Série : Du Nord au Sud de la planète : la dette dans tous ses états (2e partie)
19 janvier 2011 par Eric Toussaint
La première partie est intitulée « Dette des pays en développement : une dangereuse insouciance ». Lire ici http://www.cadtm.org/1ere-partie-Dette-des-pays-en
I. Rappel historique : dans la période récente, la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
a commencé à atteindre des niveaux élevés au Nord [1] (càd les pays les plus industrialisés) dans les années 1980. En effet, après le premier choc pétrolier et la crise économique de 1973-1975, les gouvernements ont tenté une relance keynésienne de l’économie en recourant à l’emprunt. Ensuite, le service de la dette
Service de la dette
Remboursements des intérêts et du capital emprunté.
a explosé lorsque la Réserve fédérale américaine a augmenté brutalement les taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
(octobre 1979) en opérant une rupture par rapport à 46 années de politique keynésienne initiée lors de la première présidence de Franklin Roosevelt en 1933.
De la fin des années 1980 jusqu’au début des années 2000, la situation des finances publiques s’est dégradée dans des proportions différentes selon les pays. En cause : la « contre-réforme fiscale » menée en faveur des entreprises et des ménages à hauts revenus, avec comme conséquence une baisse des recettes provenant de l’impôt sur les sociétés et sur les personnes physiques, compensée d’un côté par une hausse des impôts indirects (TVA), et de l’autre par un recours accru à l’endettement. La crise actuelle, qui a commencé en 2007, a aggravé de manière brutale et dramatique la situation des finances publiques, avec en particulier l’intervention des États pour sauver les banques en faillite. Dans des pays comme la Grande-Bretagne, la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Irlande, les gouvernements ont dépensé des sommes considérables d’argent public pour sauver les banques. A moyen terme, le gouvernement espagnol devra probablement en faire autant pour sauver des caisses d’épargne régionales en faillite virtuelle suite à la crise de l’immobilier. L’Irlande croule sous les dettes provenant de plusieurs grandes banques privées que le gouvernement a nationalisées sans récupérer le coût du sauvetage sur les actionnaires. Les politiques menées depuis 2007 ont radicalement dégradé l’état des finances publiques [2] .
II. Les créanciers des dettes en Europe sont en majorité des banquiers européens
Par ailleurs, avec les énormes liquidités
Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
mises à leur disposition par les banques centrales en 2007-2009, les banques de l’Ouest européen (surtout les banques allemandes et françaises [3], mais aussi les banques belges, néerlandaises, britanniques, luxembourgeois, irlandaises…) ont énormément prêté (principalement au secteur privé mais aussi aux pouvoirs publics) dans des pays de la « périphérie de l’UE » comme l’Espagne, le Portugal ou la Grèce (les banquiers considéraient qu’il n’y avait aucun danger), ainsi que dans les pays d’Europe centrale et de l’Est anciennement membres du bloc soviétique (Hongrie en particulier), avec comme conséquence une forte augmentation de la dette de ces pays, en particulier de la dette privée. Il faut aussi prendre en compte le fait que l’adhésion à l’euro de certains pays de la périphérie dans l’Union européenne leur a valu la confiance des banquiers des pays de l’Ouest européen, qui leur ont massivement prêté, pensant que les grands pays européens leur viendraient en aide en cas de problème.
Les 3 infographies ci-dessous montrent la nationalité des détenteurs étrangers des titres de la dette
Titres de la dette
Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
privée et publique de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce (qui forment une bonne partie de la dette externe des 3 pays) [4] :
[5]
Il faut souligner que, dans le cas de l’Espagne et du Portugal, les seules créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). détenues par la France et l’Allemagne font près de 50% du total ; dans le cas de la Grèce, elles font 41% du total. Ce qui éclaire d’un jour particulier le « leadership » de ces pays et leur dévouement à la cause européenne...
La dette interne a aussi fortement augmenté ces dix dernières années, et l’économie de ces trois pays s’est financiarisée. La dette du secteur privé s’est développée : ménages, entreprises et banques pouvaient emprunter à bas coûts (taux d’intérêts bas et inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. plus forte que pour les pays les plus industrialisés) et cet endettement privé a été le moteur de l’économie de ces 3 pays ; les banques, grâce à un euro fort, pouvaient étendre leurs activités internationales et financer à moindre coût leurs activités nationales.
Au secours des banques ouest-européennes et états-uniennes
L’accumulation de dettes dans la périphérie de la zone euro a menacé les banques du centre de la zone euro. La menace d’une crise bancaire a été à l’origine de l’intervention de mai 2010 des autorités de la zone euro, suivie par celle concernant l’Irlande en novembre 2010. L’exposition des banques privées de l’Union européenne (et de Suisse) aux pays regroupés sous le sigle PIIGS [6] (Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne) est extrêmement élevée, comme le montre le tableau ci-dessous. Prises ensemble, les banques des pays repris dans la première colonne ont des créances sur les PIIGS qui équivalent à 21% du Produit intérieur brut
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
de leurs pays. L’exposition des banques françaises aux PIIGS représente 37% du PIB de la France, principalement concentrée sur l’Italie et l’Espagne. L’exposition des banques irlandaises représente 43% du PIB irlandais (principalement concentré sur l’Italie et l’Espagne). L’exposition des banques néerlandaises s’élève à 33% du PIB des Pays-Bas (principalement concentré sur l’Espagne et l’Italie). L’exposition des banques belges représente 28 % du PIB de la Belgique (principalement concentré sur l’Irlande et l’Italie). L’exposition des banques britanniques représentent 21% du PIB britannique (principalement sur l’Irlande et l’Espagne). C’est dire le degré d’imbrication des finances européennes et le risque de contagion que cela représente. Un effet domino peut s’enclencher rapidement et inexorablement, sauf si on contraint les banques à effacer un volume considérable de créances dans leur bilan par des mesures d’annulation de dettes.
