Élections 2010 en Haïti : manipulations et enjeux réels

21 janvier 2011 par Emile Brutus


Les élections de novembre 2010 viennent montrer une fois de plus l’incapacité de l’État à organiser ce rituel consacré de renouvellement du personnel politico-administratif. Le Conseil Électoral Provisoire s’est clairement engagé dans une série de grossières manipulations techniques ne laissant aucun doute sur sa partialité. Quant aux candidats, ignorant tout du discours ou de la symbolique politiques comme créateurs de lien national et politique, leur campagne n’aura été qu’une vaste opération de marketing, de corruption et de violence. Mais tout cela n’est qu’épiphénomène et stratagèmes pour gommer la lutte entre la bourgeoisie financière et la bourgeoisie « golpiste » ou « GNBiste », à l’interne, les lobbies étrangers et leur projet de s’emparer du financement de la reconstruction d’Haïti, les impérialismes et leur projet de domination et de mise sous tutelle du pays, à l’externe. Devant de tels sacrilèges et l’absence d’expression politique des revendications de la population, il revient aux mouvements sociaux progressistes d’assumer leur responsabilité historique de participer à la construction d’une véritable alternative démocratique et populaire.



Introduction

La réflexion proposée ici s’inscrit dans le prolongement d’une précédente analyse de la conjoncture post-séisme où le souci a été de tenter une mise en perspective en partant des principaux acteurs en présence et leurs représentations, les enjeux et les stratégies dont ils sont respectivement porteurs dans l’ambiance globale de débat sur la « reconstruction » du pays. [1] C’est toujours dans ce même contexte également que le pays organise une élection présidentielle et des législatives pour le renouvellement d’un tiers du Sénat et de la Chambre basse. Tout le processus électoral, en effet, aura été un long moment de scepticisme pour les citoyennes et les citoyens, de réprobation de l’agence électorale par un ensemble de partis et de regroupements politiques, compte tenu des insuffisances techniques révélées, d’une part, et du niveau élevé des risques de partialité au profit des candidats du parti soutenu par le pouvoir en place, de l’autre. Et pourtant, pour ce dernier, pour le Conseil Electoral et pour la « communauté internationale », rien ni personne ne pouvait arrêter la machine électorale engagée inexorablement dans l’organisation d’un rituel politique et civique établi par la Constitution du pays pour permettre aux citoyennes et aux citoyens d’exercer leur souveraineté en élisant leurs représentantes et leurs représentants.

Cette conjoncture électorale n’a marqué aucune césure par rapport aux évolutions dans la foulée du séisme : la majorité du 1,5 million de sinistrés est toujours refugiée dans des camps de déplacés, la capitale vit toujours sous les décombres et le pire est que le pays subit en ce moment une épidémie de choléra dont la bactérie, le vibrio cholerae, a été importé par les soldats népalais de la force multinationale d’occupation du pays. [2] Voilà pourquoi de nombreuses personnes, tout en étant sceptiques, voyaient quand même dans le processus électoral une bonne occasion de débats profonds et contradictoires sur les différents projets de reconstruction. Mais tel ne fut le cas. La campagne aura été marquée par des débats atones et poussifs ; le jour du scrutin, des fraudes massives, des violences, des intimidations et des irrégularités enregistrées en violation de la loi électorale. [3]

Ces élections qui se trouvent dans l’impasse aujourd’hui constituent le prétexte immédiat de ce nouvel exercice d’analyse. Elles sont perçues à travers une scénographie théorique construite à partir d’une préoccupation de compréhension globale d’une conjoncture faisant l’objet d’une série de débats émiettés participant eux-mêmes d’un système de mises en scène et de manipulations ayant pour fonction de gommer les vrais enjeux de l’heure. C’est une posture critique animée de l’idée de l’éclatement des cadres étriqués de conception de l’acte du vote, modalité politique d’une démocratie comme pouvoir paradoxal de ceux à qui on enlève le titre à exercer le pouvoir. [4]

1. Quand mises en scène, propagande et manipulations évincent tout discours politique

Les mécanismes de concrétisation du processus électoral renvoient aux dispositifs et aux différentes méthodes utilisées par les protagonistes dans la motivation des électeurs à s’engager dans le projet. Évidemment, à chaque acteur ses méthodes : l’agence électorale s’appui sur des manipulations d’ordre technique (en général tout le système mais surtout l’introduction des Centres d’Opérations et de Votes, COV, au milieu du processus, la tenue de liste électorale incomplète, des électeurs non inscrits sur aucune liste et la « délocalisation/exil des électeurs/trices ») [5] ; le pouvoir et les aspirants au pouvoir ont beaucoup investi dans la corruption (distribution d’argent ou de nourritures aux gens de petites conditions contre leur vote), mais tous s’appuient sur les médias pour les opérations de communication et de marketing : campagne et slogans pro-électoraux, affiches, publicités et messages divers, émissions radio et télédiffusées avec les candidats. La communication l’a nettement emporté sur l’information tandis que la réactivation des symboles populistes tels que l’amour pour le peuple ou pour le pays ne paraît pas avoir fait recette. La souveraineté nationale en relation à l’histoire héroïque du peuple n’a pas été posée comme telle dans ce contexte d’occupation du territoire national par les forces multinationales de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTAH, depuis 2004). La légitimation de soi, en ce qui concerne les candidats, est un segment qui a tout simplement manqué. [6] La campagne électorale a donc été menée non sur des programmes et des discours politiques fondés sur la mise en transparence et la démonstration des capacités à régir le social mais sur des critiques caricaturales du slogan de la « continuité » annoncée par le parti du pouvoir. [7]

