FSM : la caravane des mouvements sociaux vers Dakar
31 janvier 2011 par Pauline Imbach , Zinaba Aboudou Rasmane
27-29 janvier : Ouagadougou – Houndé – Sikasso
Ouagadougou : Thomas Sankara, la jeunesse continue le combat pour une Afrique libre et unie !
Arrivés à Ouagadougou dans la nuit du 27 janvier 2011, les militant-e-s de la caravane des mouvements sociaux se sont rendus le 28 janvier au matin sur la tombe de Thomas Sankara au cimetière de Dagnoen.
Samska le Jah [1], artiste musicien, animateur à la radio Ouaga FM (deuxième radio en terme d’audience dans la capitale), « sankarien » et militant au côté d’ATTAC/CADTM et No Vox Burkina Faso est revenu sur la pensée politique et les conditions de l’assassinat de Thomas Sankara. Cet hommage politique a touché l’ensemble des participant-e-s : Camerounais-e-s, Togolais-e-s, Béninois-e-s... tou-te-s se reconnaissent dans le combat mené par le leader charismatique. Pas de mystification au rendez-vous mais l’engagement de continuer ce combat pour l’indépendance réelle des pays africains. D’où l’interpellation faite aux jeunes à s’engager d’avantage dans les mouvements sociaux comme Samska le Jah l’a rappelé : « c’est de là que naîtra la révolution et par cet acte nous perpétuerons le combat de Sankara ».
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Les activités ouagalaises se sont poursuivies par une conférence de presse, largement médiatisée avec la présence de neuf médias de la presse écrite, radio et télévisée. Les intervenant-e-s sont revenu-e-s sur la dynamique du forum social mondial et de la caravane des mouvements sociaux. De plus, la question de l’intégration régionale a été longuement abordée par les participant-e-s. Des témoignages des carvanier-e-s sont revenus sur les difficiles conditions de transit entre les différents pays, depuis le début de la caravane. En effet, un espace qui selon les accords de la Communauté des États d’Afrique de l’ouest (CEDAO) devrait être libre d’accès pour ses ressortissants est en réalité une réelle forteresse, bafouant les droits de libre circulation. Par exemple, en 2010, les conditions de l’obtention du visa burkinabè se sont alignées sur celles de la France, pays européen qui a une des politiques les plus dures. Ainsi pour rentrer au pays des Hommes intègres, les migrant-e-s sont sommé-e-s de payer 94 000 F CFA pour un visa de transit et de justifier la disponibilité de 25 000 F cfa par jour passé dans le pays. Lors du passage de la frontière de Sinkansé, entre le Togo et le Burkina Faso, six caravanier-e-s togolais-e-s qui ne disposaient que de leur carte d’électeur se sont vu expulsés par les autorités burkinabèes. Après de longues négociations sans résultats, tout le monde a pu rejoindre le Burkina Faso, suite à un passage en clandestinité des personnes qui n’étaient pas en règle.
Ainsi, la caravane a bien pour mission quotidienne d’interpeller les autorités et les citoyen-e-s des pays traversés sur la question de la libre circulation, à la fois entre les pays du Sud et du Nord, mais également au niveau régional. Alors que la problématique de la répression et du refoulement des migrant-e-s Sud-Nord est une thématique largement abordée par les mouvements sociaux, celle des migrations Sud-Sud reste une question plus marginale et pourtant de premier intérêt. Cette question fera l’objet d’une conférence lors de l’étape de Sikasso, de quoi donner de la matière à chacun-e pour défendre ses droits de libre circulation.
Dans la soirée, une conférence-débat sur « les luttes des mouvements sociaux dans la construction d’alternatives au néolibéralisme » a été organisée à l’Atelier de Théâtre Burkinabé (ATB) où le groupe résidait. Animée par les jeunes de ATTAC/CADTM Burkina et du mouvement des sans voix du Burkina Faso, elle a réunit une centaine de personnes. Les intervenants sont revenus sur l’histoire des mouvements sociaux et leurs luttes actuelles, en mettant particulièrement l’accent sur la nécessité d’ancrer les revendications et les luttes au sein des populations locales opprimées par le système capitaliste. Au cours du débat qui a suivi l’exposé, il a été souligné l’importance de mettre en place des alternatives concrétisant localement les revendications portées lors des interventions.
Départ pour Sikasso via Houndé, vive la souveraineté alimentaire !
Le 29 janvier, 4h00 du matin, départ pour Sikasso avec une étape à Houndé. 170 personnes constituent désormais la caravane, les Burkinabès s’étant joints au convoi.