Source : BRI - Consolidated foreign claims of reporting banks – fin 2009 (en % du PIB)
En mai 2010, le président états-unien Barack Obama a mis la pression sur Angela Merckel, Nicolas Sarkozy et les autres dirigeants européens car les banques états-uniennes étaient également très exposées. En effet, elles ont utilisé l’aide octroyée par Washington à partir de la fin 2008 pour augmenter leurs positions dans l’UE, principalement en Allemagne et en France dont les banques sont elles-mêmes très exposées à l’égard de la Périphérie. Si une crise se déclarait dans l’UE, l’effet boomerang sur les banques nord-américaines était assuré !
Ci-dessous la courbe en bleu indique l’évolution des avoirs des banques européennes aux Etats-Unis entre mars 2005 et décembre 2009 (l’unité est 1 000 milliards de dollars). En rouge, l’évolution des avoirs des banques des Etats-Unis dans l’Union européenne. On voit très bien qu’à partir de décembre 2008, les banques des Etats-Unis augmentent leurs avoirs dans l’Union européenne tandis qu’à partir de septembre 2008 (faillite de Lehman Brothers), les banques européennes ont commencé à se dégager (même si leur degré d’exposition aux Etats-Unis reste très élevé).
Source : BRI - Consolidated foreign claims of reporting banks - ultimate risk basis [7]
La contrepartie de l’intervention de l’UE (et du FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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) consiste en des plans d’austérité, aussi bien dans la Périphérie que dans le Centre de l’Union européenne, qui auront cinq conséquences majeures : 1. ils prolongeront la crise, en comprimant la demande globale ; 2. ils réduiront les mécanismes de protection sociale en aggravant la pauvreté et la précarité des victimes de la crise ; 3. ils renforceront le pouvoir des sociétés financières, et donc du Capital, sur la société et les Etats grâce aux pressions (voire au chantage) qu’ils ne manquent pas d’exercer en tant que créanciers ; 4. ils diminueront la capacité des Etats à répondre à leurs obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
au regard des droits humains fondamentaux et renforceront la tendance à utiliser la répression pour répondre à la protestation sociale ; 5. ils réduiront également la capacité de ces Etats à répondre à leurs obligations internationales dans les domaines de l’aide au développement, des secours à apporter aux populations victimes de catastrophes naturelles dans les pays du Sud et de la contribution à la lutte contre le changement climatique.
L’austérité plongera un million de Britanniques dans la pauvreté, selon une étude. L’austérité draconienne décrétée par le gouvernement britannique va jeter près d’un million de personnes dans la pauvreté absolue, a indiqué vendredi l’Institut pour les études budgétaires (IFS), un centre de réflexion indépendant. D’ici à la fin 2014, 900.000 personnes seront plongées dans la catégorie « pauvreté absolue », qui réunit les foyers disposant d’un revenu réel de moins de 60% du revenu moyen de 2010/11, calcule l’Institute for Fiscal Studies (IFS). Cette grave détérioration entraînera notamment une hausse de la pauvreté des enfants, pour la première fois en quinze ans : en 2012/13, ils seront 200.000 de plus à vivre dans « la pauvreté absolue ». 300.000 autres enfants rejoindront cette catégorie en 2013/14, selon l’IFS, un institut très respecté. « Cette découverte contredit les affirmations du gouvernement qui estime que ces réformes n’auront aucun impact quantifiable sur la pauvreté juvénile en 2012/13 », écrit l’IFS dans son étude. Le gouvernement du Premier ministre conservateur David Cameron a mis en œuvre un vaste plan d’austérité, considéré comme le plus sévère des grands pays de l’Union européenne, et qui vise à réaliser 81 milliards de livres (environ 92 milliards d’euros) d’économies en moins de cinq ans, auxquels s’ajouteront 30 milliards de livres de hausses d’impôts, pour ramener le déficit britannique à 1,1% du PIB en 2015 contre 10,1% cette année. La cure d’austérité comprend des coupes dans les allocations sociales, en particulier pour le logement. Le ministère britannique des Finances a estimé que l’étude comportait « des incertitudes considérables ». Source : Agence France Presse (AFP). Dépêche du 17 décembre 2010. |
La dette publique grecque a fait la une de l’actualité au moment où les dirigeants de ce pays ont accepté la cure d’austérité demandée par le FMI et l’Union européenne, ce qui a provoqué de très importantes luttes sociales tout au long de l’année 2010. Mais d’où vient cette dette grecque ? Mais d’où vient cette dette grecque ? Du côté de la dette à charge du secteur privé, l’augmentation est récente : une première augmentation forte suit l’entrée de la Grèce dans la zone euro en 2001, une deuxième explosion de la dette se produit à partir de 2007 quand l’aide financière octroyée aux banques par la Réserve fédérale aux Etats-Unis, par les gouvernements européens et par la Banque centrale européenne
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
(BCE) est en partie recyclée par les banquiers vers la Grèce et d’autres pays comme l’Espagne ou le Portugal. Du côté de l’endettement public, la croissance est plus ancienne. Après la dette héritée de la dictature des colonels, le recours à l’emprunt a servi depuis les années 1990 à combler le trou créé dans les finances publiques par la réduction de l’impôt sur les sociétés et sur les revenus élevés. Par ailleurs, depuis des décennies, de nombreux emprunts ont permis de financer l’achat de matériel militaire principalement à la France, à l’Allemagne et aux Etats-Unis. Il ne faut pas non plus oublier l’endettement faramineux des pouvoirs publics pour l’organisation des Jeux olympiques en 2004. L’engrenage de l’endettement public a été huilé par des pots de vin de grandes compagnies transnationales afin d’obtenir des contrats : Siemens est un exemple emblématique.
