Espagne : Trois jours d’intenses débats pour les Journées internationales sur la dette et les fonds vautours

25 avril par Pablo Laixhay


Ces 21, 22 et 23 avril eurent lieu à Madrid les Journées internationales sur la dette et les fonds vautours (Jornadas internacionales sobre deuda y fondos buitre) organisées par la Plataforma contra los fondos buitre, composée d’El pueblo que queremos, Attac Espana, Audita Sanidad, Coordinadora de vivienda de Madrid, Ecologistas en accion, Associaciones Vecinales, el ObservatorioCode et du CADTM. Trois jours de rencontres et discussions avec des intervenants variés qui furent l’occasion d’échanger les expériences, de dresser un bilan de l’impact de la dette et de l’action des fonds vautours, mais aussi d’ouvrir un nouvel espace de débat public sur les causes profondes des crises et sur ce qu’il convient de faire du secteur financier. C’est dans cette optique que les rencontres se clôturèrent par la présentation du Manifeste de Madrid contre la dette illégitime et les fonds vautours.



Les discussions portèrent tant sur une analyse de la situation internationale que sur le cas espagnol, où les conséquences de la pénétration des fonds d’investissement spéculatifs dans les services publics essentiels, notamment dans la santé publique, se font lourdement ressentir. Si le vendredi 21 après-midi et le samedi 22 matin furent consacrés à la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, le samedi après-midi et le dimanche 23 avril furent l’occasion de se pencher plus spécifiquement sur la problématique des fonds vautours Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
et d’analyser l’impact que ces entreprises ont sur différents secteurs tels que le logement, la santé ou l’énergie.

Parmi les nombreuses interventions, Jorge Fonseca (argentin, professeur à l’université complutense de Madrid) et Eric Toussaint lancèrent le marathon de conférence. Le premier rappela le rôle historique important de la dette dans les processus de subordination et de spoliation des pays du Sud alors que le second dressa un panorama de la situation mondiale actuelle, évoquant l’émergence de la nouvelle situation de crise et le caractère illégitime des dettes accumulées au cours des 3 dernières années. Agnès Metougou (Cadtm Afrique et Plateforme d’information et d’action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
sur la dette du Cameroun) et Amina Koné (Cadtm Afrique et Attac Burkina Faso) rappelèrent les logiques pernicieuses des fonds vautours et dressèrent un bilan de leurs actions sur le continent Africain, où plus de 20 pays ont été menacés et ont fait l’objet d’actions en justice de la part de créanciers privés depuis 1999, compromettant la capacité des États à subvenir aux besoins des populations. Julio Gambina (Attac-Cadtm Argentine) rappela la situation critique de l’Argentine, récemment condamnée par les tribunaux de l’État de New York à payer les rançons réclamées par des fonds vautours étasuniens. Enfin, Fatima Martin (Cadtm Espagne) présenta la loi Belge du 12 juillet 2015 qui vise à empêcher les spéculateurs privés de se faire des profits colossaux sur les dos des États endettés. L’objectif de cette présentation était de décortiquer la loi, à la rédaction de laquelle ont activement participé le CNCD 11.11.11 et le CADTM, afin de peut-être voir un jour apparaitre en Espagne une initiative similaire permettant d’enrayer les actions spéculatives dévastatrices des fonds vautours. Provoquer un effet en chaine et pousser d’autres États à emboiter le pas était d’ailleurs une des ambitions du CADTM. Nous pouvons espérer que l’Espagne concrétisera ce projet.

Outre ces quelques interventions des militants du Cadtm, notons également celles-ci : Manuel Gabarre (Plataforma contra los fondos buitre) nous expliqua notamment les liens profonds entre les fonds vautours, le monde de la finance et les grandes banques. Laura Barrio (Coordinadora de vivienda de Madrid) nous exposa le projet de loi visant à limiter l’immixtion des fonds vautours et autres fonds d’investissement tels que Blackstone et Cerberus dans le secteur du logement. En rachetant des centaines de milliers de logements publics à prix bradés, ceux-ci menacent le droit au logement et alourdissent la dette publique. Pere Rusinol expliqua comment la crise de 2007/8 et l’endettement des secteurs médiatiques favorisa la prise de contrôle des moyens de communications par les grands détenteurs de capitaux, en particulier les banques, et comment ceux-ci influent sur la production des opinions.

Grâce au travail de mobilisation et de plaidoyer mené par la Plataforma contra los fondos buitre, ces trois Journées internationales sur la dette et les fonds vautours permirent de croiser les regards et analyses, dresser un panorama de l’action des fonds spéculatif qui agissent au détriment des populations et surtout de poser un cadre indispensable à la recherche commune de solutions face aux crises sociales, écologiques, mais surtout économiques et financières. Ce cadre fut posé par la rédaction et présentation du « Manifeste de Madrid contre la dette illégitime et les actions des fonds d’investissement ». Ce manifeste, qui commence par dresser un état des lieux de la situation économique et financière européenne et espagnole, propose une série de mesure afin d’imposer des solutions socialement juste à la situation d’endettement et de mettre l’économie au service de la politique et la politique au service des besoins humains. Parmi celles-ci : l’arrêt des politiques d’austérité, la priorisation à l’intérêt général face au remboursement de la dette, la création d’un service public des banques et assurances, la fin de l’impunité des fraudeurs fiscaux, l’adoption de mesures pour empêcher l’entrée de fonds spéculatifs dans les secteurs essentiels, ou encore l’adoption d’une loi contre les fonds vautour.


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