Dette et extractivisme : Chapitre 3

Dette écologique : les externalités de l’extractivisme

3 août 2017 par Nicolas Sersiron


Chapitre 3 du livre Dette et extractivisme écrit par Nicolas Sersiron, ancien président du CADTM France.
Ce livre est sorti sur papier aux éditions Utopia en octobre 2014. Il est possible de se le procurer soit en librairie soit de le commander sur ce site au prix de 8 euros.

Les 5 chapitres sont publiés séparément au courant de l’été 2017.

Le système dette, que la majorité des lecteurs du site commence à bien connaître, est mis en lien avec l’extractivisme. Il est en effet un des plus puissant leviers du pillage des ressources naturelles qui enrichit un petit nombre d’actionnaires, appauvri et désespère la grande majorité de l’humanité et détruit notre biotope. Au fil de la publication des chapitres, nous verrons comment le réchauffement climatique et l’extinction des espèces vivantes en forte accélération, l’acidification des océans, la destruction des grands massifs forestiers, sont des conséquences directes des deux systèmes dette et extractivisme.



La vie dans nos sociétés modernes se caractérise par la maximisation du rapport entre l’internalisation des commodités et l’externalisation des nuisances. Philippe Gruca [1]

Sous le terme « dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
écologique », quatre différentes dettes peuvent être regroupées : la dette historique, la dette environnementale, la dette climatique et la dette sociale.

Les multinationales extractivistes refusent de prendre en charge de nombreux coûts. On dit qu’elles les externalisent. Le réchauffement climatique, la pollution des eaux, les désastres environnementaux, le déplacement des populations ou le prix des maladies causées par les extractions en sont les plus importants. L’externalisation est un moyen d’augmenter les bénéfices en cachant et en reportant sur d’autres le prix réel des extractions. Les fabricants de pesticides - dont les produits, polluant l’air, les sols, les aliments, sont responsables d’une grande part des maladies modernes et de la disparition des pollinisateurs indispensables à notre alimentation - ne peuvent réaliser des profits que dans la mesure où les États souverains ne leur font pas payer la réparation des dommages causés par leurs molécules. Dominique Méda parle de « l’invisibilité des coûts de croissance : le PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
occulte par construction les coûts de l’augmentation de la production sur le patrimoine naturel et les conditions de vie » [2].

Le jour où la règle du pollueur-payeur sera appliquée à l’agriculture conventionnelle [3] par des États devenus conscients et responsables des désastres qu’elle entraîne, cette agriculture n’aura plus de sens et cessera. Tant que la société civile ne montrera pas sa détermination à l’imposer, cette règle ne sera pas appliquée tant la connivence est grande entre les gouvernants et les actionnaires. Une agriculture respectueuse de l’environnement et créatrice d’emploi changera le monde dans un sens favorable aux 99 %. Les prix des aliments issus de l’agriculture biologique apparaîtront alors incomparablement inférieurs à ceux issus d’une agriculture chimique contrainte d’intégrer ses multiples externalités négatives, l’inverse de ce que nous constatons aujourd’hui dans les magasins alimentaires. Dire que seuls les OGM OGM
Organisme génétiquement modifié
Organisme vivant (végétal ou animal) sur lequel on a procédé à une manipulation génétique afin de modifier ses qualités, en général afin de le rendre résistant à un herbicide ou un pesticide. En 2000, les OGM couvraient plus de 40 millions d’hectares, concernant pour les trois-quarts le soja et le maïs. Les principaux pays producteurs étaient les USA, l’Argentine et le Canada. Les plantes génétiquement modifiées sont en général produites intensivement pour l’alimentation du bétail des pays riches. Leur existence pose trois problèmes.


- Problème sanitaire. Outre la présence de nouveaux gènes dont les effets ne sont pas toujours connus, la résistance à un herbicide implique que le producteur va multiplier son utilisation. Les produits OGM (notamment le soja américain) se retrouvent gorgés d’herbicide dont dont on ignore les effets sur la santé humaine. De plus, pour incorporer le gène nouveau, on l’associe à un gène de résistance à un antibiotique, on bombarde des cellules saines et on cultive le tout dans une solution en présence de cet antibiotique pour ne conserver que les cellules effectivement modifiées.