Voilà pourquoi la légitimité et la légalité des dettes doivent être soumises à un examen rigoureux, à l’image du travail accompli par la commission d’audit intégral des dettes publiques de l’Equateur en 2007-2008. Les dettes qui seront qualifiées d’illégitimes, d’odieuses ou d’illégales, devront être déclarées nulles et la Grèce pourra refuser de les rembourser, tout en demandant des comptes en justice à ceux qui les ont contractées. Des signes encourageants provenant de Grèce indiquent que la remise en question de la dette est devenue un thème central et que la demande de création d’une commission d’audit progresse de manière intéressante.
Des éléments évidents d’illégitimité de la dette publique
D’abord il y a la dette contractée par la dictature des colonels, elle a quadruplé entre 1967 et 1974. De toute évidence, elle répond à la qualification de dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
[8] .
Pour poursuivre, on trouve le scandale des Jeux olympiques de 2004. Selon Dave Zirin, lorsque le gouvernement a annoncé avec fierté en 1997 aux citoyens grecs que la Grèce aurait l’honneur d’accueillir sept ans plus tard les Jeux olympiques, les autorités d’Athènes et le Comité olympique international prévoyaient une dépense de 1,3 milliard de dollars. Quelques années plus tard, le coût avait été multiplié par quatre et s’élevait à 5,3 milliards de dollars. Juste après ces Jeux, le coût official avait atteint 14,2 milliards de dollars [9]. Aujourd’hui, selon différentes sources, le coût réel dépasserait les 20 milliards de dollars.
De nombreux contrats signés entre les autorités grecques et de grandes entreprises privées étrangères font scandale depuis plusieurs années en Grèce. Ces contrats ont impliqué une augmentation de la dette. Citons plusieurs exemples qui ont défrayé la chronique en Grèce :
plusieurs contrats ont été passés avec la transnationale allemande Siemens, accusée - tant par la justice allemande que grecque- d’avoir versé des commissions et autres pots de vin au personnel politique, militaire et administratif grec pour un montant approchant le milliard d’euros. Le principal dirigeant de la firme Siemens-Hellas [10] , qui a reconnu avoir « financé » les deux grands partis grecs, s’est enfui en 2010 en Allemagne et la justice allemande a rejeté la demande d’extradition introduite par la Grèce. Ces scandales incluent la vente, par Siemens et ses associés internationaux, du système antimissiles Patriot (1999, 10 millions d’euros en pots de vin), la digitalisation des centres téléphoniques de l’OTE-Organisme Grec des Télécommunications (pots de vin de 100 millions d’euros), le système de sécurité « C4I » acheté à l’occasion des JO 2004 et qui n’a jamais fonctionné, la vente de matériel aux chemins de fer grecs (SEK), du système de télécommunications Hermès à l’armée grecque, d’équipements très coûteux vendus aux hôpitaux grecs.
le scandale des sous-marins allemands (produits par HDW qui a été absorbée par Thyssen) d’une valeur globale de 5 milliards d’euros, sous-marins qui présentaient dès le début le défaut de pencher énormément… à gauche (!) et d’être doté d’un équipement électronique défectueux. Une enquête judiciaire sur des éventuelles responsabilités (corruption) des ex-ministres de la défense est en cours.
Il est tout à fait normal de présumer que les dettes contractées pour faire aboutir ces contrats sont frappées d’illégitimité, voire d’illégalité. Elles doivent être annulées.
A côté des cas qui viennent d’être cités, il est nécessaire de comprendre l’évolution récente de la dette grecque.
L’emballement de l’endettement au cours de la dernière décennie
La dette du secteur privé s’est largement développée au cours des années 2000. Les ménages, pour qui les banques et tout le secteur commercial privé (grande distribution, automobile, construction…) proposaient des conditions alléchantes, ont eu recours à l’endettement massif, tout comme les entreprises non financières et les banques qui pouvaient emprunter à bas coût (taux d’intérêts bas et inflation plus forte que pour les pays les plus industrialisés de l’Union européenne tels l’Allemagne, la France, le Benelux, la Grande Bretagne). Cet endettement privé a été le moteur de l’économie de la Grèce. Les banques grecques (auxquelles il faut ajouter les filiales grecques des banques étrangères), grâce à un euro fort, pouvaient étendre leurs activités internationales et financer à moindre coût leurs activités nationales. Elles ont emprunté à tour de bras. Le tableau ci-dessous montre que l’adhésion de la Grèce à la zone euro en 2001 a boosté les entrées de capitaux financiers qui correspondent à des prêts ou à des investissements de portefeuille (Non-IDE
Investissements directs à l’étranger
IDE
Les investissements étrangers peuvent s’effectuer sous forme d’investissements directs ou sous forme d’investissements de portefeuille. Même s’il est parfois difficile de faire la distinction pour des raisons comptables, juridiques ou statistiques, on considère qu’un investissement étranger est un investissement direct si l’investisseur étranger possède 10 % ou plus des actions ordinaires ou de droits de vote dans une entreprise.
dans le tableau, c’est-à-dire des entrées qui ne correspondent pas à des investissements de longue durée) tandis que l’investissement de longue durée (IDE – Investissement direct à l’étranger) a stagné.
Source : FMI [11]
Avec les énormes liquidités mises à leur disposition par les banques centrales en 2007-2009, les banques de l’Ouest européen (surtout les banques allemandes et françaises, mais aussi les banques belges, néerlandaises, britanniques, luxembourgeoises, irlandaises…) ont prêté massivement à la Grèce (au secteur privé et aux pouvoirs publics). Il faut aussi prendre en compte le fait que l’adhésion de la Grèce à l’euro lui a valu la confiance des banquiers des pays ouest-européens, pensant que les grands pays leur viendraient en aide en cas de problème. Ils ne se sont pas préoccupés de la capacité de la Grèce à rembourser le capital prêté à moyen terme. Les banquiers considéraient qu’ils pouvaient prendre des risques très élevés en Grèce. L’histoire leur a donné raison jusqu’ici, la Commission européenne et, en particulier, les gouvernements français et allemands ont apporté un soutien sans faille aux banquiers privés d’Europe occidentale. Pour cela, les gouvernants européens ont mis les finances publiques dans un état lamentable.
