 sa décision de se retirer du CIRDI. Malgré cela, cette institution l’a acceptée le 31 octobre 2007. Il faut préciser que la secrétaire générale du CIRDI et vice-présidente de la Banque mondiale n’est autre qu’Ana Palacios, ancienne ministre des Affaires étrangères du gouvernement espagnol de José Maria Aznar, bien connue pour son soutien aux intérêts des multinationales. Il faut également savoir que, depuis octobre 2007, c’est la multinationale espagnole Telefonica qui contrôle Telecom Italia/ETI.

La compagnie de téléphone ENTEL fait partie des entreprises privatisées suite aux politiques imposées par la Banque mondiale et le FMI. Avant sa privatisation, elle faisait partie, avec l’entreprise pétrolière et gazière publique YPFB, des principaux contributeurs aux recettes de l’Etat et elle était l’une des entreprises publiques les mieux gérées et les plus rentables. Elle est ensuite passée sous le contrôle - par rachat de 50% de ses actions - de la compagnie italienne STET, absorbée par Telecom Italia en 1997. Telecom Italia a ainsi bénéficié du monopole de fait dont jouissait l’entreprise publique par le contrôle de 80% du marché des appels longue distance et 75% du marché de la téléphonie mobile.

La stratégie de Telecom Italia a consisté à investir juste assez pour consolider la position d’ENTEL comme acteur dominant sur le marché bolivien et pour générer des bénéfices pour Telecom Italia/ETI. La firme a été accusée par le gouvernement d’Evo Morales de déplacer des ressources d’ENTEL et de les transférer dans des filiales appartenant entièrement à Telecom Italia/ETI hors de Bolivie. La loi interdit le transfert de ressources hors de Bolivie tant que l’entreprise n’a pas rempli ses obligations d’investissement telles que mentionnées dans le contrat de privatisation de 1995.
La firme a effectué des sorties de capitaux pour des centaines de millions de dollars. Ceux-ci ont alors été transférés aux actionnaires étrangers, alors que les services de télécoms et d’information étaient - et sont toujours - très largement insuffisants.

Quel est le motif de la plainte de ETI (Telecom Italia) contre la Bolivie ?

En 2006, le gouvernement d’Evo Morales a critiqué la privatisation de ENTEL au bénéfice de Telecom Italia/ETI. Il s’est rendu compte de nombreuses lacunes dans les services à rendre à la population et du manque de recettes fiscales causé par le transfert de capitaux vers l’extérieur. En mars et avril 2007, le gouvernement a mis en place une commission pour étudier et recommander des propositions pour récupérer le contrôle sur ENTEL. Au lieu de saisir les instances de régulation et les tribunaux boliviens, Telecom Italia/ETI a préféré faire appel au CIRDI.

Mais en Bolivie, pour la première fois, un président démocratiquement élu a la volonté et la capacité d’examiner la gestion des opérations privatisées. Il fait le nécessaire pour défendre et promouvoir l’intérêt public. C’est ce que veut dire le président Evo Morales en parlant de rechercher « des partenaires et non des patrons » dans ses relations avec les entreprises étrangères. Etablir des relations avec des partenaires nécessite de rétablir de justes équilibres. Dans ce cas-ci, il s’agit d’assurer que les ressources générées en Bolivie vont servir à son développement.
C’est pour cela que la Bolivie s’est retirée du CIRDI et qu’elle examine attentivement les traités d’investissement signés avec plusieurs pays. Pour toutes ces raisons, il est très important de soutenir la Bolivie dans le bras de fer avec Telecom Italia/ETI/Telefonica et le CIRDI.

La dette bolivienne

La dette publique externe de la Bolivie a été réduite de 45% en 2005-2006. Dans le cadre de l’achèvement de l’initiative PPTE PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.

Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.

Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.

Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.

Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.

Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
(Pays pauvres très endettés), la Banque mondiale, le FMI et la BID (Banque interaméricaine de développement) ont annulé environ 2 milliards de dollars de dette. Par contre, la dette publique interne est montée en flèche ces dernières années et dépasse aujourd’hui la dette publique externe. Le service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. publique ne baisse donc pas, il oscille entre 800 et 900 millions de dollars par an. En 2006, le service de la dette publique interne a coûté 556 millions de dollars au Trésor public et celui de la dette publique externe 325 millions de dollars. Le fardeau du paiement de la dette reste donc très lourd, bien trop lourd en regard des dépenses sociales. Fait inquiétant : Evo Morales a déclaré en novembre 2007 au sommet ibéro-américain qui se tenait à Santiago du Chili que la Bolivie devait augmenter ses emprunts auprès des institutions financières internationales.

