L’accord sur la limitation de la dette consacre l’austérité à long terme. C’est une grande victoire pour le Parti républicain (GOP).
31 mai par James K. Galbraith
Deux hommes sont sortis du bureau ovale. L’un d’eux, le président Joe Biden, a déclaré à propos de l’accord qu’ils venaient de conclure qu’il « réduisait les dépenses tout en protégeant des programmes essentiels pour les travailleurs et en stimulant l’économie pour tout le monde ».
L’autre, Kevin McCarthy, président républicain de la Chambre des représentants, a déclaré que l’accord entraînerait « des réductions historiques des dépenses, des réformes conséquentes qui sortiront les gens de la pauvreté pour les mettre sur le marché du travail, et qui limiteront les excès du gouvernement ».
Contrairement au président, l’accord n’aura pas pour effet de « faire croître l’économie ». Contrairement président de la Chambre, il ne permettra pas de « sortir les gens de la pauvreté ». Il épargne l’armée, les anciens combattants, la sécurité sociale et l’assurance-maladie, en concentrant les réductions et les plafonds sur les dépenses discrétionnaires non liées à la défense, qui, comme l’a expliqué le Center for American Progress, comprennent un grand nombre des « programmes essentiels ». Ces réductions s’accumulent et, au fur et à mesure que la population augmente et que les prix grimpent, elles seront brutales. Il est vrai que les plafonds de dépenses ne s’appliquent que pendant deux ans, mais le plafond de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
sera à nouveau atteint à cette échéance et les plafonds seront probablement reconduits. Le précédent a été créé. Le président McCarthy a raison : Les réductions sont historiques. L’accord est synonyme d’austérité à long terme. C’est une grande victoire pour les Républicains.
Selon Peter Baker dans le New York Times, l’accord contient « des changements importants en matière de permis environnementaux, d’exigences de travail pour les programmes de sécurité sociale et d’application de la législation fiscale par l’Internal Revenue Service (le service public des impôts) ». Ce sont là autant de gains pour le camp républicain. Ils profitent aux industries pétrolières et minières et aux riches fraudeurs fiscaux - des groupes bipartisans, mais qui ne constituent pas la base électorale du parti démocrate. Les « exigences de travail » pour le Supplemental Nutrition Assistance Program (SNAP, Programme d’aide supplémentaire à la nutrition) rendront la vie plus difficile à certaines des personnes les plus pauvres d’Amérique.
Qu’a obtenu le président ? Un relèvement du plafond de la dette, jusqu’aux prochaines élections, à l’issue desquelles le jeu reprendra. Pour cela, M. Biden a renoncé aux points de principe suivants : (1) le plafond de la dette doit être relevé, si nécessaire, sans conditions ; (2) les programmes de protection sociale et l’application des taxes sont bons et nécessaires ; et (3) les dépenses discrétionnaires nationales ne sont pas excessives, mais doivent être maintenues au niveau requis pour répondre à l’intérêt public et aux besoins du pays. Si Biden est réélu, ces cadeaux entraveront sa prochaine administration. S’il est battu, ils permettront au nouveau président d’utiliser le plafond de la dette pour mettre en œuvre l’ensemble de l’agenda du parti républicain.
Les concessions étaient-elles nécessaires en raison de la gravité de la crise imminente ? C’est le plus grand mensonge, partagé par les deux partis, répété par Wall Street et amplifié par les médias, qui adorent les crises et prennent le public pour des imbéciles.
