Retour sur le we du 5-6 décembre à Montreuil
7 décembre 2015 par Rémi Vilain
Au détour d’une rue à Montreuil...
À l’occasion des « négociations » sur le climat qui se déroulent actuellement à Paris et au Bourget pour la COP21, je vous propose de partager ma semaine au cœur des mobilisations citoyennes et des mouvements sociaux.
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Samedi 5 décembre : Ouverture du Village mondial des alternatives et du Sommet Citoyen pour le Climat »
À la sortie de la station de métro « Mairie de Montreuil » à 13h, me voilà débarqué au cœur de ce « Village mondial des alternatives » sur la place de la mairie, pour le week-end du 5-6 décembre 2015. Alors que la veille, les représentants de la société civile se sont faits expulser par les forces de l’ordre française du salon « False solutions COP21 », [1] l’ambiance est tout autre place Jean Jaurès. Ici, de réelles solutions à l’initiative d’indépendants et de PME locales et internationales sont présentées. Une multitude de stands nous propose des alternatives pour des domaines aussi variés que l’éco-habitat et les maisons en paille, l’énergie, le transport ou encore la promotion de l’agriculture paysanne, gage de souveraineté alimentaire. Les allées du village sont combles et l’ambiance y est clairement conviviale entre consommation de produits équitables et discussions éclairées sur les alternatives à entreprendre pour mener une transition à la fois écologique et sociale. L’appel à la convergence y est d’ailleurs clairement déclaré à travers la tenue d’une table ronde sur « Les alternatives et résistances au changement climatique du local au global et la construction d’un mouvement pour la justice climatique ».
Quelques rues plus loin, nous retrouvons le « Sommet Citoyen pour le Climat » qui a pris place dans le lycée Jean Jaurès du quartier, spécialement ouvert à cette occasion. Cet espace dédié aux ateliers et aux conférences accueillait bon nombre d’intervenants. L’éventail très large des sujets abordés exprimait à quel point le changement climatique est une question qui concerne l’ensemble de la société. Guerre, accords de libre-échange, luttes locales des femmes, impacts du réchauffement en fonction des zones géographiques, agro-industrie et autres agro-carburants ont été très largement traités lors de ce sommet.
Le CADTM était lui aussi représenté puisque Sushovan Dhar (CADTM Asie) et Nicolas Sersiron (CADTM France) ont traité de la question de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
écologique dans une salle de classe pleine pour l’occasion. Alors que Nicolas Sersiron a abordé la dette écologique
Dette écologique
La dette écologique est la dette contractée par les pays industrialisés envers les autres pays à cause des spoliations passées et présentes de leurs ressources naturelles, auxquelles s’ajoutent la délocalisation des dégradations et la libre disposition de la planète afin d’y déposer les déchets de l’industrialisation.
La dette écologique trouve son origine à l’époque coloniale et n’a cessé d’augmenter à travers diverses activités :
La « dette du carbone ». C’est la dette accumulée en raison de la pollution atmosphérique disproportionnée due aux grandes émissions de gaz de certains pays industriels, avec, à la clé, la détérioration de la couche d’ozone et l’augmentation de l’effet de serre.
La « biopiraterie ». C’est l’appropriation intellectuelle des connaissances ancestrales sur les semences et sur l’utilisation des plantes médicinales et d’autres végétaux par l’agro-industrie moderne et les laboratoires des pays industrialisés qui, comble de l’usurpation, perçoivent des royalties sur ces connaissances.
Les « passifs environnementaux ». C’est la dette due au titre de l’exploitation sous-rémunérée des ressources naturelles, grevant de surcroît les possibilités de développement des peuples lésés : pétrole, minéraux, ressources forestières, marines et génétiques.
L’exportation vers les pays les plus pauvres de produits dangereux fabriqués dans les pays industriels.