Le projet de nouvelle Constitution adopté par l’assemblée constituante le 9 décembre 2007

Dans un climat politique et social tendu à l’extrême, une majorité qualifiée de membres de l’assemblée constituante a approuvé le 9 décembre 2007 le nouveau projet de Constitution qui sera soumis en 2008 à un référendum populaire.
La droite a multiplié les obstacles à l’adoption de la réforme constitutionnelle par l’assemblée constituante dans laquelle le MAS dispose d’une majorité simple. La droite a d’abord fait traîné en longueur les travaux, puis a refusé la recherche de compromis acceptables. Ensuite elle a mené la politique de la chaise vide, croyant ainsi empêcher la poursuite des travaux et le début des votes. Elle a aussi soutenu les élites de la ville de Sucre dans leur revendication de « récupération » des pouvoirs législatif et exécutif – c’est ce qui, en dernière instance, a provoqué le blocage de la Constituante sur les derniers mois. La droite veut éviter tous les changements constitutionnels importants. Le sabotage a duré plus d’un an. La situation était tellement bloquée que la Constituante a suspendu ses travaux pendant trois mois. Quand elle les a repris en novembre 2007, la droite était absente. Après deux semaines de travaux, l’assemblée a adopté le projet. Certains députés de droite ont même participé à l’approbation.
Tout cela s’est réalisé au milieu de provocations de l’opposition de droite à plusieurs endroits du pays et d’intenses mobilisations du camp favorable au MAS. La droite a essayé de paralyser sans succès le trafic sur les routes autour de Sucre, la capitale historique du pays où se tenait l’assemblée. Elle a organisé des manifestations contre les organisations indiennes qui étaient venues apporter leur soutien à l’assemblée constituante. Finalement, de nombreuses délégations des mouvements sociaux qui soutiennent le MAS se sont déplacées à Sucre pour protéger l’assemblée constituante. En dernière instance, il a fallu déplacer la constituante dans la ville d’Oruro pour le WE au cours duquel a été votée l’approbation du texte.
La garantie des droits individuels et collectifs est au centre de la proposition de réforme constitutionnelle. Sans prétention de donner une vision d’ensemble et exhaustive, voici quelques aspects de la Constitution à titre d’exemples.

Selon le projet (art. 11 II), la démocratie s’exerce : 1. de manière directe et participative au moyen du référendum, de l’initiative législative et citoyenne, de la révocation des mandats [26], de la réalisation d’assemblées et d’états généraux ; 2. de manière représentative au moyen de l’élection de représentants au suffrage universel, direct et secret, entre autres ; 3. de manière communautaire au moyen de l’élection, de la désignation ou de la nomination d’autorités et de représentants par les moyens et procédures propres à chaque nation et aux peuples d’origine indigène.
Selon l’article 14, l’Etat interdit et sanctionne toute forme de discrimination, qu’elle soit fondée sur le sexe, la couleur, l’âge, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’origine, la culture, la nationalité, la citoyenneté, la langue, la religion, l’idéologie, la filiation politique ou philosophique, l’état civil, la condition économique et sociale, le type d’occupation, le degré d’instruction, le handicap, le fait d’être enceinte, et autres qui auraient pour objectif ou résultat d’annuler ou de diminuer la reconnaissance, la jouissance et l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de toute personne.
L’Etat garantit l’exercice des droits établis dans les traités internationaux des droits humains. En ce qui concerne l’exercice des droits, personne ne sera obligé de faire ce que la Constitution et les lois ne demandent pas, ni de se priver de ce qu’elles n’interdisent pas.
Art 15 : I) Personne ne sera torturé ni ne subira des traitements cruels, inhumains, dégradants ou humiliants. La peine de mort n’existe pas. II) Toute personne, en particulier les femmes, a le droit de ne pas subir de la violence physique, sexuelle ou psychologique tant au niveau de la famille qu’au niveau de la société. III) L’Etat adoptera les mesures nécessaires pour prévenir, éliminer et sanctionner la violence à l’égard des femmes.
Art 16 : I) Toute personne a droit à l’eau et à l’alimentation. II) L’Etat a l’obligation de garantir la sécurité alimentaire.