Tandis que le parti du pouvoir en place propose la continuité, deux (2), au moins, parmi les candidats à la présidence les mieux placés dans les sondages se sont présentés en « candidats du changement », idée protéiforme relatant des promesses creuses et annonçant des actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
également sans contours. Leur agressivité, pour le moins verbale, ou leur démarche de diabolisation du pouvoir leur ont sans doute valu un certain résonnement dans l’électorat : tout se repose donc sur « l’ennemi menaçant », pour reprendre Lucien Sfez, dans la recherche d’une impossible cohésion [8]. Mais, il parait évident qu’aucun des attaques n’apporte des éléments de description de la situation problématique du pays ou encore la capacité des différents concurrents à porter un projet de changement capable de transformer la société. Au final, l’électorat n’a pas eu droit à des débats entre histoires causales différentes permettant de comprendre les problèmes publics, il n’a pas eu droit non plus à la confrontation de symboliques politiques en vue de fixer son choix sur un projet. Ni signe, ni symbole, ni rêve ni grandeur… L’identité politique, au mieux, est dispersée dans cette télécratie insipide où le marketing l’emporte sur le débat.

Il s’ensuit donc que ce système de communication et la dénonciation du projet de continuité se soient révélé très bruyant, mais sans grande efficacité. En effet, le 28 novembre 2010, jour du scrutin, rien ne laissait entrevoir l’effervescence populaire déjà connue, en particulier lors des élections de 1990 ou bien de la fin de l’année 2005. Jusqu’à la fin de la journée le taux de participation tournait autour de 15 à 30 % dans le meilleur des cas. Mais la journée a été également marquée par une série de stratagèmes allant de l’intimidation par des actes de violence, y compris le sabotage d’un certain nombre de centres de vote non seulement par des partisans du parti du pouvoir mais aussi par certaines autres forces politiques. Par exemple, le RNDDH rapporte que le centre de vote Building 2004 (commune de Delmas), pratiquement aux mains des partisans du candidat officiel, a été saccagé par les partisans du candidat du parti REPONS PEYIZAN (RNDDH, p. 22). À partir de là, le processus est entré dans une nouvelle étape, celle de sa contestation et donc d’un débat sur la validation ou l’annulation du vote.

La contestation est venue d’une douzaine de candidats à la présidence réunis autour d’une déclaration, « la Déclaration de Caribe Convention Center », dans laquelle ils demandent l’annulation de ces élections pour cause de fraudes massives, de violence et d’irrégularités favorables aux candidats soutenus par le régime. Dans le groupe, on comptait tous les favoris à l’exception de celui de la plate-forme INITE soutenue par le pouvoir. La mise en scène a tout l’air d’une importante machination dont les mobiles ne sont pas connus ; en effet, quelques heures plus tard, deux (2) des candidats allaient se désolidariser du groupe des Douze pour annoncer qu’ils attendaient le verdict du Conseil Électoral : Michel Joseph Martelly du parti Repons Peyizan, initiateur du mouvement, et Myrlande Hyppolite Manigat du RDNP, introductrice de l’idée de l’annulation. En fait, les premiers procès verbaux commençaient à arriver et montraient ces deux candidats en bonne position pour remporter au moins le premier tour de la présidentielle. Ce serait vraisemblablement la raison de cette double défection. Dans la foulée, on a assisté à trois groupes de mobilisation de partisans scandant chacun la victoire soit de Myrlande Hyppolite Manigat, soit de Michel Joseph Martelly ou encore de Jean Henry Céant du parti Aimer Haïti. Il est clair que ces mouvements ont eu la seule vertu de lancer des signaux à l’opinion, mais pas assez forts pour aveugler le CEP. Celui-ci est vite monté au créneau pour annoncer la validation du vote que, rappelle-il, les irrégularités recensées dans à peine 3% des centres de vote ne sauraient altérer. Il annonce même la poursuite du processus contre le voeu du courant de l’annulation qui continue d’ailleurs à organiser la résistance.

Le camp de l’annulation rappelle à chaque fois toutes les faiblesses techniques et la décrédibilisation du processus électoral. Il appuie également sa contestation sur l’argument fondamental du respect et de la prise en compte du vote de chacun des électeurs. Or, tous et toutes n’ont pas eu des chances égales dans l’exercice de ce droit à cause des faiblesses techniques (transmuées en manipulations politiques) liées à la tenue des listes ou bien au sabotage des bureaux où des électrices et des électeurs avaient exprimé leur choix. Le groupe des Douze a vraisemblablement atteint une partie de l’opinion quand il associe tous ces dérapages à une machination au profit des candidats du pouvoir. Toutefois, la position de l’annulation est affaiblie par d’autres discours portant en partie sur le respect de l’échéance constitutionnelle et plus fondamentalement sur l’argument financier.

Respecter l’échéance constitutionnelle ou éviter une claque à la « communauté internationale » ?

