Comprendre la dette grecque

Outils vidéos et livret pédagogique

23 août 2022 par CADTM Belgique , ZinTV


Avant-propos

Déjà avant le début de ce qui deviendra la « crise grecque » en 2010, le CADTM – Comité pour l’abolition des dettes illégitimes – s’intéressait de près à la dette grecque et aux conséquences de son remboursement sur la population. Depuis plusieurs années, il s’efforce de proposer des analyses émancipatrices et des alternatives en lien avec les mobilisations grecques contre la dette illégitime. En 2015, le travail du CADTM concernant la Grèce s’intensifie, lorsque Syriza, un parti anti-austérité, gagne les élections et que la présidente du parlement grec met en place une commission d’audit, dont le porte-parole de notre réseau assure la coordination scientifique.

Depuis lors, plusieurs vidéos ont été réalisées par le CADTM en collaboration avec ZIN TV, les Productions du Pavé et les Films du Mouvement. Ces outils vidéo ont permis de vulgariser nos analyses, déconstruire des idées reçues et expliquer des mécanismes parfois complexes. Réalisées pendant ou peu de temps après l’expérience « Syriza », certaines de ces vidéos permettent également de documenter et de poser un regard critique sur cette séquence politique en tant que tentative avortée d’un pays de l’Union européenne de rompre avec l’austérité.

Ce livret compile donc ces supports vidéo qui présentent des approches, formats et objectifs différents mais portent tous sur le cas grec. Nous y détaillons leurs contenus et nous apportons des éléments complémentaires qui peuvent être utiles dans la compréhension de la situation grecque, certes, surtout si vous voulez utiliser ces vidéos comme des outils dans vos cours, vos ateliers, vos projections-débats et vos dîners de famille.

À bon entendeur·euse…

NB : les informations contenues dans son livret sont tirées du rapport de la Commission pour la vérité sur la dette grecque : La vérité sur la dette grecque, Les liens qui Libèrent, 2015. Quand ce n’est pas le cas, les sources sont mentionnées.



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L’audit de la dette grecque : contextualisation

La Commission pour la vérité sur la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
grecque a été créée le 4 avril 2015 via décret par la présidente du parlement hellénique Zoé Konstantopoulou. La coordination scientifique des travaux a été confiée à Éric Toussaint, porte-parole du réseau CADTM. Cette commission se compose d’une trentaine de membres : la moitié de Grecques et Grecs, l’autre d’internationaux (de dix nationalités différentes).
Cette commission a eu pour mandat d’analyser la dette publique grecque entre 2010 et 2015 et d’en identifier les parties illégitimes, odieuses, illégales et insoutenables ainsi que de formuler des arguments juridiques, qui pourraient justifier son annulation.

C’est quoi un audit d’une dette publique ?

Un audit de la dette est un processus qui consiste à analyser de manière critique la politique d’emprunt menée par les autorités d’un pays sur une période donnée. D’où vient la dette ? À qui a-t-elle profité ? Quelles ont été les conditions et modalités d’emprunt ? À quoi a servi l’argent emprunté ? etc. Une fois les livres des comptes ouverts et analysés, il s’agit aussi et surtout de diffuser les résultats auprès de la population. Le processus d’audit est avant tout une action politique permettant de fournir des arguments pour répudier les dettes illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables. Certains audits sont menés par des citoyen·ne·s : on parle d’audit citoyen, d’autres sont réalisés par des institutions parlementaires ou encore en combinant les deux.


L’Audit, enquête sur la dette grecque

Fiche synthétique de présentation

Maxime KOUVARAS - Zin TV & CADTM – 2017 – 26’52

- Réalisation : Maxime Kouvaras
- Caméra : Valentin Fayet, Georges Kouvaras, Maxime Kouvaras
- Images additionnelles : Aris Hatzistefanou, Conseil de l’UE
- Montage : Valentin Fayet
- Mixage son : Cédric Plisnier
- Musique : Olivier Crespel
- Étalonnage : Josja van Zadelhoff
- Graphisme : Daniel Diaz
- Remerciements : Studio Charbon, Alain Clément, Anne-Sophie Guillaume, Ronnie Ramirez
- Langues : version française. Sous-titres disponibles en grec, anglais, espagnol, italien et français
- Genre : documentaire
- Où trouver cette vidéo ? : www.cadtm.org/Comprendre-la-dette-grecque

En résumé : 25 janvier 2015, Tsipras et son parti Syriza gagnent les élections grecques. Une victoire de l’espoir pour des millions de Grec·que·s qui veulent en finir avec l’austérité imposée depuis des années par leurs créanciers, la tristement célèbre Troïka Troïka Troïka : FMI, Commission européenne et Banque centrale européenne qui, ensemble, imposent au travers des prêts des mesures d’austérité aux pays en difficulté. (Commission européenne, Banque centrale européenne BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
, Fond Monétaire International). Dans un contexte inédit en Europe, une Commission composée d’experts grecs et internationaux est mise en place au sein du Parlement grec avec pour mission d’enquêter sur la dette grecque et d’en révéler la partie illégitime.

Plus en détail :

  1. Lancement des travaux de la Commission d’audit
  2. Les négociations à Bruxelles : rapport de force entre la Grèce et ses créanciers
  3. La capitulation de Tsipras et les conséquences pour les Grec·que·s

Entretien avec le réalisateur, Maxime Kouvaras, sur le contexte de la réalisation du film

La victoire de SYRIZA le 25 janvier 2015 était véritablement historique. C’était la première fois depuis 40 ans qu’un autre parti que le PASOK ou Nouvelle Démocratie arrivait au pouvoir. Le peuple grec avait donné un mandat clair au gouvernement de rompre avec les plans d’austérité imposés depuis plus de 5 ans au pays et à la population. Des mesures d’austérité qui ont ravagé le pays et eu des conséquences sociales dramatiques : une montée du chômage sans précédent surtout chez les jeunes (+ de 50%), des hôpitaux qui ferment, plus d’accès à la médication, des retraité·e·s sans pensions, des écoles sans chauffage, des taux de suicide records, la télévision publique grecque fermée du jour au lendemain de manière unilatérale, le droit de grève limité, les conventions collectives remises en question, sans parler de l’émergence d’un parti d’extrême droite grec, Aube dorée, terriblement violent et dangereux.

En tant que belgo-grec, je ressentais à la fois le mélange de méfiance et d’espoir venant d’Athènes et depuis Bruxelles l’intérêt et même l’enthousiasme des mouvements sociaux vis-à-vis de ce qui s’annonçait en Grèce. Enfin, le gouvernement européen annonçait des négociations dures avec les créanciers pour trouver une alternative possible aux mémorandums, ces soi-disant « plans d’aide » imposés jusque-là, qui en plus d’être injustes, s’étaient avérés totalement inefficaces. Dès le mois de février 2015, j’entends parler de la mise en place d’une commission d’audit au sein du parlement grec à l’initiative de la présidente de la Vouli, Zoé Konstantopoulou et du Président du CADTM (Comité pour l’Abolition des dettes illégitimes), Éric Toussaint avec qui nous avions déjà collaboré. L’objectif de cet audit était de distinguer la part légale et la part illégitime, odieuse et insoutenable de la dette grecque avant 2015. C’est une première à ce niveau en Europe et il m’a semblé essentiel de documenter ce processus inédit ! Ce processus commence en grande pompe, en présence du Président grec, du Premier Ministre Alexis Tsipras, de l’ensemble des ministres du gouvernement, de nombreu·x·ses député·e·s grec·que·s…

J’imaginais un travail sur minimum 1 an et demi, le temps nécessaire pour un travail d’audit qui puisse aller au fond des choses. Le temps aussi de pouvoir gagner la confiance des membres, avoir accès aux recherches…Très vite, je me suis rendu compte que tout le monde marchait sur des œufs. Les relations étaient délicates, les enjeux importants et la prudence omniprésente pour ne pas créer d’incidents diplomatiques entre le parlement et le gouvernement.

L’objectif de la Commission était avant tout de pouvoir sortir un rapport préliminaire en trois mois afin de pouvoir le présenter avant le début des négociations en juin 2015. Plusieurs sessions ont eu lieu et les membres qui se sont engagés de manière volontaire dans cette aventure ont travaillé d’arrache-pied pour parvenir à finaliser ce premier document. Du 21 au 26 juin 2015, les sommets européens et les réunions de l’Eurogroupe s’enchainent à Bruxelles. Les créanciers menacent de couper les liquidités Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
du pays s’il n’y a pas d’accord avant le 30 juin 2015. Les négociations font place à un nouveau rapport de force entre la Grèce et ses créanciers. Le 26 juin 2015, Tsipras surprend tout le monde. Il annonce un référendum pour le 5 juillet et encourage les Grecs à rejeter le plan négocié en votant « non », « Oxi » ! Même les Grec·que·s les plus sceptiques sur Tsipras et SYRIZA ont ressenti que quelque chose se passait.

D’accord ou pas sur l’objet de ce référendum qui remettait en question la proposition négociée pour un nouveau mémorandum, le résultat fut sans équivoque : 62 % des Grec·que·s ont dit « non » à ce plan négocié. C’était un vote courageux car les liquidités des banques grecques avaient été coupées, les banques étaient sous contrôle de capital et les retraits étaient limités à 60 euros par jour, amenant quotidiennement des files gigantesques devant les automates. Les leaders européens menaçaient la Grèce d’une sortie de la zone euro, les médias privés grecs faisaient tout pour que le « oui » l’emporte. Et personne n’avait manifestement imaginé un tel résultat. Malgré ce résultat sans précédent, Tsipras ne l’a pas pris en compte et finit par signer le 12 juillet un nouvel accord encore pire que celui soumis au vote des Grec·que·s, puisqu’il imposait de nouvelles coupures dans les pensions, une perte de souveraineté de la Grèce au niveau législatif avec des projets de loi de centaines de pages adoptés en des temps records qui ont suivi la signature.

Tout cela a été ressenti comme un coup de massue par les Grec·que·s, mais aussi par les mouvements sociaux en Europe qui suivaient tout ça de près. Je crois que ce film traduit l’espoir et la colère que toute cette expérience a suscités. Maintenir une trace de cette mémoire, de ce qui s’est passé permet de ne pas oublier, de maintenir notre indignation vis-à-vis de cette trahison vivante et peut servir à tirer les conclusions nécessaires. Il faut rester méfiant, même avec un gouvernement dont le programme politique prétend défendre l’intérêt de la population par la négociation avec les partenaires européens.

Le séquentiel : L’Audit, enquête sur la dette grecque

// Séquence n°1 : 00:00:00 -> 13 29 : Lancement des travaux de la Commission d’audit //

Le film s’ouvre sur le discours inaugural d’Alexis Tsipras, au lendemain de la victoire historique du parti Syriza aux élections nationale de janvier 2015. C’est à une foule enthousiasmée et remplie d’espoirs qu’il annonce une ère nouvelle, qui veut rompre avec les plans d’austérité et les mémorandums imposés depuis 5 ans par la Troïka. C’est également dans ce contexte que se crée la Commission pour la vérité sur la dette, sous l’impulsion de Zoé Konstantopoulou et d’Éric Toussaint, avec pour mission de distinguer la partie odieuse, illégitime, illégale et insoutenable de la dette.

L’objectif du premier accord de prêt de 2010 était de protéger les intérêts des grandes banques privées

Cette première séquence suit alors une partie de l’enquête qui dévoile rapidement des incohérences. Il apparaît notamment qu’une grande partie des sommes soi-disant versées à la Grèce n’ont jamais été perçues par celle-ci. L’audition de deux personnages clés, de Philippe Legrain et Panayiotis Rouméliotis, ont également mis en avant les pressions exercées par la France et l’Allemagne, deux puissances totalement opposées à une réduction de la dette en 2010. Enfin, l’enquête révèle le coût social et économique terrible engendré par les mesures d’austérité imposées.

Malgré la pertinence de l’enquête et la volonté du gouvernement de rompre avec l’austérité et les mémoranda, la présentation officielle du rapport en présence d’Alexis Tsipras et de 12 ministres ne soulève que peu d’enthousiasme…


Qui est Zoé Konstantopoulou ?

Zoé Konstantopoulou est avocate de formation et devient députée de Syriza dès 2012. Dans le cadre de ce premier mandat parlementaire, elle s’attaque aux affaires de corruption et de fraude fiscale. Elle sera notamment la rapporteure d’une commission d’enquête parlementaire constituée sur l’affaire des fichiers HSBC. Lors de l’élection du 25 janvier 2015 de Syriza, Zoé Konstantopoulou est élue, à une large majorité (235 sur 298) présidente de la Vouli (le parlement grec). Elle devient ainsi la plus jeune présidente du parlement de son pays et la deuxième femme à occuper cette fonction. Très vite après sa prise de fonction, elle remet en place une commission sur les réparations de guerre allemande et remet à l’ordre du jour plusieurs dossiers judiciaires laissés au fond du placard. Et bien évidemment, c’est sous son initiative, le 4 avril 2015, que la commission pour la vérité sur la dette grecque est créée. La présidence de Zoé Konstantopoulou à la tête du parlement grec prend fin en septembre 2015, puisque à la suite de la signature du 3e mémorandum, elle quitte le parti de Syriza.


Pourquoi dit-on qu’une grande partie des sommes octroyées par la Grèce n’ont jamais été perçues par la Grèce ?

La plupart des sommes octroyées à la Grèce n’ont pas été versées sur un compte grec pour le fonctionnement de l’État, mais sur un compte spécifique de la BCE pour ensuite être versées aux créanciers. Une requête officielle a été envoyée au Président de la Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. grecque, M. Stournaras pour répondre à des questions élémentaires dans un travail d’audit. Stournaras a refusé de donner l’accès aux documents et aux informations sur les transactions bancaires en lien avec les prêts, en invoquant le secret bancaire. Pourquoi cette absence de coopération de Stournaras ? Car une grande partie des sommes soi-disant versées à la Grèce n’ont jamais été perçues par la Grèce.


Qui a été interrogé par la Commission pour la vérité sur la dette grecque ? Et qu’ont dévoilé ces auditions ?

1) Philippe Legrain – Audition du 12 juin 2015
Monsieur Legrain a assumé de février 2011 à février 2014 la fonction de conseiller économique de José Manuel Durão Barroso, président de la Commission européenne à cette époque.

