L’approfondissement de la crise au sein de l’Union européenne et particulièrement au sein de la zone euro suscite un débat sur la manière de sortir d’une telle crise qui marque véritablement une « Folle époque [1] ».
Il ne sert plus à grand chose de se féliciter d’avoir eu raison en dénonçant la construction néolibérale de l’UE et en prévoyant sa crise inéluctable. Il vaudrait mieux s’interroger sur les raisons pour lesquelles nous avons laissé s’échapper de nos mains la victoire référendaire de 2005. À l’époque, dans l’euphorie de cette victoire, on est passé un peu vite sur sa fragilité politique. D’abord, au moins un quart des votes « non » provenait de positions droitières, et même très droitières. Ensuite, le « non » dit de gauche recélait une fragilité qui s’est révélée plus tard. Et il existe de nombreux indices de cette fragilité : un de fond, le non marquait surtout un refus des traités (mais pas un refus d’Europe) plutôt qu’une proposition positive ; un autre indice, presque anecdotique tellement il était prévisible : Laurent Fabius, un des hérauts du non en 2005, semble s’acheminer aujourd’hui vers un soutien à Dominique Strauss-Khan pour la présidentielle de 2012. On est donc placé devant un problème de construction d’alliances qui ne peut être résolu sans un processus de débat approfondi en amont.
En ce qui concerne les objectifs, la situation n’est pas moins paradoxale. Alors qu’il existe au sein de la gauche anti-libérale un très large, sinon unanime, accord sur le caractère insoutenable de la construction européenne qui appelle une révision radicale, la controverse a pris un tour plus aigu depuis que la zone euro est entrée en crise par la faute des politiques néolibérales et de la spéculation contre les États les plus fragiles. Cette controverse se déroule sous le nom de « pour ou contre la sortie de l’euro ». Est-on bien certain que cette manière de poser le problème est la bonne, ou tout au moins la seule possible ?
En effet, cette façon de poser le débat n’est-elle pas contradictoire en elle-même ? Les partisans de la sortie immédiate de l’euro soutiennent en même temps l’idée que l’évolution néolibérale de l’UE était déjà préparée dans le Traité de Rome. « Le ver était-il dans le fruit ? » [2]. Il y a certainement du vrai dans ce jugement. Il se trouve que les traités et directives ultérieurs sont chaque fois allés en approfondissant cette dynamique. Mais, si cette histoire avait obéi et obéissait à un déterminisme implacable, si rien n’aurait pu ou ne pourrait faire dévier l’UE de cette trajectoire, à quoi servirait la sortie de l’euro puisque monnaie unique, monnaie commune ou rien du tout, la trajectoire était, est et sera inéluctable ? Il y a là un mystère à éclaircir que l’on peut encore exprimer ainsi : tout vient-il de l’euro ou des politiques précédant et entourant l’euro ?
Cette espèce d’énigme renvoie à un problème de temporalité qui croise celui des alliances. La question de la sortie éventuelle de l’euro se pose-t-elle en soi, hors de tout contexte, ou bien doit-elle être reliée à une situation particulière appelant un traitement spécifique ? Autrement dit, la question est-elle ouverte en permanence ou bien peut-elle s’ouvrir dans certaines circonstances précises ?
Ce n’est qu’après avoir clarifié ces principes premiers que l’examen des arguments de part et d’autre peut s’effectuer.
Des marges de manœuvre
La pression des marchés financiers et l’exigence de taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
de plus en plus élevés exigés des États qui subissent une spéculation sur le défaut de leur dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
conduisent à se demander comment faire pour que ces États retrouvent des marges de manœuvre. Des marges de manœuvre vis-à-vis de qui, vis-à-vis de quoi ?
Vis-à-vis des pays étrangers ? Le fait de retrouver une monnaie nationale donne le droit de procéder à des dévaluations. Mais est-ce qu’une dévaluation Dévaluation Modification à la baisse du taux de change d’une monnaie par rapport aux autres. résout un niveau de productivité éventuellement très inférieur ? Est-ce qu’elle facilite la coopération entre États ? Est-ce que l’impact de l’ajustement de change perdure quand il est imité ailleurs ? La réponse à ces trois questions est clairement non.