L’argument de l’échéance constitutionnelle et de passation du pouvoir à un Président légitime le 7 février 2011 appartient désormais au registre des clichés souventes fois balancés à l’opinion publique par le Président de la République. Pourtant, il a fait insérer dans la loi électorale un article l’autorisant à continuer à exercer le pouvoir jusqu’en mai 2011 si « pour quelque raison que ce soit », son successeur ne serait pas élu avant le 7 février. Il semble que la communauté internationale adhère à cette idée d’autant plus qu’elle rechigne à l’idée d’une nouvelle transition avec un pouvoir de facto. Alors, elle essaie de battre en brèche l’idée de l’annulation en avançant un argument plus solide, l’argument financier. En fait, c’est la communauté internationale qui finance ces élections. Il se trouve que les différentes agences de cette communauté internationale interviennent peu ou pas – tout au moins publiquement – sur cette question du financement. Mais ce discours sur où trouver un nouveau financement dans le cas de l’annulation de ces élections constitue une aporie. Dans les medias, la tendance consiste à dire que c’est la communauté internationale qui a le pouvoir de décider de l’annulation ou de la validation des élections car « qui finance commande ». Et dans la situation actuelle, rien ne montre sa prédisposition à céder à la pression du Groupe des Douze qui multiplie d’ailleurs les mobilisations et manifestations de rue. C’est dans cette mouvance qu’Edmond Mulet, le directeur de la MINUSTAH, va lâcher sa déclaration tapageuse sur « le retrait de la communauté internationale et l’annulation de toutes les promesses d’aide à la reconstruction d’Haïti si le vote populaire n’est pas respecté ».

Le scoop d’Edmond Mulet a tout l’air de la manifestation incontrôlée de ses nerfs qui ont lamentablement lâchés. Il reste que cette apparence d’énervement a surpris plus d’un croyant qu’en diplomatie le devoir de réserve et le secret sont des valeurs cardinales. Cette déclaration longuement commentée dans la presse n’est qu’un épiphénomène qui mérite toutefois une attention particulière. D’abord par rapport aux conséquences qu’il pourrait engendrer, plus particulièrement le réveil du sentiment nationaliste chez les haïtiennes et les haïtiens et son corollaire obligé un soulèvement populaire national contre la MINUSTAH et leur complice apparent René Préval, voire contre l’ONU elle-même. Nul doute qu’un tel effet est recherché sinon souhaité par certains impérialismes. Car ce serait la vraie occasion pour les 22,000 marines de débarquer à nouveau et s’emparer du contrôle du pays, ce qu’ils n’ont pas pu faire dans la suite du séisme du 12 janvier 2010 qui a ravagé certaines régions pays. Il y a ainsi dans les propos insidieux d’Edmond Mulet une tentative de manipulation et de provocation à l’endroit de tout un peuple dont l’histoire est un vibrant témoignage de lutte pour son indépendance politique et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Ensuite, dans cette déclaration imbibée de menaces d’Edmond Mulet, se dénote un sentiment d’impuissance et un grand désarroi qui cachent mal les sempiternelles méprises de l’ONU, concernant Haïti et aussi l’incompétence du diplomate lui-même ou de toute la Mission qu’il dirige. Celle-ci est censée arrivée 2004 en Haïti après le renversement de Jean-Bertrand Aristide, président de la République, en vue de stabiliser ce pays en « ébullition » depuis 2003. Par des manœuvres électorales non moins grossières, cette mission onusienne est parvenue à mettre au pouvoir l’actuel chef de l’État aujourd’hui très contestée dans l’opinion publique. L’intérêt du choix de Préval est plus clair encore aujourd’hui avec les révélations de Wikileaks sur la diplomatie des États-Unis : le grand voisin reconnait en Préval un cynique et le seul politicien haïtien à avoir de l’envergure et une certaine efficacité dans la gestion du pouvoir, ne serait-ce que par son machiavélisme. Donc, c’est sur lui que s’est reposée la stratégie de la MINUSTAH pour réaliser son soi-disant projet de stabilisation du pays, pouvant se résumer en un cocktail comprenant cinq éléments : négocier avec les bandits (lesquels ?), éliminer physiquement quelques-uns de leurs chefs établis dans les quartiers populaires et défavorisés, déstabiliser les partis politiques et les organisations populaires proches du parti Fanmi Lavalas en débauchant leurs cadres ou leurs figures marquantes, organiser des élections « techniquement » acceptables et contenir le mouvement social. La recette marche puisqu’elle a fait baisser le taux de la criminalité organisée, le kidnapping et cassé les ailes à une opposition politique déjà fébrile. Quant aux mouvements étudiants, syndicaux et populaires, ils sont réprimés violemment par la MINUSTAH. Dans les milieux gouvernementaux et internationaux on tend à parler de stabilisation politique et de retour de la sécurité.

René Préval essaie toujours de mettre à son actif Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
cette soi-disant stabilisation politique, d’ailleurs elle fonde le thème de la continuité agité dans la campagne électorale de son parti. En 2009, Paul Collier, dans son rapport au Secrétaire général des Nations Unies, Ban Kimoon, a assuré que la MINUSTAH a réussi la stabilisation politique et que la communauté internationale doit maintenant s’assurer de la stabilité économique. [9] Malheureusement, aujourd’hui, après six ans de présence et de « travail » de la MINUSTAH et cinq du règne de Préval II, le bilan est que la stabilisation n’a pas eu lieu malgré la double politique militaire et du chéquier de la Communauté internationale (renforcement militaire, budget de la MINUSTAH, décaissements de fonds pour les élections de 2009 et 2010). Les mouvements sociaux dénoncent l’occupation du pays par les forces onusiennes ; dans la population, les militaires de la MINUSTAH (assimilés à des touristes : MINUSTAH est déformée en TURISTA par la malice populaire) sont des occupants qui tuent les gens et qui violent femmes et enfants, qui volent le cheptel des paysans et qui ramènent le choléra etc.