Il n’y a pas eu de crise. L’administration disposait de plusieurs moyens - en vertu de la loi et de la Constitution - pour désamorcer le plafond de la dette sans rien céder. Elle aurait pu émettre la monnaie de platine [1]. L’affirmation selon laquelle la Cour suprême aurait pu bloquer l’émission a été réfutée par Phillip Diehl, ancien directeur de la Monnaie, qui a rédigé la loi d’habilitation. En tant qu’ancien directeur de la Monnaie, il a déclaré : « Le fait que la pièce puisse avoir une valeur nominale de mille milliards de dollars faisait absolument partie de l’intention ». Le Trésor aurait également pu émettre des obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
perpétuelles, appelées « consols », qui ne sont pas couvertes par le plafond parce qu’elles n’ont pas de capital à rembourser. Il aurait pu (probablement) émettre des obligations à prime. Il aurait pu demander à la Réserve fédérale de compenser les chèques du Trésor par une ligne de crédit non garantie à taux zéro. Enfin, elle aurait pu laisser certains chèques sans provision, le cas échéant, et compter sur les grands banquiers, sans parler de l’opinion publique indignée, pour rappeler le Congrès à l’ordre. Il n’y avait aucune chance qu’une « crise » de défaut de paiement ne soit pas résolue en quelques heures, tout au plus.
Le dernier point mérite quelques mots supplémentaires. M. Biden a déclaré que les États-Unis n’avaient jamais fait défaut sur une dette. C’est faux. Comme le souligne un excellent article récent de l’historien Eric Toussaint, en avril 1933, le président Franklin Roosevelt a abrogé la « clause or » de tous les contrats de dette américains, y compris les dettes publiques, par décret, et a dévalué le dollar, en termes d’or, de 20,67 à 35 dollars l’once, tout en interdisant la plupart des détentions privées d’or. Il s’agissait d’un défaut de paiement massif. Les créanciers ont contesté l’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
de FDR et la Cour suprême l’a jugée inconstitutionnelle, mais seulement en principe. Dans un vote séparé, la Cour a estimé qu’il n’y avait pas de dommages, et l’interdiction de l’or est restée en vigueur jusque dans les années 1970. Elle a dévalué les dettes et opéré un vaste transfert de richesses vers la classe ouvrière. Il s’agit d’une étape clé de la reprise économique. Roosevelt était un battant.
La mascarade du plafond de la dette était une farce, mais elle révèle une tragédie. La tragédie, c’est que le président ne voulait pas se battre. Il ne voulait défendre aucun principe. Il n’a pas voulu utiliser les pouvoirs dont il disposait pour protéger et défendre le peuple américain. Il n’a pas voulu se tenir aux côtés des démocrates du Congrès ou de ses électeurs du parti démocrate. Il voulait être vu assis, côte à côte, avec le président républicain de la Chambre. Il voulait s’attirer les louanges de la classe journalistique pour son « compromis » et pour avoir conclu un accord « bipartisan ».
Le président a ce qu’il veut. Le président de la Chambre a ce qu’il veut. Qu’ils en assument les conséquences.
Source : The Nation
[1] La monnaie d’un trillion de US dollars (mille milliards de US dollars) est un concept qui a émergé pendant la crise du plafond de la dette des États-Unis en 2011. Il s’agit d’un moyen proposé pour contourner toute nécessité pour le Congrès des États-Unis de relever la limite d’emprunt du pays, grâce à la frappe de pièces de platine de très grande valeur. Le concept a attiré l’attention du grand public à la fin de l’année 2012, lors de la reprise des discussions sur le plafond de la dette. Après avoir fait la une des journaux pendant la semaine du 7 janvier 2013, la Réserve fédérale et le Trésor ont finalement rejeté l’idée d’une monnaie d’un trillion de dollars.
Le concept de la monnaie d’un trillion de dollars a été réintroduit en mars 2020 sous la forme d’une proposition de la députée fédérale Rashida Tlaib, membre de la gauche du Parti démocrate, pendant le confinnement provoqué par la pandémie de Covid-19 aux États-Unis. Tlaib a proposé de financer des paiements récurrents mensuels de 2 000 dollars pour stimuler l’économie jusqu’à la fin de la pandémie.
L’idée a fait son chemin à la fin de l’année 2021 avec les propositions du journaliste de Bloomberg Joe Weisenthal, entre autres, dans le contexte de la crise du plafond de la dette des États-Unis en 2021.
Source : d’après https://en.wikipedia.org/wiki/Trillion-dollar_coin
holds the Lloyd M. Bentsen Jr. Chair in Government/Business Relations at the Lyndon B. Johnson School of Public Affairs, the University of Texas at Austin. He is a former executive director of the Joint Economic Committee in the US Congress.