Le graphique ci-dessous montre que les banques des pays de l’Ouest européen ont augmenté leurs prêts à la Grèce une première fois entre décembre 2005 et mars 2007 (pendant cette période, le volume des prêts a augmenté de 50%, passant d’un peu moins de 80 milliards à 120 milliards de dollars). Alors que la crise des subprimes
Subprimes
Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
avait éclaté aux Etats-Unis, les prêts ont de nouveau augmenté fortement (+33%) entre juin 2007 et l’été 2008 (passant de 120 à 160 milliards de dollars), puis ils se sont maintenus à un niveau très élevé (environ 120 milliards de dollars). Cela signifie que les banques privées d’Europe occidentale ont utilisé l’argent que leur prêtaient massivement et à bas coût la Banque centrale
Banque centrale
La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale.
européenne et la Réserve fédérale des Etats-Unis pour augmenter leurs prêts à des pays comme la Grèce [12] . Là-bas, les taux étant plus élevés, elles ont pu faire de juteux profits. Les banques privées ont donc une très lourde part de responsabilité dans l’endettement excessif de la Grèce.
Source : BRI - BIS consolidated statistics, ultimate risk basis [13]
Les citoyens grecs sont tout à fait en droit d’attendre que le poids de la dette soit radicalement réduit, ce qui implique que les banquiers doivent être amenés à effacer des créances dans leurs livres de compte.
Le comportement odieux de la Commission européenne
Après l’éclatement de la crise, le lobby
Lobby
Lobbies
Un lobby est une structure organisée pour représenter et défendre les intérêts d’un groupe donné en exerçant des pressions ou influences sur des personnes ou institutions détentrices de pouvoir. Le lobbying consiste ainsi en des interventions destinées à influencer directement ou indirectement l’élaboration, l’application ou l’interprétation de mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, toute intervention ou décision des pouvoirs publics. Ainsi, le rôle d’un lobby est d’infléchir une norme, d’en créer une nouvelle ou de supprimer des dispositions existantes.
militaro-industriel appuyé par les gouvernements allemand, français et par la Commission européenne a réussi à obtenir que le budget de la défense soit à peine écorné alors que dans le même temps, le gouvernement du PASOK (parti socialiste) a entrepris de tailler dans les dépenses sociales (voir encadré sur les mesures d’austérité). Pourtant, en pleine crise grecque au début 2010, Recep Tayyip Erdogan, le premier ministre turc, pays qui entretient des relations tendues avec son voisin grec, s’est rendu à Athènes et a proposé une réduction de 20% du budget militaire des deux pays. Le gouvernement grec n’a pas saisi la perche qui lui était tendue. Il a été mis sous pression par les autorités françaises et allemandes qui voulaient garantir leurs exportations d’armes. Proportionnellement, la Grèce dépense en armement beaucoup plus que les autres pays de l’Union européenne. Les dépenses militaires grecques représentent 4% du PIB contre 2,4% pour la France, 2,7% pour la Grande Bretagne, 2,0 % pour le Portugal, 1,4% pour l’Allemagne, 1,3% pour l’Espagne, 1,1% pour la Belgique [14]. En 2010, la Grèce a acheté à la France six frégates de guerre (2,5 milliards d’euros) et des hélicoptères de combat (400 millions d’euros). A l’Allemagne, elle a acheté 6 sous marins pour 5 milliards d’euros. La Grèce a été l’un des cinq plus importants importateurs d’armes en Europe entre 2005 et 2009. L’achat d’avions de combat représente à lui seul 38% du volume de ses importations, avec notamment l’achat de 26 F-16 (Etats-Unis) et de 25 Mirages 2000 (France), ce dernier contrat portant sur une valeur de 1,6 milliard d’euros. La liste des équipements français vendus à la Grèce ne s’arrête pas là : on compte également des véhicules blindés (70 VBL), des hélicoptères NH90, des missiles MICA, Exocet, Scalp et des drones Sperwer. Les achats de la Grèce en ont fait le troisième client de l’industrie de défense française au cours de la décennie écoulée [15] .
A partir de 2010, les taux d’intérêt de plus en plus élevés, exigés par les banquiers et autres acteurs des marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
avec l’appui de la Commission européenne et du FMI, entraînent un classique effet « boule de neige » : la dette grecque poursuit une courbe haussière car les autorités du pays empruntent du capital pour rembourser des intérêts (et une fraction du capital précédemment emprunté).
Les prêts consentis à partir de 2010 à la Grèce par les pays membres de l’Union européenne et le FMI ne cherchent en rien à servir les intérêts de la population hellène, bien au contraire puisque les plans d’austérité mis en place comportent de multiples atteintes aux droits sociaux de la population. A ce titre [16] , la notion de « dette illégitime » devrait leur être appliquée, et leur remboursement contesté.