- Problème juridique. Les OGM sont développés à l’initiative des seules transnationales de l’agrochimie comme Monsanto, pour toucher les royalties sur les brevets associés. Elles procèdent par coups de boutoir pour enfoncer une législation lacunaire devant ces objets nouveaux. Les agriculteurs deviennent alors dépendants de ces firmes. Les États se défendent comme ils peuvent, bien souvent complices, et ils sont fort démunis quand on découvre une présence malencontreuse d’OGM dans des semences que l’on croyait saines : destruction de colza transgénique dans le nord de la France en mai 2000 (Advanta Seeds), non destruction de maïs transgénique sur 2600 ha en Lot et Garonne en juin 2000 (Golden Harvest), retrait de la distribution de galettes de maïs Taco Bell aux USA en octobre 2000 (Aventis). En outre, lors du vote par le parlement européen de la recommandation du 12/4/2000, l’amendement définissant la responsabilité des producteurs a été rejeté.


- Problème alimentaire. Les OGM sont inutiles au Nord où il y a surproduction et où il faudrait bien mieux promouvoir une agriculture paysanne et saine, inutiles au Sud qui ne pourra pas se payer ces semences chères et les pesticides qui vont avec, ou alors cela déséquilibrera toute la production traditionnelle. Il est clair selon la FAO que la faim dans le monde ne résulte pas d’une production insuffisante.
et l’agro-extractivisme Extractivisme Modèle de développement basé sur l’exploitation des ressources naturelles, humaines et financières, guidé par la croyance en une nécessaire croissance économique. pourront nourrir le monde, faire croire que l’agriculture biologique n’en serait pas capable, est le double mensonge distillé en permanence par les tenants de l’agriculture productiviste et chimique. Indispensable et énorme mystification permettant d’assurer la continuité des profits de cette industrie du désastre. Le même schéma, créant le doute chez les citoyens et les décideurs, a été appliqué à coup de millions de dollars par l’industrie du tabac pour la santé, du pétrole pour le réchauffement climatique, etc. La puissance de l’argent peut tout… détruire.

Si les extracteurs de pétrole étaient contraints d’assumer l’ensemble des coûts, pollutions, dévastation des territoires, perte d’habitats ainsi que leur responsabilité dans le réchauffement climatique induit par le CO2 émis, les températures seraient stabilisées. N’oublions pas que le climat est un bien commun et qu’aucun d’entre nous ne peut accepter de le voir préempté par quelques oligarques drogués aux pétrodollars Pétrodollars Les pétrodollars sont les dollars issus du pétrole. .

Avant de rentrer dans l’analyse de cette dette non financière, il est important de s’interroger sur l’impact du consumérisme et de la marchandisation qui dominent aujourd’hui le rapport des humains avec la nature. Quand nous consommons des biens et des aliments au-delà de l’usage indispensable, ne sommes-nous pas en train de détruire la nature, voire l’humanité, c’est-à-dire nous-mêmes ? Dans une société qui ne serait pas construite sur le gaspillage des richesses naturelles, la dette écologique Dette écologique La dette écologique est la dette contractée par les pays industrialisés envers les autres pays à cause des spoliations passées et présentes de leurs ressources naturelles, auxquelles s’ajoutent la délocalisation des dégradations et la libre disposition de la planète afin d’y déposer les déchets de l’industrialisation.

La dette écologique trouve son origine à l’époque coloniale et n’a cessé d’augmenter à travers diverses activités :


- La « dette du carbone ». C’est la dette accumulée en raison de la pollution atmosphérique disproportionnée due aux grandes émissions de gaz de certains pays industriels, avec, à la clé, la détérioration de la couche d’ozone et l’augmentation de l’effet de serre.

- La « biopiraterie ». C’est l’appropriation intellectuelle des connaissances ancestrales sur les semences et sur l’utilisation des plantes médicinales et d’autres végétaux par l’agro-industrie moderne et les laboratoires des pays industrialisés qui, comble de l’usurpation, perçoivent des royalties sur ces connaissances.

- Les « passifs environnementaux ». C’est la dette due au titre de l’exploitation sous-rémunérée des ressources naturelles, grevant de surcroît les possibilités de développement des peuples lésés : pétrole, minéraux, ressources forestières, marines et génétiques.

- L’exportation vers les pays les plus pauvres de produits dangereux fabriqués dans les pays industriels.

Dette écologique et dette extérieure sont indissociables. L’obligation de payer la dette extérieure et ses intérêts impose aux pays débiteurs de réaliser un excédent monétaire. Cet excédent provient pour une part d’une amélioration effective de la productivité et, pour une autre part, de l’appauvrissement des populations de ces pays et de l’abus de la nature. La détérioration des termes de l’échange accentue le processus : les pays les plus endettés exportent de plus en plus pour obtenir les mêmes maigres recettes tout en aggravant mécaniquement la pression sur les ressources naturelles.
- face cachée de la dramatique dépossession extractiviste - n’existerait pas.

