Déclaration sur la Grèce du CADTM Afrique

Entre l’arbre et l’écorce, le doigt des créanciers

29 juillet 2015 par CADTM Afrique


Chikid (Pixabay) - cc

Afin d’obtenir l’« aide » financière dont son pays a cruellement besoin, le Premier ministre grec Alexis Tsipras, en dépit du résultat du référendum populaire du 5 juillet 2015, a fini par céder à la plupart des exigences des créanciers.



Ce bras de fer, sans précédent dans l’histoire de l’Union européenne (UE), met davantage à nu les inconséquences de la nature de la démocratie dont le modèle exporté par l’Europe continue de bouleverser l’Afrique et le Moyen Orient de fond en comble.

Le contour actuel des flux migratoires résulte à la fois de la violence des politiques néolibérales qui ont secrété le chômage et la pauvreté de masse ainsi que du recours des dominants à la force au lieu de changer de paradigme de développement.
Force est de constater qu’entre l’arbre et l’écorce, c’est-à-dire le peuple et son émanation politique : que sont les élu-e-s, les créanciers pèsent de tout leur poids. Ces derniers n’ont salué les « transitions démocratiques » en Afrique subsaharienne et les « révolutions arabes » que pour les vider des questions qui fâchent et qui sont au cœur de la résistance grecque : les politiques austéritaires du système néolibéral.

Extrêmement rares sont les formations politiques qui osent nommer ce système et à plus forte raison en débattre. Elles craignent trop de démériter « l’aide » des bailleurs de fonds et d’être déstabilisées en cas de victoire électorale.
S’il avait été malien ou burkinabè, un coup d’État militaire ou un soulèvement encouragé et même téléguidé suivi d’élections « libres, transparentes et crédibles » auraient débarrassé les créanciers de l’impertinent Alexis Tsipras.

Cette déclaration est l’occasion de rappeler l’actualité du discours de feu Thomas Sankara [président du Burkina Faso de 1983 à 1987] au Sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en juillet 1987 à Addis-Abeba (Ethiopie) : « la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
est une reconquête savamment organisée de l’Afrique (…) pour que chacun de nous deviennent esclave financier (…). Si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds n’en mourront pas, soyons en sûrs. Par contre, si nous payons, c’est nous qui allons mourir. Soyons en sûrs également. Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous n’avons pas de quoi payer (…) parce que nous ne sommes pas responsables de la dette… ».

Elle permet également de souligner la justesse du combat du Président de la première République du Mali, Modibo Keita (dont le Mali commémore le centenaire cette année) qui dit que « l’impérialisme, c’est cette volonté de domination qui fait qu’on ne croit valable d’autre civilisation que la sienne, d’autre régime politique et économique que le sien, c’est la mise en marche du processus de leur imposition à d’autres pays par la corruption, la subversion et la guerre. ».

L’Union européenne (UE) qui célèbre 2015 comme « l’Année européenne du développement » peut mieux pour la Grèce, pour elle-même, pour l’Afrique et le Moyen Orient, agressés pour leurs ressources naturelles et humiliés, en prenant acte du fait que nous sommes tou-te-s perdant-e-s dans l’état actuel des relations entre les États forts et les autres. L’Union africaine (UA), cruellement dépendante de l’« aide » de l’Union européenne (UE) et de ce fait, lui emboîte le pas, s’éloigne, en épousant le dogme néolibéral toujours plus, des valeurs panafricaines de ses pères fondateurs. Aux dirigeants africains dont certains ont la Cour pénale internationale (CPI) à leur trousse pendant que leur « partenaire » européen fourbit ses armes contre les migrant-e-s subsaharien-ne-s sous prétexte que nos économies sont en pleine croissance, de prendre leurs responsabilités en se posant davantage de questions sur la nature de la croissance et de l’émergence de l’Afrique dans les circonstances actuelles.

Les enjeux et les rouages du système doivent être explicités tant dans le cadre de l’Accord de paix au Mali que dans la gestion de l’épineuse question migratoire.
Non ! Les États africains n’ont pas toujours failli. Ils ont été mis en faillite et désintégrés par un système corrompu, corrupteur et de surcroît violent, qui a mis la paix et la sécurité globale en péril.

En dernière analyse, ce sont les peuples d’Afrique, d’Europe et du monde qui en s’imprégnant davantage de la nature mortifère du système capitaliste se protégeront et vivront, ensemble, en paix. C’est ce point de vue que Issa N’Diaye souligne en ces termes : « Nous avons, face au Capital, le même destin. Nous devons tisser une solidarité de combats entre peuples du Nord et du Sud, entre femmes et hommes, entre jeunes et vieux, entre Humains ».

Les Africain-ne-s devraient suivre avec une attention particulière ce qui se passe en Grèce. Car l’Afrique a été et demeure un terrain d’expérimentation des politiques d’ajustement structurel, lesquelles sont apparues sous un autre nom au Nord (Mémoranda) pour tenter de duper les peuples, mais la logique demeure et le peuple grec a clairement exprimé son rejet de celle-ci.

Lors du Forum social mondial de Tunis (FSM, 24-28 mars 2015), c’est dans cette perspective l’Université citoyenne pour un autre développement (UCAD) lancée par le Forum Pour un Autre Mali (FORAM) invitait à la déconstruction des thèses biaisées et humiliantes et au décloisonnement des luttes.

Signataires : Aminata Dramane TRAORE (Forum pour un Autre Mali) Issa N’Diaye (Forum Civique), Bassirou DIARRA (…), Sekou DIARRA (CIFA URAE), Broulaye BAGAYOKO (CADTM Afrique).


CADTM Afrique

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