Dans son audition, celui-ci confirme que l’objectif du premier accord de prêt de 2010 était de protéger les intérêts des grandes banques privées. Il rappelle à ce propos les chiffres de l’exposition des banques européennes à la dette grecque en se basant sur les chiffres officiels de la Banque centrale européenne (BCE) : en 2010, les banques françaises et allemandes détenaient respectivement 20 et 17,2 milliards d’euros de titres grecs. Il a affirmé par ailleurs que le programme de rachat de la BCE de ces titres concourrait au même dessein, à savoir aider les banques privées à se débarrasser à bon prix de la dette grecque. En guise de conclusion, Philippe Legrain a déclaré : « J’encourage le gouvernement à ne pas accepter les conditions des créanciers en raison des souffrances économiques et de la colonisation politique déjà imposées au peuple grec ».


2) Panagiotis Roumeliotis – Audition du 15 juin 2015

Économiste grec, P. Roumeliotis fut représentant de la Grèce au FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

Cliquez pour plus de détails.
de mars 2010 à décembre 2011. Il était donc partie prenante des négociations portant sur le premier mémorandum et confirme l’enjeu majeur que représentait pour une série de dirigeants européens la protection des grandes banques, particulièrement françaises et allemandes, d’une restructuration de la dette grecque en 2010 : « Il y a eu des rencontres secrètes, dans des hôtels, entre des représentants du FMI et des représentants français et allemands pour discuter de la participation des banques à une éventuelle restructuration. Ces discussions ont eu lieu avant la décision du premier memorandum et elles ont abouti au choix de ne pas restructurer ! (…) M. Trichet – à l’époque président de la BCE - était parmi ceux qui ont mené bataille contre une restructuration en menaçant la Grèce de lui couper les liquidités. En réalité, M. Trichet bluffait pour sauver les banques françaises et allemandes !

P. Roumeliotis affirme que si elles avaient fait face à leurs responsabilités, les banques auraient assumé de lourdes pertes. Au contraire, selon ses propres calculs, elles ont réalisé un bénéfice d’un milliard d’euros tandis que la Grèce assumait 1,4 milliards de pertes. Au-delà des banques privées, les responsabilités des autres créanciers est engagée dans ce dossier pour l’économiste : « Oui, la responsabilité existe. Non seulement il faut qu’ils (les créanciers) reconnaissent leurs responsabilités mais il faut voir la partie de la dette pour laquelle ils sont responsables. Ils refusent de reconnaître leurs erreurs car s’ils le faisaient la Grèce pourrait demander la réparation des dégâts. »


Comment est perçu et communiqué le travail de la Commission pour la Vérité de la dette grecque en Grèce ?

La présentation officielle du rapport a lieu en présence d’Alexis Tsipras et de 12 ministres. Mais il n’y a clairement pas d’enthousiasme pour ce rapport. En comparaison, l’audit de la dette en Équateur était soutenu activement par le chef d’État avec 4 réunions intermédiaires en sa présence. Lors de la conférence de presse filmée dans le documentaire, les journalistes interrogent l’efficacité des travaux de cette commission dans le cadre des négociations avec les créanciers et sa visibilité sachant que les médias mainstream en Grèce sont la propriété de six ou sept familles impliquées dans la crise de la dette. Les médias de masse privés ont dès le début voulu décrédibiliser le travail de la Commission par des attaques directes vis-à-vis des membres et de Zoé Konstantopoulou. Le seul canal de diffusion des travaux de la Commission auprès de la population grecque était la télévision du Parlement et quelques médias alternatifs.

// Séquence n°2 : 13 29 -> 20 33 : Les négociations à Bruxelles : rapport de force entre la Grèce et ses créanciers //

Du 21 au 26 juin les réunions s’enchaînent à Bruxelles. Les créanciers menacent de couper les liquidités du pays s’il n’y a pas d’accord avant le 30 juin 2015. Le 26 juin 2015, Alexis Tsipras surprend tout le monde avec l’annonce d’un référendum. Il appelle les Grecs à dire « Oxi », « Non » pour rejeter le nouveau plan imposé par les créanciers.

La semaine avant le référendum, les créanciers lancent une véritable campagne de pressions. La BCE refuse d’accorder la liquidité aux banques grecques, amenant ainsi à un contrôle des capitaux, qui limite les retraits bancaires à 60 euros par jour. Les médias dominants font de la propagande en présentant le « oui » comme majoritaire. Chaque jour des rassemblements ont lieu au centre d’Athènes. Malgré cette pression, le résultat du référendum est sans équivoque : 62% des Grecs disent « non ». Un résultat reçu sans enthousiasme du côté de Tsipras et du gouvernement.

Extrait d’une interview de JC Juncker donnée au Journal belge Le Soir : Jean-Claude Juncker : « Les vieux démons nationalistes sont toujours vivants » – 22 juillet 2015

Le Président de la Commission européenne y révèle les moyens mis en place pour faire pression sur A. Tsipras et forcer le gouvernement grec à capituler.

« J.C. Juncker : j’ai trouvé Alexis Tsipras sympathique, je l’ai accueilli avec beaucoup d’amitié plus que de la politesse. Certains étaient gênés par l’enthousiasme que je mettais dans l’échafaudage de cette nouvelle relation. C’est le Premier ministre grec, il est élu, il faut le respecter. J’ai passé plus de 30 heures en tête à tête avec lui, sans compter les coups de fil – et j’avais toujours soin de ne pas lui faire perdre la face, parce que c’est une méthode de négociation qui n’est pas européenne.


Le Soir : Le pays est devenu plus important pour lui que le parti ?


J.C. Juncker : J’avais pris une initiative calculable mais néanmoins risquée, de faire venir à Bruxelles tous les responsables de l’opposition, la semaine entre les deux sommets car je voulais avoir la garantie qu’il y aurait une majorité au Parlement grec. Imaginez qu’après un accord européen, Tsipras retourne à Athènes et que le Parlement rejette le tout ! A partir du moment où j’avais reçu à mon initiative tous les chefs d’opposition, à chaque fois que Tsipras disait « je n’arriverai pas à faire passer cette médecine au Parlement », je lui répondais que la question ne se posait pas.

// Séquence n°3 : 20:33 -> 25:52 : La capitulation de Tsipras et les conséquences pour les Grec·que·s. //

Le 13 juillet 2015, après les pressions constantes de la Commission européenne, Tsipras finit par signer la proposition imposée par l’Eurogroupe. Il a refusé d’utiliser l’arme de la suspension du paiement et s’est enfermé dans sa logique de capitulation. Le rapport de la Commission d’audit n’a donc pas été utilisé pour les négociations, reste à savoir pourquoi.

En octobre 2015, à la suite de nouvelles élections législatives, le président du Parlement grec à peine entré en fonction annonce la fin « officielle » de la commission d’audit. Il retire toute trace de son existence sur le site internet du parlement.

Selon Éric Toussaint, quelles sont les deux leçons fondamentales à tirer de cette expérience ?

  1. L’Europe et la zone euro ne sont pas réformables. Un gouvernement qui veut rompre avec l’austérité doit désobéir aux institutions et aux traités européens.
  2. Le mouvement social doit continuer à s’auto-organiser pour faire pression sur un gouvernement même s’il se présente comme allié ou ami.

La Commission d’audit de la dette grecque continue la bataille, mais elle ne pourra la gagner seule. Des audits citoyens s’organisent par ailleurs dans d’autres pays européens et dans le monde pour exiger le non-paiement des dettes illégitimes. (Cf. la vidéo « Grèce : pourquoi la capitulation ? Une autre voie est possible », page 90)

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Les résultats de l’audit

Où trouver le rapport intégral de la Commission d’audit ?

Oui, le rapport de la Commission d’audit est disponible en ligne à : Commission pour la vérité sur la dette grecque, « Rapport préliminaire », CADTM, juillet 2015. Il est disponible en français, anglais, espagnol et grec. La maison d’édition française Les Liens qui libèrent l’a édité sous forme de livre : La vérité sur la dette grecque. La Commission a également publié une analyse sur la légalité du troisième mémorandum, accessible à : Commission pour la vérité sur la dette grecque, « Analyse de la légalité du mémorandum d’août 2015 et de l’accord de prêt en droit grec et international », CADTM, octobre 2015.


Intervention d’Eric Toussaint à Athènes le 17 juin 2015

Fiche synthétique de présentation

Intervention d’Eric Toussaint à Athènes le 17 juin 2015 – Zin TV – Août 2015 – 33’37

- Réalisation et sous-titrage : Maxime Kouvaras
- Langues : version française. Sous-titres disponibles en anglais, castillan, portugais et français ?
- Genre : captation

En résumé : Le jour de la publication du rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette grecque, le 17 juin 2015, Éric Toussaint, son coordinateur scientifique, présente devant le parlement grec les principales conclusions.

Plus en détail :

  1. Le diagnostic : les origines de la crise de la dette
  2. Le premier mémorandum et le rôle du FMI
  3. La restructuration de la dette de 2012
  4. Les autres points du rapport

Le séquentiel : Intervention d’Eric Toussaint à Athènes le 17 juin 2015


// Séquence n°1 : 00:00:00 : le diagnostic, les origines de la crise de la dette //

Après avoir rappelé les objectifs et le mandat de la Commission d’audit, Éric Toussaint revient sur les origines et le déclenchement de la crise de la dette en Grèce. Il met en avant le fait que celle-ci provient d’une augmentation des dettes privées. Une analyse qui remet en cause la narration dominante, en démontrant que l’état des finances publiques grecques a été volontairement dramatisé pour cacher une bulle spéculative de crédits octroyés par les banques privées européennes.


La Grèce a falsifié ses comptes pour cacher ou aggraver sa dette ?

En fait, il y a eu deux falsifications des comptes publics en Grèce : la première en 2001 pour réduire la dette publique et la deuxième en 2009 pour la gonfler.

1) Afin de pouvoir rentrer dans la zone euro et de respecter les critères européens ayant trait aux niveaux des dettes publiques, le gouvernement grec a maquillé ses comptes grâce aux services de la banque américaine Goldman Sachs. Sur base d’un taux de change fictif, cette opération a fait baisser le taux d’endettement de la Grèce de 2%. Goldman Sachs a été « payée » 600 millions d’euros pour cette falsification. À noter qu’à cette époque, le directeur de la branche Europe de la banque américaine est Mario Draghi, aujourd’hui à la tête de la BCE.

2) Quelques semaines après son arrivée au pouvoir en octobre 2009, le gouvernent PASOK annonce une série de révisions statistiques opérées par l’institution des statistiques grecques, ELSTAT. En intégrant dans le calcul des dettes publiques toute une série d’éléments qui ne devraient pas y figurer selon les règles européennes, l’institution grecque a fait augmenter la dette publique de 28 milliards d’euros du jour au lendemain, soit une augmentation de 10% [1].

Cette falsification avait pour objectif de dramatiser la situation des finances publiques afin de cacher la gravité de la crise bancaire et de justifier la demande d’un « plan de sauvetage ».

À noter que le directeur d’ELSTAT de l’époque, Andreas Georgiou s’est vu condamné par la justice grecque à deux ans avec sursis pour cette falsification, mais semble être aujourd’hui soutenu par la Commission européenne et Alexis Tsipras.

Voir également la vidéo « À qui profite la dette ? – 2 – les banques privées » (disponible également sur cette page ci-dessous)

// Séquence n°2 : 00:15:20 : le 1er mémorandum et le rôle du FMI //

Éric Toussaint aborde ensuite certains points clés du rapport d’audit, qui démontrent le caractère odieux, illégitime, illégal de la dette grecque réclamée par la Troïka. Notamment le fait que le FMI savait avant l’octroi du prêt en mai 2010 que celui-ci allait provoquer un désastre économique et social en Grèce.


Quel document « confidentiel » est montré dans cette vidéo ?

La Commission pour la vérité sur la dette grecque a eu accès à deux documents tenus secret par le FMI. Premièrement, le compte-rendu officiel de la réunion du Conseil d’administration du 9 mai 2010 au cours de laquelle la direction du FMI a approuvé un premier prêt de 30 milliards d’euros à la Grèce. Ce document révèle les divergences internes et les objections de certains pays membres ainsi que le changement de règles qui a été opéré. Deuxièmement, une note interne du FMI relative aux enjeux concernant la situation économique de la Grèce, datée du 25 mars 2010. Celle-ci permet de voir que les prévisions du FMI étaient déjà pessimistes sur les conséquences d’un éventuel programme d’ajustement budgétaire imposé à la Grèce.

Ces documents sont accessibles sur le site internet du CADTM : Éric Toussaint, « Documents secrets du FMI sur la Grèce avec commentaires d’Éric Toussaint », CADTM, janvier 2017.

Voir également la vidéo « À qui profite la dette ? – 4 – le FMI »


// Séquence n°3 : 00:24:16 : la restructuration de la dette de 2012 //

Éric Toussaint explique le déroulement inégal de la restructuration de la dette grecque en 2012 en faveur des investisseurs privés.


En quoi a consisté la restructuration de la dette publique grecque en 2012 ?

Malgré l’intervention de la Troïka dès mai 2010, le taux d’endettement de la Grèce a augmenté en 2012 et atteint 172,1% de son PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
. Un deuxième « plan de sauvetage » est alors mis à l’ordre du jour. Si la Troïka refusait de restructurer la dette grecque en 2010, elle va en faire une condition à la signature du deuxième mémorandum de mars 2012. Mais attention, la restructuration de 2012 n’a concerné que les créanciers privés de la Grèce. Autrement dit, on n’a pas touché pas aux créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). détenues par les pays européens, le FMI et la BCE.

Concrètement, la restructuration de la dette grecque s’est traduite par l’échange de titres, accepté par 95% des créanciers privés. En échange de chaque obligation Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
grecque d’une valeur initiale de 100 euros, les créanciers obtiennent :


Qui sont les perdants et les gagnants de la restructuration de 2012 ?

En réalité, les banques privées qui détenaient encore des titres grecs s’en sont très bien tirées avec cette restructuration. Pourquoi ?

a) Pour faire passer la pilule, elles ont reçu ce qu’on appelle « des sweeteners » (des édulcorants en français), c’est-à-dire de l’argent directement en cash.

b) Les obligations émises par FESF ont trois caractéristiques très avantageuses par rapport aux anciennes créances de l’État grec : elles sont à court terme et donnent donc droit rapidement au remboursement du capital, elles sont plus sûres et elles s’échangent bien plus facilement. Il est important d’apprécier ces nouvelles conditions à la lumière du contexte de l’époque, puisqu’à ce moment-là les titres grecs ne valent plus rien et sont ainsi difficiles à revendre. Avec cette restructuration les créanciers obtiennent 46,5 % de la valeur initiale de leurs anciens titres mais pour des titres qui n’en valaient plus que 36 % sur le marché.