Des marges de manœuvre vis-à-vis des marchés financiers ? Une monnaie nationale abrite-t-elle mieux un pays de la spéculation qu’une monnaie unique et une monnaie commune mieux qu’une monnaie unique ? La réponse est donnée par l’histoire : lorsque la circulation des capitaux se fait sans entraves, les attaques spéculatives sont encore plus violentes envers les monnaies considérées comme appartenant à des États faibles. De plus, même en dehors des attaques spéculatives, on a vu, pendant la décennie 1980, puis pendant celle de 1990, le tournant néolibéral s’instaurer en France avec le franc souverain et avec l’écu monnaie commune après 1979. Et c’est précisément de 1982 à 1990 (avant que l’euro n’existe) que la part salariale dans la valeur ajoutée a chuté vertigineusement, marqueur premier du néolibéralisme.
Des marges de manœuvre vis-à-vis des groupes sociaux qui imposent leur intérêt de classe ? Curieusement cet aspect est assez absent du débat. Sortir de l’euro ne peut être considéré comme facilitant un desserrement de l’étau dans lequel le travail est enfermé par le capital. Remettre la création monétaire entre les mains de la Banque de France pour que celle-ci fasse la même politique monétaire que la Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. européenne ne modifierait pas le rapport de force capital/travail.
Or le problème essentiel est là. La sortie de l’euro, vue comme un préalable, risque donc de faire transformer un problème de classes en un problème de pays : dès lors, on aura une concurrence accrue entre pays, via les dévaluations compétitives en chaîne des monnaies sorties de la zone euro, en substitution au rapport de forces entre classes sociales. Les sorties individuelles successives de la zone risquent donc de déboucher sur un engrenage dont l’issue ne peut pas être une meilleure coopération mais au contraire la guerre économique et la guerre monétaire. Pire, il faut craindre qu’un gouvernement qui déciderait de sortir de l’euro tout en gardant une orientation néolibérale ne pourrait qu’approfondir la politique de rigueur anti-salariale et de remise en cause des droits sociaux, dans la mesure où il est vraisemblable que les taux d’intérêt exigés de cet État monteraient encore, et, dans un cercle vicieux infernal, le conduiraient à imposer une baisse supplémentaire des salaires qui aggraverait la récession Récession Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs. , les déficits publics, la dette aggravée par la dévaluation puisqu’elle est libellée en euros, le service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. , etc.
À l’automne dernier, lors du conflit social en France, il était important d’éviter un nouveau saccage des retraites car, en faisant reculer le gouvernement sur ce point, on aurait mis en échec la stratégie néolibérale sur un point décisif, l’accentuation de la financiarisation. En l’absence d’infléchissement des politiques néolibérales, revendiquer la sortie de l’euro, c’est risquer d’ajouter beaucoup de lanières au fouet qui frappe les travailleurs et les populations.
Nous sommes donc au cœur d’une question qui est avant tout stratégique et non pas d’une question théorique qui se limiterait à examiner dans l’absolu les avantages et inconvénients respectifs d’une monnaie commune et d’une monnaie unique, question sur laquelle il faut se pencher au début d’un processus mais qui est hors sol aujourd’hui. La difficulté est donc de savoir par quel bout prendre les choses concrètement et non pas de les examiner dans l’abstrait.
Retrouver des marges de manœuvre par des options compétitives ou coopératives, telle est l’alternative. [3] Sans budget européen véritable, sans fiscalité harmonisée vers le haut, sans limitation du mouvement des capitaux, le fait d’avoir une monnaie commune à la place d’une monnaie unique, a fortiori retrouver une monnaie nationale, ne fournirait aucune arme contre les politiques néolibérales de compétition.
Le débat avec Jacques Sapir
Parmi les économistes de gauche, Jacques Sapir est celui qui, depuis longtemps, argumente avec le plus de constance et de cohérence en faveur de la sortie de l’euro. [4] Il convient de situer la véritable divergence. Elle n’est pas dans l’inventaire des avantages/inconvénients dans l’absolu d’une monnaie commune ou unique. Elle ne porte pas non plus sur la nécessité pour chaque État de retrouver des marges de manœuvre en termes de politique économique [5], et encore moins sur l’exigence de démocratie au sein de chaque pays et au sein de l’UE. En particulier, personne parmi nous ne doute de la nécessité de mettre toutes les banques centrales sous contrôle démocratique et la création monétaire au service de la société et non à celui de la finance spéculative. On pourrait allonger la liste des points d’accord, notamment en soulignant que, quelle que soit l’origine théorique des économistes hétérodoxes participant à ce débat monétaire, plutôt keynésienne, plutôt marxienne ou les deux à la fois, tous reconnaissent l’importance de la monnaie dans la société. De ce point de vue, la « compréhension de la monnaie comme une institution importante mais dont le rôle doit être apprécié en conjonction avec d’autres institutions, comme la nature des relations sociales (la confiance), ou les structures de l’appareil productif », comme l’écrit Jacques Sapir », ne se modifie pas parce qu’on change l’échelon de l’émission monétaire, national ou continental. Autrement dit, le rôle de la monnaie dans le rapport social fondamental entre capital et travail pour le partage de la valeur ajoutée ne changerait pas de nature si on sortait de l’euro ou si on y reste : la gestion de la monnaie resterait un enjeu par rapport à l’accumulation du capital en contradiction avec un autre modèle social. Pour le dire dans les termes de Jacques Sapir, il n’est pas besoin d’adhérer à la thèse « essentialiste » de la monnaie pour regarder avec prudence la question de la sortie de l’euro. [6]
Jacques Sapir avance trois arguments en faveur de la sortie de l’euro qu’il énonce, semble-t-il, par ordre croissant d’importance.
