23 août 2010 par Denise Comanne
Denise Comanne [1]
Le patriarcat [2]
Au départ, le mot signifie l’autorité du père. Ce n’est qu’avec la vague féministe des années 1970 qu’il prend son sens actuel : une relation de pouvoir entre les sexes où les hommes dominent les femmes. Cette relation a une histoire.
A l’époque préhistorique, domine une économie de subsistance (chasse - cueillette). Il n’y a pas d’accumulation de « biens », mais une recherche constante des ressources, des moyens de subsistance. Le « travail » de chacun et de chacune est nécessaire pour assurer la survie de la tribu. Personne ne peut s’approprier les ressources sous peine de mettre en péril cette survie. Il y a donc égalité sociale.
Les premières sociétés agricoles voient l’organisation coopérative du travail. On y trouve toujours l’égalité sociale et la propriété collective des ressources et moyens de production. Les terres sont des propriétés collectives exploitées en commun. Il existe dans ces sociétés, une certaine division du travail entre les hommes et les femmes (les femmes ont des tâches spécifiques - travail dans les champs, poterie, tissage) mais cette division sexuelle des tâches ne correspond pas à une oppression des femmes ni à une exclusion de la sphère publique.
Dans les sociétés antiques, avec l’accumulation des ressources, le développement des forces productives et des outils, un surproduit social apparaît. Celui-ci entraîne la formation de classes sociales, certains s’appropriant le surproduit et voulant l’accroître. Pour les femmes, la situation change radicalement : la notion d’héritage apparaît et la transmission d’une propriété se fait par les hommes, d’où l’importance d’une descendance mâle dont il faut pouvoir « s’assurer ». La femme devient alors une propriété parce qu’elle est une génitrice avant tout. Le mariage devient source de propriété, de richesse. Par exemple, la dot qui, dans les sociétés matrilinéaires, consistait en un cadeau, devient du bétail, une terre.
Beaucoup plus tard, une autre transformation importante se répercute sur la condition des femmes. Avec l’essor du capitalisme et des manufactures, le travailleur-producteur est séparé de ses moyens de production, l’artisan loue sa force de travail et ne possède plus son outil. Au fur et à mesure du développement du capitalisme, les produits autrefois confectionnés dans les familles seront fabriqués à l’extérieur. Dès lors, il y a dévalorisation du travail domestique, considéré comme non-productif de biens susceptibles d’être échangés. Puisque la responsabilité principale des femmes n’est pas la production, cela implique que leur travail correspond seulement à un appoint : il donne lieu à un salaire d’appoint au salaire masculin ; la notion de main-d’œuvre d’appoint implique aussi qu’on l’utilise au gré de la conjoncture. L’emploi des femmes va évoluer de plus en plus vers des métiers dits « féminins » qui prolongent leurs fonctions familiales et seront également sous-payés puisqu’ils correspondent à des activités non-productives, dévalorisées parce qu’elles dérivent des tâches familiales.
Au 20e siècle, toutefois, l’entrée massive des femmes dans les usines, puis dans les bureaux a jeté les bases de leur émancipation.
Le matriarcat
Ce mot semble parallèle au mot patriarcat. Mais en fait, c’est très différent. D’une part, les sociétés matriarcales signifiant des relations réelles de pouvoir, de domination, des femmes sur les hommes relèvent du domaine des légendes, des mythes. Les anthropologues et ethnologues semblent assez d’accord là-dessus. Par contre, le matriarcat pouvait désigner des sociétés où les femmes, fuyant l’autorité des hommes, constituaient donc des groupes ou sociétés où elles avaient tout le pouvoir. Mais c’était un pouvoir entre elles et non une oppression d’un autre groupe qui aurait été constitué d’hommes.
La matrilinéarité
Il ne faut donc pas confondre des sociétés matriarcales avec des sociétés matrilinéaires qui, elles, ont bien existé et où la filiation, la parenté, se transmet par les femmes.
Le sexe
Il y a une différence biologique de sexe : le sexe femelle et le sexe mâle. Ceux-ci sont déterminés par les chromosomes, les gènes. Il peut exister des combinaisons atypiques entre les chromosomes ; elles sont même considérables (1 naissance sur 500). Ces personnes intersexuées représentent donc environ 2 pour mille de la population. Nous pensons qu’il faut intégrer et apprécier cette diversité de la nature.