Atteintes aux droits sociaux et autres mesures néolibérales en Grèce à partir de 2010 _ Réduction des salaires du secteur public de 20 à 30%. Réduction des salaires nominaux qui pourrait atteindre 20%, 13e et 14e mois remplacés par un versement unique dont le montant varie en fonction du salaire. Salaires gelés sur les 3 prochaines années. 4 départs à la retraite sur 5 dans la fonction publique ne seront pas remplacés. Réduction massive des salaires du secteur privé allant jusqu’à 25%. _ Les allocations chômage ont été réduites et un système d’aide aux pauvres mis en place en 2009 a été suspendu. Réduction drastique des allocations pour familles nombreuses. _ Plans pour supprimer les conventions collectives et les remplacer par des contrats individualisés. La pratique des stages très longs non ou très peu payés a acquis force de loi. Le secteur public est désormais autorisé à recourir à l’intérim. _ Emploi Coupes drastiques des subventions aux mairies et communes ce qui entraîne des licenciements massifs des travailleurs municipaux. Licenciement des 10.000 travailleurs CDD du secteur public. Fermeture des entreprises publiques déficitaires. Augmentation des impôts indirects (TVA passée de 19% à 23% et introduction de taxes spéciales sur les combustibles, l’alcool et le tabac). Augmentation de 11% à 13% du taux inférieur de la TVA (ceci concerne les biens de grande consommation quotidienne, l’électricité, l’eau, etc.). Augmentation de l’impôt sur le revenu pour les tranches moyennes. En revanche, réduction des impôts sur les sociétés. Volonté de privatiser les ports, les aéroports, les chemins de fer, la distribution d’eau et d’électricité, le secteur financier et les terres appartenant à l’Etat. Les pensions doivent être réduites puis gelées. L’âge légal de départ à la retraite est augmenté, le nombre d’annuités pour avoir droit à une retraite pleine sera porté de 37 ans à 40 ans en 2015 et son montant calculé sur le salaire moyen de la totalité des années travaillées et non plus sur le dernier salaire. Il faut ajouter l’abolition des 13e et 14e mois de pension pour les retraités du secteur privé. Imposition d’un plafond des dépenses consacrées aux retraites, lesquelles ne doivent plus dépasser l’équivalent de 2,5% du PNB
PNB Augmentation de 30% des billets de tous les transports publics. |
L’exigence d’un audit de la dette gagne du terrain
En décembre 2010, la députée indépendante Sophia Sakorafa a fait une intervention remarquée au parlement grec en proposant la constitution d’une Commission parlementaire d’audit de la dette publique grecque [17] . Sophia Sakorafa, qui jusqu’il y a quelques mois faisait partie du parti gouvernemental PASOK, a d’ailleurs voté contre le budget 2011 [18] , notamment à cause du poids du remboursement de la dette. Dans la justification de sa position courageuse, elle s’est amplement référée à l’expérience d’audit menée par l’Equateur en 2007-2008 qui a abouti à une réduction significative de la dette de ce pays. Elle a proposé que la Grèce suive l’exemple équatorien et a affirmé qu’il y avait une alternative à la soumission aux créanciers, qu’ils soient le FMI ou les banquiers. Dans son argumentation, elle a mis l’accent sur « la dette odieuse » qu’il ne faut pas rembourser. Cette prise de position a reçu un écho important dans la presse. Toujours au parlement grec, le leader de Synaspismos (un des partis de la gauche radicale), Alexis Tsipras, a également demandé la constitution d’une commission d’audit « pour qu’on sache quelle partie de la dette est odieuse, illégitime et illégale ». L’opinion publique grecque est en train d’évoluer et les médias ne s’y trompent pas.
Des organisations syndicales, plusieurs partis politiques, de nombreux intellectuels soutiennent cette proposition car ils estiment qu’il s’agit d’un instrument pour trouver une solution à la dette en termes d’annulation et en termes de pénalisation des entreprises et des personnes qui se sont rendues responsables de cet endettement illégitime. A noter aussi qu’un comité grec contre la dette est né en 2010 [19] .
IV. La crise irlandaise : fiasco complet du néolibéralisme [20]
Depuis une décennie, l’Irlande a été présentée par les plus fervents promoteurs du capitalisme néolibéral comme le modèle à suivre. Le « tigre celtique » affichait un taux de croissance plus élevé que la moyenne européenne. Le taux d’imposition des sociétés avait été ramené à 12,5% [21] et le taux effectivement payé par les nombreuses transnationales qui y avaient élu domicile oscillait entre 3 et 4% : un rêve ! Un déficit budgétaire égal à 0 en 2007. Un taux de chômage de 0% en 2008. Un vrai charme : tout le monde semblait y trouver son compte. Les travailleurs avaient un emploi (certes très souvent précaire), leurs familles consommaient allègrement, elles jouissaient de l’effet richesse et les capitalistes tant nationaux qu’étrangers affichaient des résultats extraordinaires.
En octobre 2008, deux ou trois jours avant que le gouvernement ne sauve de la faillite les grandes banques « belges » (Fortis et Dexia) aux frais des citoyens, Bruno Colmant, directeur de la Bourse Bourse La Bourse est l’endroit où sont émises les obligations et les actions. Une obligation est un titre d’emprunt et une action est un titre de propriété d’une entreprise. Les actions et les obligations peuvent être revendues et rachetées à souhait sur le marché secondaire de la Bourse (le marché primaire est l’endroit où les nouveaux titres sont émis pour la première fois). de Bruxelles et professeur d’économie, s’est fendu d’une carte blanche dans Le Soir, le quotidien belge francophone de référence, pour affirmer que la Belgique devait absolument suivre l’exemple irlandais et déréglementer encore un peu plus son système financier. Selon Bruno Colmant, la Belgique devait modifier le cadre institutionnel et légal afin de devenir une plate-forme du capital international comme l’était l’Irlande. Quelques semaines plus tard, le Tigre celtique était terrassé.
En Irlande, la dérèglementation financière a encouragé une explosion des prêts aux ménages (l’endettement des ménages avait atteint 190% du PIB à la veille de la crise), notamment dans le secteur de l’immobilier, ce qui a boosté l’économie (industrie de la construction, activités financières, etc.). Le secteur bancaire a enflé d’une manière exponentielle avec l’installation de nombreuses sociétés étrangères [22] et l’augmentation des actifs
Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
des banques irlandaises. Des bulles boursière et immobilière se sont formées. Le total des capitalisations boursières, des émissions d’obligations et des actifs des banques a atteint quatorze fois le PIB du pays.
Ce qui ne pouvait pas arriver dans ce monde enchanteur arrive alors : en septembre-octobre 2008, le château de cartes s’effondre, les bulles financière et immobilière éclatent. Des entreprises ferment ou quittent le pays, le chômage monte en flèche (de 0% en 2008, il grimpe à 14% début 2010). Le nombre de familles incapables de payer les créanciers croît très rapidement. Tout le système bancaire irlandais est au bord de la faillite et le gouvernement, dans la précipitation, garantit l’ensemble des dépôts bancaires à concurrence de 480 milliards d’euros (près de trois fois le PIB irlandais qui s’élevait à 168 milliards d’euros). Il nationalise l’Allied Irish Bank, principal financier de l’immobilier en injectant 48,5 milliards d’euros (environ 30% du PIB).