En somme, la MINUSTAH a échoué dans sa prétendue mission de stabilisation. Pour preuve : la persistance de la crise électorale, ouverte à l’occasion des législatives de 2009 boudées par la population mais validées par la MINUSTAH et le reste de la communauté internationale au grand dam des contestations venues des partis politiques de l’opposition et d’un ensemble d’organisations de la société civile. Donc, les élections de 2010, c’est la trompe d’eau qui noie Edmond Mulet, René Préval et la MINUSTAH. Cela, le chef de la MINUSTAH ne peut l’accepter de gaité de cœur : c’est le signe évident qu’aucune stabilité ne s’est réalisée et l’illustration de son incompétence puisqu’il s’est retrouvé à deux reprises à la tête de cette mission. Sa menaçante déclaration participe de ce que la psychologie appelle la dissonance cognitive : incapable de contenir les forces progressistes et d’assujettir le peuple haïtien, tel qu’il en reçoit le mandat de ses patrons, il cherche maladroitement à en imputer la responsabilité aux autres, à ces acteurs qui dénoncent l’inacceptable, c’est-à-dire la violation du droit de vote des citoyennes et des citoyens, la violation des lois et de la constitution du pays et cette forme de démocratie au rabais que la Communauté internationale essaie d’imposer au pays avec ce genre d’élections illégitimes et bâclées. Dans ces conditions de contestation et de protestation, Edmond Mulet définit une nouvelle stratégie de manipulation reposant désormais sur une rhétorique de la peur : peur que le pays s’enlise dans la violence, que le pays ne reçoive plus l’aide internationale, que le choléra va décimer la population, que le pays va vers l’abime etc. Les mises en scène et les mensonges vont ainsi continuer.

Dans l’ensemble, nul ne peut contester aujourd’hui l’illégalité et les insuffisances techniques de la machine électorale depuis ses débuts jusqu’à la nouvelle conjoncture créée par les événements du 28 novembre 2010. Faut-il valider ou annuler ces élections ? Posée en ces termes, la question élude les vrais débats et les vrais enjeux. D’ailleurs, toute une guerre idéologique est engagée dans un sens comme dans l’autre pour justifier l’une ou l’autre position, l’objectif étant de créer une légitimité ou au mieux une mobilisation populaire autour de projets politiques sans réel rapport avec les aspirations démocratiques nationales portant prioritairement sur les conditions de vie de la population et la construction du bien-être collectif. Toutes les arguties précédemment identifiées n’ont pour réelle fonction que de gommer les vrais problèmes et les intérêts inavoués et inavouables au fondement de ces élections.

2. Enjeux des élections du 28 novembre 2010

Il est un lieu commun que l’élection permet aux gouvernés de choisir leurs gouvernants et de juger, du coup, leur politique. Mais on connait désormais toutes les manipulations qui polluent l’ambiance électorale et amenuisent la valeur et l’intérêt de ces choix. Le citoyen roi de la démocratie bourgeoise n’est autre que le maitre déchu dans un système de domination le condamnant à l’exclusion des sphères réelles de décision et du pouvoir [10]. Il reste toutefois évident que l’élection, dans sa fonction symbolique, confère un surcroit d’autorité légitime à ceux qui exercent le pouvoir et réactive chez les gouvernés le sens de leur appartenance au grand groupe grâce à l’exercice collectif d’une prérogative partagée [11]. Les élections de novembre 2010 en Haïti rencontrent donc toutes ces philosophies de la question politique ; cependant, dans la conjoncture actuelle elles renvoient à d’autres questions spécifiques non moins fondamentales résultant de la structuration de la société haïtienne, de la configuration des rapports de forces dans l’organisation de l’État - y compris les forces et les intérêts étrangers. Les élections prennent donc l’allure d’une arène où s’expriment et se défendent des intérêts et des enjeux aussi bien de recomposition que de domination politiques.

Stabiliser le système politique ou légitimer l’occupation du pays ?

Au plan structurel, rappeler l’obsolescence de l’appareil politico-administratif et du mode fonctionnement néo-patrimonial du pouvoir dans le pays est presqu’une tautologie : inadaptation des institutions par rapport aux demandes et besoins de la société, inarticulation des instances, autocratisme, clientélisme, corruption, centralisation de fait et refus du changement sont des éléments caractéristiques du système. Evidement, rien dans les débats électoraux, à part quelques incantations de candidats auxquelles l’opinion publique est normalement familière n’indique une recherche de rupture. Tout cela pour rappeler que ces élections s’inscrivent dans le prolongement d’une tradition politico-administrative inadaptée par rapport aux évolutions et à la dynamique de notre société. La preuve est que ces nouvelles élections représentent une nouvelle cause d’instabilité et de lutte politique peu fécondes. On est donc très loin de la finalité angélique de la fonction du renouvèlement du personnel politico-administratif.