La consommation de masse a remplacé l’usage et la sobriété qui régissaient les rapports de l’homme avec la nature et les biens matériels depuis des millénaires. Avec comme seules énergies la force physique humaine et animale, les moulins à vent, à eau et le feu de bois, il existait alors des limites infranchissables au pouvoir de l’homme. L’invention des machines à vapeur puis à pétrole, la mécanisation et l’industrialisation des processus de fabrication, ont pulvérisé ces limites. Les surproductions, toutes issues de l’utilisation des énergies fossiles ont fait disparaître dans les pays nantis la frugalité alimentaire et les économies de moyens.

Le fordisme - augmenter les salaires pour que les ouvriers achètent les voitures qu’ils produisaient - a préparé le raz de marée matérialiste actuel. La consommation gaspilleuse, la malbouffe et l’obésité, les obsolescences programmées, matérielle (objets) et culturelle (mode) avec ses dépréciations incessantes ont été inscrites dans notre imaginaire par la publicité : la propagande marchande. Pourtant l’idée d’une nécessaire décroissance des biens matériels comme des inégalités s’incruste progressivement dans les esprits malgré la bronca médiatique tentant de la ridiculiser. La fréquence accrue des catastrophes environnementales et climatiques nous oblige à émerger de notre bulle de confort de nantis.

Ainsi certains disent stop à la surconsommation. Ce qui, à contrario, veut dire oui à la consommation. Pourtant c’est bien cette dernière qui a ouvert la porte au gaspillage en faisant disparaître les limites intrinsèques à l’usage. L’idée de décroissance étant totalement inacceptable pour la majorité, certains pensent qu’en éliminant la surconsommation ils pourront éviter l’accumulation des problèmes que cette société de marchandisation généralisée engendre. Mais ce n’est qu’un leurre. Le gâchis est un élément indissociable du système consumériste. Il est même le moteur de l’extractivisme défini ici comme pillage des ressources naturelles, humaines et financières à la base des profits capitalistes.

Dans un monde où la privatisation se généralise, que je sois un médecin de ville, un responsable d’une multinationale du pétrole ou un fabricant de médicaments, ou bien encore responsable de supermarché, mon intérêt sera que mes clients consomment « toujours plus » des services ou des produits que je leur propose. Comment pourrais-je prendre en compte les catastrophes écologiques ou sanitaires présentes et à venir si elles sont indissociablement liées à ce qui fait vivre ma famille, m’apporte le paradis sur terre et fait fonctionner le monde qui m’entoure ? Imaginons un médecin à qui l’on propose un remède capable de soigner la très grande majorité des pathologies de ses patients comme les affections de longue durée, les ALD. Acceptons la thèse expérimentée et très bien argumentée par le chercheur T. Campbell [4] qui démontre que ce médicament est une alimentation végétarienne. Le médecin qui prescrira cette hygiène alimentaire, aussi bien préventive que curative, risque de ne plus être en mesure de nourrir sa famille, car il perdra un grand nombre de ses clients : les abonnés à ses services par les maladies chroniques. Il en va de même pour celui qui, isolant sa maison ou/et ne se déplaçant plus qu’en transport en commun et vélo, ruinerait les pétroliers et les fabricants de voitures s’il était imité par le plus grand nombre.

La dette écologique a été créée, au fil du temps, par l’accumulation d’emprunts sans retour faits à la nature et aux populations occupant les territoires pillés. Pourtant les multinationales responsables continuent à spolier les populations actuelles et les générations futures. Nos enfants et leurs descendants n’auront que les reliquats des ressources végétales et fossiles existant il y a un siècle. Pire, ils devront faire face au réchauffement climatique, à l’effondrement de la biodiversité, à la dégradation des services écosystémiques [5] et à la gestion des déchets. Ils devront malgré eux assumer ceux de l’industrie nucléaire, dont certains ont une durée de vie de 100 000 ans, alors que l’électricité produite par les centrales aura disparu bien avant la fin de ce siècle.

Parler de dette écologique ne serait pas fondé juridiquement selon certains. Pourtant il y a emprunts forcés et dépossessions, pollutions et destructions de la nature, donc dommages. De plus, les atteintes à la biodiversité sont définitives : impossible de faire revivre une espèce disparue. Il n’y a déjà plus de luciole en Europe, les insectes disparaissent en masse, les hirondelles sans nourriture nous quittent, les oiseaux disparaissent. Qui, parmi les jeunes, a vu des vers luisant ? N’oublions pas que nous sommes un élément de la biodiversité et, sans pollinisateur, pourrons-nous continuer à nous nourrir ? Aux États-Unis, des sommes considérables sont dépensées en locations de ruches chaque année pour polliniser les vergers d’amandiers.