La restructuration de la dette grecque a ainsi été menée pour préserver les intérêts des banques privées encore exposées à la dette grecque, ce qui n’est pas surprenant lorsque l’on sait que les représentants des établissements bancaires européens étaient partie prenante des discussions relative à la restructuration de la dette.

Un plan de recapitalisation des quatre grandes banques privées grecques a également été imposé par le deuxième accord de prêt et donc financé par de l’argent public. C’est 37,3 milliards d’euros sur une enveloppe prévue de 48 milliards qui ont été injectés alors dans les banques compensant ainsi leurs pertes.

Mais tous les créanciers n’ont pas été logés à la même enseigne. En effet, les petits porteurs, les fonds de pensions, les organismes de sécurité sociale et certaines entreprises publiques grecques ont, certes, bien obtenu des titres en échanges, mais ne furent ni indemnisés, ni dédommagés de leurs pertes. On estime les pertes à 16,2 milliards d’euros dont 14,5 milliards rien que pour les caisses d’assurance maladie et retraites [2]. Même retour de bâton pour des fonctionnaires licenciés en 2010 sur ordre de la Troïka et qui s’étaient vus dédommagés avec des obligations d’État. Parmi les petits porteurs ayant placé leurs économies dans la dette grecque, on recense 17 suicides suite à cette restructuration de la dette grecque.


// Séquence n°4 : 00:29:00 : autres points du rapport //

À la fin de son intervention, Éric Toussaint mentionne rapidement plusieurs points, tels que :

  • seulement 10% des montants prêtés à la Grèce sont arrivés dans la trésorerie grecque ;
  • les créanciers imposent d’importantes privatisations à la Grèce ;
  • la perte de souveraineté de la Grèce ;
  • la violation à maintes reprises de la constitution grecque pour satisfaire les exigences des créanciers ;
  • les irrégularités dans le processus de conclusion des accords de prêts ;
  • le rôle odieux de la BCE.
« Le gouvernement grec doit consulter les Institutions et convenir avec elles de tout projet législatif (…) avant de le soumettre à la consultation publique ou au parlement »
La Grèce mise sous tutelle - Déclaration sommet européen du 12 juillet 2015

Ressources complémentaires sur le sujet

Sur la falsification des statistiques
- Pamela Colette et Bison Gwyneth, « Statistiques et jiu-jitsu. Entretien avec Zoé Georganta », Revue Z, n°7, 2013
- Commission pour la Vérité sur la Dette grecque, La vérité sur la dette grecque, Les liens qui Libèrent, 2015, pages 54 à 60
- Kaïmakis Constantin, « Grèce : le procès Georgiou ou l’affaire de la falsification des statistiques grecques pour justifier l’intervention de la Troïka », CADTM, juin 2018
Sur la restructuration grecque
- Renaud Anouk, « Grèce : le Bal des vautours. Les fonds vautours volent aussi en Europe », CADTM, novembre 2017
Sur le fonds de privatisation
- Renaud Anouk, « Grèce : le Bal des vautours. Sucer la Grèce jusqu’à la moelle », CADTM, juillet 2017


À qui profite la dette grecque ?

Série vidéo : « À qui profite la dette grecque ? »

Production : ZIN TV (Anne-Sophie Guillaume) et CADTM (Anouk Renaud)
Dessins : Yakana
Animation : Alain Clément
Script : Eva Betavatzi, Grégory Dolcimascolo, Aline Fares, Colin Fronquet, Nathan Legrand, Anouk Renaud, Roxane Zadvat
Voix : Eva Betavatzi, Abdellah Elkorchi, Colin Fronquet, Anne-Sophie Guillaume, Roxane Zadvat
Langues : versions française et grecque. Sous-titres disponibles en français
Genre : animation

En résumé : Chaque capsule de cette série cible un créancier de la Grèce en particulier et montre en quoi ceux-ci n’ont pas agi dans l’intérêt du peuple grec, bien au contraire.

Plus en détails :

  1. « À qui profite la dette grecque ? Les prêts bilatéraux » – Avril 2017 – 2’48
  2. « À qui profite la dette grecque ? Les banques privées » - Octobre 2017 – 3’46
  3. « À qui profite la dette grecque ? Questions pour du pognon » - Mars 2018 – 2’49
  4. « À qui profite la dette grecque ? Le FMI » - Janvier 2019 - 4’39


À qui profite la dette grecque ? Les prêts bilatéraux - Capsule n°1

Les prêts bilatéraux

Cette capsule récapitule les différents plans de « sauvetages » mis en place depuis 2010 en précisant les montants, l’identité des créanciers et les conditions imposées en contrepartie. Elle montre également en quoi cet argent n’a pas du tout permis de sauver la Grèce et son économie, malgré ce que l’on a pu en dire, mais à rembourser la dette grecque aux banques européennes et recapitaliser les banques grecques.

Définitions

Prêt bilatéral : Prêt réalisé entre États. Un État prête de l’argent à un autre.

Mémorandum : Mémorandum c’est le raccourci de « Memorandum of understanding », littéralement « mémorandum d’entente ». Il s’agit d’un document qui entérine un accord entre deux ou plusieurs parties. Dans le cas de la Grèce, les mémoranda sont les documents signés par la Troïka et la Grèce, qui stipulent que la première octroie des prêts de X milliards d’euros à la seconde en contrepartie de la mise en application de mesures d’austérité détaillées dans le document. Au pluriel, on trouve mémorandums ou mémoranda.

Les personnages présents dans la vidéo

- Nicolas Sarkozy a été président de la République française de 2007 à 2012. Il était membre d’un parti de droite : l’UMP, l’Union pour un mouvement populaire.
- Angela Merkel est chancelière de l’Allemagne depuis 2005. Elle est membre du parti conservateur chrétien : la CDU, l’Union chrétienne démocrate.
- Didier Reynders est un homme politique belge, membre du MR, Mouvement réformateur, parti de droite francophone. En 2010, durant les négociations du premier plan d’aide à la Grèce, il était ministre des finances du gouvernement fédéral belge. Aujourd’hui, il est le ministre des affaires étrangères.

Le séquentiel : À qui profite la dette grecque ? Les prêts bilatéraux - Capsule n°1


// Séquence 1 : 00 :00 :00 : MAI 2010 : 1er mémorandum //

  • Prêts bilatéraux = 52,9 milliards d’euros.
  • Avec cet argent le gouvernement grec rembourse sa dette aux banques privées européennes.


Quels pays ont prêté à la Grèce et quelles sommes ?

En mai 2010, 15 pays de la zone euro (la Slovaquie s’est retirée par la suite) octroient de l’argent à la Grèce sous forme de prêts bilatéraux : d’État à État.

L’accord de prêt initial, géré par la Commission européenne, concerne 80 milliards d’euros mais seulement 52,9 milliards seront versés jusqu’en mars 2012, date à laquelle le 2e mémorandum prendra le « relais ». Le montant des prêts bilatéraux est proportionnel, pour chaque pays, à sa contribution au capital de la BCE, elle-même définie en fonction du poids économique et démographique de chaque pays. C’est ainsi que le montant du prêt bilatéral de l’Allemagne (15,2 milliards d’euros) est supérieur à celui accordé par la Belgique (1,9 milliard d’euros).


Combien de bénéfices ont réalisé les pays européens grâce à ces prêts bilatéraux ?

Bonne question ! Car les pays ne communiquent pas vraiment sur ces chiffres…

En 2017, le ministère des finances allemand a révélé que le prêt bilatéral octroyé à la Grèce par l’Allemagne avait rapporté 393 millions d’euros en intérêts au pays.

Concernant la France, selon la Cour des comptes du pays, le montant des intérêts payés par la Grèce s’élève à 695 millions d’euros entre 2010 et 2013.

Concernant la Belgique, selon la Cour des comptes du pays, entre 2010 et 2016 ces intérêts s’élèvent à 137,3 millions d’euros.


// Séquence 2 : 00:01:21 : Février 2012 : 2e mémorandum //
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// Séquence 3 : 00:02:42 : Juillet 2015 : 3e mémorandum //

  • Prêt de 86 milliards d’euros par le MES = Mécanisme européen de stabilité qui vient remplacer le FESF.

L’argent prêté par le FESF et le MES a servi au remboursement de la dette publique grecque (64 %) et au renflouement des banques grecques (21%).


Pourquoi la vidéo dit-elle que ces mémorandums n’ont pas permis de sauver la Grèce et sont illégitimes ?

L’argent des mémorandums n’a pas sauvé la Grèce car celui-ci a été utilisé pour :

  1. Le remboursement de la dette publique grecque (aux banques privées européennes dans un premier temps) ;
  2. Le renflouement des banques privées grecques. Il n’a ainsi pas pu être investi dans une relance économique du pays.

D’ailleurs cet argent n’a jamais été versé à la Grèce, mais sur un compte spécial à la BCE. La Grèce n’a littéralement pas vu la couleur de cet argent.
De plus, les créanciers ont réalisé, et continuent de réaliser, des bénéfices grâce à ces prêts, sur le dos d’un pays en crise et d’une population agonisante.

Ressources complémentaires sur le sujet

Sur les prêts bilatéraux
- La vérité sur la dette grecque, Les liens qui libèrent, 2015, pages 71-74
Sur le FESF et le MES
- La vérité sur la dette grecque, Les liens qui libèrent, 2015, pages 74-76
- Millet Damien, Toussaint Éric, Sana François, « Le FESF et le MES contre les peuples d’Europe », CADTM, mars 2012


À qui profite la dette grecque ? Les banques privées - Capsule n°2

Les banques privées

Dans cette capsule un dirigeant d’une grosse banque privée européenne explique à son fils comment sa banque s’en est tirée à très bon compte dans la crise grecque. Il commence par lui expliquer les origines de la crise grecque et la responsabilité des banques qui ont investi énormément dans le pays dès 2001. Il poursuit son explication en disant qu’après l’éclatement de cette bulle spéculative, il a fallu une intervention des pouvoirs publics, d’abord grecs puis européens, pour les sauver. Le banquier reconnaît finalement que l’argent des prêts faits à la Grèce a fini dans ses poches (via le remboursement de la dette et les recapitalisations) et que les plans de sauvetages ont permis aux banques de se dégager du risque grec.

Définitions

Recapitalisation : Reconstitution ou augmentation du capital social d’une banque pour renforcer ses fonds propres Fonds propres Capitaux apportés ou laissés par les associés à la disposition d’une entreprise. Une distinction doit être faite entre les fonds propres au sens strict appelés aussi capitaux propres (ou capital dur) et les fonds propres au sens élargi qui comprennent aussi des dettes subordonnées à durée illimitée. , mis à mal par des pertes. Dans le cadre du sauvetage des banques par les États européens, le plus souvent, ces derniers ont recapitalisé sans conditions et sans exercer le pouvoir de décision que leur confère la participation au capital des banques.

Socialisation des banques : C’est le transfert des banques au secteur public sous contrôle citoyen. Le terme « socialisation » est utilisé de préférence à celui de « nationalisation » ou « étatisation » pour indiquer clairement à quel point est essentiel le contrôle citoyen, avec un partage de décisions entre les dirigeant·e·s, les représentant·e·s des salarié·e·s, des client·e·s, d’associations, les élu·e·s locaux et les représentant·e·s des instances bancaires publiques nationales et régionales.

Socialisation des pertes privées : C’est quand les pertes financières d’acteurs privés (entreprises, banques…) sont, soit prises en charge soit évitées grâce à l’intervention et l’argent public. Par exemple, en 2008, les États européens se sont endettés pour sauver les banques de la faillite. Aujourd’hui ces emprunts publics sont remboursés par l’ensemble des populations européennes.

Les banques dont on parle dans cette capsule vidéo

Lorsque l’on parle de « banques privées européennes » ou de banques allemandes et françaises qui ont investi en Grèce et qui détenaient les titres de la dette Titres de la dette Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
publique en 2010, en réalité on parle de très peu d’établissements bancaires, mais des très gros ! Il s’agit de BNP, Société Générale et Crédit Agricole pour la France ; Commerzbank, Baden Bank, Postbank et DZ Bank pour l’Allemagne.

Lorsque l’on parle des « banques privées grecques » recapitalisées, il s’agit des quatre plus grosses banques du pays : Alpha Bank, Piraeus, Euro Bank, Banque nationale de Grèce (Ethniki, à ne pas confondre toutefois avec la banque centrale de Grèce !).

Le séquentiel : A qui profite la dette grecque ? Les banques privées - Capsule n°2

// Séquence n°1 : 00:00:00 : Recapitalisation des banques grecques //

À partir de 2001 : Investissements massifs des banques européennes en Grèce => explosion des crédits faits aux ménages (+ 600%) et aux entreprises (+ 300%) entre 2001 et 2009.

2009 : La crise plonge la Grèce dans la récession Récession Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs. , les banques sont au bord de l’effondrement.

RECAPITALISATION des banques par l’État grec. Le gouvernement grec débloque une enveloppe de 28 milliards d’euros pour les banques grecques (3,5 = recapitalisation + 24,5 = garanties Garanties Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome). ).


// Séquence n°2 : 00:01:30 : Falsification des comptes //

En octobre 2009, le gouvernent PASOK annonce une série de révisions statistiques opérées par l’institution des statistiques grecques, ELSTAT. En intégrant dans le calcul des dettes publiques toute une série d’éléments qui ne devraient pas y figurer, selon les règles européennes, l’institution grecque a fait augmenter la dette publique de 28 milliards d’euros du jour au lendemain.

À noter que le directeur d’ELSTAT de l’époque, Andreas Georgiou s’est vu condamné par la justice grecque à deux ans avec sursis pour cette falsification, mais semble être aujourd’hui soutenu par la Commission européenne et A. Tsipras


Pourquoi les Grec·que·s ne sont pas des fainéant·e·s ?

Pour déconstruire les idées reçues et préjugés sur les Grec·que·s voir « La Tourmente grecque II, un coup d’État financier » de 00:04:53 à 00:06:37, disponible ci-dessous.