Pour évoquer cette diversité, le mot « Queer » est, à la base, un mot anglais signifiant « étrange », « peu commun », souvent utilisé comme insulte envers des individus gays, lesbiennes, transsexuels… Par ironie et provocation, il fut récupéré et revendiqué par des militants et intellectuels gays, transsexuels, bisexuels, adeptes du BDSM, fétichistes, travestis et transgenres à partir des années 1980, selon le même phénomène d’appropriation du stigmate que lors de la création du mot négritude.
En France, si le terme « Queer » est notamment connu du fait de séries télévisées présentant les gays comme des gens branchés, il n’en reste pas moins qu’il sert avant tout de point de ralliement pour ceux qui - hétérosexuels compris - ne se reconnaissent pas dans l’hétérosexisme de la société, et cherchent à redéfinir les questions de genre (Gender Studies). Depuis les années 2000, les mots allosexuel et altersexuel constituent des tentatives de traduction en français
Dans le même sens, le mot « LGBT » est le sigle de « Lesbian, Gay, Bisexual and Transgendered people » et adapté en français en « Lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels ». Il permet par un terme plus inclusif qu’homosexuel, de désigner un large groupe d’institutions, d’organisations et d’individus très divers, œuvrant dans le même sens.
Le genre
C’est une construction sociale et culturelle basée sur le sexe, c’est-à-dire toute une série de comportements, d’enseignements, de symboliques, de coutumes qui « structurent », « construisent » une fille comme fille ou un garçon comme garçon (exemple bien connu : le choix des jouets : poupées ou dînette pour les filles, meccano ou train électrique pour les garçons). On aura donc le genre féminin et le genre masculin.
Cette construction se base sur le sexe biologique de départ : cela peut mener à des déchirements personnels profonds si on construit comme « garçon » une personne qui se sent psychologiquement « fille » et inversement.
Cette notion de construction sociale cristallise non seulement les personnes en soi mais elle induit aussi, dans un type de société donné, les rapports entre les femmes et les hommes (rapports sociaux de sexe).
L’important dans cette notion est que ce qui est construit humainement, peut être défait humainement, même si le travail de construction date de plusieurs siècles. Il n’y a pas de fatalité, de loi universelle, de déterminisme biologique, de message divin, etc. qui décide une fois pour toutes de la place des femmes par rapport à celle des hommes. Nous sommes maîtres de notre avenir, femmes et hommes. Mais il y en a qui sont plus « maîtres » que d’autres…
Faire une analyse de genre, c’est…
C’est analyser une situation donnée en gardant à l’esprit que vu le conditionnement, la construction de leur rôle liée à leur sexe, les individus réagissent différemment selon ce conditionnement. Exemple d’une situation donnée : au niveau mondial, peu de femmes sont présentes dans les instances de pouvoir politique. Analyser cette situation selon le genre, ce sera tenir compte de la qualité différente d’éducation, du degré différent d’éducation, de l’environnement symbolique et vécu qui font que les personnes de sexe mâle sont prédominantes dans les instances de pouvoir. Dans ce même cas, l’analyse de genre induit parallèlement que, dans les mêmes circonstances de départ, les femmes sont aussi aptes à faire partie des instances politiques que les hommes mais que leur conditionnement les freine ou les empêche de briguer ces postes avec autant de résultats que les hommes.
Ce que l’analyse de genre n’induit pas, c’est que les hommes gardent toujours une longueur d’avance parce que, dans un système patriarcal, ceux qui détiennent actuellement les leviers de pouvoir - grosso modo, les hommes -, ne souhaitent pas l’abandonner : trop d’avantages de tous ordres sont liés à cette suprématie, rappelons-le, complètement arbitraire.
Dérives de la notion de genre
Cette notion née dans les années 1950 est utilisée dans les années 1960 par les féministes anglo-saxonnes (gender) pour « dénoncer » le caractère construit – socialement et culturellement – des inégalités dans les relations femmes-hommes. Le mot « dénoncer » est important car ces féministes voulaient très justement agir (construire différemment) pour que les injustices de ces relations soient dénouées. Donc, au départ, la notion de « genre » se basait sur l’analyse des rapports de domination des hommes sur les femmes : le patriarcat. Le sens actuel du mot « patriarcat », système d’oppression des femmes par les hommes, date d’ailleurs plus ou moins de la même période (années 1970).
Très rapidement, la notion se fait reconnaître pratiquement universellement, gagne ses galons d’expression consacrée par les milieux de pensée, d’expression et même de décision : « l’égalité de genre » devient la panacée même pour les mouvements féministes au fur et à mesure que certains de ceux-ci (la grande majorité) s’institutionnalisent.