Les exportations ralentissent. Les recettes de l’Etat baissent. Le déficit budgétaire bondit de 14% du PIB en 2009 à 32% en 2010 (dont plus de la moitié est attribuable au soutien massif aux banques : 46 milliards d’apport de fonds propres Fonds propres Capitaux apportés ou laissés par les associés à la disposition d’une entreprise. Une distinction doit être faite entre les fonds propres au sens strict appelés aussi capitaux propres (ou capital dur) et les fonds propres au sens élargi qui comprennent aussi des dettes subordonnées à durée illimitée. et 31 de rachat d’actifs risqués).
Le plan européen d’aide avec participation du FMI de fin 2010 s’élève à 85 milliards d’euros de prêts (dont 22,5 fournis par le FMI) et il est déjà avéré qu’il sera insuffisant. En échange, le remède de cheval imposé au tigre celtique est en fait un plan d’austérité drastique qui pèse fortement sur le pouvoir d’achat des ménages, avec comme conséquences une réduction de la consommation, des dépenses publiques dans les domaines sociaux, des salaires de la fonction publique et dans l’infrastructure (au profit du remboursement de la dette) et des recettes fiscales. Les mesures principales du plan d’austérité sont terribles sur le plan social :
suppression de 24 750 postes de fonctionnaires (8% de l’effectif, cela équivaut à 350 000 postes supprimés en France) ;
les nouveaux embauchés le seront avec un salaire inférieur de 10% ;
baisse des transferts sociaux avec diminution des allocations chômages et familiales, baisse importante du budget de la santé, gel des pensions ;
augmentation des impôts à charge principalement de la majorité de la population victime de la crise, notamment hausse de la TVA de 21 à 23% en 2014 ; création d’une taxe immobilière (concerne la moitié des ménages jusque là non-imposables) ;
baisse de 1€ du salaire horaire minimum (de 8,65 à 7,65 euros, soit -11%). Appliqué au SMIC français, cela représenterait une baisse mensuelle de 135 euros.
Les taux des prêts accordés à l’Irlande sont très élevés : 5,7% pour celui du FMI et 6,05% pour les prêts « européens ». Ils serviront à rembourser les banques et autres sociétés financières qui achèteront les titres de la dette irlandaise qui, elles, empruntent à un taux de 1% auprès de la Banque centrale européenne. Une vraie aubaine de plus pour les financiers privés. Selon l’AFP, « le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a déclaré : ‘Cela va marcher, mais bien sûr, c’est difficile [...] parce que c’est dur pour les gens’ qui vont devoir faire des sacrifices au nom de l’austérité budgétaire ».
L’opposition dans la rue et au parlement a été très forte. Le Dail, chambre basse, n’a adopté le plan d’aide de 85 milliards d’euros que par 81 voix contre 75. Loin d’abandonner son orientation néolibérale, le FMI a indiqué qu’il plaçait parmi les priorités de l’Irlande l’adoption des réformes pour supprimer « les obstacles structurels aux affaires », afin de « soutenir la compétitivité dans les années à venir ». Le socialiste Dominique Strauss-Kahn s’est dit convaincu que l’arrivée d’un nouveau gouvernement après les élections prévues début 2011 ne changerait pas la donne : « Ce dont je suis convaincu, c’est que même si les partis d’opposition, le Fine Gael et le parti travailliste, critiquent le gouvernement et le programme [...], ils comprennent la nécessité de le mettre en œuvre ».
En somme, la libéralisation économique et financière qui visait à attirer à tout prix les investissements étrangers et les sociétés financières transnationales, a abouti à un fiasco complet. Ajoutant l’injure aux dommages subis par la population victime de cette politique, le gouvernement et le FMI n’ont rien trouvé de mieux que d’approfondir l’orientation néolibérale pratiquée depuis 20 ans et d’infliger à la population, sous pression de la finance internationale, un programme d’ajustement structurel calqué sur ceux imposés depuis trois décennies dans les pays du tiers-monde. Ces trois décennies doivent au contraire servir d’exemple de ce qu’il ne faut surtout pas faire. Voilà pourquoi il est urgent d’imposer une logique radicalement différente, au profit des peuples et non de la finance privée.
V. Contrairement à une idée reçue, la dette privée est bien plus lourde que la dette publique
Les grands médias et les gouvernements affirment qu’au Nord, LE problème est la dette publique, alors que de fait dans la plupart des pays, c’est la dette privée qui est la plus volumineuse. Par exemple, la dette privée représente 83% de la dette totale en Espagne, 85% au Portugal et 58% en Grèce [23]. Elle représente également 89% pour la Grande-Bretagne, 76% pour la France, 66% pour l’Italie, 75% pour l’Allemagne, 79% pour les Etats-Unis et 59% pour le Japon [24]. Cette énorme dette privée, en particulier celle des entreprises privées, risque, si l’on n’y prend garde, de se transformer partiellement en dette publique demain, comme cela s’est passé en 2007-2009. Or l’alourdissement de la dette publique est utilisé comme argument par les gouvernements en place pour justifier l’adoption de nouveaux plans d’austérité affectant en priorité les dépenses sociales des États.
Prenons le cas de l’Irlande, si vous demandez à une personne qui suit les informations de la grande presse à propos de la crise irlandaise si la dette externe de ce pays est principalement une dette publique, il y a de fortes chances qu’elle réponde par l’affirmative. Or rien n’est moins vrai, la dette publique externe irlandaise ne représente que 4,6% de la dette totale externe du « tigre celtique » moribond. Le tableau ci-dessous nous indique la part de la dette externe qui est à charge du gouvernement [25].
