CADTM = 30 ans de lutte contre les dettes illégitimes

7 novembre 2020 par CADTM , Chris Den Hond


Depuis 30 ans, le CADTM milite sur 4 continents au côté d’hommes et de femmes se battant pour l’émancipation des peuples contre l’impérialisme, le néocolonialisme, le capitalisme et le patriarcat, en prenant comme angle d’attaque la dette.



CADTM : Comité pour l’abolition des dettes illégitimes
= 30 ans de lutte contre la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.

Gravement impactées par le COVID virus, les rencontres se font en grande partie par internet, avec des interventions de RDCongo, du Maroc, du Sri Lanka, de France, du Brésil, d’Inde, d’Afrique du Sud, d’Argentine...
Et un petit retour en arrière, quand le CADTM avait 20 ans :


Myriam Bourgy
 :
Une organisation comme le CADTM montre qu’il est possible d’agir directement sur une question comme la dette qui paraît difficile, mais qui est centrale, aussi bien au Sud comme au Nord.


Virginie De Romanet
 :
Le changement de nom en 2013 était hyper pertinent de passer de « Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde » à « Comité pour l’Abolition des Dettes Illégitimes », puisqu’on ne travaille pas uniquement sur le Sud, mais aussi sur le Nord.

AUX ORIGINES DU CADTM

Dans les années 80, c’étaient Fidel Castro à Cuba et Thomas Sankara au Burkina Faso qui agissaient pour l’annulation de la dette.


Éric Toussaint
 :
Thomas Sankara était convaincu à partir de 1985, qu’il fallait absolument arrêter le payement de la dette. Le 16 octobre 1987, il y a 33 ans et 2 jours, il a été assassiné. Parce qu’il constituait une menace par rapport à d’autres chefs d’État et par rapport à des grandes puissances comme la France, qui considère que le Burkina Faso comme les autres pays de l’Afrique occidentale font partie de son pré carré. Et puis la figure de Fidel Castro qui appelait à la suspension du payement de la dette avec le mot d’ordre : la dette est impayable et elle est immorale. Tout ça a produit un puissant mouvement de solidarité avec les pays du Tiers-Monde et en 1989 il y a eu une grande campagne lancée en France qui s’appelait « Ça suffat comme ci ». Donc en verlan « ça suffit comme ça ». Et c’est dans la foulée de cette grande initiative en France qui faisait écho à ce qui se passait en Amérique latine et en Afrique que le CADTM est né en mars 1990.


Virginie De Romanet
 :
Je ne connaissais absolument pas la question de la dette. J’avais l’idée générale que les pays pauvres avaient emprunté et comme c’étaient des pays pauvres, c’est pour cela qu’ils n’arrivaient pas à rembourser. J’étais loin de me douter que la dette avait été prêtée sciemment pour maintenir des dictatures, le système capitaliste et que les pays avaient remboursé maintes fois et qu’ils étaient toujours aussi endettés, voire plus endettés.


Najla Mulhondi
 :
Pour moi le lien entre colonialisme et dette, c’est ce rapport à l’oppression, à la domination injuste, inéquitable, inhumaine même.


Eva Betavatzi
 :
J’ai découvert le CADTM parce qu’en 2013-2014, j’habitais à Athènes. J’avais perdu mon travail et je me demandais pourquoi. Tout le monde me disait que c’était la crise de la dette, que la Grèce était une colonie de la dette. Je me suis intéressée à la dette et c’est comme ça que j’ai découvert le CADTM et que j’ai commencé à travailler avec l’équipe pour comprendre d’où venait la dette grecque. En 2016, j’ai participé à la commission d’audit pour la vérité sur la dette grecque et ils avaient ouvert leur champ d’analyse sur les dettes privées et notamment sur les dettes liées au logement, parce qu’à l’époque il y avaient plusieurs Grecs qui étaient menacés d’expulsion pour non paiement de leur crédit hypothécaire. Il y avait une quantité énorme de prêts non performants, donc de prêts non payés à la banque, et la troïka et notamment la BCE BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
(Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. européenne) poussaient à ce que ces prêts soient achetés par des fonds vautours Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
pour « assainir » le bilan des banques. Et c’est comme ça que j’ai pu lier la question de la dette publique grecque à des questions d’endettement privé.


Anaïs Carton
 :
Je viens de rejoindre le CADTM. Je suis la plus nouvelle de l’équipe. Je suis assez engagée sur la question de la lutte des sans-papiers et j’essaye de revoir ce rapport de domination sur la question de dette et migration.


Robin Delobel
 :
Un moment important que je retiens fortement c’est le Forum social mondial de Tunis en 2013 où j’ai rencontré beaucoup de gens du réseau international et au Maroc aussi. J’étais en 2016 à un contre-sommet organisé par Attac CADTM-Maroc où j’ai rencontré beaucoup de Marocain(e)s super engagé(e)s.


Christine Vanden Daelen
 :
En ayant vu toutes les dérives de la coopération internationale et en voyant que c’était vraiment le miroir inversé de tout ce que je voulais et de tout ce que j’espérais, je me suis dit : « Comment est-ce que je peux agir de manière internationale en étant en Belgique ? »


Joaldo Dominguez
 :
Je suis intéressé par la dette, parce que je pense que c’est un mécanisme de domination historique, qui empêche les peuples de se développer correctement et qui met en danger toute la potentialité du peuple. Donc je pense que si les pays se focalisent en organisant des audits citoyens sur la dette et voir quelle partie de la dette est légitime et quelle partie est illégitime et ne doit pas être payée, ils pourront développer beaucoup de projets de santé, d’éducation et d’infrastructure.


Eva Betavatzi
 :
Aujourd’hui on fait un travail de plus en plus de terrain. On est avec les mouvements de lutte pour la santé, pour le logement, hier on a parlé avec le mouvement pour l’éducation. Dans les mouvements populaires, on sent un intérêt de plus en plus grand pour les questions de la dette privée et des dettes publiques. C’est comme ça qu’on a élargi notre champ d’analyse.

CADTM = CONVERGENCE DES LUTTES
CADTM = AGIR
CADTM = DETTE AU NORD COMME AU SUD
CADTM = RÉSEAU INTERNATIONAL


Voir également : Retour complet sur les Rencontres d’automne du CADTM


Chris Den Hond

a participé à la fondation du CADTM Belgique en 1990 et est vidéo-journaliste. Il écrit sur les luttes au Moyen-Orient où il se rend régulièrement. Il collabore au Monde diplomatique et à Orient XXI.

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