Cette instabilité qui s’ouvre oblige à tourner le projecteur sur le CEP qui est l’institution chargée d’organiser les élections et la MINUSTAH qui a pour mandat « d’assurer la stabilisation politique d’Haïti ». [12] Dans les deux cas les élections de novembre témoigne d’une faillite totale. Car si le CEP par incompétence et par partialité n’est pas parvenu à monter une machine convaincante et donc crédible, ce n’est pas la MINUSTAH qui se targuera d’avoir créé les conditions d’une stabilisation politique dans le pays trop souvent présentée dans les bilans de la mission onusienne. Ces élections ont en effet décrédibilisé le CEP, la MINUSTAH et la communauté internationale, celle-ci particulièrement toujours entêtée à réaliser des élections dans le pays comme pour justifier sa présence à travers leur force d’occupation. Mais tout prouve qu’elle pêche par omission, par incohérence et par erreur d’appréciation : la MINUSTAH devait assurer la logistique de ces élections tout comme la sécurisation des matériels sensibles. Paradoxalement, les bulletins de vote étaient déjà en circulation avant l’ouverture du vote. De plus, où étaient les forces militaires et les patrouilles de la MINUSTAH quand des individus armés ont pénétré les centres de vote pour les saboter ? Il y a même eu des victimes, des citoyens qui ont payé de leur vie le seul fait d’avoir répondu à leur devoir civique de se retrouver dans un centre vote pour exercer leur prérogative de souverain.

Désapprouver le régime incarné par René Préval

Cet exercice du droit à la souveraineté a pris une allure particulière dans cette conjoncture. D’abord à en croire le taux de participation, la majorité de l’électorat a montré des signes de défiance vis-à-vis du processus, ainsi le peuple n’a pas cédé au chant des sirènes et à toutes les manipulations médiatiques qui ont émaillé la campagne électorale. Ensuite, et à contrario, une autre conscience semble avoir décidé une petite partie de l’électorat à aller aux urnes non pas pour aller voter « pour un candidat » ou « pour un projet » mais « pour n’importe qui » pourvu que ce ne soit le candidat du pouvoir. Le rituel du 28 novembre 2010 a vite pris l’allure d’un vote sanction du régime incarné par René Préval et de cette frange de la bourgeoisie (l’oligarchie finacière) dont il gère les intérêts et le pouvoir politique, lesquels constituent les éléments fondamentaux de la compréhension de cette dynamique électorale et donc de l’instabilité politique qui se profile dans la conjoncture actuelle.

Assurer la continuité de la domination de l’oligarchie financière

« Continuité », c’est le slogan de la plate-forme politique au pouvoir, en référence à une soit disant stabilité politique réalisée par le régime de Préval par rapport à la construction de route dans le pays, par rapport à la réactivité de la compagnie nationale des équipements pour le ramassage des cadavres jonchant les rues de la capitale suite au séisme du 12 janvier, donc par rapport au bilan du règne de Préval. Mais continuité également – ce qu’on ne dit pas – du règne de la bourgeoisie ou de l’oligarchie financière et des fournisseurs de l’état dans leur jouissance immonde des richesses du pays, des ponctions dans les finances publiques et de la liberté dans les spéculations et la liquidation des entreprises publiques. Pour preuve, 50 % des profits réalisés par le secteur bancaire dans le pays proviennent des bons de la Banque de la République d’Haïti (banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. ). Dans ces conditions, l’idée de continuité, tout en ne manquant pas d’indécence, hérisse d’autres franges de la bourgeoisie notamment les « GNBistes » [13]. Cette dernière conteste la dominance de la première et voudrait profiter de ces élections pour tenter de prendre le pouvoir et contrôler à son tour l’appareil d’état. Voici ce que alternance veut dire…

Cette guerre entre des fractions de la bourgeoisie est rendue plus compréhensible que la conjoncture actuelle amène un projet flou et donc sans contour de reconstruction du pays. C’est ainsi que de nombreux acteurs tant nationaux qu’internationaux se sont mis à élaborer des projets de reconstruction d’Haïti : le plan de relèvement et de développement national (PRDN) est le point de rencontre du gouvernement, du secteur privé des affaires (de la bourgeoisie) et de la communauté internationale. Et puisque le pays est prétendument pauvre et dépourvu de ressources pour sa reconstruction, de nombreuses conférences internationales sont organisées pour obtenir des engagements financiers qui se sont élevés à environ 11 milliards de dollars américains. Donc, la lutte pour le pouvoir politique à travers ces élections c’est clairement la lutte pour le contrôle de ces ressources.

Achever l’État, libéraliser la reconstruction, renforcer les projets impérialistes…

Dans le texte d’analyse de la conjoncture post-séisme, les stratégies et les enjeux de la reconstruction ont déjà été étudiés. Il y est clairement présenté le projet de domination impérialiste à travers une stratégie de modernisation néolibérale portée par les États-Unis, la France, le Canada, le Brésil etc., toutes ces puissances sont relayées par les institutions internationales. À cela, s’ajoute la mise en garde d’Adolfo Perez Esquivel qui, à la suite de sa mission en Haïti en 2005, prévient que ce qui se passe en Haïti à travers la MINUSTAH préfigure ce qui va se passer en Amérique Latine et dans le reste du Monde [14]. Ces deux postures constituent donc le référentiel global des projets impérialistes dans et contre Haïti.