Part de la dette externe qui est à charge du gouvernement
(en % de la dette externe totale)
Source : FMI, http://dsbb.imf.org/Pages/SDDS/ExternalDebt.aspx. Les chiffres se rapportent au 2e trimestre 2010.
A noter que l’augmentation de la part de la dette privée dans la dette totale est particulièrement marquée depuis la fin des années des années 1990.
VI. Joseph Stiglitz et d’autres économistes apportent de l’eau au moulin des partisans de la suspension du remboursement de la dette
1. Joseph Stiglitz, prix de la Banque de Suède en économie en mémoire d’Alfred Nobel en 2001, président du conseil des économistes du président Bill Clinton de 1995 à 1997, économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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de 1997 à 2000, apporte des arguments forts à ceux qui plaident pour la suspension du remboursement des dettes publiques. Dans un livre collectif [26] publié en 2010 par l’université d’Oxford, il affirme que la Russie en 1998 et l’Argentine au cours des années 2000 ont fait la preuve qu’une suspension unilatérale du remboursement de la dette peut être bénéfique pour les pays qui prennent cette décision : « Tant la théorie que la pratique suggèrent que la menace de fermeture du robinet du crédit a été probablement exagérée » (p.48).
Quand un pays réussit à imposer une réduction de dette à ses créanciers et recycle les fonds antérieurement destinés au remboursement pour financer une politique fiscale expansionniste, cela donne des résultats positifs : « Dans ce scénario, le nombre d’entreprises locales qui tombent en faillite diminue à la fois parce que les taux d’intérêt locaux sont plus bas que si le pays avait continué à rembourser sa dette [27] et parce que la situation économique générale du pays s’améliore. Puisque l’économie se renforce, les recettes d’impôts augmentent, ce qui améliore encore la marge budgétaire du gouvernement. […] Tout cela signifie que la position financière du gouvernement se renforce, rendant plus probable (et pas moins) le fait que les prêteurs voudront à nouveau octroyer des prêts. » (p.48) Et il ajoute : « Empiriquement, il y a très peu de preuves accréditant l’idée qu’un défaut de paiement entraîne une longue période d’exclusion d’accès aux marchés financiers. La Russie a pu emprunter à nouveau sur les marchés financiers deux ans après son défaut de paiement qui avait été décrété unilatéralement, sans consultation préalable avec les créanciers. […] Dès lors, en pratique, la menace de voir le robinet du crédit fermé n’est pas réelle. » (p.49)
Pour Joseph Stiglitz, certains pensent qu’un des rôles centraux du FMI est d’imposer le prix le plus élevé possible aux pays qui voudraient se déclarer en défaut de paiement et beaucoup de pays se comportent comme s’ils croyaient à cette menace. Il considère qu’ils font fausse route : « Le fait que l’Argentine soit allée si bien après son défaut de paiement, même sans l’appui du FMI (ou peut être parce qu’elle n’a pas eu l’appui du FMI), peut conduire à un changement de cette croyance. » (p.49)
Joseph Stiglitz met également clairement en cause les banquiers et autres prêteurs qui ont octroyé massivement des prêts sans vérifier sérieusement la solvabilité des pays qui empruntaient ou, pire, qui ont prêté en sachant parfaitement que le risque de défaut était très élevé. Il ajoute que, puisque les prêteurs exigent de certains pays des taux élevés en vertu des risques qu’ils prennent, il est tout à fait normal qu’ils soient confrontés à des pertes dues à un effacement de dette. Ces prêteurs n’avaient qu’à utiliser les intérêts élevés qu’ils percevaient en tant que provision pour pertes possibles. Il dénonce aussi les prêts « prédateurs » octroyés à la légère par les banquiers aux pays débiteurs (p.55).
En résumé, Stiglitz plaide pour que les prêteurs assument les risques qu’ils prennent (p.61). A la fin de sa contribution, il considère que les pays qui s’engagent dans la voie du défaut de paiement ou de la renégociation en vue d’obtenir une réduction de dette auront besoin d’imposer un contrôle temporaire sur les changes et/ou des taxes pour décourager les sorties des capitaux (p.60). Il reprend à son compte la doctrine de la dette odieuse et affirme que celle-ci doit être annulée (p.61) [28].
2. Dans un article publié par le Journal of Development Economics [29] sous le titre « The elusive costs of sovereign defaults », Eduardo Levy Yeyati et Ugo Panizza, deux économistes qui ont travaillé pour la Banque interaméricaine de développement présentent les résultats de leurs recherches minutieuses sur les défauts de paiement concernant une quarantaine de pays. Une de leurs conclusions principales est la suivante : « Les périodes de défaut de paiement marquent le début de la récupération économique » [30]. On ne peut mieux dire.
VII. Les alternatives
Le CADTM a proposé, dès août 2010, huit mesures concernant la crise actuelle en EuropeV [31]. L’élément central en ce qui concerne la dette est le moratoire
Moratoire
Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.
Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
unilatéral sur le remboursement de la dette permettant un audit de la dette publique effectué sous contrôle citoyen.
Voici les 8 mesures proposées par le CADTM et soumises à la discussion de l’ensemble des mouvements et partis qui sont convaincus qu’il faut développer une riposte populaire face à l’offensive que le Capital lance à la faveur de l’explosion de la dette publique.
1.Réaliser un moratoire unilatéral (sans accumulation d’intérêts de retard) sur le paiement de la dette, le temps de réaliser un audit (avec participation citoyenne) des emprunts publics. Sur la base des résultats de l’audit, il s’agira d’annuler la dette identifiée comme illégitime
Avec son expérience sur la question de la dette des pays du Sud, le CADTM met en garde contre une revendication insuffisante, comme une simple suspension du remboursement de la dette. Il faut un moratoire sans ajout d’intérêts de retard sur les sommes non remboursées.