Ce grand accord sur l’obtention de l’égalité ne se reflète cependant pas dans la réalité sociale ; c’est un accord de surface : les injustices entre les femmes et les hommes subsistent, les fossés également ; l’exploitation, l’oppression, la violence continuent de faire partie du quotidien des femmes.
Parallèlement, la notion devient de plus en plus floue. A force de parler « rapports de genre », on finit par gommer petit à petit qu’il s’agit de rapports de domination. Le « genre » devient gentil. C’est pourquoi le CADTM préfère conserver l’expression de « rapports patriarcaux », de « système patriarcal » entre les femmes et les hommes, ce qui souligne mieux cette hiérarchie de dominants/dominées. Les mots « rapports sociaux de sexe » font également partie du vocabulaire que nous privilégions, d’autant plus que les rapports sociaux de sexe sont très différents dans le temps et dans l’espace : autrement dit, il n’y a pas un rapport social entre les sexes « type » (eurocentriste par exemple) qui soit applicable pour tous les êtres humains.
Féminisme
Plusieurs vagues et mouvements du féminisme ont eu lieu au cours de l’histoire, surtout depuis la fin du 19e siècle mais, bien avant cela, des figures féministes ont jalonné toute l’histoire de l’humanité (Olympe de Gouges notamment, à la fin du 18e siècle : « Si la femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit aussi avoir celui de monter à la tribune »).
Le féminisme est progressiste, « révolutionnaire » dans le sens où il revendique un changement radical de société en exigeant le respect des droits pour toutes les femmes dans le monde. Employer les mots « égalité des droits » ou « égalité des chances » par rapport aux hommes n’est pas très signifiant car, d’une part, les hommes vivent également de graves lacunes dans leurs droits et qu’il peut y avoir, d’autre part, des droits spécifiques à revendiquer pour les femmes. On se bornera à dire que le féminisme lutte pour que toutes les conditions soient réunies qui permettent le plein épanouissement des femmes et leur émancipation de tout type d’oppression.
Et pourtant…
Depuis les années 1980, beaucoup de femmes, de jeunes femmes, ne se considèrent absolument pas comme féministes. Tout d’abord, parce qu’elles considèrent ce combat comme dépassé (et donc ringard). Profitant des acquis de leurs aînées, elles ne prennent pas conscience de la fragilité de ces acquis faute de comprendre que le système patriarcal les a concédés mais qu’ils ne reflètent pas un plein accord des mentalités à ce sujet. Ensuite, le mot a une connotation négative : les féministes seraient des anti-hommes hargneuses, frustrées. C’est un peu comme les communistes que l’on représentait fréquemment - pour faire peur – avec un couteau sanglant entre les dents parce qu’ils se lançaient dans la lutte de classes.
Mais les féministes ont l’habitude : du temps des grandes vagues féministes déjà, elles étaient mal vues. Des hommes par crainte de voir leurs privilèges et leur statut de dominant s’effondrer et des femmes qui, intériorisant les notions patriarcales, ne comprenaient pas la nécessité de ce combat. Ce qui était différent, c’est que l’époque tout entière, les décennies 1960 et 1970, était secouée de luttes diverses, ce qui accroissait les degrés de conscience de part et d’autre et permettait au féminisme de gagner des points.
Le CADTM préfère donc employer le mot « féminisme » pour parler des luttes de femmes car ce mot porte en lui justement une histoire de lutte et qu’il est plus clair que « genre » pour signifier la hiérarchie des valeurs établies dans la société actuelle entre les femmes et les hommes.
Ceci nous amène à observer une grande « scission » dans le mouvement des femmes (le mot est peut être trop fort au niveau des contacts qui existent entre les différents courants de pensée et d’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
des femmes, mais il est juste au niveau des objectifs et de la stratégie). Certaines organisations se revendiquent du féminisme et mettent donc en place des stratégies de renversement des rôles établis pour les femmes et pour les hommes. Elles s’attellent, comme dit plus haut, à une modification révolutionnaire de la société. D’autres organisations de femmes, dans le cadre actuel de la société, se limitent à tirer vers elles le maximum d’acquis que cette société, encore essentiellement régie par les hommes, accepte de leur concéder. Cela sans remettre radicalement en cause le modèle patriarcal et le système capitaliste.
Pour le CADTM, si les conquêtes partielles sont très importantes – et c’est certain qu’il s’alliera à des organisations de femmes sur ce terrain -, elles ne sont cependant pas suffisantes pour atteindre l’objectif central : la fin de l’oppression patriarcale. Il faut pour cela créer un niveau de conscience supérieur induisant une volonté d’action en profondeur. Ce n’est pas donné. D’autant plus que de l’autre côté de la barrière, le patriarcat prépare la contre-offensive.
