2 mai 2005 par CADTM
Position adoptée conjointement par le CADTM France et le CADTM Belgique.
Dans le débat sur le Traité constitutionnel européen entre partisans du « Oui » et ceux qui comme le CADTM sont partisans du « Non », il est curieux de prétendre que la directive Bolkestein est hors sujet. Si elle n’est pas reprise telle quelle dans le traité, ayons l’honnêteté de
reconnaître que ce texte en contient les prémices. En effet, les articles III-144 à III-150 laissent la porte ouverte à de futures directives Bolkestein, en précisant notamment que « les Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire (...). La Commission adresse aux Etats
membres intéressés des recommandations à cet effet » (art. III-148). L’indignation d’organisations politiques qui avaient accepté, il y a plus d’un an, les contours de cette directive doit également nous interpeller sur le mode de fonctionnement de l’Union européenne, sur son manque de transparence et son déficit démocratique, à peine atténués par le traité constitutionnel. Cela explique en partie la méfiance des citoyens européens à l’égard d’institutions qui ne paraissent pas défendre leurs intérêts.
Il faudrait également nous expliquer par quel miracle la politique monétaire, qui, pour des raisons idéologiques, a pour unique objectif la stabilité des prix qui intéresse au premier chef les financiers et les spéculateurs, n’a pas eu de conséquences en matière de chômage, et que dire du pacte de stabilité et des politiques budgétaires restrictives jouant contre l’emploi ? La situation économique actuelle n’est pourtant pas surprenante. Elle est la conséquence de l’application de plus de vingt ans de politiques libérales que le traité se propose de pérenniser. Des politiques qui ne sont pas sans rappeler le contenu des programmes d’ajustement structurel (PAS) imposés aux pays en développement et qui se sont soldés par plus de pauvreté et d’inégalités en de nombreux endroits du monde.
Les PAS imposés depuis vingt ans dans les pays en développement
Suite à la crise de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
qui les frappe depuis 1982, les pays en développement (PED) se sont vu imposés par leurs créanciers des politiques libérales qui sont à la base des plans d’ajustement structurel des années 1980 et des programmes de lutte contre la pauvreté des années 1990 menés conjointement par le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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. Ces politiques n’ont eu de cesse de limiter le poids de l’Etat en réduisant les dépenses publiques, en supprimant les subventions aux produits de première nécessité qui dès lors ne sont plus accessibles aux populations les plus démunies, en multipliant les privatisations d’entreprises publiques et plus généralement en le contraignant à adopter des politiques macroéconomiques restrictives. Elles ont aussi promu des stratégies de développement tournées vers l’extérieur et basées sur la libre concurrence, conduisant à la libéralisation des échanges commerciaux et des mouvements de capitaux ainsi qu’à la
déréglementation des marchés. Si les problèmes d’endettement n’ont pas été résolus, bien au contraire, ces politiques se sont montrées économiquement irresponsables (elles sont à l’origine du déclenchement des crises financières de la seconde moitié des années 1990) et socialement dévastatrices. D’après le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD
PNUD
Programme des Nations unies pour le développement
Créé en 1965 et basé à New York, le PNUD est le principal organe d’assistance technique de l’ONU. Il aide - sans restriction politique - les pays en développement à se doter de services administratifs et techniques de base, forme des cadres, cherche à répondre à certains besoins essentiels des populations, prend l’initiative de programmes de coopération régionale, et coordonne, en principe, les activités sur place de l’ensemble des programmes opérationnels des Nations unies. Le PNUD s’appuie généralement sur un savoir-faire et des techniques occidentales, mais parmi son contingent d’experts, un tiers est originaire du Tiers-Monde. Le PNUD publie annuellement un Rapport sur le développement humain qui classe notamment les pays selon l’Indicateur de développement humain (IDH).
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), 1,2 milliard d’individus vit dans l’extrême pauvreté (moins de 1$ par jour) et 2,8 milliards se contentent de moins de 2$ par jour. Les inégalités ne cessent d’augmenter entre pays - elles se sont accrues de 20% au cours du dernier demi-siècle - mais aussi entre habitants d’un même pays. Notons que les 1% les plus riches gagnent autant que les 57% les plus pauvres. Pire, les 7 plus grosses fortunes du monde possèdent ensembles plus que le PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
total du groupe
des 50 pays les moins avancés (PMA
Pays moins avancés
PMA
Notion définie par l’ONU en fonction des critères suivants : faible revenu par habitant, faiblesse des ressources humaines et économie peu diversifiée. En 2020, la liste comprenait 47 pays, les derniers pays admis étant le Timor oriental et le Soudan du Sud. Elle n’en comptait que 26 il y a 40 ans.
) où vivent 700 millions d’individus. Dans le même temps, 850 millions de personnes souffrent de malnutrition, près d’1,2 milliard n’a pas accès à des points d’eau aménagés, 2,3 milliards n’ont pas d’infrastructures sanitaires correctes, 17% des enfants en âge de fréquenter l’école primaire - soit 115 millions - ne sont pas scolarisés. Au total, 54 pays sont aujourd’hui plus pauvres qu’en 1990 et 21 ont vu leur indicateur de développement humain
Indicateur de développement humain
IDH
Cet outil de mesure, utilisé par les Nations unies pour estimer le degré de développement d’un pays, prend en compte le revenu par habitant, le degré d’éducation et l’espérance de vie moyenne de sa population.