Analyser la dette écologique permet de mieux comprendre les causes de l’énorme inégalité de développement entre les humains. C’est un outil au service d’une justice que le droit international a du mal à accepter. La dette écologique résulte directement d’un « prendre » sans « recevoir », ni jamais « rendre ». Elle est une cassure dans les relations d’échanges et de partages, fondatrices des relations humaines créées sur le don et le contre-don. S’il n’est ni souhaitable ni possible de la rembourser en la financiarisant, cette dette doit faire l’objet de compensation, de réparations ou de restitutions. Réparer les dommages relève de la plus évidente justice. Lui donner un nom est le premier acte de reconnaissance pour qu’elle ne continue pas de s’accumuler par le conso-gaspillage et la recherche de profits. Si les consommateurs ne sont pas coupables, ils ont évidemment une grande part de responsabilité dans son accroissement. L’énergie, les biens matériels et la majeure partie des aliments des classes moyennes sont issus de l’extractivisme.

Comment s’est-elle accumulée ?

Premier élément de cette accumulation, les exterminations en Amérique du Sud puis du Nord, la traite négrière, l’esclavage puis la colonisation armée, qui ont été les moyens du pillage européen. L’historien Achille Mbembe écrit :

« Pour construire ce monde qui nous est commun, il faudra restituer à celles et ceux qui ont subi les processus d’abstraction dans l’histoire la part d’humanité qui leur a été volée. Il n’y aura guère de conscience d’un monde commun tant que celles et ceux qui ont été plongés dans une situation d’extrême dénuement n’auront pas échappé aux conditions qui les confinent dans la nuit de l’infravie. » [6]

Comment mieux décrire la part historique de la dette écologique par la « nuit de l’infravie », et la nécessité d’en sortir par des réparations !

Deuxième élément, la dette environnementale est la conséquence directe de l’extractivisme. Elle se caractérise par des pollutions diverses, des forêts surexploitées ou anéanties, des pertes d’espaces de vie pour les humains, l’effondrement de la biodiversité végétale et animale, des terres devenues incultes à force de monoculture Monoculture Culture d’un seul produit. De nombreux pays du Sud ont été amenés à se spécialiser dans la culture d’une denrée destinée à l’exportation (coton, café, cacao, arachide, tabac, etc.) pour se procurer les devises permettant le remboursement de la dette. , des océans vidés de leurs poissons avec le grand problème de l’acidification, la biopiraterie, [7] etc.

Le troisième élément est le changement climatique causé principalement par les pays industrialisés. Ils ont émis 80 % du stock de GES d’origine humaine alors qu’ils représentent moins de 20 % de la population mondiale. Étant responsables très majoritairement du réchauffement climatique en cours, ils ont une dette envers les peuples du Sud qui n’ont émis à l’heure actuelle que très peu de GES. L’Afrique, c’est aujourd’hui 3 % des GES émis alors qu’elle compte 15 % de la population mondiale. Même si la Chine est devenue le premier émetteur de GES, l’accumulation de CO2 présent dans l’atmosphère en 2014 ne peut, pour le moment, lui être imputée que pour une faible part. Lors des derniers grands sommets pour le climat, les occidentaux n’ont pas voulu prendre en compte les émissions par habitant - un chinois émet quatre fois moins de GES qu’un étatsunien - ou la transformation de la Chine en usine du monde occidental. Les détenteurs de capitaux, en y délocalisant leurs usines, tirent de grands profits du transfert de leurs émissions de GES en Asie. Quant aux pays les moins avancés (PMA Pays moins avancés
PMA
Notion définie par l’ONU en fonction des critères suivants : faible revenu par habitant, faiblesse des ressources humaines et économie peu diversifiée. En 2020, la liste comprenait 47 pays, les derniers pays admis étant le Timor oriental et le Soudan du Sud. Elle n’en comptait que 26 il y a 40 ans.
) ils n’émettent que 1 % des GES. Pourtant, ils sont les premiers à subir les conséquences du chaos climatique et sont les plus démunis pour y faire face.

Quatrième élément, la pauvreté, la misère, la faim et les nombreux morts qu’elles entraînent - conséquences directes de l’extorsion par les plus puissants des biens communs que sont les richesses naturelles - forment la dette sociale.

L’ensemble des dettes, historique, environnementale, climatique et sociale constitue pour nous la dette écologique. Certains objecteront que la dette historique liée à l’esclavage ne peut être classée sous le terme écologique. Pourtant l’Afrique subit encore aujourd’hui le contrecoup affectif, culturel, économique et environnemental de la perte de dizaine de millions des siens, arrachés de force à leurs familles et à leur pays, ainsi que celui de l’asservissement et des assassinats coloniaux pendant près d’un siècle. Cette dette écologique est donc bien la conséquence des pillages effectués par les colons et les multinationales extractivistes, cause première de la misère d’une grande partie de la population. En acceptant l’idée que l’extractivisme est la source de la dette écologique, les dettes historiques et sociales qui y sont directement liées ne peuvent, pour nous, en être séparées.

