Contre-sommet : « Ce G7 n’est pas un point d’arrivée, c’est un point de départ »

20 août 2019 par Rapports de force


Le G7 réunira les chefs d’État des sept plus grandes puissances mondiales à Biarritz du 24 au 26 août. Un contre-sommet commence ce lundi à l’appel de la coalition « G7 EZ » (« G7 non » en basque) qui regroupe 50 organisations basques des deux côtés de la frontière, et d’un cartel de 80 organisations françaises réunies dans « Alternative G7 ». Nous avons interrogé Camille*, membre du collectif Aman Komunak, un réseau anticapitaliste et autogestionnaire basque qui participe à la plateforme unitaire.



Le thème de ce G7 G7 Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing. est la lutte contre les inégalités. Qu’est ce que cela t’inspire ?

C’est du bluff et du cynisme. La manière dont il est organisé est révélatrice. Ils annoncent qu’ils vont mettre en place des solutions pour la planète et pour les gens, et pour cela ils réquisitionnent la moitié du territoire. Il y a énormément de mesures d’interdiction et de restriction. On ne sait pas combien de forces de police vont venir, mais tout est démesuré, le coût du sommet compris. Comment peut-on penser que ces gens-là vont parler de nous, alors qu’ils ne parlent pas avec nous ?


Quels sont les enjeux du contre sommet ?

Ils sont multiples dans la mesure où il y a beaucoup d’organisations différentes impliquées, aussi bien du Pays basque sud que du Pays basque nord. Tout le spectre militant basque travaille dessus. C’est important parce que cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu de tentative de travail en commun. Cela permet de mettre en avant les différentes luttes et dynamiques présentes au Pays basque, en lien avec les luttes qui ont lieu ailleurs. Nous sommes un territoire spécifique avec une tradition de luttes. Ce G7 agit pour nous comme un révélateur.


Qu’avez-vous prévu durant cette semaine ?

Nous organisons des rencontres intergalactiques. Les deux dernières années, elles ont eu lieu à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Ici, traditionnellement certaines stratégies sont assez hégémoniques avec de grandes organisations qui sont très frileuses par rapport aux thématiques et mouvances plus horizontales ou par rapport à la violence. Cela se ressent beaucoup sur l’organisation du contre-sommet, mais on sent qu’il y a la réémergence de mouvances qui sont plus portées sur la désobéissance ou la confrontation. Le G7 a déclenché un débat ouvert au Pays basque. C’est important parce qu’il y a des repositionnements. Les rencontres intergalactiques sont le off du festival. Elles sont portées par des collectifs qui ont plus à cœur l’anticapitalisme et plus de radicalité. Mais cela reste un espace ouvert dans le centre-ville d’Hendaye. Il y a aura des ateliers, des conférences, des rencontres et des événements culturels.


Comment se présentent les manifestations ce week-end ?

La manifestation de la plateforme qui aura lieu à Hendaye le samedi 24 août à 11 heures, le jour où commence le sommet, s’annonce plutôt calme. Il y a eu des négociations avec la préfecture. Par contre, des appels commencent à circuler pour samedi après-midi de la part des gilets jaunes ou de groupes autonomes avec des manifestations non déclarées. Ensuite, dimanche midi, il y aura sept rassemblements, appelés par la plateforme autour de Biarritz pour protester contre les mesures d’interdictions. Là, cela dépendra surtout de l’attitude des forces de police. Enfin, il y aura des blocages comme ceux proposés par « G7 Blokatu » et d’autres collectifs. Pour notre part, nous appelons à participer à toutes les mobilisations qui auront lieu contre le G7, quelle qu’elle soit.


Est-il encore possible de perturber le G7 ?

Dans Biarritz non ! Il y a une zone rouge, une zone bleue, tout va être concentré là. Par contre autour de ces périmètres il y a énormément de délégations, de forces de police ou autres qui sont logées dans un rayon de 50 à 100 km autour de Biarritz. Il y a des axes qui vont être bloqués. L’appel de « G7 blokatu », c’est d’essayer de bloquer le sommet tout autour. Cela peut être les hôtels où ils sont logés, les routes où ils vont passer, les entreprises locales qui travaillent avec le G7, etc. Cela dépendra du nombre de gens présents et de la réaction de la police. Dans tous les cas, le G7 bloque et perturbe déjà le territoire. C’est déjà un chaos sans nom. !


Comment réagit la population et quelle est l’ambiance sur place ?

Les réactions sont majoritairement hostiles, mais évidemment pas pour les mêmes raisons que celles du collectif militant. Ce que les gens voient, c’est que le territoire va être perturbé par le sommet. Ils se plaignent beaucoup des difficultés que cela provoque dans la vie quotidienne. Il y a une impression de grand gâchis et d’un sommet pour rien, tout ça pour rien. Les gens ont peur de la violence, quelle qu’elle soit, aussi bien policière que venant des manifestants. Cette situation est tellement inhabituelle et imposée. Les contrôles aux frontières sont permanents depuis une semaine. La présence policière a beaucoup augmenté dans les rues et sur les routes. Et puis ils sont en train d’emmener l’artillerie lourde. Il y a l’armée qui prend des champs pour installer des missiles ou des réseaux de communication. Et puis il y a des contingents de CRS, de police et de gendarmerie qui s’installent partout.


Qu’est-ce que vous aimeriez que les gens retiennent de ce G7 au Pays basque ?

Macron choisit une ville et chacun doit s’y plier. Tout cela pour faire quelque chose de totalement inutile et néfaste. La militarisation du territoire est également digne du comportement d’un régime totalitaire. Je pense que la majorité des gens vont le comprendre. Face à cela, il y a diverses alternatives au capitalisme. Nous espérons qu’il va y avoir une conjonction, voire une convergence massive de gens qui sont contre ce système ultralibéral, et que ce sera une démonstration de force. Mais au-delà, ce G7 n’est pas un point d’arrivée. C’est un point de départ par rapport à ce que cela peut ouvrir comme perspective dans le monde militant local.

* le prénom a été changé en Camille comme à Notre-Dame-des-Landes