Le contexte électoral actuel tend à illustrer dans les détails la puissance de l’analyse qui a été faite en montrant un éventail plus ample d’intérêts qui place les classes dominantes internes face à des concurrents internationaux puissants qui s’investissent également dans le processus. C’est ainsi que certains candidats sont fortement appuyés par des lobbies Lobby
Lobbies
Un lobby est une structure organisée pour représenter et défendre les intérêts d’un groupe donné en exerçant des pressions ou influences sur des personnes ou institutions détentrices de pouvoir. Le lobbying consiste ainsi en des interventions destinées à influencer directement ou indirectement l’élaboration, l’application ou l’interprétation de mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, toute intervention ou décision des pouvoirs publics. Ainsi, le rôle d’un lobby est d’infléchir une norme, d’en créer une nouvelle ou de supprimer des dispositions existantes.
étrangers tandis qu’ils bénéficient également de l’encadrement d’experts et de think thank venus des grands voisins du Nord. Ces candidats se présentent le plus souvent comme les candidats du changement par rapport à la continuité arborée par les candidats du pouvoir réputés conservateurs. De la sorte, ces intérêts étrangers sont relayés par les gouvernements des pays de leur origine et s’appui sur deux instances majeures pour garantir leur défense : la MINUSTAH comme force militaire de coercition et la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) comme instance supranationale de décision et d’orientation stratégique. Dans ces conditions, ces élections ne peuvent par avoir pour finalité de renforcer et de stabiliser les institutions nationales : elles participent ainsi d’un projet global de démantèlement sinon d’affaiblissement de l’état pour laisser libre cours aux projets impérialistes. Dans les années 80, on parlait du plan américain pour Haïti et de l’initiative pour le bassin des Caraïbes (CBI en anglais). Dès la fin des années 80, le néolibéralisme s’impose avec la libéralisation des marchés dans le sillage des programmes d’ajustement structurels. Haïti reste donc l’un des pays les plus dépendants du monde et les plus soumis aux diktats des institutions financières internationales et des pays comme les Etats-Unis, la France, le Canada ou encore le Brésil et la République Dominicaine. Un vaste plan de mise sous tutelle du pays semble à l’œuvre.

… et évaluer l’option tutelle

Le projet de mise sous tutelle d’Haïti n’est pas une idée creuse, sans consistance pratique. Il a été savamment documenté en 2002 par un journaliste de la République Dominicaine qui a conduit une enquête auprès d’un ensemble de fonctionnaires et d’officiels des Nations Unies. La synthèse des entretiens qu’il a eus avec ces derniers témoigne du cynisme des institutions internationales et des pays dits amis d’Haïti. D’abord le projet consiste en un assistantialisme de départ (rappelé dans de nombreux documents internationaux relatifs à Haïti dont la Rapport Collier) en passant par la prise en charge d’une série de services à la population par les institutions internationales jusqu’au remplacement de la population haïtienne par d’autres venues particulièrement de l’Europe de l’Est [15]. A chaque pays, à chaque puissance son petit projet de tutelle pour Haïti. Pour Régis Debray, idéologue de la droite française sur la question de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
de la France vis-à-vis d’Haïti, la communauté internationale doit inventer une nouvelle catégorie de pensée en ce qui concerne Haïti. Il pense que ce pays doit jouir du statut de « pupille de l’humanité » en référence aux enfants orphelins de la guerre en France et qui sont pris en charge par la nation, donc assistés et placés sous tutelle durant le temps de leur minorité.

Dans l’ensemble, ces élections, non seulement, montrent les enjeux et les luttes entre classes dominantes nationales, lobbies étrangers et impérialismes pour le contrôle de l’appareil politico-administratif du pays mais également elles révèlent tout le mépris de ces acteurs à l’endroit du peuple haïtien, objet de toutes les manipulations et instrumentalisé pour légitimer un pouvoir politique auquel il est étranger et dont il ignore les tenants et aboutissants. Ces élections sont donc une insulte à la nation et un affront au peuple qui est une fois encore mis hors jeu au profit d’une coalition puissante d’intérêts la reléguant au rang d’instrument ne servant qu’à légitimer son propre assujettissement : la victime est consentante et le tour est joué… Malheureusement, il est loin de bénéficier de l’appui de la petite bourgeoisie trop préoccupée par sa survie mais surtout obnubilée et enfermée dans le « syndrome de la chauve-souris » (la souris qui veut investir la région des airs) [16]. Elle participe au développement d’un secteur assez récent, celui de l’ « entrepreneuriat social », en clair, celui des organisations non gouvernementales (ONG) et d’un nouveau patronat, celui des acteurs non étatiques (ou non éthiques !). Elle jouit de la fin annoncée de la politique sécularisée sous les assauts du néolibéralisme au nom d’un certain principe gestionnaire abandonnant la représentation volontariste de l’art politique comme programme de libération et promesse de bonheur [17].