Aujourd’hui, la dette écologique est en forte progression, car le système extractiviste amplifie ses pillages pour nourrir la mégamachine consumériste. Parallèlement, la prise de conscience de ces dangers par les citoyens est beaucoup trop lente alors que les alarmes clignotent de toutes parts.

Un signe révélateur de cette inconscience réside dans le Peak everything, titre d’un livre de Richard Heinberg. En 2010, deux ingénieurs [8] écrivent dans une étude sur les métaux que le peak all - le moment où la majorité des ressources naturelles auront dépassé le sommet de leur production - est très proche. Pourtant les forages, les mines à ciel ouvert, les déforestations, le productivisme agricole et les accaparements de terres sont en progression partout. Pour masquer ces dégradations, les multinationales tentent de reproduire la stratégie de certains animaux qui, pour se défendre, se fondent dans le paysage en transformant la couleur des pigments de leur peau. Le caméléon, perché sur une branche, prend les teintes du bois.

Le greenwashing est une des techniques utilisées par les multinationales pour poursuivre le « business-as-usual ». Symbole de ce verdissement, les restaurants McDonald’s ont remplacé en 2011 le fond rouge du logo par un fond vert. Pourtant la viande de leurs burgers provient bien souvent de bœufs qui pâturent les nouvelles prairies créées sur les parties incendiées de la forêt amazonienne et les frites sont cuites à l’huile de palme issue des déforestations malaises et indonésiennes. De plus la production de cette viande pousse au productivisme agricole : aliments du bétail, eau, terres arables et pétrole.

Les grandes enseignes de la distribution mettent en place des labels verts non contraignants, se réclamant sans cesse du développement durable, un dramatique oxymore. [9] Le but étant de rendre acceptable aux yeux des consommateurs sensibilisés au respect de la nature et de la santé, l’achat sans limite de biens de consommation pourtant très destructeurs.

L’environnement

Dans les mines d’or de Sadiola au Mali, on utilise, la technique de la lixiviation pour séparer l’or de la roche : du cyanure de sodium qui finit dans d’immenses bassins de rétention fragiles, provoquant accidents, maladies et pollutions. Les mines de cuivre à ciel ouvert au Chili, en RD Congo ou en Zambie tout comme les mines d’ilménite à Madagascar exploitées par Rio Tinto, détruisent des milliers d’hectares de sols, de bois et polluent l’environnement. L’exploitation des grands massifs forestiers du centre de l’Afrique ou de l’Indonésie pour y récupérer les bois précieux et les remplacer par des palmiers à huile se fait au détriment des hommes qui y vivent, du climat et de la biodiversité. Les grands singes sont frugivores. Obligés de manger les fruits des palmiers pour survivre, ils sont abattus par des snipers.

L’Indonésie est devenue le troisième pays émetteur de GES [10] à cause des incendies volontaires de forêts primaires pour les remplacer par des palmiers. Cette huile alimentaire peu chère est aussi utilisée pour fabriquer des agrocarburants. Au Brésil, la culture d’immenses champs de soja OGM destiné à être exporté en Europe et en Chine, comme protéine pour l’élevage et agrocarburant, ainsi que la production de cannes à sucre pour l’éthanol, se fait au détriment de la forêt amazonienne et de ses habitants. L’exploitation des mines à ciel ouvert ou des sables bitumineux détruit d’immenses surfaces de sols et rejette d’énormes quantités d’eau polluée et de GES. Les accaparements de terres aboutissent à une extraction de la fertilité des sols et de l’eau au détriment des peuples autochtones exclus et, le plus souvent, condamnés à vivre dans des bidonvilles.

Le climat

Les matières premières sont extraites, transportées et ensuite transformées en biens de consommation. Plus de 75 % des énergies utilisées pour ces différents travaux sont d’origine fossile - charbon, gaz, pétrole - et donc productrices de GES. Dans ce système extractiviste et marchand, l’énergie est aussi indispensable que la nourriture pour les humains ou le soleil pour les plantes. La compétition pour l’exploitation des gaz de schistes en Europe et aux Etats-Unis, malgré les pollutions dramatiques de l’eau, les risques sismiques, et les dégagements de méthane produisant de grandes quantités de GES, illustre la folie des décideurs oubliant volontairement que brûler l’ensemble des réserves d’énergies fossiles connue engendrerait un chaos climatique.

