Burkina Faso : des voix se lèvent pour exiger la libération des personnes arbitrairement enlevées

15 avril 2024 par CADTM International


Depuis quelques mois, au Burkina Faso, des personnalités de l’opposition, des défenseurs des droits humains et des universitaires sont enlevés et sont détenus dans des lieux tenus secrets. Ces pratiques hors de toute procédure régulière sont en totale violation de la Constitution et des lois du Burkina Faso. Fin 2023, les victimes de cette répression recevaient des ordres de réquisition que le tribunal administratif de Ouagadougou avait réussi, pour partie, à faire suspendre [1]. Les réquisitions forcées se sont alors muées en arrestations menées par des individus en civil, encagoulés ou se présentant à visage découvert comme étant des éléments de Forces de sécurité intérieure.



Parmi les personnes enlevées on peut citer de manière non exhaustive : Rasmané ZINABA et Bassirou BADJO, militants au Balai Citoyen, Gérard Ismaël SANOU, Secrétaire Général du Mouvement Sauvons la Kossi (MSK), El Hadj Mahamoudou DIALLO, Imam de la mosquée de Sikassossira, Anselme KAMBOU, opérateur économique, Wahabou DRABO, ministre des sports sous le MPSR I, Docteur Daouda DIALLO Secrétaire Exécutif du CISC, Idrissa KABORE, habitant à Pouytenga, Docteur Ablassé OUÉDRAOGO, président du parti Le Faso Autrement, Lamine OUATTARA du Mouvement Burkinabè des Droits de L’Homme et des Peuples (MBDHP), Maître Guy Hervé KAM, avocat à la cour et coordonnateur du mouvement SENS. Issaka Ouédraogo, Alexis Nacoulma, Ousmane Tou et Seydou Sawadogo du campus universitaires de Ouagadougou, Paul Damiba et Hamidou Savadogo, tous deux délégués de promotion à l’UFR/SVT. Moussa DIALLO, Secrétaire général de la CGT-B, a quant à lui échappé à une tentative d’enlèvement.

Depuis quelques jours, des voix courageuses se lèvent pour dénoncer les dérives de la transition.
Le 27 mars, 11 organisations de la société civile burkinabè publient une importante déclaration [2] dans laquelle elles reviennent sur la terrible crise sécuritaire imposée par les attaques terroristes et rappellent leur soutien aux Forces de défense et de sécurité (FDS) et aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) « qui, au prix d’énormes sacrifices, assurent la sécurité des Burkinabè ». Elles regrettent que dans ce contexte la cohésion nationale soit mise à mal par « la division systématique des Burkinabè en deux catégories : les « patriotes » et les « apatrides » » dans le but de stigmatiser puis réprimer les voix qui critiquent la gestion du pouvoir d’État. Elles appellent à ce que soit respecté l’état de droit et à « la libération sans délai ni condition de toute personne illégalement arrêtée et arbitrairement détenue au regard de la loi ».

Le 4 avril, le Front pour la défense de la République (FDR) a été créé. Le journaliste Inoussa Ouédraogo de la cellule Norbert-Zongo, porte-parole de cette nouvelle organisation à dénoncé les dérives de la transition et l’immensité des drames humanitaires et sociaux en cours. Le FDR vise un rétablissement de l’ordre républicain et une transition civile consensuelle qui aboutirait à des élections libres. Le Front exige également la « libération immédiates de toutes les personnes enrôlées de force, enlevés ou séquestrés par les milices aux ordres d’Ibrahim Traoré [3] ».

Au niveau international un appel à solidarité a été lancé depuis la Belgique par le Comité pour l’Abolition des Dettes illégitimes (CADTM), organisation avec laquelle Rasmané Zinaba (une des personnes enlevée) a collaboré, notamment à l’occasion du Forum Social Mondial de Dakar en 2011. L’appel (en français, anglais, espagnol) intitulé « Où est Zinaba ? Où sont les militants burkinabè enlevés ? » peut être directement signé ici [4]. En quelques jours, il a recueilli le soutien d’organisations comme ATTAC France et Espagne, de personnalités politiques comme Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale française et de près de 300 citoyen.ne.s et représentant.e.s d’organisations d’Afrique (Burkina Faso, Sénégal, Togo, Mali, Niger, RDC, Maroc), d’Europe (Espagne, Portugal, Belgique, France, Angleterre), d’Amérique latine (Colombie, Brésil) et d’Asie (Pakistan, Inde).

Dans ce contexte, il est essentiel d’exprimer toute notre solidarité à celles et ceux qui se battent courageusement pour la libération des personnes arbitrairement enlevées, pour la paix et pour le respect des droits fondamentaux au Burkina Faso.


Notes

[1Décision du 6 décembre 2023 pour Rasmané ZINABA, Bassirou BADJO et Issaka LINGANI.

[2https://ouaganews.net/burkina-des-osc-denoncent-la-pratique-des-enlevements-de-citoyens-declaration/
Signataires : Association des Journalistes du Burkina (AJB), Association Kébayina des femmes du Burkina, Balai Citoyen, Coalition Nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés – Section de Ouagadougou (CCVC/Ouaga), Comité de Défense et d’Approfondissement des Acquis de l’Insurrection Populaire (CDAIP), Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD), Centre d’Information et de Documentations Citoyennes (CIDOC), Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC), Centre National de Presse Norbert ZONGO (CNP/NZ), Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP), Réseau National de Lutte Anti-Corruption (REN-LAC)

[4Pour signer l’appel : https://www.change.org/ouestzinaba

Autres articles en français de CADTM International (129)