Dette écologique et dette extérieure sont indissociables. L’obligation de payer la dette extérieure et ses intérêts impose aux pays débiteurs de réaliser un excédent monétaire. Cet excédent provient pour une part d’une amélioration effective de la productivité et, pour une autre part, de l’appauvrissement des populations de ces pays et de l’abus de la nature. La détérioration des termes de l’échange accentue le processus : les pays les plus endettés exportent de plus en plus pour obtenir les mêmes maigres recettes tout en aggravant mécaniquement la pression sur les ressources naturelles.
de manière plus large au travers du pillage des ressources naturelles entrepris par les grandes puissances économiques depuis la découverte « des nouveaux mondes » à l’époque de Christophe Colomb jusqu’à aujourd’hui, Sushovan Dhar nous a parlé de cette problématique en Inde mettant en relief les divergences entre les personnalités politiques indiennes et la population. Si ces classes dirigeantes proclament, à juste titre, ne pas être responsables des émissions de gaz à effets de serre contrairement aux pays industrialisés, en réalité, elles protègent ce système qui leur permet de garder le contrôle du pouvoir et de leurs intérêts au détriment des populations locales directement impactées par une pollution massive et une agriculture aussi intensive que destructive, menant quotidiennement des paysans à mettre fin à leurs jours face à des conditions de travail toujours plus nocives pour leur santé.
Ensuite, retour au village mondial des alternatives, où la tenue d’un stand nous a permis d’être au plus proche de la population et de nous rendre compte que le CADTM et la reconnaissance des dettes illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables, rencontraient un écho de plus en plus important, la proximité à la fois géographique et temporelle du cas de la Grèce n’y étant probablement pas étrangère. Pour finir, instant détente autour des concerts organisés sur la place Jean Jaurès.
Dimanche 6 décembre : Multinationales au banc des accusés et les #Faucheurs de Chaises à l’honneur
Lors de cette seconde et dernière journée du Sommet Citoyen pour le Climat et du Village mondial des alternatives, le CADTM, en tant que signataire de la campagne « Stop corporate impunity » (Arrêter l’impunité des entreprises), était invité à prendre la parole pour parler des audits de la dette au sein de l’atelier « Souveraineté des peuples VS Architecture de l’impunité ».
Dans un premier temps, de nombreux représentants de pays impactés par les projets destructeurs des multinationales ont pris la parole successivement. Joseph Purugganan, de Focus on the Global South, a abordé l’impact de l’extraction minière aux Philippines, Lucile Daumas, d’ATTAC/CADTM Maroc, évoqué l’impact de Veolia sur l’accès à l’eau et à l’électricité pour les populations tandis que Humberto Piaguaje, d’UDAPT-Équateur, revenait sur l’affaire Chevron en Équateur.
La seconde partie du séminaire était, elle, consacrée aux alternatives existantes et à développer, pour que les multinationales répondent de leurs actes, que les populations soient dédommagées et que de nouveaux modèles, à la fois égalitaires et responsables de l’environnement, soient mis en place. Alors que Themba Nthavela, représentant de la Via Campesina en Afrique du Sud, plaidait pour une souveraineté alimentaire au travers de l’aqua-agriculture comme une alternative pratique affrontant l’impunité des entreprises et le changement climatique, les membres de la campagne nous présentaient le « Traité des peuples » qui doit permettre aux populations du monde entier de se voir reconnues et de pouvoir défendre leurs droits face aux transnationales. [2]
À la fin de cet atelier qui a rencontré un franc succès, je me dirigeais de nouveau rapidement place Jean Jaurès pour assister au « Sommet des 196 chaises réquisitionnées par le collectif #Faucheurs de Chaises ».
Ce mouvement, lancé afin de dénoncer l’évasion fiscale soutenue par de nombreuses banques par l’intermédiaire des paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
qu’elles entretiennent et le manque de financement pour limiter le changement climatique, a occupé une place centrale dans le déroulement de la journée avec des interventions successives de personnalités reconnues des mouvements sociaux, telles que Susan George (ATTAC), Bill McKibben (350.org), ou encore Lidy Nacpil (Jubilée Sud).
Puisque « un petit dessin vaut mieux qu’un long discours », je vous laisse sur ces images où 196 délégués internationaux de la société civile étaient ainsi réunis et assis confortablement pour profiter de ce moment et appeler à ce que des milliers de citoyens continuent à réquisitionner des chaises tant que les paradis fiscaux n’auront pas été fermés et que l’argent nécessaire au financement de la justice climatique n’aura pas été rassemblé.
[1] Voir en anglais : http://corporateeurope.org/sites/default/files/false_solution_final.pdf
[2] Voir en anglais : http://www.stopcorporateimpunity.org/?page_id=3381
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