Il ne faudrait pas émettre plus de 565 gigatonnes de CO2 ou équivalents CO2 d’ici à 2050 pour avoir de sérieuses chances de ne pas dépasser la barre fatidique des 2°C. La combustion de toutes les réserves prouvées de pétrole, charbon et gaz de la planète engendrerait 2 795 gigatonnes de CO2, soit cinq fois plus ! Si l’on veut respecter les préconisations des scientifiques, ce sont donc 80 % de ces réserves qui ne doivent pas être extraites et consommées. [11] 

La grande majorité des richesses minérales et fossiles proviennent des PED et, de façon paradoxale, ils restent économiquement très faibles et leurs populations très pauvres. Leur adaptation aux changements climatiques sera très difficile sans l’apport gratuit de connaissances, de moyens financiers et de technologies douces des pays qui ont tant prospéré en les pillant. Ce qui ne serait pourtant qu’un « rendre » tardif, mais ô combien indispensable.

Entre 70 et 80 % des surfaces agricoles de la planète sont consacrées directement à l’élevage [12], ou indirectement, à travers la production d’aliments pour le bétail. La part des terres dédiées aux agrocarburants augmente fortement. Le soja OGM d’Argentine et du Brésil représente jusqu’à 80 % des protéines entrant dans la ration des bêtes d’élevage en Europe. Le mode alimentaire occidental, du champ à la bouche, produit près de 50 % des GES. [13] Les causes principales étant le productivisme agricole, la consommation de 70 % de protéines animales pour seulement 30% d’origine végétale, les 50 % de nourriture gaspillée, le stockage froid et le transport de longue distance. Par ailleurs, les agrocarburants - culture, transformation et utilisation - produisent plus de GES qu’un litre de pétrole. Sans subventions publiques, la plupart des agrocarburants ne seraient pas viables économiquement.

Les impacts sociaux ou l’extractivisme des ressources humaines

Les PED subissant l’extractivisme sont des prêteurs forcés depuis plusieurs siècles. Ils n’ont jamais été dédommagés de leurs créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). constituées par les dettes écologiques. Contraints de rembourser la dette financière illégitime, ils sont doublement perdants. L’oligarchie dirigeante refuse de payer le véritable prix des richesses extraites en intégrant celui des externalités négatives comme celui de leur finitude. Raison pour laquelle le niveau de vie matériel dans les PED n’a que très peu progressé depuis cinquante ans, à l’inverse de celui des pays extracteurs. Ainsi le rapport du niveau de vie moyen est environ de 1 à 100 entre la moyenne des habitants des pays subsahariens et ceux de la Triade Triade Les expressions « Triade » et « triadique » sont dues à K. Ohmae (1985). Elles ont été utilisées d’abord par les business schools et le journalisme économique, avant d’être adoptées très largement. Les trois pôles de la Triade désignent les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, mais autour de ces pôles se forment des associations un peu plus larges. Selon Ohmae, le seul espoir d’un pays en développement - il faut y ajouter désormais les anciens pays dits socialistes - est de se hisser au statut de membre associé, même périphérique, d’un des trois « pôles ». Cela vaut également pour les nouveaux pays industrialisés (NPI) d’Asie, qui ont été intégrés par étapes, avec notamment des différences de pays à pays, dans le pôle dominé par le Japon (Chesnais, 1997, p. 85-86). , au XXIe siècle. Ils étaient pourtant très proches avant la colonisation.

De très nombreuses ouvrières du textile au Bangladesh luttent pour obtenir un salaire supérieur aux 30-40 dollars qu’elles gagnent pour 200 heures par mois, sans assurance sociale. Ainsi le prix de vente d’un seul pantalon ou veste H&M, Gap, Zara, etc, dans un pays occidental est bien supérieur au salaire mensuel de l’ouvrière qui en a fabriqué de grandes quantités.

A l’opposé, le Smic en France est proche de 1 300 dollars par mois pour 150 heures environ. Mais si l’on rajoute l’ensemble des services publics, gratuits ou payants, et le salaire social constitué par les assurances maladie, retraite, chômage, etc, le différentiel réel avec des ouvrières bangladaises est vertigineux. Sans doute de 1 à 100 !

Enfin, les conséquences les plus connues et les plus visibles sont la faim et les carences alimentaires ainsi que l’absence de santé et d’éducation publiques dignes de ce nom, pour plusieurs milliards de personnes. La bidonvilisation des populations rurales, ayant perdu travail et revenus de la terre, est aussi la conséquence de l’extractivisme avec ses dettes écologiques sans réparations et ces dettes financières illégitimes remboursées par les PED.