Ce passage déconstruit l’image des Grec·que·s fainéant·e·s , corrompu·e·s et ne payant pas d’impôts.

Voir aussi cette vidéo du Collectif d’audit citoyen, « Trois idées reçues sur la crise grecque », juin 2015

// Séquence n°3 : 00:02:15 : Sauvetage des banques //

Le premier plan de sauvetage de mai 2010 (tout comme les suivants) permet de sauver les banques. Comment ?
- Il permet que la Grèce poursuive le remboursement de sa dette… aux banques.
- Il permet de renflouer les banques grecques, qui elles-mêmes remboursent… les banques.
- Il évite une restructuration de la dette et fait gagner du temps aux banques pour se débarrasser de la dette grecque.

En 2010, la Grèce étant au bord du défaut de paiement puis sous perfusion financière, les titres grecs ne valent plus rien : tout le monde essaye de s’en débarrasser et personne n’en veut, car ils sont trop risqués. Mais trois acteurs vont continuer à en acheter, permettant ainsi aux banques privées européennes de s’en défaire.


a) Les banques privées grecques
, car la BCE accepte les titres de la dette grecque comme collatéraux (c’est-à-dire des garanties) en échange de liquidités.


b) La Banque centrale européenne
, qui lance le programme SMP = Securities Market Program avec lequel elle rachète de la dette grecque. La BCE a racheté via ce programme 55 milliards de dette grecque en déboursant seulement 40 milliards. Ces rachats et les profits qu’ils ont générés sont évoqués dans l’épisode n°3 de la série « À qui profite la dette ? ».

Les banques centrales nationales vont faire la même chose via le programme ANFA = Agreement on Net Financial Assets.


c) Des fonds vautours Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
, dont la spécialité est justement de racheter de la dette de pays en difficulté financière et dont la valeur chute (cf. la définition d’un fonds vautour plus bas). Par exemple le fond new-yorkais Third Point a réalisé, grâce à ces rachats, un bénéfice de 500 millions de dollars.


Pourquoi le FMI, l’UE et la BCE ont repoussé la restructuration de la dette ?

C’est l’objet de l’épisode n°4 de la série « À qui profite la dette grecque ? » (disponible ci-dessous).

// Séquence n°4 : 00 :03 :02 Socialisation des pertes et responsabilités //

« Vous avez réussi à vous débarrasser de vos dettes en les transformant en dette publique ! »


Pourquoi le banquier dit à la fin que les banques grecques ne sont pas tirées d’affaire ?

La situation des banques grecques reste préoccupante pour deux raisons.

D’une part, car les montants de leurs fonds propres peuvent s’avérer insuffisants en cas de chocs, provoquant de nouveaux besoins en recapitalisation.

D’autre part et surtout, parce qu’elles détiennent beaucoup de créances douteuses, que l’on appelle officiellement des Non performing loans (NPL). Il s’agit de crédits octroyés par les banques mais qui ne sont plus remboursés par leurs débiteurs. Le nombre de NPL dans le bilan des banques grecques est très élevé par rapport aux autres pays européens : 92 milliards soit 48,5% des prêts octroyés par les banques grecques, selon la banque centrale de Grèce.

Ressources complémentaires sur le sujet

- Toussaint Éric, « Grèce : les banques sont à l’origine de la crise », CADTM, décembre 2016
- Renaud Anouk, « Qui sauve qui ? », CADTM, juillet 2017
- Munevar Daniel, « Grèce : la restructuration de la dette grecque de 2012 et la recapitalisation bancaire jusqu’à 2016 », CADTM, janvier 2017


À qui profite la dette grecque ? Questions pour du pognon - Capsule n°3

Questions pour du pognon

À travers la parodie d’un jeu télévisé célèbre, on découvre dans cette vidéo les politiques de la BCE vis-à-vis de la Grèce : les rachats par la BCE de titres grecs sur le marché secondaire, les profits qu’elle en a tirés, la coupure des financements pour les banques grecques suite à l’annonce du référendum…

Définition

Fonds vautour 
Un fonds vautour c’est une entreprise financière dont la spécialité est de racheter des dettes à prix cassé, et ensuite tout faire pour obtenir le remboursement de cette dette à 100% de sa valeur, celle inscrite sur le contrat (que l’on appelle dans le jargon la valeur nominale ou faciale) majorée d’intérêts et de pénalités.


Comment s’y prennent-ils ?

Primo, ils attendent qu’un pays rencontre des difficultés financières pour racheter sa dette sur le marché secondaire (c’est-à-dire le marché de seconde-main des titres de la dette), qui ne vaut alors plus grand-chose.

Ensuite, ils refusent toute négociation, restructuration de la dette. Ils font pression sur les gouvernements pour toucher 100% du remboursement (majoré des intérêts voire des pénalités de retard) même s’ils ont dépensé bien moins pour acquérir ces dettes. Et souvent, pour ce faire, ils poursuivent les États en justice.
Avec cette petite combine, ils arrivent à obtenir en moyenne 3 à 20 fois leurs sommes de départ.

Certains fonds d’investissement Fonds d’investissement Les fonds d’investissement (private equity) ont pour objectif d’investir dans des sociétés qu’ils ont sélectionnées selon certains critères. Ils sont le plus souvent spécialisés suivant l’objectif de leur intervention : fonds de capital-risque, fonds de capital développement, fonds de LBO (voir infra) qui correspondent à des stades différents de maturité de l’entreprise. ont fait de ces pratiques une véritable spécialité. Pour autant, de tels agissement ne se limitent pas uniquement à ces fonds-ci, mais peuvent être accomplis par d’autres entreprises en apparence plus respectables… Ce fut, par exemple, le cas de BNP Paribas, dans le cas de l’Argentine ou encore la BCE en Grèce, comme le montre la vidéo.

Le séquentiel : A qui profite la dette grecque ? Questions pour du pognon - Capsule n°3

// Séquence n°1 : 00:00:00 => La BCE, un fonds vautour //

La BCE lance en 2010 le programme SMP (Securities Market Program) qui lui permet d’intervenir sur le marché obligataire secondaire afin d’acheter des obligations d’État.

À travers ce programme, elle a acheté des titres grecs à 70 % de leurs valeurs mais demande le remboursement à 100%. Soit 55 milliards d’euros de dette grecque achetée avec seulement 40 milliards de déboursés.

La BCE réalise ainsi un bénéfice qui s’élève, rien qu’entre 2012 et 2016, à 8 milliards d’euros, tout en imposant des mesures d’austérité conséquentes.

À noter : La BCE a racheté les titres de la dette grecque à 70% de leur valeur, alors qu’ils n’en valaient que 30% sur le marché secondaire (personne n’en voulait !). Un joli cadeau fait aux banques qui cherchaient à s’en débarrasser.


C’est quoi le marché secondaire des dettes ?

Lorsqu’un État veut se financer, il émet des titres de la dette sur le marché primaire, ce sont des banques privées qui les achètent. Ensuite, ces dernières peuvent garder les titres ou les revendre. La revente se fait sur le marché secondaire, où les titres de dettes peuvent changer de mains très vite !

On pourrait comparer les marchés des dettes publiques à celui des voitures. Ainsi l’achat auprès d’un concessionnaire automobile, c’est le marché primaire tandis que la vente de voitures d’occasion c’est le marché secondaire.

À noter que depuis le traité de Maastricht, signé en 1992, la BCE ne peut plus prêter aux États de la zone euro, c’est-à-dire acheter directement les titres qu’ils émettent. Donc, en fait, la BCE prête aux banques privées qui ensuite prêtent aux États. Et bien entendu les intérêts demandés par les banques pour financer les États sont supérieurs au taux de la BCE, que l’on appelle aussi le taux directeur.

L’Union européenne et les gouvernements des pays membres, ont donc réservé au secteur privé le monopole du crédit à l’égard des pouvoirs publics. Depuis 2010, la BCE achète toutefois des titres de dettes publiques sur le marché secondaire, comme avec les titres grecs et le programme SMP. Elle conditionne ces rachats à l’application de mesures d’austérité.


Est-ce que la BCE a rendu les profits réalisés à la Grèce ?

Les profits générés par la BCE via les titres grecs rachetés ont été distribués à ses actionnaires que sont les banques centrales nationales qui, à leur tour, les ont distribués à leurs actionnaires que sont les États de la zone euro. Donc in fine, ces profits se retrouvent dans les caisses des pays de la zone euro, qui ont la possibilité de les rétrocéder ou pas. En novembre 2012, l’Eurogroupe s’est engagé à rétrocéder ces profits, réalisés abusivement, à condition bien sûr que la Grèce poursuive sa cure d’austérité. Mais en 2015 avec l’arrivée du gouvernement Syriza, cette « promesse » a pris fin. Le 21 juin 2018, l’Eurogroupe a décidé de reprendre les rétrocessions mais seulement à partir de l’argent de 2017 (toujours si la Grèce fait ce qu’on lui dit). Ainsi les profits amassés par les pays européens en 2015 et 2016 grâce aux rachats des titres grecs… resteront bien au chaud dans leurs caisses.

// Séquence n°2 : 00:01:20 => La BCE, la mafia //

La BCE ne respecte pas ses statuts qui l’obligent à rester indépendante politiquement. En effet, celle-ci conditionne ses mesures à la mise en œuvre de mesures d’austérité conséquentes et très orientées politiquement.

Extrait des statuts de la BCE - Article 282, alinéa 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

La Banque centrale européenne a la personnalité juridique. Elle est seule habilitée à autoriser l’émission de l’euro. Elle est indépendante dans l’exercice de ses pouvoirs et dans la gestion de ses finances. Les institutions, organes et organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres respectent cette indépendance.


En quoi, en 2015, la Grèce menace-t-elle les intérêts de la BCE ? Pourquoi la BCE coupe-t-elle les liquidités aux banques ?

Le gouvernement Syriza souhaitait mettre à fin au régime d’austérité dicté depuis 2010 par la Troïka, dont la BCE fait partie.

La BCE, alors qu’elle est censée garantir la stabilité financière de la zone euro, a elle-même organisé l’instabilité financière en Grèce en coupant les liquidités aux banques grecques quelques jours avant le référendum. La BCE a outrepassé ses prérogatives pour faire plier le gouvernement grec et qu’il accepte les mesures d’austérité imposées par la Troïka.


// Séquence n°3 : 00:01 : 52 => La BCE et Publifin //


Qui dirige la BCE ?

Actuellement, en 2018, c’est l’italien Mario Draghi qui est à la tête de la BCE et ce depuis novembre 2011. Avant d’occuper cette fonction il a été gouverneur de la banque centrale d’Italie et encore avant ça il était vice-président du secteur Europe de Goldman Sachs, évoquée comme la « grande banque privée américaine » dans la vidéo.


C’est quoi Publifin ?

Publifin est une intercommunale qui fournit des services en matière de gestion de réseau électrique et de télécommunications. Il s’agit donc d’une structure publique détenue par plusieurs villes belges, surtout de la région de Liège. En décembre 2016, éclate un scandale lorsqu’un média révèle que plusieurs élus locaux (de plusieurs partis politiques) perçoivent d’importantes rémunérations de Publifin au titre de leurs mandats dans cette intercommunale alors qu’ils ne participent même pas aux réunions. Publifin n’a rien à voir avec la Grèce, il s’agit d’un petit clin d’œil venu de Liège pour soulever que, dans bien d’autres situations, l’argent public est détourné au profit d’intérêts particuliers.

Ressources complémentaires sur le sujet

- Paumard Émilie, « Qu’est-ce que la Banque centrale européenne (BCE) ? », CADTM, octobre 2017
- Renaud Anouk, « Grèce : la poule aux œufs d’or de la BCE », CADTM, avril 2017
- Toussaint Éric, « La BCE se comporte comme un fonds vautour à l’égard de la Grèce », CADTM, octobre 2017


À qui profite la dette grecque ? Le FMI - Capsule n°4

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Le FMI

Cette capsule sur le FMI soulève deux choses. D’une part que le FMI a changé sciemment, en mai 2010, ses statuts, ses règles de fonctionnement afin de sauver les banques européennes très exposées à la Grèce. D’autre part, elle veut montrer le double discours auquel se livre aujourd’hui l’institution en parlant d’erreur et en défendant un allègement de la dette grecque.

Définition

Restructuration de la dette : Une restructuration de dette c’est un échange de dettes via lequel des anciens titres sont échangés contre des nouveaux, comprenant des conditions différentes. C’est-à-dire une baisse des taux d’intérêt et/ou un allongement du calendrier de remboursement et/ou une diminution du capital, de la valeur de la dette.

Exemple : j’avais un titre de la dette belge de 1 000 euros arrivant à échéance en 2019, avec un intérêt de 2,3 %. Après restructuration, je renonce à ce titre en échange d’un nouveau qui me donne droit à 850 euros, arrivant à échéance en 2030 avec un intérêt de 1,7%.

Comment se passe les restructurations ? Généralement par une négociation entre créanciers et pays débiteur.

Pourquoi on fait des restructurations de dettes ? Généralement, parce que c’est la crise et que le pays est en situation de surendettement.

À savoir : dans de rares cas, les anciens titres sont échangés contre des liquidités, c’est-à-dire de l’argent.

Composition du FMI

L’institution du FMI est composée d’organes décisionnels : le conseil des gouverneurs et le conseil d’administration. Mais parallèlement à ces instances politiques, le Fonds comprend plusieurs services de recherche. Ces services comptaient 2 600 employé·e·s en 2016.

En théorie, les travaux de ces services (qui peuvent être commandés par la direction générale) permettent d’alimenter, de préparer la prise de décisions. Mais cela n’est pas toujours le cas. D’une part, parce que les décisions politiques prises ne se basent pas forcément sur le bon sens économique. D’autre part, parce que cette relation peut s’inverser et les économistes du Fonds peuvent avoir pour fonction de justifier, défendre les orientations politiques prises au préalable.

Il arrive plus souvent qu’on veut bien le laisser croire, que les études et rapports produits par les chercheur·se·s du FMI rentrent en contradiction avec les politiques prescrites par le FMI lui-même ou en pointent les limites et les impacts négatifs. Comme ce fut le cas avec la Grèce, mais pas que.

Qui est à la tête du FMI ?