En matière de santé, l’Etat garantit un ample système de santé publique gratuit. Selon l’article 38, les biens et services publics de santé sont propriétés de l’Etat et ne peuvent être privatisés ni faire l’objet de concession au secteur privé.
Art 41 : II) L’Etat donnera la priorité aux médicaments génériques par le financement de leur production dans le pays… III) Le droit d’accès aux médicaments ne pourra être restreint par les droits de propriété intellectuelle.
Art 45 : I) Toutes les Boliviennes et tous les Boliviens ont droit à la sécurité sociale gratuitement. II) La sécurité sociale sera régie selon les principes d’universalité, d’égalité, de solidarité, d’unité de gestion, d’économie, d’opportunité, d’interculturalité et d’efficacité. Sa direction et son administration sont du ressort de l’Etat, avec contrôle et participation sociale. V) Les femmes ont droit à une maternité sécurisée, avec une vision et une pratique interculturelles ; elles jouiront d’une assistance spéciale et de la protection de l’Etat durant la grossesse, l’accouchement, et les périodes pré- et post-natales. VI) Les services de sécurité sociale publique ne pourront être privatisés.

En matière d’éducation, selon l’article 77 : I) L’éducation constitue une fonction suprême et la première responsabilité financière de l’Etat.
Art 78 : III) Le système éducatif est libérateur et révolutionnaire…
Art 81 : I) L’éducation est obligatoire jusqu’à la fin du cycle secondaire. II) L’éducation est gratuite à tous les niveaux jusqu’au cycle supérieur.
Art 94 : III) L’Etat ne subventionnera pas les universités privées.

Droits des travailleurs. L’article 48 prévoit l’inversion de la preuve en faveur de la travailleuse et du travailleur. IV) Les salaires et les indemnités dus aux travailleurs ont la préférence sur tout autre créance, sont insaisissables et imprescriptibles. V) L’Etat promouvra l’intégration des femmes au travail et leur garantira la même rémunération qu’aux hommes pour un travail égal, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
Art 53 : Le droit à la grève est garanti.
Art 54 : Les travailleurs, afin de défendre leur outil de travail et eu égard à l’intérêt social, pourront relancer et réorganiser des entreprises en liquidation, fermées ou abandonnées de manière injustifiée, et former des entreprises communautaires ou sociales. L’Etat pourra aider l’action des travailleurs.

En matière de propriété,
l’article 56 prévoit que « toute personne a droit à la propriété privée individuelle ou collective, pour autant qu’elle ait une fonction sociale. La propriété privée est garantie pour autant que l’usage qu’on en fait ne porte pas préjudice à l’intérêt collectif. Le droit à l’héritage est garanti. »
Selon l’article 57, « l’expropriation pourra se faire pour cause de nécessité ou d’utilité publique ou quand la propriété n’accomplit pas de fonction sociale. » Cela vise évidemment notamment certaines grandes propriétés foncières.

En matière de défense (art. 10), la Bolivie ne pourra accepter aucune base étrangère sur son territoire et ne pourra participer à aucune guerre d’agression.

Si la réforme était adoptée lors du référendum, cela constituerait une avancée importante pour la démocratie politique et pour la garantie des droits économiques, sociaux et culturels de la population.
Bien sûr, l’adoption de cette nouvelle Constitution ne peut pas déboucher immédiatement sur la concrétisation immédiate de toutes ses dispositions en matière de droits collectifs et individuels. Une série d’articles constituent en réalité des objectifs à atteindre à moyen terme. Ce qui est décisif, c’est que l’adoption du texte offrira un cadre légal au gouvernement et au pouvoir législatif pour pousser beaucoup plus loin les réformes déjà entamées depuis 2006. Et corollairement, cela offrira aussi un cadre légal au mouvement social pour exiger du gouvernement qu’il adopte toutes les mesures nécessaires à la concrétisation de la Constitution. L’enjeu est donc de taille.


Notes

[1Ce texte constitue le chapitre 8 du livre d’Eric Toussaint, Banque du Sud et nouvelle crise internationale. Alternatives et résistances au capitalisme néolibéral, CADTM-Syllepse, 2008. Le livre sera disponible en librairie à partir de mai 2008.

[2Sucre est la capitale historique (et administrative) de la Bolivie. Depuis la Guerre Fédérale de 1899, cependant, les pouvoirs exécutif et législatif de la Bolivie ont été transférés dans la ville de La Paz, ne laissant à Sucre que le siège de la Cour Suprême.

