Compte rendu de la première journée de formation interne du réseau CADTM – Partie 1/2

27 mars 2015 par Anouk Renaud


Beaucoup d’entre nous étaient déjà à Tunis depuis quelques jours et notamment pour suivre l’AG du CADTM Afrique, mais la première journée de formation interne du réseau a été l’occasion de tous et toutes nous retrouver ensemble !! Après quelques considérations pratiques obligatoires, nous avons fait le tour d’horizon des situations économique et sociale de chaque continent. Pour cette première matinée direction l’Europe (partie 1), puis virage à l’Est vers l’Asie (partie 2).



L’Europe : nouvelle arène de l’offensive néolibérale

La crise du capitalisme qui se déroule en Europe est loin de faire figure d’exception et ses manifestations ont de nombreux points communs avec ce qui se passe dans le reste du monde.

Les années 80 sonnent le début de politiques néolibérales très virulentes en Europe, via lesquelles les capitalistes tentent de récupérer ce qu’ils avaient dû céder tout au long des 19e et 20e siècles. Les conséquences de cette offensive sont multiples. D’une part, les inégalités ont explosé : les 10 % les plus riches récupèrent aujourd’hui environ 45 % des richesses produites, soit le même pourcentage qu’en 1910 ! Notons également que les 1 % les plus riches détiennent à eux seuls un tiers de ces 45 % ! D’autre part, la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique a elle aussi augmenté, au fil de la baisse du taux d’imposition des sociétés et des ménages les plus aisés (qui a d’ailleurs concerné tous les pays européens, sans exception).

C’est dans cette situation que les politiques d’austérité se généralisent en Europe. Tout ce qui dépend des Etats s’avère touché : fermeture des services hospitaliers, diminution du nombre de formations dans les universités…. La résistance face à ce démantèlement s’avère d’autant plus difficile que les capacités de mobilisation ont été affaiblies à travers une dégradation des conditions de travail, de la protection sociale, qui placent les travailleurs dans une insécurité peu propice à la revendication. Les institutions financières internationales (IFI), bien connues au Sud, se sont fait une deuxième jeunesse avec la crise en Europe ! Et de manière beaucoup plus visible, elles exigent (de concert avec la commission européenne) des réformes « structurelles », telles la privatisation de l’eau, l’allongement de la durée du travail…

A l’instar de la dette publique, l’endettement privé a également fortement augmenté. En effet, la diminution des salaires et des services publics conjugués à une injonction quasi permanente à la consommation, amène les ménages à recourir à l’emprunt. Et ne nous y trompons pas, le surendettement n’est pas l’apanage des plus précaires (auxquelles on ne prête pas ou si peu !), mais concerne une large partie de la population.

Face à cette offensive néolibérale les luttes se mettent en place. La première d’entre elle se livre sur le terrain des idées pour affirmer une fois pour toute : « Non, nous ne sommes pas responsables de cette dette, nous n’avons pas à assumer ces politiques d’austérité » et exiger la tenue d’audits citoyens pour que ceux qui nous représentent (ou du moins sont censés le faire) rendent des comptes. Les comités locaux d’audits fonctionnement bien, plus que les comités nationaux plus durs à ancrer dans une réalité locale. Quoi qu’il en soit la situation grecque de ces derniers mois a permis de redynamiser ces initiatives et de remettre la question de la dette sur le devant de la scène dans l’ensemble des pays européens.

La Grèce e(s)t l’avenir de l’Europe

Il ne fait aucun doute, que ce qui se passe actuellement en Grèce va être déterminant pour les années à venir, que ce soit en Europe ou dans le reste du monde. Bien que les problèmes en termes de conditions de vie en Grèce ne sont pas comparables avec ceux rencontrés par les pays du Sud, force est de constater une régression sociale sans précédent suite à l’intervention de la Troïka : les revenus des 20 % les plus pauvres ont baissé de 86 %. La charge d’impôts sur ces mêmes 20 % a augmenté de 337%. 300 000 familles n’ont plus accès à l’électricité. Depuis mai 2010, la Grèce est soumise à un plan d’ajustement structurel, qui l’oblige à rendre des comptes de manière permanente quant à sa gestion financière. Par exemple, l’argent issu des privatisations va sur un compte bancaire contrôlé par les autorités européennes pour ensuite servir au remboursement de la dette.

Le 25 janvier dernier, la coalition de gauche radicale, Syriza, est arrivée au gouvernement en Grèce en promettant de mettre fin à l’austérité. Or, les premières mesures annoncées (reconnexion des familles privées d’électricité, allègement de dette privées…) rencontrent l’opposition des autorités européennes, nous révélant ainsi la difficulté pour un gouvernement progressiste d’appliquer son programme dans le cadre de l’UE.

C’est bien entendu, la dette de l’Etat grec qui permet à l’Europe d’imposer une telle domination, puisque pour rembourser la dette de la Troïka, la Grèce dépend des emprunts de cette même Troïka. D’ailleurs la stratégie du gouvernement grec s’avère très ambiguë sur cette question. Pour prendre des mesures anti-austérité, le gouvernement d’Alexis Tsipras a fait le choix de négocier avec les institutions européennes afin de pouvoir continuer à emprunter auprès d’elles. En contre-partie de quoi il s’engage à tenir le calendrier de remboursement.

Toutefois, la mise en place d’une commission d’audit, annoncée par la présidente du parlement grec va dans le bon sens dans cette volonté de changement. Cette commission permettra de remettre en question le remboursement de la dette en identifiant les parties illégitimes, illégales et/ou odieuse. Eric Toussaint, porte-parole du CADTM international, coordonnera le travail scientifique de cette commission.


Anouk Renaud

Militante au CADTM Belgique

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