Depuis juillet 2011, c’est Christine Lagarde qui a pris la suite de Dominique Strauss-Kahn. Ce qui est important de relever c’est qu’en mai 2010, lorsque a lieu la discussion du CA du FMI sur l’octroi d’un prêt à la Grèce (cf. séquence n°1), Christine Lagarde était déjà présente, en tant que représentante de la France, puisqu’elle y était ministre des Finances à l’époque. À ce moment-là, elle refusait toute restructuration de la dette afin de permettre aux établissements bancaires français d’éviter des pertes. Tandis qu’aujourd’hui, désormais à la tête de l’institution, elle présente une restructuration de la dette grecque comme une nécessité, alors que c’était déjà nécessaire en 2010.

Le séquentiel : À qui profite la dette grecque ? Le FMI - Capsule n°4

// Séquence n°1 : 00:00:00 => PRÊT OU RESTRUCTURATION ? //

Après avoir entendu les conclusions des services de recherche, Dominique Strauss-Kahn, directeur du FMI à ce moment, écoute les arguments du conseil d’administration. Des pays tels que l’Allemagne, la France et la Hollande soutiennent l’option d’un prêt à la Grèce ; tandis que des pays comme le Brésil, l’Argentine et la Suisse s’y opposent, rappelant notamment le drame économico-social argentin.

*Pourquoi le cas de l’Argentine est cité dans la vidéo ? Que s’y est-il passé ?
Entre la fin de la dictature (1976) et 2001, l’Argentine voit son endettement public exploser. Il est quasiment multiplié par 20 sur cette période. Sans compter que la dette odieuse Dette odieuse Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.

Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).

Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.

Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
de la dictature militaire a été blanchie et remboursée plus de 25 fois. À la fin des années 90, les premières difficultés économiques apparaissent avec la hausse du cours du dollar. En 2000, le FMI accorde un prêt à l’Argentine en contrepartie de la mise en œuvre des mesures néolibérales (par exemple : la libéralisation des marchés et leur ouverture quasi totale aux produits extérieurs, ruinant ainsi l’économie locale). Mais, comme dans le cas de la Grèce, les « recettes » prescrites par le FMI vont aggraver la situation de l’Argentine plutôt que l’améliorer. En 2001, la crise éclate. Une crise économique et financière d’abord, avec une récession qui augmente, une demande qui se comprime et une fuite massive des capitaux. L’Argentine se retrouve en défaut de paiement. Le FMI refuse de lui accorder un nouveau prêt, estimant que le pays n’avait pas respecté les conditions des accords antérieurs. Et pourtant le pays était considéré, par l’institution elle-même, comme un « bon élève », appliquant depuis des années des réformes néolibérales contenues dans les plans d’ajustement structurel.
La situation s’empire au-delà d’une crise économique, le pays se retrouve dans une importante crise sociale et politique avec une explosion du chômage, de fortes mobilisations (la population fait tomber quatre présidents en une semaine).

La responsabilité du FMI et des politiques prescrites dans le déclenchement et l’approfondissement de la crise argentine ne fait nul doute.

Séquence n°2 : 0:01:24 => JEU D’INFLUENCE ET MODIFICATION DES RÈGLES

Sous l’influence des grandes banques privées françaises et allemandes, Dominique Strauss Khan fait modifier le règlement interne du FMI stipulant que le prêt est envisageable à un pays dont la dette est déjà insoutenable à la condition que la stabilité financière internationale en dépende.

En mai 2010, le FMI accorde un prêt de 30 milliards d’euros à la Grèce.

Séquence n°3 : X:X:XX Aujourd’hui (début 2018) : RESTRUCTURATION DE LA DETTE

Huit ans et une nouvelle présidente du FMI après, les banques sont tirées d’affaire mais la dette du pays s’est gravement alourdie et la situation économique et sociale du pays est tragique.

La restructuration de la dette est maintenant demandée par le FMI, en échange encore une fois de mesures d’austérité drastiques.


Qui décide au FMI ?

Chaque pays membre est représenté au sein du conseil des gouverneurs qui se réunit une fois par an lors de l’assemblée annuelle de l’institution et prend les décisions importantes (admission de nouveaux pays, budget…). Pour la gestion quotidienne des missions du FMI, il délègue son pouvoir au conseil d’administration composé de 24 membres. Huit pays ont le privilège de pouvoir nommer un administrateur (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Arabie saoudite, Chine et Russie), les 16 autres sont nommés par des groupes de pays. Le conseil d’administration élit un directeur général (un·e Europén·ne) pour cinq ans (aujourd’hui Christine Lagarde).

À l’opposé d’une institution démocratique, le FMI fonctionne quasiment comme une entreprise. Tout pays qui en devient membre se doit de verser un droit d’entrée appelé « quote-part », calculée en fonction de l’importance économique et géopolitique du pays.

Comme à la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

Cliquez pour plus de détails.
, cette quote-part d’un pays détermine le nombre de ses droits de vote au sein du FMI. Voilà comment le conseil d’administration du FMI accorde une place prépondérante aux États-Unis (16,54 % de droits de vote). À titre de comparaison, le groupe emmené par le Togo constitué de 24 pays d’Afrique noire, représente 233 millions d’individus et possède seulement 1,55 % des droits de vote. Une majorité de 85 % est requise pour toutes les décisions importantes. Et comme à la BM, les États-Unis sont le seul pays à détenir plus de 15 % des droits de vote, d’où un droit de veto de fait…


Source : FMI
[(gr) signifie que l’administrateur préside un groupe de pays]


La dette grecque, une tragédie européenne
 

Fiche synthétique de présentation

Productions du Pavé & CADTM – Juillet 2016 - 14’56
Réalisation : Gilles Grégoire
Animation : Rémi Libert
Graphismes : Axel Herman
Scénario : Maxime Roodthooft, Gilles Grégoire et Chiara Filoni
Voix : Sarah Santkin
Son : Marius Adam
Musique originale : Louis Mergeai et Thomas Lonneux
Bruitages : Louis Mergeai
Langues : versions française, italienne. Sous-titres disponibles en français, anglais, castillan, allemand, portugais, italien, grec, bosnien-croate-monténégrin-serbe, japonais
Genre : animation

En résumé : Cette vidéo vulgarise les conclusions de la Commission d’audit, en expliquant en quoi la dette publique grecque est illégitime, insoutenable, odieuse et illégale.

Plus en détail :

Cette vidéo est organisée en quatre parties :

  1. La première porte sur la dette illégitime et aborde les causes de l’endettement public grec et les facteurs de déclenchement de la crise.
  2. La deuxième, sur la dette insoutenable, détaille l’impact des mesures d’austérité imposées en contrepartie des prêts octroyés.
  3. La troisième, sur la dette odieuse, pointe le fait que le FMI savait très bien les conséquences de ces politiques et que les créanciers ont réalisé d’importants profits sur les prêts faits à la Grèce.
  4. Enfin la partie sur la dette illégale montre que de nombreux textes, traités, lois, constitutions ont été violés lors de la conclusion des memoranda.

Le séquentiel : La dette grecque, une tragédie européenne


// Séquence n°1 : 00:00:00 => La dette grecque est illégitime //

Une dette illégitime Dette illégitime C’est une dette contractée par les autorités publiques afin de favoriser les intérêts d’une minorité privilégiée.

Comment on détermine une dette illégitime ?

4 moyens d’analyse

* La destination des fonds :
l’utilisation ne profite pas à la population, bénéficie à une personne ou un groupe.
* Les circonstances du contrat :
rapport de force en faveur du créditeur, débiteur mal ou pas informé, peuple pas d’accord.
* Les termes du contrat :
termes abusifs, taux usuraires...
* La conduite des créanciers :
connaissance des créanciers de l’illégitimité du prêt.
est une dette qui n’est pas contractée dans l’intérêt général (absence de bénéfice pour la population de l’État qui la contracte), mais dans l’intérêt d’une minorité déjà privilégiée.

La notion de dette illégitime est avant tout un concept politique, il n’existe pas de définition en droit international, bien que cette notion recouvre des principes juridiques (équité, droits des peuples à disposer d’eux-mêmes…) et soit utilisée par plusieurs instances exécutives, législatives et judiciaires. Pour identifier une dette illégitime, il faut considérer par exemple la conduite et les agissements des créanciers, les circonstances entourant la conclusion du contrat, les termes du prêt et les conditions attachées et l’utilisation des fonds empruntés.

Légalité et légitimité : deux notions à ne pas confondre…

La légalité et la légitimité peuvent se superposer. Mais ce n’est pas toujours le cas, loin de là. Rappelons que le droit de vote des femmes et des ouvriers n’a pas toujours existé, que l’esclavage était légal, que l’avortement est encore interdit dans plusieurs pays, que la solidarité à l’égard des migrant·e·s est criminalisée, que certains accords fiscaux conclus entre les États et les transnationales, qui font perdre des milliards d’euros à la collectivité, sont licites, etc. Une dette légale peut donc être illégitime. Le fait que la plupart des gouvernements accède au pouvoir par la voie légale (celle des élections) n’est pas de nature à légitimer automatiquement les dettes qu’ils contractent au nom de l’État. Le contrôle citoyen doit donc s’exercer de manière permanente.


C’est quoi l’effet boule de neige ?

C’est quand le taux d’intérêt est supérieur au taux de croissance du PIB. Les charges d’intérêt de la dette font alors augmenter le stock de la dette Stock de la dette Montant total des dettes. .


Pourquoi la dette grecque est-elle illégitime ?

  1. Taux d’intérêts élevés provoquant un effet boule de neige
  2. Insuffisance des recettes publiques

Les ¾ de la population grecque paient bien leurs impôts mais une minorité y échappe légalement comme illégalement. Or cette minorité détient la majorité des richesses du pays.

Pour aller plus loin : La vérité sur la dette grecque, Les liens qui libèrent, 2015, pages 35-45


// Séquence n°2 : 00:07 : 05 => La dette grecque est insoutenable //

Une dette insoutenable Dette insoutenable C’est la dette dont la poursuite du paiement empêche les autorités de garantir aux citoyens l’exercice de leurs droits fondamentaux notamment en matière de santé, d’éducation, de logement, de revenu minimum et de sécurité. Si la poursuite du paiement de la dette empêche les autorités publiques de respecter leurs obligations fondamentales envers les citoyen·nes, le paiement en question peut être suspendu même si la dette est légitime et légale. est une dette dont le remboursement porte gravement atteinte à la capacité de l’État débiteur à assurer ses obligations en matière de droits humains fondamentaux de la population. Il s’agit ainsi d’apprécier les effets de l’exécution d’un contrat de prêt sur la population (et non pas le moment de conclusion du contrat, comme les autres types de dettes). Concrètement, comme le souligne la CNUCED Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Elle a été créée en 1964, sous la pression des pays en voie de développement pour faire contrepoids au GATT. Depuis les années 1980, elle est progressivement rentrée dans le rang en se conformant de plus en plus à l’orientation dominante dans des institutions comme la Banque mondiale et le FMI.
Site web : http://www.unctad.org
(Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), la question de l’insoutenabilité de la dette est de savoir si le paiement d’une dette n’entraîne pas de sacrifices intolérables pour le bien-être d’une société.

Ainsi certaines dettes valides, car légales, légitimes et non odieuses, peuvent devenir toutefois insoutenables.


Pourquoi la dette grecque est-elle insoutenable ?

Le poids de la dette publique grecque est tel, que son remboursement entraîne une détérioration des conditions de vie de ses habitant·e·s et la violation de leurs droits fondamentaux (santé, éducation, logement…).

Pour aller plus loin : La vérité sur la dette grecque, Les liens qui libèrent, 2015, pages 159-160


// Séquence n°3 : 00:08:50 => La dette grecque est odieuse //

Une dette odieuse est soit (1) une dette qui est caractérisée par l’absence de bénéfice pour la population de l’État qui la contracte et les créanciers en sont conscients au moment de l’octroi du prêt ou (2) une dette contractée par un régime autoritaire, quelle que soit la destination des prêts.

La notion de dette odieuse se base sur une doctrine du juriste russe A. Nahum Sack et est reprise par plusieurs instances internationales.


Pourquoi la dette grecque est-elle odieuse ?

  1. Parce que la Troïka a prêté de l’argent à la Grèce pour sauver les banques européennes.
  2. Parce que le FMI, la BCE et les pays européens ont réalisé des profits grâce à ces prêts.
  3. Parce que cette dette est utilisée par la Troïka comme un moyen de chantage pour imposer des mesures politiques à la Grèce.
  4. Parce que (et surtout) les créanciers savaient avant la conclusion du premier plan de sauvetage que celui-ci allait dégrader la situation du pays que ce soit au niveau économique ou social.
« Les créanciers savent donc ce qu’ils font et continuent dans cette voie » (extrait de la vidéo)
Pour aller plus loin : voir l’intervention d’Éric Toussaint du 17 juin 2015 devant le parlement grec, disponible ci-dessus.


// Séquence n°4 : 00:10:10 => La dette grecque est illégale //

Une dette illégale Dette illégale Les dettes illégales sont les dettes qui ont été contractées en violation des procédures légales en vigueur (par exemple en contournant les procédures parlementaires), celles qui ont été marquées par une faute grave du créancier (par exemple par recours à la corruption, à la menace ou à la coercition) ou issues de prêts assortis de conditions violant le droit national (du pays débiteur ou créancier) et/ou international, dont les principes généraux du droit. est une dette contractée en violation du droit international et des règles nationales en vigueur, à la fois dans l’État débiteur et dans l’État du siège du créancier. Pour apprécier leur légalité, il faut examiner la validité de l’engagement au moment où il est pris mais aussi analyser les événements précédant sa conclusion, notamment la façon dont se sont conduites les négociations. Par exemple, il faut déterminer si les procédures sont bien respectées, si les clauses du contrat respectent le droit national et international, si les conditions associées au prêt sont légales, si les négociations se sont déroulées sans faute (menace, contrainte, corruption…).


Pourquoi la dette est-elle illégale ?