Masculinisme
Le mouvement qui porte ce nom est relativement récent [3]. Contrairement au féminisme, c’est un mouvement régressif, il tient un « discours revanchard » sur les quelques victoires féministes et tend à faire croire que l’ensemble de la société est en passe de devenir matriarcal (rappelons à ce sujet que le matriarcat, qui serait le pendant du patriarcat et donc défini comme la détention de l’autorité par les femmes à l’exclusion des hommes, est un mythe. Le matriarcat n’a rien à voir avec les sociétés matrilinéaires qui, elles, existent ou ont existé).
Ceci montre à quel point le patriarcat est réactif dès qu’il se sent menacé. Or, dans ce cas, il est vraiment très exagéré d’affirmer le danger d’une inversion totale de la domination des hommes envers les femmes uniquement parce que les femmes deviennent plus visibles et comptent davantage dans la sphère publique, parce qu’un certain (encore petit) pourcentage de femmes atteint des postes de direction dans la sphère économique et/ou politique. A partir de là, un sentiment de « malaise » généralisé s’abattrait sur les hommes, mettant en cause leur virilité, leur paternité, leur rôle dans la société, etc.
Le comble est alors que des institutions créées pour veiller au respect notamment des droits des femmes (en Belgique, le Centre pour l’Egalité des genres, par exemple, qui a subventionné un congrès de masculinistes) se penchent avec bienveillance sur une minorité d’hommes qui seraient en perte d’identité. Alors qu’il est clair que, pour atteindre cette égalité, les hommes doivent absolument admettre qu’ils ont été privilégiés pendant des millénaires – ils le sont toujours - et se remettre en cause fondamentalement.
Hélène Palma : « Le masculinisme aujourd’hui en Occident, c’est une lame de fond, une idéologie rampante, un état d’esprit à l’égard des hommes et des femmes, qui tend à affirmer que les premiers sont victimes des « excès » des secondes. Les femmes auraient exagéré. Elles auraient obtenu « trop » de droits, de libertés. Il a pris, au cours des dernières décennies, la forme d’une mouvance d’une radicalité extrême dont l’objectif non avoué, mais évident, est d’entraver la liberté des femmes que les acteurs de cette mouvance ne considèrent pas comme leurs égales. Des groupes d’hommes (souvent en mettant en exergue la protection de leur rôle de pères) se lamentent sur la prétendue précarité de leur condition. En fait, le groupe le plus privilégié de notre société patriarcale prétend être gravement lésé et s’exprime dans ce sens depuis une quarantaine d’années. Ces hommes dénoncent le plus souvent le féminisme comme la cause première de leur mal-être et souhaitent ouvertement un retour en arrière. » [4]
Sexisme
Se dit d’un comportement qui interpelle l’interlocuteur (s’adresse à l’autre) sur la base précise de son sexe biologique et de tout ce qui, culturellement et socialement, lui est associé (exemple : un homme qui siffle une femme en rue). Le féminisme vise l’objectif de mettre fin au sexisme en mettant fin à la notion construite des sexes.
Division sexuelle du travail
Dans un tel système patriarcal et capitaliste, sur le plan international, les statistiques montrent que si on prend en compte le travail professionnel des femmes qui est rémunéré, en y ajoutant le travail domestique, le groupe des femmes produit un « surtravail » par rapport à celui des hommes. Cette non-mixité dans les tâches et les responsabilités familiales est la face visible (grâce aux féministes) d’un ordre social fondé sur la division sociale et sexuelle du travail, c’est-à-dire sur une répartition des tâches entre les hommes et les femmes, suivant laquelle les femmes seraient censées se consacrer prioritairement et « tout naturellement » à l’espace domestique et privé et les hommes à l’activité productive et publique.
Cette répartition loin d’être « complémentaire » définit une hiérarchie entre les activités « masculines » (valorisées) et les activités « féminines » (dévalorisées). Cette division n’a jamais correspondu, dans les faits, à une égalité. La grande majorité des femmes a toujours cumulé une activité productive (au sens large du terme) et l’entretien du groupe domestique.
