9 mai 2022 par Eric Toussaint , Eric De Ruest , Jean-Pierre Carlon , Olaf Gustavson
Depuis cette interview, faite en octobre 2009 (publiée en février 2010, puis en novembre 2016), beaucoup de choses se sont passées.
Le peuple burkinabè s’est soulevé le 30 octobre 2014, et a réussi à chasser Blaise Compaoré qui s’est réfugié en Côte d’Ivoire.
Une des conséquences de cette insurrection a été, enfin, la tenue du procès de l’assassinat du président Thomas Sankara et de ses compagnons, qui s’est ouvert le 11 octobre 2021.
Un procès à bien des égards exemplaire compte tenu des nombreux obstacles pour en éviter la tenue.
Le 6 avril 2022 le verdict est tombé.
Les 26 et 27 octobre 2009, à Cotonou au Bénin, a eu lieu le séminaire international sur le thème « Dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
et droits humains » organisé par le CADTM International (Comité pour l’Annulation de la dette du Tiers Monde) et le CADD Bénin (Cercle d’Auto-promotion pour un Développement durable).
Ce fut l’occasion de présenter les luttes passées et présentes.
Dans ce contexte il était impossible de faire l’impasse sur un des hommes les plus engagés pour la souveraineté et l’autonomie de son pays, le Burkina Faso. Référence faite, bien sûr, à Thomas Sankara.
Une équipe de vidéastes a saisi cette occasion pour interviewer l’historien Éric Toussaint (par ailleurs président du CADTM Belgique) sur le Capitaine Sankara et son combat contre la dette.
Cet article fait une synthèse de la vidéo du CADTM. Son Porte-parole international, Eric Toussaint, y explique les raisons de l’assassinat de Thomas Sankara.
En 1983, Thomas Sankara se fit connaître sur la scène publique, en obtenant un poste gouvernemental, ou ses propositions novatrices, commencèrent à déranger le pouvoir local. Il fut alors écarté du gouvernement, ce qui suscita une forte réaction et mobilisation populaire. Quelques années plus tard, fort de ce soutien, il devint président du Burkina et mis en place une série de politiques basées sur le développement endogène du pays, c’est-à-dire sur le développement de son économie et de son marché intérieur, pour une plus grande indépendance vis à vis du commerce international et des fluctuations des marchés financiers sur lesquels le Burkina n’a aucune prise. Il abandonna le modèle d’exportation du coton, dont le prix fluctuant sur les marché influençait énormément la bonne santé de l’économie burkinabè.
Le pays était totalement dépendant de ces exportations, avait été spécialisé à une tâche par la post colonisation économique, comme on aurait spécialisé un ouvrier d’usine, à ne faire que planter des clous toute la journée. La spécialisation des économies des pays pauvres à quelques productions précises, les rendent dépendant du système économique mondial, ce qui permet aux tenants du système, de mieux les contrôler. C’est le principe du Workfare appliqué aux états, on abaisse leur marge de manœuvre et le contrôle des économies, en les spécialisant et en les rendant dépendantes du système global, sans lequel les petits états ne peuvent alors plus survivre. Ces pays importent alors qu’une grande partie des produits qu’ils consomment, alors qu’ils auraient pu être produits sur place, ce qui aurait donné du travail à la population et de l’argent pour qu’elle développe le marché intérieur du pays…En important, ces pays s’endettent et on leur impose alors de rembourser, les rendant alors encore plus dépendant du système mondial. Sankara à voulu coupé court à cela, il commença à mener une politique en ce sens, qui donna des résultat, mais pas de bol, on l’a tué avant qu’il n’y en ai trop eu et que d’autres pays aient envie de suivre ce modèle de développement novateur, mettant à mal les profits traditionnels des pays occidentaux et de leur multinationales implantées dans la région.
Politiquement, Sankara tenta de rétablir la souveraineté alimentaire du Burkina par une augmentation de la production vivrière. Il tenta d’abaisser la dépendance de l’économie par rapport à la production et surtout à l’exportation de coton. Il incita à augmenter l’implantation d’industries textiles dans le pays, afin de transformer le coton sur place et de ne plus être obligé d’importer du textile de l’étranger, après y avoir vendu la matière première, situation économique totalement absurde, faisant la richesse des puissances occidentales.