Le premier est que les restrictions budgétaires et les régressions sociales prennent appui sur l’euro. Dans un tableau il indique par pays les ampleurs de la restriction budgétaire indispensable pour stabiliser la dette publique : apparaît alors l’écart entre le choc nécessaire en Allemagne et celui en Grèce, les deux pays les plus éloignés. Or ces indications ne constituent en rien une preuve que la sortie de l’euro atténuerait ces écarts. De plus, l’argumentation de Jacques Sapir ne postule-t-elle pas implicitement que, pour stabiliser une dette souveraine, il n’y a qu’une solution, celle des gouvernements actuels : restreindre les budgets publics ? Je n’imagine pas que Jacques Sapir mésestime la nécessité d’une réforme fiscale en profondeur, avec quelque monnaie que ce soit. [7]
Le deuxième argument est qu’une monnaie unique implique des transferts budgétaires pour combler les différences économiques entre pays. Or, dit Jacques Sapir, les divergences se sont accrues depuis l’introduction de l’euro. C’est juste mais c’est précisément parce que les transferts ont été supprimés. La concomitance entre l’introduction de l’euro et la suppression des transferts ne peut pas être tenue pour une implication logique déterministe de l’une à l’autre.
Le troisième argument de Jacques Sapir sort, à juste titre, du domaine étroit économique pour se situer dans le registre plus politique. Il s’énonce en deux parties : 1) les institutions sont le produit de la lutte des classes ; 2) cela se déroule dans un cadre clos, celui de l’État-nation. On donnera acte à Jacques Sapir de la première partie de l’énoncé. Mais quid de la seconde ? La mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
du capital, la mise au service de la rente financière de toutes les institutions étatiques et supra-étatiques, la construction de l’UE elle-même ne portent-elles pas la lutte des classes à un niveau dépassant un cadre « clos » ? Le fait que le salariat et les mouvements sociaux des différents pays composant l’UE n’aient pas réussi jusqu’ici à coordonner suffisamment leurs luttes pour imposer d’autres logiques est exact mais ce n’est pas une preuve que les luttes de classes ne peuvent, ne pourront et surtout ne doivent se mener qu’au niveau national. Mais, objectera sans doute Jacques Sapir, les mouvement sociaux n’y sont jamais parvenus. Certes, mais ce n’est pas l’euro qui a empêché le mouvement social français sur les retraites de vaincre Sarkozy. Et le fait de mettre en doute la sortie actuelle de l’euro n’équivaut pas à un passeport pour faire « mouvement vers des structures fédérales, dans le contexte actuel » selon ses mots.
Il se pourrait donc bien que les trois arguments de Jacques Sapir soient fragiles logiquement parlant. Peut-être même que les deux premiers sont des constructions a posteriori pour justifier le choix politique contenu dans le troisième, qui est au demeurant parfaitement respectable, mais qui est alors une hypothèse politique parmi d’autres, ne relevant pas d’une démonstration mais d’un choix normatif.
Dans ces conditions, s’il faut asseoir des propositions économiques sur des choix politiques, il est légitime de mettre en regard les différents choix possibles. Entre la marche forcée vers le libéralisme et le repli national, il y a peut-être place, pendant un temps dont on ne peut prévoir aujourd’hui la durée, pour une démarche institutionnelle combinant représentation européenne et représentation nationale.