  1. Les mémoranda et les conditions qui s’y rattachent violent les lois grecques, les traités européens (dont la charte des droits fondamentaux de l’UE), les pactes et la charte de l’ONU.
  2. La manière dont les mémoranda ont été conclus viole le principe d’autodétermination des peuples (exemple : non-respect du résultat du référendum) et la constitution grecque n’a pas été respectée.
  3. La Grèce a fait l’objet de menace (exemple : menace d’exclusion de la zone euro) afin de la contraindre à signer le 3e mémorandum.
  4. La neutralité politique de la BCE n’a pas été respectée. Cette dernière a outrepassé son mandat et a failli à son rôle de garante de la stabilité de la zone euro en organisant elle-même le manque de liquidités des banques grecques et en ne palliant pas la fuite massive des capitaux.
  5. Le FMI n’a pas respecté ses statuts.
  6. Les décisions des tribunaux grecs (exemple : coupes dans les retraites jugées anticonstitutionnelles) ne sont pas respectées par la Troïka.
    Et cetera.
Pour aller plus loin : La vérité sur la dette grecque, Les liens qui libèrent, 2015, pages 159-180


Est-ce qu’il existe d’autres exemples de dettes illégales, odieuses et illégitimes en dehors de la Grèce ?

Les dettes coloniales, c’est-à-dire les dettes contractées par une puissance occupante et « laissées » au nouvel État juridiquement indépendant sont illégales. Suite à l’indépendance d’Haïti, gagnée de haute lutte en 1804, l’ancienne puissance coloniale française impose au peuple haïtien une « rançon » de 150 millions de francs-or pour « indemniser » ses anciens colons, maîtres d’esclaves et de plantations, de la perte de « propriété ». Cette somme, qui représente alors près de 68 % du budget annuel de l’État haïtien, est extorquée sous la menace d’une flotte de guerre massée dans la rade de Port-au-Prince en 1825. Après une renégociation à 90 millions en 1838, suite à l’accord cyniquement nommé « Traité de l’amitié », la première république noire indépendante remboursera l’entièreté de la somme jusqu’en 1883.

Un autre exemple de prêt illégal est les emprunts toxiques contractés par de nombreuses collectivités en France. En effet, ces emprunts étaient à taux variables, mais plusieurs contrats ne faisaient pas apparaître le taux effectif global qui évalue le coût réel de l’emprunt et qui pourtant est une mention obligatoire. Les tribunaux français ont d’ailleurs condamné les banques qui « oubliaient » ou mentionnait un taux effectif global erroné.

Les exemples de dettes odieuses sont légion. À titre d’exemple la dette de la Tunisie, accumulée sous Ben Ali, a eu pour principales conséquences de légitimer un pouvoir despotique en finançant certains projets d’infrastructures et le maintien de ce pouvoir autoritaire par la coercition. Rappelons-nous, pour la seule période de décembre 2010 à janvier 2011, l’empressement de Michèle Alliot-Marie, ministre française de la défense, à vouloir exporter en Tunisie le « savoir-faire » français en matière de maintien de l’ordre, et la révélation des commandes de matériel de répression (grenades, boucliers, matraques…) passées auprès d’une entreprise française. Dans le même temps, le clan Ben Ali détournait des sommes importantes afin d’augmenter son enrichissement propre.

Les parlements belge et européen ont ainsi qualifié, dans des résolutions respectivement en 2011 et 2012, d’odieuses les dettes tunisiennes contractées sous l’ère de Ben Ali ainsi que les dettes contractées par d’autres régimes autoritaires renversés par les « Printemps arabes » [3].

Et pourtant, après la chute du dictateur, le pays a continué de rembourser cette dette, via d’autres emprunts. Avec le poids des intérêts, la Tunisie a remboursé entre 1970 et 2009 près de 2,5 milliards d’euros de plus que ce qu’elle avait emprunté initialement.

Suite à la dette coloniale laissée par la Belgique, la République démocratique du Congo (RDC) a vu sa dette publique extérieure exploser durant la dictature de Mobutu. Une dictature qui a bénéficié de l’appui financier des pays occidentaux et des institutions financières internationales, souhaitant « soigner », en pleine guerre froide, ce régime anti-communiste. Et peu importe l’utilisation de l’argent des prêts (détournement, financement d’immenses infrastructures pour l’extraction minière, achat d’armes, achat de marchandises à la Belgique…). Comme le résume l’économiste J. Stiglitz, ancien vice-président de la Banque mondiale et prix Nobel d’économie : « Quand le FMI et la Banque mondiale prêtaient de l’argent à Mobutu, ils savaient que ces sommes, pour l’essentiel, ne serviraient pas à aider les pauvres de ce pays, mais à enrichir Mobutu. On payait ce dirigeant corrompu pour qu’il maintienne son pays fermement aligné sur l’Occident ».

Afin de sauver les banques privées lors de la crise de 2008, de nombreux gouvernements européens se sont endettés. Puisque ces dettes ont bénéficié uniquement aux banques privées, pourtant responsables de la création d’une bulle spéculative de crédit dont elles ont tiré d’énormes profits, l’on peut les qualifier d’illégitimes. D’autant que cette injection massive d’argent public n’a été assortie d’aucune condition et que les banques continuent de spéculer et prendre des risques, espérant toujours que l’argent du contribuable épongera leurs pertes éventuelles. Pour la Belgique, cette dette illégitime s’élève à 36 milliards d’euros au moins.

À partir des années 60, les puissances occidentales vont faire plusieurs prêts aux pays du Sud, en leur imposant d’acheter les biens qu’elles produisaient. Ce sont des sortes de crédits à l’exportation, appelés aussi « aide liée » : « je te prête de l’argent à condition que tu achètes mes produits ». En 2006, la Norvège a annulé les créances qu’elle détenait sur cinq pays : Égypte, Équateur, Sierra Leone, Jamaïque et Pérou, car elle les considérait comme « illégitimes ». En effet, entre 1976 et 1980, la Norvège a exporté 156 bateaux vers 21 pays du Sud pour un coût total de 440 millions d’euros, non pas pour soutenir leur développement, mais afin de venir en aide à sa propre industrie de construction navale en crise. Ces exportations s’appuyaient sur des prêts contractés par les pays concernés envers l’agence norvégienne de crédits à l’exportation, le GIEK.

Ressources complémentaires sur le sujet


Pour une autre synthèse des conclusions de l’audit grec :

- Cravatte Jérémie, « Quelques vérités sur la dette grecque », CADTM, février 2016

Sur les différents types de dettes :

- Vivien Renaud, « Dette illégale, odieuse, illégitime, insoutenable : comment s’y retrouver ? », CADTM, février 2017
- Toussaint Éric, « La dette odieuse selon Alexandre Sack et selon le CADTM », CADTM, 18 novembre 2016


Bras de fer avec les créanciers

La Tourmente grecque II, un coup d’État financier

Fiche synthétique de présentation

Philippe MENUT- Les Films du Mouvement – 2017 – 77’

Réalisation : Philippe Menut
Traduction : Daphné Deliyianni
Montage et mixage : Stéphan Balay
Contributions à Athènes : Xenophon Koutsaftis, Eleni Mavrouli, Yannis Androulidakis, Maria Choleza
Contribution à Thessalonique : Christos Avramidis
Langue : version française.
Genre : documentaire
Où trouver cette vidéo ? : www.cadtm.org/Comprendre-la-dette-grecque

En résumé : Ce documentaire très complet aborde de nombreuses questions liées à la crise et la dette grecque.

Plus en détail : Le point de départ de ce film est une description de l’état social et économique catastrophique de la Grèce. Déconstruisant d’abord certaines idées reçues (les Grec·que·s travaillent peu, ne paient pas d’impôt…), le réalisateur déroule ensuite le fil et aborde différents sujets qui permettent de comprendre comment la Grèce en est arrivée là : spéculation Spéculation Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
sur la dette, plans de sauvetage, modalités de financement des États européens, socialisation des pertes, changement de créanciers… Ensuite, le film s’attarde sur le 1er semestre 2015 en retraçant à la fois les événements qui se sont succédé à partir de l’élection de Syriza, mais en proposant aussi une analyse politique de la stratégie suivie par ce parti et les autres voies qu’il était possible d’emprunter.


Les questions que la vidéo peut amener :

Quels sont les partis politiques en Grèce ?

PASOK – part social-démocrate fondé en 1974.
Nouvelle Démocratie (ND)
– parti conservateur fondé en 1974.

Le PASOK et ND, tenant d’un bipartisme à la grecque, se sont succédé l’un après l’autre à la tête du pays entre 1974 et 2015.
- 1974–1981 : Nouvelle Démocratie
- 1981-1989 : PASOK
- 1989-1993 : Nouvelle Démocratie (dans un gouvernement de grande coalition avec le PASOK et Synaspismos, parti dissident du parti communiste grec)
- 1993-2004 : PASOK
- 2004-2009 : Nouvelle Démocratie
- 2009-2011 : PASOK

En novembre 2011, le Premier Ministre PASOK G. Papandréou démissionne. Les institutions nomment L. Papadimos (ancien gouverneur de la Banque centrale de Grèce et vice-président de la BCE) à la tête du pays, qui forme un gouvernement dit « d’union nationale » avec le PASOK, Nouvelle Démocratie et LAOS, un parti d’extrême droite.

- 2012-2015 : Nouvelle Démocratie (dans un gouvernement de coalition avec le PASOK et la Gauche démocrate).

Aube Dorée – groupuscule néo-nazi fondé en 1980. Il fait son entrée au parlement grec en 2012.
ANEL - parti de droite souverainiste, fondé en 2012. Depuis janvier 2015, il gouverne aux côtés de Syriza dans un gouvernement de coalition.
Dimar – parti de centre gauche fondé en 2010.
EK – L’Union des centristes est fondée en 1992.
To Potami – (la rivière en français) parti centriste fondé en 2014
KKE – parti communiste fondé en 1918. Jusqu’en 1974, c’est un parti clandestin.
Syriza – parti d’extrême gauche fondé en 2004. En français Syriza signifie « coalition de gauche radicale ». C’est le parti au gouvernement en Grèce depuis 2015.
Unité populaire – parti d’extrême gauche fondé en août 2015 par les dissident·e·s de Syriza, après la signature du 3e mémorandum.

Dans ce film vous pouvez voir les résultats respectifs de ces partis aux élections législatives de janvier et septembre 2015 (respectivement à la 00:35:53 et 01:03:51).

Il existe d’autres partis en Grèce, qui ne sont pas représentés au parlement et de nouveaux partis ont vu le jour depuis lors. Cette liste est ainsi loin d’être exhaustive.

Syriza

Avant de devenir un parti à part entière en 2013, Syriza est une coalition de nombreuses forces politiques : communistes, écologistes, trotskistes, socialistes, eurosceptiques... La déclaration fondatrice de cette coalition précise que Syriza est un front politique d’organisations mais aussi de militant·e·s qui gardent leur autonomie. La composante la plus importante de Syriza est Synaspismos, parti eurocommuniste, d’où vient l’actuel Premier ministre A. Tsipras.

C’est quoi les dispensaires sociaux autogérés ?

Les dispensaires sociaux autogérés sont des structures militantes qui sont apparues pour faire face à l’impact désastreux de l’austérité en Grèce. Leur objectif est de procurer des soins et médicaments gratuitement à toutes les personnes qui n’ont pas de couverture sociale ou pas les moyens pour se soigner. Attention, ces espaces ne s’inscrivent pas dans une démarche humanitaire, mais bien politique, dans la mesure où ces dispensaires ne font pas que palier le désastre sanitaire et social en Grèce mais militent et luttent (par exemple, au travers d’actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
envers les administrations publiques) pour un système de santé public de qualité et accessible à toutes et tous. Fondés sur l’auto-organisation, l’autonomie et l’horizontalité, ces dispensaires sont indépendants des pouvoirs politiques et économiques. Ils fonctionnent grâce à des dons de citoyen·ne·s et collectent des médicaments via des réseaux de solidarité partout en Europe. Aujourd’hui, la Grèce compte une quarantaine de dispensaires sociaux autogérés, qui ont soigné des dizaines de milliers de patient·e·s.

Extrait du communiqué du dispensaire d’Elliniko suite à son refus du Prix du citoyen européen, décerné par le Parlement européen en 2015

Dès le premier instant, nous avons diffusé un communiqué de presse et informé les amis qui nous lisent que cette récompense était en soi très étrange, puisque notre structure a été créée en conséquence de l’austérité rigoureuse qui a été infligée à notre pays par les mémorandums – implacablement imposés par l’Union européenne elle-même – et qui a entraîné l’effondrement du système public de santé grec, lequel souffrait déjà de nombreux problèmes, au lieu d’indiquer la voie de changements pour améliorer sa qualité. En fait, ce sont les 40 Dispensaires sociaux de toute la Grèce qui, par leur fonctionnement exemplaire, montrent la voie en ce sens. Quant au Parlement européen, il n’a rien fait pour arrêter cet ouragan. Ces réflexions, mais aussi toutes les conséquences tragiques que nous vivons au quotidien avec nos patients – dont certains sont morts faute de soins, parce qu’ils n’étaient pas assurés – nous interdisaient d’accepter un tel prix. Au terme d’un processus laborieux de dialogue systématique au sein de notre collectif, nous avons décidé, à l’assemblée générale du 9 septembre, de ne pas accepter le prix, mais d’assister à la cérémonie, de manière à faire connaître les raisons de ce refus (…)

Nous irons à Bruxelles. Nous y serons pour informer le plus grand nombre de personnes possible sur les politiques cruelles appliquées dans notre pays. Parce que tel est le rêve de certains : faire en sorte que la vérité soit rendue inaudible. Cela, ils n’y parviendront pas. Leur attitude intolérable et humiliante prouve de manière éclatante à quel point nous avons raison de refuser ce prix.

Trois millions de nos concitoyens exclus de l’assurance maladie vivent chaque jour la dureté et le caractère odieux des politiques inhumaines défendues par les institutions de l’Union européenne ; ils démentent malheureusement tous ceux qui prêchent l’évangile de la soi-disant Europe des valeurs et des idéaux. L’Europe qui se construit n’a aucun rapport avec la conscience sociale et la démocratie… non, absolument aucun rapport. Si c’était le cas, elle ne laisserait pas des familles vivre sans électricité ni eau, des nourrissons souffrir de la faim, des familles être expulsées de leur logement ni des malades du cancer mourir lentement faute de soins.

Nous, citoyens, nous voulons l’Europe des peuples et de la solidarité. Et, cette Europe, ce sont les citoyens européens qui nous aident matériellement et nous assistent par des actes, et non par de belles paroles et des prix, qui ont commencé à la construire.

Dispensaire Social Solidaire Métropolitain d’Elliniko

Que s’est-il passé en Équateur, Argentine et Islande ? Est-ce des modèles à suivre ?