(IDH) baisser au cours de la même période.
Dans le traité, tous les ingrédients sont présents pour une cure d’austérité perpétuelle...
Ignorant ces résultats, les dirigeants européens nous
demandent maintenant, au travers du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, d’entériner l’application d’un programme d’ajustement structurel permanent. Tous les ingrédients sont présents pour une cure d’austérité perpétuelle. L’Etat est sommé de toujours plus se désengager ce qui se traduit par une discipline budgétaire toujours plus stricte (art. III-184 et III-194) qui empêche toute politique budgétaire de relance. Comme le principe de la majorité qualifiée ne s’applique pas dans le domaine fiscal, l’unanimité est requise en la matière (art. III-171) et il y a fort à parier que toute harmonisation ne pourra se faire qu’en s’alignant sur le moins disant. Dès lors, l’austérité budgétaire ne peut être réalisée qu’en réduisant les dépenses publiques et les subventions (art. III-167). Si la politique budgétaire devient inopérante, la politique monétaire est également restrictive puisqu’elle conserve son unique objectif de maintien de la stabilité des prix (art. I-30 et III-177). Alors que l’inflation
Inflation
Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison.
n’est plus un problème depuis une quinzaine d’année, la poursuite de ce seul objectif n’obéit qu’à des considérations idéologiques privilégiant les détenteurs de capitaux.
L’heure est également à la suppression de toute entrave à la libre concurrence et à l’ouverture croissante des économies. Selon le refrain maintes fois entonné, les pays de l’Union européenne doivent respecter le principe d’une économie de marché où « la concurrence est libre et non faussée » (art. I-3, III-177, III-178 et III-185). Dans
cette perspective, les services publics ne sont pas épargnés. Ils deviennent des « services d’intérêt économique général » (art. III-122) soumis à la concurrence (art. III-166) et ne peuvent plus bénéficier
d’aides de l’Etat s’ils faussent ou simplement menacent de fausser la concurrence (art. III-167). La voie de la privatisation des services publics est ainsi ouverte. Les marchés du travail doivent être « aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie » (art. III-203) ce qui implique plus de flexibilité. La libéralisation des services est acquise (art. III-130, III-146, III-147 et III-148), celle des mouvements de capitaux ne peut être remise en cause malgré les conséquences dramatiques qu’elle a déjà occasionnées en de nombreux endroits de la
planète (art. III-156). Il est cependant un domaine qui échappe à la concurrence et qui doit être protégé. Il s’agit du commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre (art. III-436) !
Si l’on ne peut évidemment pas mettre sur un même plan les
membres de l’Union européenne et les PED, l’institutionnalisation du programme d’ajustement structurel européen ne pourra qu’entraîner plus de pauvreté et d’inégalités, comme ont déjà pu le constater de nombreux PED. Dès lors, quel crédit apporter à un texte dont l’objectif affiché est d’œuvrer pour « le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une
économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement » (art. I-3) ? Le volet social, qui constitue une avancée majeure pour les partisans du oui,
envisage d’améliorer, entre autres choses, les conditions de travail, la sécurité sociale et la protection des travailleurs, l’égalité entre hommes et femmes, la lutte contre l’exclusion, tout en évitant « d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques
telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises » (art. III-210). Sauf à considérer que « la concurrence libre et non faussée » est le moyen de réaliser ces objectifs, ce que les faits, têtus, ne cessent d’infirmer, l’objectif de
progrès social a toutes les chances de demeurer un vœu pieu tant qu’il sera subordonné à l’économique (art. III-213). De la même façon, l’introduction d’un volet environnemental est un leurre. Car que penser d’un développement durable qui ne consacre que deux articles (sur 448 !) aux questions environnementales (art. III-233 et III-234) et nécessite l’unanimité pour agir ? Que penser d’une politique agricole commune qui ne fait aucune référence à la protection de l’environnement et se soumet
toujours à une logique productiviste destructrice (art. III-227) ? Que penser enfin de l’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
extérieure de l’Union qui soutient « le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement dans le but essentiel d’éradiquer la pauvreté » (art. III-292) et qui pour cela encourage « l’intégration de tous les pays dans l’économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international » (art. III-292), mesures dont
on constate chaque jour les effets dévastateurs sur les PED ?
Dès lors, puisqu’on nous demande si nous souhaitons poursuivre une construction européenne dominée par les questions économiques, le non pro-européen, qui repose sur des considérations sociales et environnementales, est légitime. Dire non à ce Traité, c’est vouloir remettre l’économie au service de l’Homme, c’est refuser une logique qui considère que l’« avoir plus » équivaut au « mieux-être », c’est considérer que les valeurs sociales et environnementales ont au moins autant d’importance que les considérations économiques, c’est enfin aider les PED à promouvoir un autre développement.
Le Comité pour l’annulation de la dette dit non à la Constitution européenne
Dépêche de l’Agence France Presse (AFP) |
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