[3Voir Éric Toussaint, Bolivie : la lutte des peuples pour l’exercice de la souveraineté sur les ressources naturelles, 20 octobre 2003, http://www.cadtm.org/spip.php?article107

[4Après la révolution de 1952 qui a permis grâce à la conquête du suffrage universel à la majorité indienne de peser au niveau des élections, des parlementaires indiens ont été élus au parlement.

[5Cité par Hervé Do Alto, « La nouvelle Constitution existe, l’instabilité persiste », 13 décembre 2007.

[6Cette partie s’appuye notamment sur Hervé Do Alto et Pablo Stefanoni, Evo Morales, de la coca al Palacio. Una oportunidad para la izquierda indígena, Editorial Malatesta, La Paz, 2006 et sur Carlos Cortéz Romero, “En la ruta emancipatoria”, in America latina en movimiento, octubre 2007. Voir aussi les nombreuses études consacrées aux mouvements sociaux par l’actuel vice-président bolivien Alvaro Garcia Linera (et Álvaro García).

[7A partir de 1952, la Centrale ouvrière bolivienne (COB), puissant syndicat dont les mineurs constituaient la colonne vertébrale, participait au gouvernement et désignait quatre ministres. La COB avait un droit de veto sur la politique en matière d’industries extractives. Voir Hervé Do Alto et Pablo Stefanoni, Evo Morales, de la coca al Palacio. Una oportunidad para la izquierda indígena, op. cit., Editorial Malatesta, La Paz, 2006, p. 59

[8Discours d’Evo Morales, le 22 janvier 2006. Voir de larges extraits plus loin dans ce chapitre.

[9Felipe Quispe a participé aux côtés d’Álvaro García Linera à la guérilla katariste EGTK et a été secrétaire exécutif de la CSUTCB.

[10La décision sera cassée par le tribunal constitutionnel en juin 2002.

[11L’ambassadeur Manuel Rocha déclare notamment à la presse en juin 2002 : “Une Bolivie dirigée par des gens qui ont bénéficié du narcotrafic ne peut espérer que les marchés des Etats-Unis restent ouverts aux exportations traditionnelles de textile” (La Razón, La Paz, 28 junio 2002).

[12Le MAS obtient la majorité dans le Chapare (80% des voix à Villa Tunari), à El Alto, à Oruro, dans les quartiers populaires de la ville de Cochabamba.

[13Avec un taux de participation électoral très élevé : 84%. Par ailleurs, à noter que même à Santa Cruz, ce bastion de la droite, le MAS a récolté 33,2% des voix.

[14Monnaie bolivienne (un euro égale environ 10 bolivianos).

[15Connu sous ce nom, le prix Nobel d’Economie est en fait un prix de la Banque de Suède en sciences économiques et pas en soi un prix Nobel.

[16Les citations de J. Stiglitz sont tirées du quotidien mexicain La Jornada du 19 mai 2006.

[17Pour cette partie, voir JACQUEMONT Stephanie, LHOIST Yolaine, La Bolivie porte une estocade à la Banque mondiale, 29 octobre 2007, www.cadtm.org/spip.php?article2923

[18L’Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) réunit le Venezuela, la Bolivie, Cuba et le Nicaragua. L’Equateur s’en rapproche.

[19Le président de la Banque mondiale préside également le conseil d’administration du CIRDI et tous les membres du CIRDI sont également membres de la Banque mondiale.

[20Les entreprises étaient dans les deux cas les seules à avoir répondu à l’appel d’offres.

[21Voir Eric Toussaint, Banque mondiale : Le Coup d’Etat permanent. L’Agenda caché du Consensus de Washington, CADTM-Syllepse-Cetim, Liège-Paris-Genève, 2006, p. 286-287.

[22Voir Éric Toussaint, Sous la pression populaire, le président bolivien met fin à la présence de Suez en Bolivie, 17 février 2005, http://www.cadtm.org/spip.php?article1156

[23Citation tirée de l’interview d’Evo Morales par Benito Perez : « Evo Morales : ‘La Bolivie n’a plus de maîtres mais des partenaires’ », Le Courrier, 30/06/2007, www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=436900

[24Idem

[25Pour plus de détails sur le conflit avec Telecom Italia : Campagne Internationale, CIRDI/Telecom Italie : Bas les pattes de Bolivie !, 10 décembre 2007, www.cadtm.org/spip.php?article2982

[26Selon les mêmes modalités que dans la Constitution vénézuélienne adoptée en 1999 (voir chapitre précédent). L’art. 241 définit précisément la révocation des mandataires.

Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.

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