Équateur. Le cas de l’équateur est détaillé dans le documentaire, à partir de la 00:25:56. En juillet 2007, le président R. Correa met sur pied une commission d’audit de la dette publique du pays. En novembre 2008, sur la base de son rapport, le gouvernement décide de suspendre unilatéralement le remboursement d’une partie de la dette qualifiée d’illégitime.

Est-ce un exemple d’alternative ? L’audit et la suspension unilatérale de paiement a permis à l’Équateur de sortir vainqueur d’une épreuve de force avec les banquiers nord-américains qui étaient les détenteurs de ces titres. Le pays a réalisé une économie de 7 milliards de dollars et a pu augmenter ses dépenses sociales dans la santé, l’éducation et l’aide sociale. Aujourd’hui, l’Équateur enregistre un fort taux de croissance, mais son modèle de développement, fondé notamment sur une politique extractiviste, n’est pas un modèle d’alternative.


Argentine
. En 2001, dans un contexte de grave crise financière et sociale, l’Argentine décide, de manière unilatérale, de suspendre le paiement de sa dette à l’égard des créanciers privés et du Club de Paris Club de Paris Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.

Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.

Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
(mais pas celle à l’égard du FMI et de la Banque mondiale). En 2005 et 2010, a eu lieu une restructuration de la dette publique : l’Argentine propose un échange de titres avec une décote de 60 % et, en contrepartie, elle s’engage à reprendre le paiement, indexe le montant des intérêts aux taux de croissance et accepte que les nouveaux titres soient sous juridiction états-unienne.

Est-ce un exemple d’alternative ? Certes la restructuration argentine a permis une réduction importante du stock de la dette, mais le pays a dû faire de fortes concessions. Cet exemple montre l’intérêt de la suspension de paiement pour instaurer un rapport de force favorable au débiteur et obtenir un réel allègement mais montre aussi la limite d’une négociation avec les créanciers. À noter que tous les créanciers n’ont pas accepté cette restructuration et que certains, des fonds vautours, ont attaqué l’Argentine devant la justice américaine pour être remboursés intégralement.


Islande
. Comme dans de nombreux pays, en 2008, le système bancaire islandais s’effondre. Les banques islandaises, privatisées, avaient élargi leurs activités à l’international, notamment en proposant des comptes épargne à taux avantageux en devises étrangères, pour des client·e·s du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Ces deux pays ont indemnisés leurs ressortissant·e·s qui avaient contracté des comptes auprès des banques islandaises et ont demandé ensuite à l’Islande de régler la facture, qui s’élevait à 3,9 milliards de dollars. Mais la population islandaise se mobilise pour empêcher le gouvernement islandais d’accepter. Un refus de payer pour les banques privées qui s’exprimera également dans le résultat de deux référendums successifs.

Est-ce un exemple d’alternative ? Sans conteste, l’Islande fait figure d’exception dans la gestion de la crise bancaire en ne recapitalisant pas les banques privées islandaises avec l’argent public. De plus, trois anciens dirigeants de la banque Icesave ont été jugés et condamnés. Toutefois, la situation sociale du pays se dégrade, au fil des mesures néolibérales que met en œuvre le gouvernement de centre droit.

Annuler la dette grecque c’est faire payer le contribuable européen ?

Prenons l’exemple de la Belgique. Celle-ci est exposée de façon directe et indirecte.

Son exposition directe correspond à un prêt bilatéral de 1,9 milliard d’euros. Ce prêt est déjà comptabilisé dans la dette publique belge et rapporte des intérêts à la Belgique : 137,3 millions d’euros entre 2010 et 2016. En cas d’annulation de la dette grecque, ce prêt ne sera effectivement pas remboursé. Mais cela ne veut pas dire pour autant que c’est au contribuable européen de payer la facture ! D’autant que le « contribuable européen », ça ne veut pas dire grand-chose et c’est une catégorie très hétérogène. En Belgique, comme dans les autres pays d’Europe, il y a des millionnaires et des milliardaires et puis il y a les 90% restants. Il serait tout à fait justifié de faire payer ces 10% responsables de la crise actuelle. Une taxe exceptionnelle sur les banques, qui ont spéculé sur la Grèce et se sont vues sorties d’affaire grâce justement à l’argent du contribuable européen, serait également une bonne mesure à prendre pour compenser la « perte » de la Belgique. Et bien que, pour nous, 1,9 milliard, ça puisse sembler énorme, à l’échelle de la Belgique cela reste une somme raisonnable. Pour rappel, le Belgique a dépensé 36 milliards pour sauver ses banques. Des milliards financés par le contribuable…

Ensuite, la Belgique est exposée indirectement via le FESF, le MES et la BCE.

Concernant le FESF et le MES, la Belgique s’est portée garante pour les emprunts réalisés par ces deux institutions sur les marchés financiers. Autrement dit, en cas d’annulation de la dette grecque, la Belgique devrait indemniser des banques privées et autres fonds d’investissements pour les pertes subies. Ainsi, la Belgique pourrait très bien faire le choix de ne pas activer ces garanties et laisser les marchés financiers (pour une fois) assumer leurs pertes.

Quant à la BCE, cette dernière a tout à fait les capacités techniques d’annuler les titres grecs sans subir de pertes.

La question de l’annulation de la dette grecque et de savoir qui in fine va payer la note est avant tout une question de choix politiques plutôt qu’une question d’obstacles techniques ou économiques. Il faut sans cesse rappeler, que l’argent que la Grèce rembourse à la Belgique et aux autres pays européens a permis de sauver les banques et leur permet, en plus, de réaliser des profits. Annuler la dette grecque, c’est simplement faire preuve de justice à l’égard d’une population qui a terriblement souffert et il serait très facile de trouver l’argent pour financer cette annulation.

Ressources complémentaires sur le sujet


Sur les idées reçues

- [Vidéo] Collectif d’audit citoyen, « Trois idées reçues sur la crise grecque », juin 2015

Sur l’impact d’une annulation sur le contribuable belge

- [Podcast] Cravatte Jérémie, « Les contribuables belges ont risqué 1 000 euros pour sauver de la Grèce (mais bien sûr…) », CADTM, juin 2015
Sur l’annulation de la dette allemande
- Toussaint Éric, « Allemagne-Grèce : deux poids, deux mesures - Voici 60 ans, l’annulation de la dette allemande », CADTM, février 2013

Sur l’Équateur, l’Islande, l’Argentine

- Filoni Chiara, « Refuser la dette illégitime est possible ! Les exemples récents de l’Argentine, de l’Équateur et de l’Islande », Bruxelles Laïque, août 2014
Sur les mesures d’austérité et l’état socio-économique du pays
- Coulmin Koutsaftis Marie-Laure (dir.), Les Grecs contre l’austérité, Le Temps des Cerises, 2015 - à partir de la page 63.
- Burgi Nöelle, « Le démantèlement méthodique et tragique des institutions grecques de santé publique », la revue de l’IRES, n°91-92, janvier 2018


Pourquoi la capitulation ? Une autre voie est possible

Fiche synthétique de présentation

Les Films du Mouvement & CADTM – Juillet 2015 – 38’01

- Réalisation : Philippe Menut
- Langues : version française. Sous-titres disponibles en grec, anglais, castillan, italien, portugais et français.
- Genre : interview
- Où trouver cette vidéo ? : www.cadtm.org/Comprendre-la-dette-grecque

En résumé : Au lendemain de la capitulation de Syriza, cette analyse prend du recul afin d’identifier les facteurs explicatifs et les erreurs qui ont conduit à la signature du 3e mémorandum par le gouvernement grec. Une critique qui s’accompagne également de propositions concrètes qui ouvriraient la porte à une autre voie.

Plus en détail :

  1. Genèse de la proposition de commission d’audit de la dette grecque
  2. Évolution de la position de Syriza sur la dette publique
  3. De l’élection à la capitulation de Syriza
  4. Leçons à tirer et plan B

Définitions


Socialisation des banques :
C’est le transfert des banques au secteur public sous contrôle citoyen. Le terme « socialisation » est utilisé de préférence à celui de « nationalisation » ou « étatisation » pour indiquer clairement à quel point est essentiel le contrôle citoyen, avec un partage de décision entre les dirigeant·e·s, les représentant·e·s des salarié·e·s, des client·e·s, d’associations, les élu·e·s locaux et les représentant·e·s des instances bancaires publiques nationales et régionales


Contrôle des capitaux :
Ce sont diverses mesures qui visent à empêcher certaines transactions d’argent à partir d’un montant défini. Généralement le contrôle des capitaux visent les plus riches pour éviter que ceux-ci déplacent comme bon leur semble leur argent d’un pays à l’autre (même si certains arrivent à y échapper sans trop de peine). Mais le contrôle des capitaux peut aussi avoir pour objectif d’empêcher des retraits massifs d’argent, qui mettraient les banques en difficulté. C’est ce qui s’est passé en Grèce à la veille du référendum : les banques grecques n’avaient plus accès aux financements de la BCE, il fallait contrôler les capitaux pour que celles-ci préservent leurs liquidités.

Quoi qu’il en soit, le contrôle des capitaux résulte de décisions politiques prises par une autorité publique.


Suspension de paiement :
C’est l’arrêt du remboursement (capital) et paiement (intérêts) de la dette sur une période donnée, généralement décidée de manière unilatérale. La suspension de paiement peut concerner tous les créanciers ou seulement une partie. Pour le CADTM, la suspension doit avoir lieu sans accumulation d’intérêts de retard ou autres pénalités. Autrement dit, si le pays reprend à un moment donné le paiement de sa dette, il ne devrait pas avoir à s’acquitter des intérêts non versés durant la suspension. On parle aussi de moratoire Moratoire Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.

Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
sur le paiement de la dette pour désigner une suspension de paiement.

Le séquentiel : Pourquoi la capitulation ? Une autre voie est possible


// Séquence n°1 : 00 :00 -> 4 :49 : Genèse de la proposition de commission d’audit de la dette grecque //

Dès décembre 2010, la députée Sofia Sakorafa intervient au Parlement en disant qu’il faudrait créer une Commission d’audit de la dette grecque s’inspirant de l’Équateur qui en avait constitué une en 2007-2008. Mais cette proposition est rejetée. Avec toute une série de mouvements sociaux, dont le CADTM et cette députée, une initiative d’audit citoyen de la dette (cf. glossaire) est lancée. Deux éléments ont permis de renforcer et faire connaître cette initiative : le documentaire « Debtocracy » d’Aris Chatzistefanou et Katerina Kitidi ainsi que le mouvement d’occupation des places publiques.

Propos d’Aris Chatzistefanou, co-réalisateur du document « Debtocracy »

« L’idée nous est venue après une émission sur Sky Radio sur la manière dont le président équatorien avait géré la dette colossale du pays. (...) Dans le même temps, en Grèce, des gens étaient en train de lancer une initiative similaire, et recherchaient du soutien pour cela. Katerina Kitidi et moi nous nous sommes alors décidés à produire ce documentaire. Mais nous n’avions pas d’argent, et ne voulions surtout pas demander des financements auprès d’un quelconque parti politique, syndicat, entreprise, ou pire, une banque. Nous avons alors eu l’idée de demander aux gens de nous aider en lançant une campagne de crowdfunding. (…) Nous n’avons jamais prétendu être mesurés. C’est même plutôt l’inverse, puisque nous pensons que nos contradicteurs ont largement eu le temps et l’espace médiatique pour faire valoir leur position. D’ailleurs, leur position n’est pas vraiment équilibrée non plus… »


C’est quoi le mouvement des places ?

Appelé aussi Mouvements des Indignés ou Mouvement 15-M, ce mouvement est né en Espagne en mai 2011 lorsque des centaines de milliers de personnes ont commencé de manière spontanée à se réunir et occuper des places publiques dans plusieurs villes. Ces miliant·e·s avaient plusieurs revendications, mais au premier rang de celles-ci, il y avait l’exigence d’une démocratie réelle et directe. D’ailleurs ce mouvement se voulait horizontal et a sans conteste ouvert la porte à un important renouvellement des pratiques des mouvements sociaux. La dénonciation des mesures d’austérité et la lutte contre la dette illégitime y était également très présente, avec des slogans comme « Nous ne devons rien, nous ne paierons rien ».

Né dans la foulée des soulèvements tunisien et égyptien, le mouvement des Indignés ne s’est pas limité à l’Espagne. Le mouvement des places s’est également exporté en Grèce, aux États-Unis avec le mouvement Occupy ou plus récemment le mouvement Nuit Debout en France.


// Séquence n°2 : 4 :49 -> 13:41 : Évolution de la position de Syriza sur la dette publique //

Il y avait très peu d’enthousiasme dans la direction de Syriza pour soutenir le Comité d’audit citoyen crée en 2011, exception faite de quelques membres de Syriza (Lafazanis, Valavani…). À noter l’exemple de Yanis Varoufakis, qui deviendra ministre des Finances grec en janvier 2015 et qui a déclaré qu’il ne pouvait pas soutenir cette initiative d’audit citoyen car s’il s’agissait de proposer à la suite de l’audit une suspension de paiement « cela ramènerait la Grèce à l’âge de la pierre » disait-il dans une lettre publique. Toutefois, Syriza reprend cette proposition dans son programme des législatives de 2012. Un programme radical qui lui permet de réaliser une percée importante avec 27% des suffrages.

Malgré ce résultat prometteur, la direction de Syriza modère ses propositions : elle ne parle plus de suspension du paiement de la dette et d’audit de la dette mais de réduction négociée de la dette.

En octobre 2013, le changement de position se précise et A. Tsipras parle de convoquer une grande conférence européenne sur la dette publique, à l’image de la conférence de Londres de 1953. Une proposition qui risque bien de ne jamais aboutir, étant donné qu’il y a peu (voire pas) de chance que les institutions européennes s’installent autour de la table pour discuter d’une réelle réduction de la dette grecque.

