6 février par CADTM Asie du Sud
Les participantes à la 11e réunion du CADTM en Asie du Sud, originaires du Bangladesh, de l’Inde, du Pakistan, du Sri Lanka, ainsi que du Maroc, des Philippines, du Brésil, de la Belgique et de l’Espagne, se sont réunies à Colombo, au Sri Lanka, du 31 janvier au 1er février 2025. Nous réaffirmons notre engagement à lutter contre la dette illégitime.
1) Nous sommes solidaires du peuple sri-lankais, qui lutte contre les mesures d’austérité accompagnant le 17e programme du FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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avec le gouvernement du Sri Lanka. Les classes populaires, qui sont les moins responsables du défaut de paiement de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
souveraine en 2022, paient le prix de la catastrophe humanitaire en cours. Nous appelons le gouvernement nouvellement élu, qui a déjà critiqué les politiques néolibérales à l’origine de cette crise, à tenir compte du fait que le mandat qui lui a été confié par le peuple est un mandat de changement.
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2) Nous exhortons le gouvernement sri-lankais à suspendre unilatéralement tous les paiements de la dette extérieure, non pas parce qu’il n’a pas les ressources pour le faire, mais parce qu’il devrait proclamer que cette suspension est politiquement, économiquement et socialement nécessaire pour faire face aux retombées économiques, sociales et humanitaires de la crise, qui exigent que le pays protège d’abord ses citoyennes. Le gouvernement doit utiliser les arguments du droit international pour refuser de payer les intérêts de retard. Cette suspension des paiements de la dette doit être associée à un audit des dettes réclamées au Sri Lanka. Les politiques menées par la classe dirigeante sri-lankaise doivent également faire l’objet d’un examen minutieux. Un audit citoyen de la dette doit être entrepris pour identifier les dettes illégitimes et les responsabilités de l’exécutif et de la bureaucratie dans l’accumulation de dettes illégitimes et insoutenables. Une politique de répudiation de la dette basée sur l’audit de la dette, qui inclut une suspension des paiements, doit être appliquée.
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3) Nous nous opposons à la poursuite de l’accord en cours avec le FMI comme moyen de sortir de la crise. Nous sommes conscientes que les politiques financées par le FMI ont aggravé la dépendance et l’insécurité alimentaire et énergétique du Sri Lanka, exacerbé les crises écologiques et climatiques, considérablement accru les inégalités et renforcé le rétrécissement de l’espace démocratique et des droits de la population.
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4) Nous demandons que les riches soient imposés à un taux plus élevé qui tienne compte de l’aggravation des inégalités de revenus et de richesses, que les entreprises qui pratiquent la fausse facturation et ne rapatrient pas les recettes d’exportation soient tenues de rendre des comptes, que les impôts indirects régressifs tels que la TVA sur les biens et services essentiels soient supprimés, que les dépenses budgétaires soient réaffectées à la protection sociale, à la santé publique, à l’éducation publique et à l’accès public à l’alimentation, à l’investissement dans l’économie productive et à la création d’emplois décents.
5) Nous demandons instamment aux gouvernements de la région, ainsi qu’aux autres gouvernements du monde, de tirer les leçons de la crise de la dette sri-lankaise et de garantir un audit citoyen de la dette, suivi d’une répudiation unilatérale des dettes illégitimes. Tous les gouvernements d’Asie du Sud devraient prendre des mesures collectives en tant qu’États débiteurs pour renforcer leur pouvoir de négociation vis-à-vis des créanciers (multilatéraux, bilatéraux, privés/commerciaux). En outre, ils devraient s’efforcer de favoriser des relations économiques mutuellement bénéfiques.
6) Nous nous engageons également à poursuivre notre lutte contre le système capitaliste qui est à l’origine de ces crises de la dette tout en exacerbant et en perpétuant les disparités dans la région et dans le monde. Le système capitaliste promeut et renforce toutes les formes d’oppression sociale, telles que le patriarcat, le racisme, le classisme, l’ultranationalisme, le fanatisme religieux et d’autres encore. Ce système utilise la dette non seulement comme un outil d’asservissement économique, mais aussi comme un outil de contrôle politique. En effet, le système coercitif de la dette et le capitalisme sont inextricablement liés.
