Février 2017
13 février 2017 par Eric Toussaint
Résumé : Souvent, les détracteurs comme les défenseurs de la doctrine élaborée par Alexandre Sack ne prennent pas suffisamment le temps de connaître le cadre d’analyse et l’orientation de ce juriste international. Alexandre Sack n’est pas un humaniste qui aurait cherché à préserver les peuples ou les nations de l’action néfaste des chefs d’État ou des créanciers prêts à endetter la collectivité de manière frauduleuse, voire criminelle, en somme odieuse. Son but principal n’est pas de mettre de l’éthique ou de la morale dans la finance internationale. Sack veut défendre les droits des créanciers mais il a été amené à préciser qu’il y a une exception importante à la sacro-sainte règle de la continuité du remboursement de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
: à savoir que, dans certaines circonstances, les créanciers devront accepter l’annulation de leurs créances
Créances
Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur).
si l’on démontre que la dette est odieuse. Bien que décriée par des détracteurs puissants, et malgré les limites évidentes de l’orientation de son auteur, la doctrine de la dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
inspire une série de mouvements qui cherchent dans les travaux de Sack un moyen de combattre les dettes illégitimes, illégales, insoutenables et/ou odieuses. Les deux critères sélectionnés par Sack pour déterminer l’existence d’une dette odieuse qu’une nation peut refuser de payer sont opératoires et justifiés : l’absence de bénéfice pour la population et la complicité des créanciers. Il s’agit ici de dépasser la doctrine de Sack en gardant ce qui est opératoire, en éliminant ce qui, dès le départ, est inacceptable et en y intégrant des éléments en rapport avec des conquêtes sociales et démocratiques qui ont trouvé une expression dans l’évolution du droit international depuis la Seconde Guerre mondiale. La règle de la continuité des obligations des États en matière de dette, malgré un changement de régime, favorise les créanciers et renforce l’ordre international dominant en cherchant à empêcher les États (et les peuples) de se libérer du fardeau de la dette. Cette règle a été souvent remise en cause tant du point de vue de la théorie par de nombreux juristes dès le 19e siècle que dans la pratique par le recours des États à des répudiations unilatérales de dettes.
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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