L’amorce d’une rupture
Je fais l’hypothèse que le point délicat se situe dans l’amorce d’une stratégie de rupture avec la construction actuelle de l’UE. Jacques Sapir pense que le point de départ d’une telle rupture est la sortie de l’euro, condition nécessaire mais non suffisante, dit-il. À une sortie de l’euro comme préalable, il me semble préférable d’imposer des choix radicaux avec un autre préalable qui serait la restructuration de la dette, voire son annulation, tellement elle est illégitime [8]. La crise que provoquerait cette décision permettrait d’ouvrir un débat et un chantier politiques pour poser les ruptures qui devraient suivre :
la monétisation des déficits publics ;
la socialisation du secteur bancaire ;
les freins très forts à la circulation des capitaux (taxation des transactions financières) ;
la fiscalité sur les revenus du capital et de limitation des écarts de revenus ;
la RTT et la défense de la protection sociale et des services publics ;
les investissements de reconversion écologique. [9]
Toutes ces mesures seraient en contradiction flagrante avec les traités européens. Elles ouvriraient un conflit majeur avec les institutions de l’UE. En particulier, l’annonce d’une annulation au moins partielle de la dette publique (attaque directe contre les rentiers) en préalable aux autres mesures est de nature à ouvrir ce conflit sur des bases présentant beaucoup moins d’inconvénients qu’une sortie de l’euro en préalable au reste. Il faut souhaiter ce conflit en l’accompagnant d’une négociation avec d’autres pays pour qu’ils adoptent des mesures similaires, et en l’assortissant au bout d’une menace sérieuse de sortie de l’euro.
Et comment amener un gouvernement de gauche à être aussi radical ? Luttes sociales + stratégie d’unification de tous les acteurs du mouvement social. Et pour cela imposer dès aujourd’hui, en amont de toute échéance électorale, un débat profond sur les enjeux de société, en toute indépendance par rapport aux tactiques proprement partidaires.
[1] Voir J.M. Harribey, « La Folle époque », Politis, n° 1136, 20 janvier 2011, http://harribey.u-bordeaux4.fr/trav...
[2] Telle était par exemple la question que posait l’introduction du livre d’Attac (coord. J. Tosti), L’Europe à quitte ou double, Paris, Syllepse, 2009. Le même message était aussi contenu dans la conclusion de ce livre.
[3] Michel Husson a bien exprimé cette alternative dans « Quelles réponses progressistes ? », Les Temps nouveaux, n° 1, Automne 2010, p. 71-76.
[4] Voir entre autres sa note du 20 janvier 2011 en « Réaction aux contributions de Catherine Samary et Pierre Khalfa ».
[5] Voir le premier chapitre du livre d’Attac, L’Europe à quitte ou double, op. cit. ; et aussi une contribution plus théorique : J.M. Harribey, « Les chemins tortueux de l’orthodoxie économique », http://harribey.u-bordeaux4.fr/trav...
[6] La thèse dite « essentialiste » de la monnaie a été développée depuis trente ans par Michel Aglietta et André Orléan qui, pour rejeter à juste titre la vision classique de la neutralité de la monnaie, considèrent que la monnaie concentre en elle toute la violence sociale et de ce fait représente la totalité du lien social. Aussi, selon ces deux auteurs, il n’est plus besoin de théorie de la valeur puisque la monnaie exprime le désir de posséder ce que possède l’autre. Jacques Sapir, dans Les trous noirs de la science économique, Essai sur l’impossibilité de penser le temps et l’argent, Paris, Albin Michel, 2000, a critiqué cette approche et montré que la monnaie n’était pas le lien social mais un lien social. Je partage cette critique, mais elle ne peut servir ici à fonder théoriquement la sortie de l’euro.
[7] Voir Attac (V. Drezet), Pour un « big bang fiscal », Lormont, Le Bord de l’eau, 2010.
[8] Voir D. Plihon, « Faut-il restructurer les dettes souveraines européennes ? », Note pour les « économistes atterrés, janvier 2011 ; et J.M. Harribey, « Le mystère de la chambre forte », janvier 2011. La notion d’illégitimité d’une dette a été posée dans un autre contexte, celui de la dette extérieure des pays du Sud. Sa transposition est possible car la montée des dettes publiques est due à deux raisons principales : structurellement, par la baisse régulière de la fiscalité sur les riches qui peuvent alors acheter les titres publics (moins d’impôts et plus de rentes) ; et les États ont sauvé les banques de la crise.
[9] Voir M. Husson, op. cit., et J.M. Harribey, « Il faut coincer les serial killers », http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/europe/atterre.pdf, http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2010/12/03/il-faut-coincer-les-serial-killers/#more-151.
ancien Professeur agrégé de sciences économiques et sociales et Maître de conférences d’économie à l’Université Bordeaux IV.
Jean-Marie Harribey est chroniqueur à Politis. Il anime le Conseil scientifique d’Attac France, association qu’il a co-présidée de 2006 à 2009, il a co-présidé les Économistes atterrés de 2011 à 2014 et il est membre de la Fondation Copernic.
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