En 2010, un rapport de la Cnuced Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Elle a été créée en 1964, sous la pression des pays en voie de développement pour faire contrepoids au GATT. Depuis les années 1980, elle est progressivement rentrée dans le rang en se conformant de plus en plus à l’orientation dominante dans des institutions comme la Banque mondiale et le FMI.
Site web : http://www.unctad.org
reconnaissait l’échec des politiques imposées aux quarante-neuf pays les moins avancés (PMA).

Les modèles traditionnels appliqués aux PMA (une croissance portée par le commerce) semblent n’avoir pas très bien fonctionné. Au total, 53 % de la population de ces pays vivaient dans l’extrême pauvreté au seuil de la débâcle économique mondiale. [14]

Évaluer la dette écologique

Évaluer la dette écologique serait irréalisable. Pourtant, selon l’économiste Jean Gadrey :

« Il serait possible d’évaluer les dettes liées au carbone (GES), à l’exploitation forestière, à l’agriculture et aux terres arables du Sud approvisionnant le Nord, à la pêche, aux ressources du sous-sol, à la biopiraterie, au transfert vers le Sud de produits dangereux ou de déchets divers, etc. » [15]

L’empreinte écologique est un concept très intéressant pour appréhender la dette écologique. C’est « la surface correspondante de terre productive et d’écosystèmes aquatiques nécessaires pour la production des ressources utilisées et l’assimilation des déchets produits par une population définie à un niveau de vie spécifié ». [16] La biocapacité disponible par personne sur la terre en 2006 était de 1,8 hag (hectares globaux). Or si un Indien ou un Africain n’utilise que 0,8 hag, un Européen a besoin de 4,5 hag et un Étasunien de 9 hag.

Selon le WWF, « Il faudrait 4,5 planètes pour répondre aux besoins d’une population globale vivant comme un habitant moyen des Emirats Arabes Unis ou des États-Unis » [17]. Ce dépassement de l’empreinte par les plus puissants est momentanément compensé par les peuples à faible empreinte. Ce qui correspond aux extorsions par transferts sud-nord ou dominés-dominants issus de l’extractivisme minéral, fossile ou agricole. Inversement, il existe une exportation du Nord vers le Sud, dominants vers dominés, de pollutions, déchets (électronique, navires...) et réchauffement climatique déjà durement subie par les populations des PED qui n’en sont pas responsables. Ces différentiels d’empreinte écologique et ces transferts ouvrent des droits à réparation pour les victimes. Mis en place, ils permettraient de freiner l’exploitation sans vergogne des hommes et de la nature.

Près d’un tiers des humains sous-nutris ou carencés vivent dans l’Afrique subsaharienne où ils subissent les effets dévastateurs d’une dette de 140 milliards de dollars. Son annulation serait, pour les pays créanciers, indolore. Moins de 0,3 % des avoirs des 1 400 milliardaires en dollars de 2013 seraient suffisants pour l’annuler alors que leur fortune est en grande partie issue des richesses naturelles du continent africain. Au regard des désastres écologiques subis et des quantités de ressources pillées, nous pouvons dire que la valeur de la dette écologique due au sous-continent africain par les pays industrialisés est incommensurable, peut-être 100 ou 1 000 fois supérieure à sa dette extérieure publique. Ces derniers refusent de la reconnaître avec des arguties juridiques et comptables dignes de « boni-menteurs » ou de réels escrocs.

Le remboursement des dettes financières illégitimes obligent les PED à vendre leurs ressources naturelles aux multinationales - ce qui est le but recherché par cette escroquerie criminelle - entraînant en retour un accroissement de la dette écologique.

Réparer, compenser ou même seulement reconnaître la dette écologique affaiblirait l’hégémonie imposée aux peuples du Sud par le trio FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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-BM Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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-OMC OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.

L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».

Site : www.wto.org
et les pays créanciers. Les multinationales ne pourraient plus décider unilatéralement de l’avenir, du climat pendant les COP (conference of the parties) de Stockholm 1972 à Rio 2012 en passant par Copenhague 2010 et jusqu’à Paris en 2015. Une reconnaissance de la dette écologique impliquerait de réels transferts compensatoires techniques, matériels et financiers du Nord vers le Sud, et non plus de pseudo généreuses miettes à titre humanitaire. Elle est une condition indispensable pour qu’existe un rattrapage du développement des PED, une sortie de la pauvreté des populations et un renforcement de leur souveraineté. [18] Seule une coopération entre les sociétés civiles du Nord et du Sud, dans la lutte pour la reconnaissance de cette dette, permettrait de faire face aux multinationales extractivistes et pollueuses. Selon Richard Heede, « quatre-vingt-dix entités ont émis 63 % des émissions industrielles de CO2 et de méthane qui se sont accumulées dans l’atmosphère depuis la révolution industrielle. » [19]