Sankara rompt également avec la tradition de soumission des dirigeants du pays aux grandes puissances occidentales et avec le modèle de corruption existant, des élites locales.
Qui avait intérêt à tuer Thomas Sankara ?
Sankara mis en place une politique sociale. Il s’attaqua aux privilégiés de l’appareil d’état. Il baissa les salaires des ministres, de parlementaires, ainsi que le sien…Il roulait d’ailleurs dans une petite Renault 5, loin du luxe et de l’apparat traditionnel des dirigeants jusqu’alors. Il refusa de la même manière et de façon systématique, tout poste ou tout privilège pour sa famille, du jamais vu ! Ceci mécontenta logiquement, la classe dominante locale ainsi que les membres traditionnels des appareils d’état.
Sankara mécontenta également les puissances internationales. Il s’allia avec Cuba et effraya de ce fait, Washington, qui faisait subir à cette île, un blocus depuis 1962. Sankara mettait également en place un modèle nouveau d’économie dans les pays africain, qui n’était plus basé sur l’exploitation de ceux ci par les économies occidentales. Ce modèle risquait de faire tâche d’huile et de faire perdre beaucoup d’argent au système mondialisé de l’économie de marché, dont les pays occidentaux sont les exclusifs bénéficiaires.
Une coalition d’intérêts décida alors d’assassiner Sankara. Elle fut composée de ses compagnons de route, comme Blaise Compaoré, actuel président du Burkina, qui succéda à Sankara. Sa politique a ramené le Burkina dans le droit chemin de la soumission aux grandes puissances occidentales… Participèrent directement à cette coalition, la France, le CIA, Charles Taylor, dictateur libérien, poursuivi pour de nombreux crimes contre l’humanité…
Sankara restera une figure de la lutte contre le remboursement de la dette des pays africains et son discours devant l’assemblée générale de l’organisation de l’unité africaine restera dans l’histoire.
Sankara commença à avoir une grande influence internationale, notamment sur la jeunesse africaine. La peur de la tâche d’huile incita à l’éliminer rapidement. Les nouveaux modèles sont vite prix en exemple et donnent envie à ceux qui subissent le modèle archaïque et esclavagiste du néolibéralisme, d’en changer. Ces derniers temps, on a pu constater qu’une révolution face à une dictature, en a générée bien d’autres dans les pays subissant le même type de régime…On a aussi constaté que la révolution des casseroles, en Islande, pays ayant un régime politique plus similaire au notre, nous a été honteusement cachée…
Après Sankara, le Burkina est revenu vers une certaine normalité africaine, voulue par la domination occidentale asservissant économiquement le continent. Les dirigeants ont à nouveau repris leurs activités traditionnelles d’enrichissement personnel d’eux même et de leur entourage. Pour faire cela en toute tranquillité, ils veulent éviter toute déstabilisation. Leur but est qu’on les laisse en paix, dominer leur peuple, en restant eux même dociles, loin de toute tentative de transformation sociale dans les pays qu’ils dirigent. L’important réside dans le fait qu’ils évitent toute tentative de proposition d’un nouveau modèle de développement pour l’Afrique, qui serait moins rentable pour les oligarchies esclavagistes occidentales…
Source : Résumé de la vidéo tiré de Olaf Gustavson https://www.thomassankara.net/pourquoi-a-t-on-assassine-thomas-sankara-interview-video-de-eric-toussaint-president-du-cadtm/
Le texte initial a été légèrement abrégé pour tenir compte de la décision du tribunal qui a condamné Blaise Compaoré et ses complices pour l’assassinat de Thomas Sankara Retour sur le procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons
Retrouvez le discours sur la dette, de Thomas Sankara ici.
Les images du Burkina sont extraites du film « Let’s make money » d’Erwin Wagenhofer :
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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était membre du CADTM Belgique et co-auteur avec Renaud Duterme de La dette cachée de l’économie, Les Liens qui Libèrent, 2014.
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