En guise de conclusion : vers une alternative démocratique et populaire

L’élection a triomphé du tirage au sort avec le triomphe, lui-même, du modèle du gouvernement représentatif au XVIIIe siècle en occident. Dans son étude sur les principes de ce nouveau modèle, Bernard Manin [18] montre bien comment Madison aux USA, Siéyès et Rousseau en France ont cherché à penser une nouvelle forme de gouvernement qu’ils considéraient comme supérieure au modèle de démocratie grecque où le peuple participait directement aux affaires de la cité et où aussi le sort généralement permettait de désigner les dirigeants [19]. Dans le modèle démocratique occidental, l’exercice direct du pouvoir du « demos », consubstantiel à la démocratie, s’est transmué en un système où le peuple se fait représenter par des élus à travers des mécanismes électoraux. Les vertus reconnues à l’élection ne sont plus à rappeler sauf qu’elle a conduit à la confiscation du pouvoir du peuple au profit d’intérêts dominants. Attaqué de toutes parts, le modèle jette du lest et devient la démocratie participative. Jürgen Habermas fait partie des penseurs de cette démocratie participative, déjà dans sa critique des modèles décisionniste (traditionnel ou charismatique) et technocratique de légitimité du pouvoir politique en proposant le modèle pragmatique qui exige la confrontation des choix techniques au monde vécu social [20]. Mais ses thèses sur la participation sont une recherche d’une éthique de la discussion repoussée à des échéances toujours plus lointaines notamment par les critiques de Pierre Bourdieu sur la violence symbolique.

L’essoufflement de la démocratie représentative et les débats ou comportements politiques (notamment la désertion civique pour reprendre Marcel Gauchet) auxquels il a donné lieu est à l’origine du modèle autogestionnaire réactivé dans les années 70 plus particulièrement en Europe occidentale. L’arrivée au pouvoir des socialistes en France ne l’a pas fait avancer tandis que la nouvelle vague néolibérale sous l’impulsion de Margareth Thatcher et de Ronald Reagan allait se déployer avec une grande vigueur : la notion de gouvernance va soutenir toute l’économie politique du néolibéralisme [21].. C’est dans ce contexte qu’une série de micro-expériences de participation allaient être tentée un peu partout dans le monde : conférences de consensus au Danemark, aux États-Unis, débats publics en France etc. L’expérience la plus emblématique est toutefois venue du Brésil avec le Budget Participatif de Porto Alegre sur l’initiative du Parti des Travailleurs (PT). Elle comporte des limites certes ; mais il n’est pas vain d’en rappeler l’intérêt pour réfléchir à un modèle haïtien de participation politique comme alternative à la confiscation du pouvoir du peuple par l’oligarchie haïtienne de mèche avec les multinationales et les intérêts des lobbies étrangers.

En effet, l’alternative démocratique et populaire est un projet dont les principaux éléments transpirent des revendications populaires et démocratiques enregistrées depuis au moins les trente (30) dernières années [22]. Cependant, elle n’a trouvé aucune expression politique dans les divers agendas politiques connus dans le pays. Au plan proprement politique, les mouvements sociaux revendiquent principalement :

- la rupture avec la domination impérialiste et son projet de modernisation néolibérale. Ils suggèrent la promotion et l’émergence d’une société de justice sociale, d’égalité et de souveraineté, d’une part, et d’un modèle de solidarité et de mutualisation entre les peuples, de l’autre.
- la décentralisation des pouvoirs de l’État et la démocratisation du service public
- la participation de toute la nation aux décisions engageant la vie nationale.

Mais tout cela doit être ramassé dans une stratégie et un programme qui en montrent clairement les mécanismes et les ancrages réels. Ce ne pourra pas être de la déclamation ni de l’incantation ou du folklore puisque Porto Alegre aura appris qu’il n’y a pas de participation populaire et démocratique sans maîtrise des choix et des financements publics. Les échecs du modèle démocratique occidental avec la confiscation du pouvoir du peule qu’il opère aura également appris qu’il manque une maille dans la chaîne : la possibilité d’évaluation et de contrôle permanent de l’action des élus. L’alternative démocratique et populaire doit créer des mécanismes permettant au peuple d’évaluer le travail des élus pour les confirmer ou les révoquer. C’est l’institution des mécanismes révocatoires. Le tirage au sort devra être réévalué comme mode de choix des dirigeants pour autant qu’il puisque rétablir les citoyennes et les citoyens dans leur égalité et que le sort pourra mieux déterminer entre égaux par nature et inégaux par asymétrie de la concentration des ressources aux mains d’une aristocratie ou d’une oligarchie dont la seule motivation téléologique et axiologique reste l’accumulation et la reproduction chaque fois davantage du capital. Alors, le peuple et la nation toute entière doivent désormais prendre leurs destinées en main en se mobilisant pour construire ce projet alternatif. Les forces progressistes, les mouvements sociaux et politiques doivent aussi comprendre qu’à ce stade, il n’y a aucune place pour les déclamations et le folklore : la pensée progressiste doit se traduire dans des engagements et dans de nouvelles opérations symboliques qui revivifient la nation ou stabilisent les rapports sociaux.


Émile Brutus est responsable du cours de science politique à l’Institut des Hautes Études Commerciales et Économiques et est directeur du Programme Démocratie Participative à la Plate-forme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternative (PAPDA).