Reconnaître la dette écologique due aux PED ferait monter progressivement le prix des matières premières et permettrait à ces pays de retrouver une souveraineté économique. Cela provoquerait aussi un ralentissement des extractions-exportations imposées. Le système dominant est fondé sur le cycle « extractivisme-productivisme-consumérisme-profits-pollutions ». La valorisation de leurs ressources leur permettrait enfin de les transformer localement, ce que font justement les pays émergents Pays émergents Les pays émergents désignent la vingtaine de pays en développement ayant accès aux marchés financiers et parmi lesquels se trouvent les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ils se caractérisent par un « accroissement significatif de leur revenu par habitant et, de ce fait, leur part dans le revenu mondial est en forte progression ». . Le néo-extractivisme [20] pratiqué par des pays comme le Venezuela, la Bolivie ou l’Equateur ne prend pas le chemin écologique espéré : l’extraction et l’exportation de matières premières restent la source principale de revenus pour ces pays dépendants, de fait, du système libéralo-capitaliste. Cela d’autant plus que le consumérisme a colonisé l’imaginaire des peuples qui ne voient souvent plus d’autres possibilités de progrès que dans l’exportation de leurs richesses naturelles. Mais des exemples d’alternative existent, comme au Chiapas, où l’EZLN, l’armée zapatiste de libération nationale, défend un autre système fondé sur l’autonomie et la résistance du peuple. [21]

L’annulation de la dette des PED supprimerait le grand levier d’asservissement qu’utilisent le FMI, la BM et les pays créanciers rassemblés dans le Club de Paris Club de Paris Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.

Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.

Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
, dont profitent les multinationales pour s’approprier leurs ressources. Une augmentation généralisée du prix des ressources naturelles ferait croître celui des biens matériels, et du coup, et très certainement baisser le conso-gaspillage source des profits. Au vu d’un tel scénario, on comprend pourquoi les gouvernements des pays écologiquement débiteurs ne sont pas prêts à reconnaître ni à compenser la dette écologique. C’est pourtant un combat crucial à mener, pour lutter contre le réchauffement climatique, les désastres environnementaux et la pauvreté de milliards d’humains.

Introduction
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5


Notes

[1Magazine L’écologiste N°33, 2010.

[2Dominique Méda, « Nous vivons toujours dans la mystique de la croissance », Libération, 10 septembre 2013.

[3L’agriculture conventionnelle est le nom du productivisme : intrants chimiques (engrais et pesticides), semences identiques (clones) pour tous climats et tous terrains, monocultures, machinisme et grandes surfaces en monocultures.

[4T. Campbell et Ph. D. Campbell, Le rapport Campbell, Ariane, 2008.

[5Les services écosystémiques sont « les bienfaits que les hommes obtiennent des écosystèmes ». Recyclage naturel de l’eau, de l’air, des mers, des végétaux en humus fertile, pollinisation des plantes, croissance naturelle des forêts, biodiversité, climat vivable…

[6Nelson Mandela, « les chemins inattendus », Le monde diplomatique, Août 2013.

[7Vol et brevetage de molécules de plantes utilisées par les médecines traditionnelles d’un pays, des espèces variétales sélectionnées pendant des millénaires par les paysans, comme le riz basmati.

[8115 Benoit de Guillebon, Philippe Bihouix, Quel futur pour les métaux : un nouveau défi pour la société EDP Sciences, 2010

[9Développement contient l’idée de croissance exponentielle, durable celle d’infini. Dans un monde fini, c’est impossible. Ces deux mots s’opposent, le développement durable est un gadget sémantique.

[12GRAIN, Hold up sur l’alimentation humaine, Cetim-Grain, 2012.

[13Voir note 119

[15Propos recueillis par l’auteur à l’université d’été 2011 du Cadtm à Namur.

[16William Rees, Mathis Wackernagel, Notre empreinte écologique, Ecosociété, 2009.

[18E. de Ruest, R. Duterme, La dette cachée de l’économie, Les Liens qui Libèrent, 2014.

[20Le néo-extractivisme est une réappropriation par un pays de ses ressources naturelles.

Nicolas Sersiron

Président du CADTM France, auteur du livre « Dette et extractivisme »
Après des études de droit et de sciences politiques, il a été agriculteur-éleveur de montagne pendant dix ans. Dans les années 1990, il s’est investi dans l’association Survie aux côtés de François-Xavier Verschave (Françafrique) puis a créé Échanges non marchands avec Madagascar au début des années 2000. Il a écrit pour ’Le Sarkophage, Les Z’indignés, les Amis de la Terre, CQFD.
Il donne régulièrement des conférences sur la dette.

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