Conférence de Londres de 1953

Lors d’une conférence tenue en 1953 à Londres, les créanciers de l’Allemagne occidentale, à savoir avant tout les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Belgique et les Pays-Bas lui ont octroyé une réduction très importante de dette. Les montants empruntés par l’Allemagne entre les deux guerres mondiales et dans l’immédiat après-seconde-guerre mondiale ont été réduits de 62,5%. Un moratoire de 5 ans a été accordé. De plus, les dettes de guerre qui auraient pu être réclamées à l’Allemagne, notamment pour les destructions et les dommages provoqués par l’Allemagne nazie au cours de la seconde guerre mondiale, ont été reportées sine die. On peut estimer que la dette totale (créances de l’entre-deux-guerres, de l’immédiat après-seconde-guerre mondiale, les réparations et les compensations de guerre) que les puissances alliées pouvaient réclamer à l’Allemagne a donc été réduite de plus de 90 %. Ajoutons à cela que les termes de remboursement pour la part restante) à la suite de la restructuration étaient conçus pour permettre à l’Allemagne de se reconstruire très vite et de redevenir une puissance économique importante. Ces termes avantageux comprenaient :
- Le remboursement en deutschemark qui pourtant n’avait quasiment plus aucune valeur sur le plan international ;
- Les créanciers se sont engagés à acheter des produits allemands ;
- Les créanciers acceptaient qu’en cas de litige avec l’Allemagne, des tribunaux allemands soient alors compétents ;
- Il était prévu que le service de sa dette ne dépasserait pas 5 % des revenus tirés par l’Allemagne de ses exportations ;
- Les taux d’intérêt ne pouvaient pas dépasser 5 % et pouvaient dans certaines circonstances être renégociés et revus à la baisse.

Si les créanciers de l’Allemagne de l’Ouest ont fait de telles concessions aux autorités de la RFA, c’est qu’ils voulaient absolument que l’Allemagne de l’Ouest soit stable face au bloc soviétique dans un climat de guerre froide. Il s’agissait également de tirer les leçons des conséquences du Traité de Versailles de 1919 qui imposait à l’Allemagne des contraintes intenables. Enfin, n’oublions pas que l’Allemagne était devenue dès la fin du 19e siècle la principale puissance économique et militaire du continent européen.

En résumé, non seulement le fardeau de la dette a été très fortement allégé et d’importantes aides économiques sous forme de dons (environ l’équivalent en 2014 de 10 milliards de dollars versés à l’Allemagne de l’Ouest par les États-Unis via le Plan Marshall Plan Marshall Ce plan a été conçu par l’administration du président démocrate Harry Truman, sous le nom de European Recovery Program. Il sera ensuite connu sous le nom du secrétaire d’État de l’époque, Georges Marshall (qui a été chef d’état-major général entre 1939 et 1945), chargé d’en assurer la mise sur pied. Entre avril 1948 et décembre 1951, les États-Unis accordent, principalement sous forme de dons, à quinze pays européens et à la Turquie une aide de 12,5 milliards de dollars (ce qui représente une somme plus de dix fois supérieure en 2020). Le Plan Marshall visait à favoriser la reconstruction de l’Europe dévastée au cours de la Seconde Guerre mondiale. entre 1948 et 1952) ont été octroyées à l’Allemagne de l’Ouest, mais surtout on lui a permis d’appliquer une politique économique tout à fait favorable à son redéploiement.


// Séquence n°3 : 13 :41 -> 30:37 : De l’élection à la capitulation de Syriza //

Le 25 janvier 2015, Syriza gagne les élections et le 4 avril est mise en place une commission d’audit de la dette grecque, à l’initiative de la présidente du parlement grec.

Après trois semaines de négociations entre la Grèce et les institutions européennes, un premier accord le 20 février est conclu. Cet accord est très préoccupant, car il engage le gouvernement à respecter le calendrier des paiements et les sommes à rembourser à chaque créancier. Il déclare aussi que le gouvernement grec fera une série de propositions à l’Eurogroupe. Évidemment, il s’agissait de réformes qui poursuivaient le programme en cours, tout en reportant à la fin juin 2015 les mesures d’austérité négociées avec les créanciers.

Dès ce moment, le gouvernement grec aurait pu adopter une autre politique et notamment suspendre le paiement de la dette pour le forcer à réellement négocier.

Une suspension de paiement qui aurait même pu s’appuyer sur le règlement n°472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013. Celui-ci enjoint aux États membres de l’UE soumis à un programme d’ajustement macroéconomique de réaliser « un audit complet de leurs finances publiques afin, notamment, d’évaluer les raisons qui ont entraîné l’accumulation de niveaux d’endettement excessifs ainsi que de déceler toute éventuelle irrégularité » (paragraphe 9 de l’Article 7). Cette obligation a été négligée par les gouvernements grecs précédents et par les institutions de la Troïka.

Les 17 et 18 juin 2015, la Commission d’audit présente son rapport préliminaire et conclut que les dettes réclamées par les créanciers publics - la Troïka - sont des dettes illégitimes, illégales, insoutenables ou odieuses. Mais le gouvernement grec ne s’appuie pas sur l’audit.

Alexis Tsipras et Yannis Varoufakis ont poursuivi leur plan qui était d’obtenir un accord avec les créanciers selon leurs propres conditions. Mais sans pressions exercées sur les créanciers, cela a abouti à la capitulation que l’on connaît, le 13 juillet 2015, et soumis au parlement grec dans la nuit du 15 au 16 juillet.

Discours de Zoé Konstantopoulou devant le parlement grec : « Jamais je ne pourrai voter et légitimer le contenu de l’accord » - 15 juillet 2015


Réaction aux mesures proposées le 11 juillet 2015 au gouvernement grec par les créanciers


Mesdames et messieurs, chers collègues,

En de pareils instants, nous devons agir et parler avec sincérité institutionnelle et courage politique. Nous devons assumer chacune et chacun la responsabilité qui nous revient.

Protéger, comme notre conscience nous y oblige, les causes justes et les droits sacrés, inviolables et non négociables de notre peuple et de notre société. Sauvegarder l’héritage de ceux qui ont donné leur vie et leur liberté pour que nous vivions aujourd’hui libres. Préserver l’héritage des nouvelles générations et celles à venir ainsi que la civilisation humaine, de même que ces valeurs inaliénables qui caractérisent et donnent un sens à notre existence individuelle et collective.

La façon dont chacun choisit de décider et d’agir peut varier, mais personne n’a le droit de se moquer, de dégrader, de dénigrer ou d’utiliser à une fin politique les décisions qui sont issues d’un processus et d’une épreuve qui touchent au cœur de notre existence.

Nous toutes et tous sommes et serons jugés au regard de notre attitude et de nos décisions, de nos oui et de nos non, de nos actes et de nos omissions, de notre cohérence, de nos résistances, de notre abnégation et de notre désintéressement.

Depuis cinq mois, le Gouvernement, qui a comme tronc la Gauche et comme noyau les forces anti-mémorandum, livre un combat inégal dans des conditions d’asphyxie et de chantage contre une Europe qui a trahi les objectifs inscrits dans ses statuts, à savoir le bien-être des peuples et des sociétés, une Europe qui utilise la monnaie commune, l’euro, non pas comme moyen d’atteindre le bien-être social, mais comme levier et instrument d’assujettissement et d’humiliation des peuples et des gouvernements rebelles, une Europe qui est en train de se transformer en une prison cauchemardesque pour ses peuples alors qu’elle a été construite pour être leur maison hospitalière commune.

Le peuple grec a confié à ce Gouvernement la grande cause de sa libération des chaînes du mémorandum, de l’étau de la mise sous tutelle et de la mise sous surveillance qui a été imposée à la société sous le prétexte de la dette, une dette illégale, illégitime, odieuse et insoutenable, dont la nature, comme l’ont démontré les conclusions préliminaires de la Commission pour la Vérité de la Dette Publique, était déjà connue par les créanciers depuis 2010.

Une dette qui n’a pas surgi comme un phénomène météorologique, mais qui a été créée par les gouvernements précédents avec des contrats entachés de corruption, avec des commissions, des pots-de-vin, des clauses léonines et des taux d’intérêt astronomiques dont ont tiré bénéfice des banques et des compagnies étrangères.

Une dette que la Troïka, en accord avec les précédents gouvernements, a transformée frauduleusement de dette privée en dette publique, sauvant ainsi les banques françaises et allemandes mais aussi les banques privées grecques, condamnant le peuple grec à vivre dans des conditions de crise humanitaire, et en mobilisant et rétribuant pour ce faire les organes de la corruption médiatique chargés de terroriser et tromper les citoyens.

Cette dette, que ni le peuple ni le gouvernement actuel n’ont ni créée et gonflée, est utilisée depuis cinq ans comme instrument d’asservissement du peuple par des forces qui agissent à l’intérieur de l’Europe dans le cadre d’un totalitarisme économique.

Au mépris de la morale et du droit, l’Allemagne n’a pas acquitté jusqu’à aujourd’hui ses dettes à la petite Grèce résistante dont l’histoire reconnaît l’attitude héroïque. Des dettes qui dépassent la dette publique grecque et représentent un montant de 340 milliards d’euros selon les calculs modérés de la Commission de la Cour des Comptes qui a été créée par le gouvernement précédent, quand la prétendue dette publique grecque a été chiffrée à 325 milliards d’euros. L’Allemagne a bénéficié du plus grand effacement de dette après la Seconde Guerre Mondiale afin qu’elle se remette sur pied, avec le concours généreux de la Grèce. Or, c’est cette même Allemagne qui a accordé sa protection à des responsables d’entreprises coupables d’actes de corruption avec les précédents gouvernements et leurs partis politiques, comme Siemens, et elle les a protégés en les soustrayant à la justice grecque.

Pourtant, l’Allemagne se comporte comme si l’Histoire et le peuple grec avaient des dettes envers elle, comme si elle voulait prendre sa revanche historique pour ses atrocités, en appliquant et en imposant une politique qui constitue un crime non seulement envers le peuple grec, mais aussi un crime contre l’humanité, au sens pénal du terme car il s’agit ici d’une agression systématique et de grande envergure contre une population avec l’objectif bien prémédité de produire sa destruction partielle ou totale.

Et malheureusement, alors qu’ils devraient se montrer à la hauteur de leurs responsabilités et du moment historique, des gouvernements et des institutions se rendent complices de cette agression.

Pour compléter, cf. « L’Audit. Enquête sur la dette grecque », et la ligne du temps .


// Séquence n°4 : 30:37 -> 38 :01 : Leçons à tirer et plan B //

L’analyse de l’expérience Syriza montre que si l’on ne recourt pas à des mesures unilatérales d’auto-défense face aux créanciers, notamment la suspension de la dette, il est impossible d’obtenir des concessions fortes de la part des créanciers. Il faut que les forces politiques et sociales européennes comprennent qu’une négociation dans le cadre européen actuel respectant les règles dictées par la Commission européenne, la BCE, ou le FMI ne peut pas marcher. Il faut désobéir aux créanciers.

À côté de la suspension de la dette, plusieurs mesures étaient et restent nécessaires pour mettre en place une politique alternative aux mémoranda :
- L’abandon des mesures d’austérité ;
- La socialisation du secteur bancaire ;
- Une autre politique fiscale ;
- La création d’une monnaie complémentaire.


La Grèce doit-elle sortir de l’euro ?

Si la sortie de l’euro n’était pas indispensable au premier semestre 2015, elle restait une voie à envisager face à l’intransigeance des institutions. Aujourd’hui, il semblerait qu’elle soit inévitable pour la Grèce.

La Grèce pourrait émettre une monnaie complémentaire à usage interne au pays, pour ses dépenses courantes (retraites et salaires de la fonction publique, allocations, services publics…). Les habitant·e·s pourraient utiliser cette même monnaie pour l’utilisation des services publics, le paiement à l’égard de certaines administrations. Les acteurs privés, par exemple, les commerces auraient également intérêt à utiliser cette monnaie complémentaire car cela leur permettrait d’écouler leur marchandise. Cette mesure serait d’autant plus intéressante pour relocaliser l’économie.

La Grèce pourrait également sortir de l’euro en appliquant une réforme distributive. Ainsi, 1 euro s’échangerait contre une nouvelle Drachme (n.D.) jusque 200.000 €. Au-dessus de ce pailler le taux de change serait plus faible.

Quoi qu’il en soit, une sortie de l’euro ne peut qu’aller de pair avec les mesures radicales suscitées (socialisation des banques, annulation de la dette…).

Ressources complémentaires sur le sujet

- Retranscription écrite de la vidéo, réalisée par Géhin Charlotte et De Romanet Virginie, « Pourquoi la capitulation ? Une autre voie est possible (texte de la vidéo avec notes explicative) », CADTM, août 2015
- Lemoine Benjamin, Toussaint Éric, « Généalogie du CADTM et des luttes contre les dettes illégitimes », CADTM, mai 2017, Parties 5 et 6
- [Vidéo] Katerina Kitidi et Aris Chatzistefanou, « Debtocracy », 2011
Sur un plan B pour la Grèce
- Toussaint Éric, « Une alternative pour la Grèce », CADTM, septembre 2015
- [Vidéo] Toussaint Éric, « Un plan B pour la Grèce et pour l’Europe », CADTM, janvier 2016
Sur des exemples de suspensions de paiement et annulation
- Millet Damien, Toussaint Éric, Vilain Rémi : « Des exemples de suspensions unilatérales de paiement de dette au cours des deux derniers siècles », CADTM, juin 2015

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Toutes les vidéos de cette page sont aussi disponibles en DVD avec la brochure.

Si vous souhaitez commander un DVD ; si vous souhaitez plus d’informations, d’autres outils, supports, articles, vidéos sur la dette grecque ou d’autres thématiques abordées dans ce livret ; si vous souhaitez organiser une discussion, un atelier, une animation sur la dette ; contactez-nous : info chez cadtm.org

Si vous souhaitez plus d’informations sur les vidéos co-produites par Zin TV : contact chez zintv.org

Si vous souhaitez plus d’informations sur les vidéos co-produites par Les Productions du Pavé : productionsdupave chez gmail.com

Si vous souhaitez plus d’informations sur les vidéos produites par les Films du Mouvement : https://lesfilmsdumouvement.wordpress.com/

Ont participé à la réalisation de cette brochure :
- Coordination et écriture : Anouk Renaud, à partir des travaux des membres du CADTM
- Relectures : Eva Betavatzi et Anne-Sophie Guillaume
- Corrections : Grégory Dolcimascolo, Yvette Krolikowski et Christine Pagnoulle
- Maquette et graphisme : Pierre Gottiniaux

Un grand merci à elles et eux ! Et merci à toutes les personnes qui ont travaillé à la réalisation des films contenus dans cette brochure.

Cette brochure est le fruit d’une collaboration entre le CADTM et Zin TV.


Notes

[1À noter, que cette augmentation de 10% comprend la première falsification opérée par Goldman Sachs

[2Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, op. cit., p. 65

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