26 juillet 2005 par CADTM
Ceci est une première contribution du CADTM aux discussions préparatoires au GLOBAL STRATEGY MEETING ON RESISTANCE AND ALTERNATIVES TO EXTERNAL, SOCIAL, AND ECOLOGICAL DEBT, in Havana, Cuba, September 28-30, 2005.
Au cours du cinquième Forum social mondial tenu à Porto Alegre (Brésil) en janvier 2005, différentes campagnes et mouvements agissant sur le thème de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
se sont réunis à trois reprises dans un excellent climat de dialogue. Sur le plan international, nous vivons une conjoncture particulière qui rend nécessaire une discussion sans exclusive entre tous les mouvements et tous les activistes qui agissent pour l’annulation de la dette des « pays en développement » et pour l’abandon des politiques d’ajustement structurel.
Il s’agit au cours de cette discussion d’essayer de lancer une nouvelle campagne mondiale commune sur la question de la dette.
La réunion qui se tiendra à La Havane du 28 au 30 septembre 2005 est une occasion importante à saisir.
Quelle est la conjoncture ?
1) Au cours des dernières années, les PED pris ensemble ont accumulé 1.600 milliards de dollars de réserves de change. C’est plus que le total de leur dette extérieure publique. En fait, comme le dernier rapport annuel de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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le reconnaît [1], les PED pris globalement sont des créanciers nets et des exportateurs nets de capitaux.
Et pourtant, la dette extérieure ne diminue pas. Les peuples continuent de souffrir dans leur chair les effets de la dette et de l’ajustement structurel.
2) A la tête du FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et de la Banque mondiale ont été désignés des représentants parmi les plus agressifs de la politique néo-libérale. C’est également le cas pour d’autres institutions : Unicef, Cnuced
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Elle a été créée en 1964, sous la pression des pays en voie de développement pour faire contrepoids au GATT. Depuis les années 1980, elle est progressivement rentrée dans le rang en se conformant de plus en plus à l’orientation dominante dans des institutions comme la Banque mondiale et le FMI.
Site web : http://www.unctad.org
, OMC
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
...
3) L’Argentine a montré qu’un pays peut affronter ses créanciers privés (même si le gouvernement argentin aurait du être plus résistant à l’égard des créanciers et bien sûr de la Banque mondiale et du FMI).
5) Une nouvelle crise de la dette pourrait affecter une série de pays dans les années qui viennent en conséquence d’une augmentation des taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
combinée à la baisse possible du prix des matières premières (renouvelant le scénario des années 1979-1982).
Questions aux mouvements et activistes du Sud et du Nord
Est-on d’accord pour demander l’annulation de la dette extérieure publique de l’ensemble des PED ?
Est-on d’accord pour rejeter les conditionnalités
Conditionnalités
Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt.
imposées par les créanciers ?
Est-on d’accord de soutenir les PED qui mettent fin au remboursement des dettes ?
Est-on d’accord de soutenir les pays qui rompent les accords avec le FMI et la Banque mondiale ?
Est-on d’accord pour soutenir les audits de la dette, qu’ils soient réalisés à l’initiative des citoyens ou des autorités, ou des deux ?
Est-on d’accord pour exiger la réparation de la dette historique et de la dette écologique
Dette écologique
La dette écologique est la dette contractée par les pays industrialisés envers les autres pays à cause des spoliations passées et présentes de leurs ressources naturelles, auxquelles s’ajoutent la délocalisation des dégradations et la libre disposition de la planète afin d’y déposer les déchets de l’industrialisation.
La dette écologique trouve son origine à l’époque coloniale et n’a cessé d’augmenter à travers diverses activités :
La « dette du carbone ». C’est la dette accumulée en raison de la pollution atmosphérique disproportionnée due aux grandes émissions de gaz de certains pays industriels, avec, à la clé, la détérioration de la couche d’ozone et l’augmentation de l’effet de serre.
La « biopiraterie ». C’est l’appropriation intellectuelle des connaissances ancestrales sur les semences et sur l’utilisation des plantes médicinales et d’autres végétaux par l’agro-industrie moderne et les laboratoires des pays industrialisés qui, comble de l’usurpation, perçoivent des royalties sur ces connaissances.
