Comité pour l'abolition des dettes illégitimes

« Près de cent millions de touristes étrangers visitent chaque année l’Espagne, soit plus du double de la population, un chiffre insoutenable qui génère de forts déséquilibres en matière d’eau, d’assainissement, de santé ou de logement »

En effet, la Banque d’Espagne elle-même explique l’augmentation du prix du logement par la demande des non-résident·es et par les utilisations alternatives du logement, telles que le tourisme ou la saisonnalité, entre autres facteurs. Dans les zones touristiques, la demande de vacances accapare jusqu’à 50 % des logements, réduisant de moitié la disponibilité des maisons pour les nouveaux ménages [4].

Le rapport sur la stabilité financière du printemps 2025 [5] de la Banque d’Espagne indique que sur les 367 000 transactions immobilières signées au cours du second semestre 2024, « les acquisitions de logements par des ressortissants étrangers sont restées élevées, atteignant 18 % en 2024 ». Il avertit également que « dans le cas des logements neufs, le prix a dépassé, en termes réels, son précédent maximum de 2,6 % » et signale que les prix en général sont déjà supérieurs aux niveaux d’équilibre. Il convient de rappeler que le logement est, selon le baromètre du Centre de recherches sociologiques (CIS), le plus grand problème pour les Espagnols [6].

« La Banque d’Espagne explique la hausse du prix du logement par la demande des non-résidents et par les utilisations alternatives du logement, telles que le tourisme ou la saisonnalité, entre autres facteurs »

Mais pour l’extrême droite, tant en Espagne que dans l’UE, le problème vient des immigrant·es. Examinons les données. Selon les chiffres du Parlement européen, environ 3,7 millions de personnes ont utilisé des voies légales de migration pour entrer dans l’UE en 2023. Parmi elles, 385 000 l’ont fait de manière considérée comme irrégulière par la bureaucratie européenne [7]. Dans cette optique, la Commission espagnole d’aide aux réfugié·es (CEAR) souligne que « le nombre total de personnes arrivées de manière irrégulière en 2023 ne représente que 0,06 % de la population totale de l’UE » [8].

Un an plus tard, en 2024, l’UE a enregistré une baisse de 38 % du nombre de migrant-es arrivé-es de manière irrégulière par rapport à l’année précédente, avec un peu plus de 239 000 entrées détectées en 2024, selon les données de l’Agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières (Frontex), qui souligne qui souligne qu’il s’agit du chiffre le plus bas depuis 2021, lorsque les flux ont considérablement diminué en raison des restrictions de déplacement imposées par la pandémie de coronavirus [9].

Cette baisse ne concerne pas les îles Canaries, où les 46 843 arrivées enregistrées en 2024 représentent le chiffre le plus élevé dans l’archipel depuis que l’agence européenne a commencé à tenir des registres en 2009. La route des Canaries a représenté cette année-là près de 20 % de toutes les arrivées considérées comme irrégulières dans l’UE et 73 % en Espagne. Plus précisément, 63 970 personnes sont arrivées en Espagne de manière considérée comme irrégulière, selon le ministère de l’Intérieur, et 10 457 personnes sont décédées en tentant de le faire, soit 58 % de plus que l’année précédente, selon le rapport Derecho a la Vida 2024 (Droit à la vie 2024) de Caminando Fronteras [10].

« Les Canaries ont accueilli l’année dernière 15,2 millions de touristes étrangers, soit sept fois plus que leur population. Mais pour l’extrême droite, le problème réside dans les 5 000 mineurs d’âge migrants non accompagnés. »

Comparez ces moins de 47 000 entrées aux 15,2 millions de touristes étrangers que les Canaries ont accueillis la même année 2024, soit sept fois plus que leur population [11]. Mais pour l’extrême droite, le problème, ce sont les quelque 5 000 mineur·es d’âge [12] migrant·es non accompagné·es [13].

Pour leur part, les Canariens ne manifestent pas contre les migrant·es ni contre les mineur·es. Ils se sont manifestés à plusieurs reprises contre la surfréquentation touristique, la spéculation, les inégalités et la croissance infinie. « Les Canaries ont une limite », clament les organisateurs, les collectifs sociaux, les écologistes et les citoyen·es, exigeant une meilleure protection des espaces naturels et une régularisation des logements de vacances. Les protestations de rue aux Canaries du mois de mai dernier ont été suivies dans d’autres villes espagnoles telles que Grenade, Valence, Barcelone ou Madrid [14].

Ce n’était pas la seule manifestation contre la « touristification » massive. Le dimanche 15 juin, une mobilisation a eu lieu dans 15 villes européennes pour exiger une décroissance touristique. À Barcelone, la manifestation avait pour slogan « le tourisme nous vole notre pain, notre toit et notre avenir » [15]. L’un des collectifs participants est Stop Creuers (Stop Croisières), créé pour lutter contre l’augmentation incessante du trafic maritime de croisières en Catalogne, une activité « hautement polluante, grande consommatrice d’énergie et de ressources locales et génératrice d’impacts sociaux, environnementaux et sanitaires immenses et graves, tant à l’échelle locale que mondiale » [16].

« En 2024, 12,8 millions de passagers ont débarqué dans les ports espagnols à bord de croisières »

Selon les données de Puertos del Estado [17], 12,8 millions de passagers ont débarqué dans les ports espagnols à bord de navires de croisière en 2024. Certains expert·es remettent en question la rentabilité des croisières pour les villes, car elles ont des impacts négatifs, tels que la surfréquentation ou la pollution [18].

Au contraire, et pour revenir au début, l’Autorité indépendante de responsabilité fiscale (AIReF), qui met en garde contre la viabilité du système, prévoit une augmentation de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics. publique due au vieillissement de la population, qui atteindra 129 % du PIB PIB
Produit intérieur brut Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre. en 2050 et 181 % en 2070, et estime, dans la même lignée que la Banque d’Espagne, qu’il faudra l’arrivée d’un million de migrant·es par an [19] pour soutenir les retraites dans les prochaines décennies [20]. Nous réitérons ce que nous avons déjà dit dans ces mêmes lignes : veut-on que toute cette main-d’œuvre vive et travaille dans des conditions d’esclavage ? Les régimes qui ne respectent pas les droits humains des migrant·es ne respectent pas non plus ceux des autochtones [21].

Traduction : CADTM