Notes

[1Voir le texte cosigné de Émile Brutus et Camille Chalmers, « Construire ou Reconstruire Haïti ? Acteurs, enjeux et représentations (stratégies) » consultable, à l’origine, sur www.papda.org et repris dans l’ouvrage collectif codirigé par Pierre Buteau, Rodney Saint-Éloi et Lyonel Trouillot, Refonder Haïti ?, Montréal, éditions Mémoire d’encrier, 2010

[2Le quotidien français Le Monde dans son édition du 5 décembre 2010 a révélé les conclusions de l’enquête épidémiologique menée en novembre par le professeur Renaud Piarroux, spécialiste du choléra (Centre Hospitalier Universitaire de Marseille) envoyé par le gouvernement français. Le rapport identifie sans équivoque l’origine népalaise de l’épidémie : le camp du bataillon népalais de la MINUSTAH, la force d’occupation, les Casques bleus en Haïti. L’enquête a été commanditée par le Ministère des Affaires Étrangères de la France. Consultez le rapport d’enquête à l’adresse suivante :
http://www.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20101210/1452027_1b80_cholera_haiti_rapport_pr_piarroux.pdf. Ses conclusions sont confirmées par une équipe de spécialistes américains. Voir à ce sujet l’article publié par The New England Journal of Medicine, « The Origin of the Haitian Cholera Outbreak Strain », à l’adresse suivante :http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMoa1012928

[3Voir à ce sujet tous les rapports d’observation de ces élections, en particulier ceux de la Plate-Forme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains (POHDH), Les Élections du 28 novembre 2010 : l’État Haïtien viole le droit civil et politique des citoyens et citoyennes, 30 novembre 2010 ou du Réseau National de Défense des Droits Humains en Haïti (RNDDH), Rapport du RNDDH sur les élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2010, Port-au-Prince, 3 décembre 2010

[4Cette formule est empruntée à Jacques Rancière, Aux bords du politique, Paris : Gallimard, 2004, p. 17.

[5Voir le rapport du RNDDH sur les listes électorales, p. 6.

[6Joseph Michel Martelly, candidat à la présidence, s’en prend à Yvon Neptune, Leslie Voltaire et Myrlande Manigat, candidats et candidate comme lui, dans un débat préélectoral radio-télédiffusé et tente de justifier sa candidature. Comme toute légitimation de sa présence, il lâche : « Je suis candidat à la présidence du pays, ce n’est pas ma place. Mais si je suis là, c’est parce que vous n’avez pas fait votre travail en tant que professionnels de la politique » (Traduit du créole au français).

[7Christian Le Bart, Le discours politique, Paris, PUF 1998. Il distingue quatre moments dans la construction et l’analyse du discours politique : la mise en transparence du social, la légitimation de soi, la prétention à régir le social et la construction des identités, pp. 71-96

[8Lucien Sfez, La symbolique politique, 8e édition, PUF, 1988, p. 95.

[9Collier Paul, Haïti : des catastrophes naturelles à la sécurité économique. Rapport au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Department of Economics, Oxford University, Janvier 2009.

[10Outre l`étude J. Rancière citée précédemment, cette thèse est brillamment présentée par Philippe d`Iribarne, Vous serez tous des maitres. La grande illusion des temps modernes, Seuil, 1996.

[11Philippe Braud, Sociologie politique, 5e édition, LGDJ, 2000, p. 329.

[12Le mandat de la « stabilisation » est clairement une impropriété qui procède du chapitre 7 de la charte des Nations Unies renvoyant lui-même à l’urgence d’intervenir en cas de menaces contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression. Cette mission se révèle donc inadaptée puisque la situation haïtienne n’est pas celle d’un conflit armé, ni d’agression, ni de trouble de la paix internationale.

[13La bourgeoisie « GNBiste » ou « golpiste » (de GNB, décliné en créole haïtien Grenn Nan Bonda) est cette frange qui s’associe aux coups d’État (de l’espagnol golpe) et à l’installation des gouvernements de facto lui garantissant les conditions exceptionnelles pour son enrichissement). Elle a été à l’avant-garde de la lutte ayant conduit au renversement de Jean-Bertrand Aristide en 2003-2004. Elle a pour caractéristique de créer les situation de trouble et de crise politique en vue de composer un pouvoir de facto la favorisant en lui cédant des franchises douanières, en lui accordant les marchés publics et fermant les yeux sur les activités de contrebande.

[14Voir le texte « Construire ou reconstruire Haïti. Acteurs, enjeux et représentations (stratégies) », signé de Camille Chalmers et Émile Brutus. Il est consultable en ligne sur le site de la PAPDA, www.papda.org

[15Se référer à ce sujet à l`article de Pedro Delgado Malagón, « Proposition pour la mise sous tutelle de Haïti », In RUMBO, 18 février 2002. Cet article offre un plan de mise sous tutelle d`Haïti.

[16Métaphore empruntée au psychiatre interviewé par Pierre Bourdieu dans le film de Pierre Carles, Pas vu, pas pris.

[17La thématique est abordée par Jacques Rancière, op. cit.

[18Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, 1996.

[19Mooses I. Finley, L’invention de la politique, Flammarion 1985.

[20Jürgen Habermas, la technique et la science comme idéologie, Gallimard, 1973.

[21ABERS Rebecca, « La participation populaire à Porto Alegre au Brésil », in Les Annales de la recherche urbaine, n° 80-81, déc. 1998.- pp.43-53

[22Une bonne idée peut être la tenue des états généraux des revendications démocratiques et populaires aux niveaux local, régional et national comme éléments de la mobilisation devant conduire à la construction du projet alternatif.

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