Les « passifs environnementaux ». C’est la dette due au titre de l’exploitation sous-rémunérée des ressources naturelles, grevant de surcroît les possibilités de développement des peuples lésés : pétrole, minéraux, ressources forestières, marines et génétiques.
L’exportation vers les pays les plus pauvres de produits dangereux fabriqués dans les pays industriels.
Dette écologique et dette extérieure sont indissociables. L’obligation de payer la dette extérieure et ses intérêts impose aux pays débiteurs de réaliser un excédent monétaire. Cet excédent provient pour une part d’une amélioration effective de la productivité et, pour une autre part, de l’appauvrissement des populations de ces pays et de l’abus de la nature. La détérioration des termes de l’échange accentue le processus : les pays les plus endettés exportent de plus en plus pour obtenir les mêmes maigres recettes tout en aggravant mécaniquement la pression sur les ressources naturelles.
du Nord envers le Sud ?
Le 10 juin 2005, les organisations suivantes Jubilee South, Afrodad, Kairos Canada, Halifax Initiative Canada, 50 Years is Enough (USA), Jubilee USA, Campagna per la Riforma de la Banca Mondiale (CRBM - Italy), Comité pour l’ Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM), Slug (Norway) ont marqué leur accord sur un communiqué qui se terminait par des revendications qui constituent une bonne base de départ pour une nouvelle campagne globale commune :
“We, the undersigned civil society organisations therefore reiterate our calls for :
The cancellation in full of the debts of all South countries, starting with the most impoverished and countries in crisis. Debt service cancellation over 10 years is not enough since come 2015, around 70% of poor country debt will still remain on the books [2].
This cancellation to be carried out in such a way that governments have more money to spend on their peoples’ welfare. This implies that money be taken from the multilaterals’ reserves and extra contributions from Northern governments [3].
This cancellation should be unconditional.
Creditors to recognise their co-responsibility for odious debts.
The international architecture governing debt and finance to be fundamentally overhauled so that debtors and creditors are placed on an equal footing.
South/North Civil Society Debt Group
The South/North civil society working group on debt is composed of networks and organisations across the globe working for social justice and a lasting solution to the debt crisis. It was established at the Global IFI strategy meeting in Accra, Ghana, February 2005.
Members : Jubilee South, Afrodad, Kairos Canada, Halifax Initiative Canada, 50 Years is Enough (USA), Jubilee USA, Campagna per la Riforma de la Banca Mondiale (CRBM - Italy), Comité pour l’ Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM), Slug (Norway)”
Nous pourrions partir de la proposition mentionnée plus haut et l’améliorer lors de la réunion de La Havane.
Il nous semble qu’il faudrait dire explicitement que :
1) nous rejetons les politiques néolibérales (nous rejetons les privatisations, nous exigeons l’abandon du recouvrement des coûts sur le dos du peuple notamment en matière de santé publique, d’éducation publique, d’accès à l’eau, ... nous rejetons l’augmentation de la TVA et d’autres impôts indirects, nous rejetons l’agenda de Doha, ETC) et nous prônons la mise en place de politiques qui mettent la satisfaction des droits humains comme la priorité des priorités ;
2) nous apportons notre soutien aux pays qui stoppent le remboursement de la dette et investissent dans les dépenses sociales ;
3) nous exigeons la prise en compte de la dette sociale, historique et écologique
Il faudrait également exprimer la nécessité d’audits de la dette.
Cette liste est à amender et à compléter.
[1] Banque mondiale - World Bank, Global Development Finance 2005, Washington DC, avril 2005.
[2] Multilateral Debt Cancellation : Recent Proposals Explained, Sony Kapoor for Eurodad, January 2005, see : www.eurodad.org/articles/default.as...
[3] See African NGO Statement on Debt Cancellation Proposals, coordinated by Afrodad, March 2005. See : www.eurodad.org/articles/default.as.... See also, Multilateral Debt Cancellation : Recent Proposals Explained, Sony Kapoor for Eurodad, January 2005, see : www.eurodad.org/articles/default.as...
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