De plus, au dehors de la sphère privée, les tâches que les femmes sont amenées tout aussi « naturellement » à réaliser dans la société sont les tâches qui correspondent au plus près aux tâches domestiques (nettoyage, soins, etc. : ce qu’on appelle maintenant le secteur du « Care Care Le concept de « care work » (travail de soin) fait référence à un ensemble de pratiques matérielles et psychologiques destinées à apporter une réponse concrète aux besoins des autres et d’une communauté (dont des écosystèmes). On préfère le concept de care à celui de travail « domestique » ou de « reproduction » car il intègre les dimensions émotionnelles et psychologiques (charge mentale, affection, soutien), et il ne se limite pas aux aspects « privés » et gratuit en englobant également les activités rémunérées nécessaires à la reproduction de la vie humaine. »). Tâches dévalorisées car tenues par des femmes et donc, rémunération dévalorisée : on remarque ainsi que plus il y a de femmes qui occupent un type de profession, plus le revenu de l’exercice de cette profession tend à baisser : des postes valorisés il y a un siècle comme ceux de professeurs ou de médecins, sont maintenant de plus en plus mal rémunérés.
Quant à savoir qui de la féminisation ou de la dévalorisation est l’origine de l’autre, je me demande si ce n’est pas une fausse question. Après tout, il se pourrait que la féminisation ait eu lieu de façon concomitante avec la dévalorisation du métier d’enseignant, sans en être ni la cause, ni le résultat ; deux évolutions différentes mais contemporaines en somme…
Cette division sexuelle du travail prend une dimension supplémentaire si on envisage les relations de travail au niveau international. Les entreprises – transnationales essentiellement mais pas seulement -, cherchant le profit maximal, ont délocalisé la production de marchandises et de services. D’abord, bien sûr, il s’agit de la délocalisation au sens strict du mot qui consiste à chercher le pays ou la région où les conditions de profit maximal sont réunies (du Nord industrialisé en gros vers les pays de l’Est et du Sud, ou vers les zones franches n’importe où dans le monde).
Une deuxième « délocalisation » (au sens figuré) a lieu quand le patronat licencie des hommes pour employer des femmes moins rémunérées.
Mais on peut considérer qu’il y a aussi une troisième « délocalisation » à l’intérieur même du salariat féminin (ou du travail rémunéré). Le patronat qui engageait des femmes du Nord industrialisé (déjà sous-payées par rapport aux hommes), tend maintenant à fournir ce travail à des femmes de pays (essentiellement du Tiers Monde) où les avantages salariaux, les mesures de protection sociale et environnementale, sont encore plus précaires. Le film de Marie-France Collard « Ouvrières du monde » [5] explique très bien cette situation en prenant l’exemple des ouvrières des jeans Levis en France, en Belgique, aux Philippines, en Indonésie et en Turquie.
On subit donc une exploitation accrue quand on est femme et de surcroît d’un pays du Sud. Il n’est pas nécessaire d’ailleurs d’habiter dans le Sud pour subir cette surexploitation : les femmes migrantes « établies » dans les pays du Nord subissent aussi ce surcroît d’exploitation.
[1] Denise Comanne (1949-2010) a mis la dernière main à ce texte le 27 mai 2010, soit la veille de son décès survenu suite à un accident cardio-vasculaire alors qu’elle venait de quitter une conférence commémorant le cinquantenaire de l’indépendance du Congo. Voir : http://www.cadtm.org/Une-vibrante-voix Denise Comanne comptait encore améliorer ce texte dans le cadre du travail collectif entrepris par le CADTM afin de renforcer son engagement féministe.
[2] Cette partie du texte est basée sur le travail de France Arets, Aux origines du patriarcat, de la propriété privée et de l’Etat, in École « Che » Guevara, « Comprendre le monde pour agir, agir pour changer le monde », Formation Léon Lesoil ASBL
[3] Voir Denise Comanne, « Pays du Nord : Les acquis féministes en danger », http://www.cadtm.org/Pays-du-Nord-Les-acquis-feministes
[4] Hélène Palma « La percée de la mouvance masculiniste en Occident », communication lue en octobre 2007 à l’Espace Femmes International de Genève (EFIGE), dans la revue duquel il a été publié. http://lgbti.un-e.org/spip.php?article50
Féministe engagée dans les luttes locales et internationales contre le capitalisme, le racisme et le patriarcat, Denise Comanne avait créé le CADTM aux côtés d’Éric Toussaint et d’autres militant-e-s.
Révolutionnaire infatigable, Denise aura milité jusqu’au bout dans les mouvements sociaux.
Elle est décédée le 28 mai 2010, brutalement, peu après avoir participé activement à un Forum sur le cinquantenaire de l’indépendance de la RD Congo.
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