Arrivée à Houndé vers midi. Sous un soleil et une chaleur de plomb, la caravane des mouvements sociaux, en solidarité avec les paysan-ne-s, a participé à une marche pour dénoncer les OGM
OGM
Organisme génétiquement modifié
Organisme vivant (végétal ou animal) sur lequel on a procédé à une manipulation génétique afin de modifier ses qualités, en général afin de le rendre résistant à un herbicide ou un pesticide. En 2000, les OGM couvraient plus de 40 millions d’hectares, concernant pour les trois-quarts le soja et le maïs. Les principaux pays producteurs étaient les USA, l’Argentine et le Canada. Les plantes génétiquement modifiées sont en général produites intensivement pour l’alimentation du bétail des pays riches. Leur existence pose trois problèmes.
Problème sanitaire. Outre la présence de nouveaux gènes dont les effets ne sont pas toujours connus, la résistance à un herbicide implique que le producteur va multiplier son utilisation. Les produits OGM (notamment le soja américain) se retrouvent gorgés d’herbicide dont dont on ignore les effets sur la santé humaine. De plus, pour incorporer le gène nouveau, on l’associe à un gène de résistance à un antibiotique, on bombarde des cellules saines et on cultive le tout dans une solution en présence de cet antibiotique pour ne conserver que les cellules effectivement modifiées.
Problème juridique. Les OGM sont développés à l’initiative des seules transnationales de l’agrochimie comme Monsanto, pour toucher les royalties sur les brevets associés. Elles procèdent par coups de boutoir pour enfoncer une législation lacunaire devant ces objets nouveaux. Les agriculteurs deviennent alors dépendants de ces firmes. Les États se défendent comme ils peuvent, bien souvent complices, et ils sont fort démunis quand on découvre une présence malencontreuse d’OGM dans des semences que l’on croyait saines : destruction de colza transgénique dans le nord de la France en mai 2000 (Advanta Seeds), non destruction de maïs transgénique sur 2600 ha en Lot et Garonne en juin 2000 (Golden Harvest), retrait de la distribution de galettes de maïs Taco Bell aux USA en octobre 2000 (Aventis). En outre, lors du vote par le parlement européen de la recommandation du 12/4/2000, l’amendement définissant la responsabilité des producteurs a été rejeté.
Problème alimentaire. Les OGM sont inutiles au Nord où il y a surproduction et où il faudrait bien mieux promouvoir une agriculture paysanne et saine, inutiles au Sud qui ne pourra pas se payer ces semences chères et les pesticides qui vont avec, ou alors cela déséquilibrera toute la production traditionnelle. Il est clair selon la FAO que la faim dans le monde ne résulte pas d’une production insuffisante.
, l’accaparement des terres et les multinationales de l’agrobusiness. Plus de 500 personnes ont défilé au son des tambours, scandant des slogans tels que « Dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
/ OGM – même combat. On n’en veut pas ! », « Monsanto dehors », « OGM, accaparement des terres – A bas ! », « Pas de frontière, pas de nation, liberté de circulation »...
En tête de cortège une centaine de paysan-ne-s sans terre de la région ouvraient avec détermination la marche, suivis par les différents réseaux constituant la caravane. A la fin de la manifestation, la déclaration de la caravane des mouvements sociaux, exposant les revendications, a été rendue publique.
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La caravane reprend ensuite la route : direction Sikasso. Arrivée dans la soirée au stade Bebamba Traoré de Sikasso, où s’était tenu en 2007 le forum des peuples. 645 kilomètres ont été parcouru depuis Ouagadougou.
Le stade Bebamba, bâtiment public a été construit par un consortium de multinationales chinoises en 2001 pour la préparation de la CAN. Situé à mi-pente d’une des collines qui entoure le centre de Sikasso, il prive quotidiennement d’eau 70% de la population, dont tou-te-s les habitant-e-s du quartier Lafiabougou ; qui ne bénéficient dans le meilleur des cas que de deux heures d’eau par jour : de minuit à 2 heures du matin. En effet, malgré l’existence d’un forage sur le site, l’alimentation en eau se fait par le réseau de la ville, pour approvisionner les sanitaires et alimenter les arroseurs de la pelouse du stade qui sont mis en route de 18h30 à 9h00 chaque jour. Des milliers de mètres cube sont ainsi destinés à la qualité du gazon plutôt qu’à la population qui en a besoin.
Notons également qu’en cas de coupure régulière, les factures mensuelles des habitant-e-s sont multipliées par dix, voir plus, en raison de l’air qui passe dans les tuyaux et fait ainsi tourner les compteurs.
Cette situation absolument scandaleuse à été brièvement dénoncée lors de la conférence sur « l’intégration régionale » organisée le 30 janvier à Sikasso, en présence du premier maire adjoint et d’autres autorités locales. Ceux-ci se sont bien gardés de répondre à cette interpellation pendant la suite du débat et se sont contentés de discuter avec les 150 participant-e-s sur des sujets moins polémiques.
Plus tard la caravane à pris la route pour rejoindre Bamako, la capitale malienne, pour poursuivre ses étapes.
Pauline Imbach (CADTM Belgique)
Zinaba Aboudou Rasmane (ATTAC/CADTM Burkina)
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