7) Dans le même temps, l’endettement privé s’est accru alors que les États, criblés de dettes publiques et poursuivant leur agenda néolibéral, ont abandonné la fourniture de services sociaux et leur responsabilité de veiller à ce que les besoins fondamentaux des personnes soient satisfaits. Nous renouvelons notre demande d’annulation de tous les types de dettes illégitimes, tant publiques que privées, telles que les dettes de microcrédit, les dettes paysannes, les dettes étudiantes, les dettes hypothécaires des ménages, etc.
8) Le microcrédit, qui a été et continue d’être présenté comme un moyen de sortir les gens de la pauvreté, a eu des effets terribles sur les populations défavorisées du Sud. Avec ses taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
et ses conditions abusives et prédatrices, il a enfermé ces personnes vulnérables dans l’endettement, les obligeant à contracter plusieurs prêts pour rembourser les précédents et à faire d’énormes sacrifices pendant des années et des décennies. Nous reconnaissons que les femmes sont de loin les premières victimes du microcrédit et nous sommes solidaires de leurs luttes contre ces prêts prédateurs au Sri Lanka, au Bangladesh, au Pakistan, au Népal, en Inde et dans le monde entier.
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9) Nous exigeons que les États adoptent des politiques migratoires décentes et durables. La migration est un droit humain. Nous exigeons la mise en place de politiques justes et humaines qui garantissent des voies légales sûres, protègent les droits du travail et promeuvent l’inclusion sociale. Les gouvernements doivent s’attaquer aux causes profondes telles que l’inégalité et l’exclusion sociale.
10) Nous continuons à nous opposer à tous les prêts, investissements et accords commerciaux prédateurs qui enferment les gens ordinaires dans un cercle vicieux d’austérité, de chômage et de pauvreté, qu’ils proviennent des institutions financières internationales, des puissances du Nord ou des puissances capitalistes telles que la Chine et l’Inde, dont les politiques ont des conséquences négatives significatives en Asie du Sud.
11) Nous exigeons qu’il soit mis fin à toutes les formes de prêts illégitimes accordés par les gouvernements, les institutions financières internationales, les banques multilatérales de développement et autres, qui mettent des vies en danger, détruisent les moyens de subsistance et dégradent l’environnement. Nous réaffirmons notre opposition au soutien des énergies polluantes, y compris les combustibles fossiles.
12) Nous demandons l’arrêt de tous les types de privatisation et de partenariats public-privé.
13) Nous rejetons les mécanismes financiers tels que les échanges dette-nature, les obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
vertes, les échanges de carbone et les compensations carbone, qui permettent aux entreprises de se décharger de leurs responsabilités, d’exploiter les failles et de perpétuer les injustices économiques et environnementales sous le couvert de la durabilité. La justice de la dette implique des réparations pour la crise climatique.
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14) Nous ne pensons pas que la dette publique soit intrinsèquement mauvaise. Les gouvernements peuvent contracter des emprunts pour financer la transition écologique, pour remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables respectueuses de l’environnement, pour financer une réforme agraire, pour réduire drastiquement les transports routiers et aériens et les remplacer par des transports collectifs, pour financer la création d’emplois décents pour toustes, pour garantir des services publics décents pour toustes, et pour assurer le respect des droits humains fondamentaux de chacune. Ainsi, l’emprunt public peut être considéré comme légitime s’il finance des initiatives légitimes et si les prêteurs agissent de manière légitime.
15) Nous plaidons en faveur de la transparence et de la responsabilité pour tous les projets financés par les bailleurs de fonds étrangers et les IFI en Asie du Sud. Nous devrions soumettre tous ces engagements à un contrôle démocratique. Les accords doivent être ratifiés par les parlements nationaux avant d’être mis en œuvre.
16) Nous plaidons en faveur d’options alternatives telles que les subventions, les prêts à taux zéro sans discrimination, les initiatives communautaires gérées socialement et conjointement, etc. Nous plaidons pour le développement continu de services publics gratuits et de qualité, ainsi que pour l’augmentation du financement des dépenses sociales.
17) Unissons-nous dans nos luttes contre le système illégitime de la dette, les accords de libre-échange qui humilient et exploitent les peuples, pillent et détruisent l’environnement, et poussent des populations entières dans la misère et le dénuement.
18) Nous étendons notre solidarité à toutes les populations prises dans les filets infernaux des dettes illégitimes. Nous sommes résolus à poursuivre notre lutte tant que les êtres humains vivront sous le fardeau du système de la dette et des institutions financières et de microcrédit.
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