Le moratoire est mis à profit pour procéder à un examen des emprunts afin d’identifier les dettes illégitimes. La participation citoyenne est la condition impérative pour garantir l’objectivité et la transparence de l’audit. Cette commission d’audit devra notamment être composée d’experts de l’audit des finances publiques, d’économistes, de syndicalistes et de représentants des mouvements sociaux. Il permettra de déterminer les différentes responsabilités dans le processus d’endettement et d’exiger que les responsables rendent des comptes à la collectivité. Les dettes identifiées comme odieuses ou illégitimes doivent être annulées.
2.Exproprier sans indemnisation les banques pour les transférer au secteur public sous contrôle citoyen.
Il n’y a pas de régulation durable possible avec des institutions financières privées. Les Etats doivent retrouver leur capacité de contrôle et d’orientation de l’activité économique et financière. Le coût de la reprise en main des banques privées au bord de la faillite par les pouvoirs publics doit être récupéré sur le patrimoine général des grands actionnaires. En effet, les sociétés privées qui sont actionnaires des banques et qui les ont menées vers l’abîme tout en faisant de juteux profits détiennent une partie de leur patrimoine dans d’autres secteurs de l’économie. Il faut donc faire une ponction sur le patrimoine général des actionnaires. Il s’agit d’éviter de socialiser les pertes.
L’exemple irlandais est emblématique, la manière dont la nationalisation de l’Irish Allied Bank a été effectuée est inacceptable. Il faut en tirer les leçons.
3.Instaurer une véritable justice fiscale européenne et une juste redistribution de la richesse. Interdire les paradis judiciaires et fiscaux. Taxer lourdement les transactions financières.
Avec une harmonisation européenne de la fiscalité permettant d’empêcher le dumping fiscal, il faut une réforme en profondeur de la fiscalité. Le but est une augmentation des recettes publiques, notamment via l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, et une baisse rapide du prix d’accès aux biens et services de première nécessité (aliments de base, eau, électricité, chauffage, transports publics…), notamment par une baisse forte et ciblée de la TVA sur ces biens et services vitaux.
Depuis 1980, les impôts directs n’ont cessé de baisser sur les revenus les plus élevés et sur les grandes entreprises. Ainsi, dans l’Union européenne, de 2000 à 2008, les taux supérieurs de l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés ont baissé respectivement de 7 et 8,5 points. Ces centaines de milliards d’euros de cadeaux fiscaux ont pour l’essentiel été orientés vers la spéculation
Spéculation
Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
et l’accumulation de richesses de la part des plus riches.
Il faut interdire toute transaction passant par des paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
qui font perdre chaque année aux pays du Nord mais également à ceux du Sud des ressources vitales pour le développement des populations. Les différents G20
G20
Le G20 est une structure informelle créée par le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à la fin des années 1990 et réactivée par lui en 2008 en pleine crise financière dans le Nord. Les membres du G20 sont : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne (représentée par le pays assurant la présidence de l’UE et la Banque Centrale européenne ; la Commission européenne assiste également aux réunions). L’Espagne est devenue invitée permanente. Des institutions internationales sont également invitées aux réunions : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Le Conseil de stabilité financière, la BRI et l’OCDE assistent aussi aux réunions.
ont refusé, malgré leurs déclarations d’intention, de s’attaquer réellement aux paradis judiciaires et fiscaux. Il faut interdire ces gouffres noirs de la finance, de la corruption, de la délinquance de haut niveau et des trafics illicites. A la progressivité de l’impôt, il faudrait ajouter une taxation dissuasive des transactions spéculatives et des revenus des créanciers de la dette.
4.Lutter contre la fraude fiscale massive des grandes entreprises et des plus riches.
La fraude fiscale prive de moyens considérables la collectivité et joue contre l’emploi. Des moyens publics conséquents doivent être alloués aux services des finances pour lutter efficacement contre cette fraude. Les résultats doivent être rendus publics et les coupables lourdement sanctionnés.
5.Mettre au pas les marchés financiers, notamment par la création d’un registre des propriétaires de titres et par l’interdiction des ventes à découvert.
La spéculation à l’échelle mondiale représente plusieurs fois les richesses produites sur la planète. Les montages sophistiqués de la mécanique financière rendent celle-ci totalement incontrôlable. Les engrenages qu’elle suscite déstructurent l’économie réelle. L’opacité sur les transactions financières est la règle. Pour taxer les créanciers à la source, il faut les identifier. La dictature des marchés financiers doit cesser.
6.Réduire radicalement le temps de travail pour créer des emplois tout en augmentant les salaires et les retraites.
Répartir autrement les richesses est la meilleure réponse à la crise. La part destinée aux salariés dans les richesses produites a nettement baissé, tandis que les créanciers et les entreprises ont accru leurs profits pour les consacrer à la spéculation. En augmentant les salaires, non seulement, on permet aux populations de vivre dignement, on renforce aussi les moyens de la protection sociale et des régimes de retraite.
En diminuant le temps de travail sans réduction de salaire et en créant des emplois, on améliore la qualité de vie des populations.
7.Socialiser les nombreuses entreprises et services privatisés au cours des 30 dernières années.
Une caractéristique de ces 30 dernières années a été la privatisation de nombre d’entreprises et services publics. Des banques au secteur industriel en passant par la poste, les télécommunications, l’énergie et les transports, les gouvernements ont livré au privé des pans entiers de l’économie, perdant au passage toute capacité de régulation de l’économie. Ces biens publics, issus du travail collectif, doivent revenir dans le domaine public. Il s’agira de créer de nouveaux services publics selon les besoins de la population pour répondre notamment à la problématique du changement climatique (création d’un service public d’isolation...).
8.Pour une assemblée constituante des peuples pour une autre union européenne.
L’Union européenne issue des traités constitutionnels imposés aux populations est une véritable machine de guerre au service du capital et de la finance. Elle doit être totalement refondée par un processus constituant où la parole des populations est enfin prise en considération. Cette autre Europe démocratisée doit pour le CADTM, œuvrer à l’harmonisation par le haut de la justice fiscale et sociale, permettre une élévation du niveau et de la qualité de vie de ses habitants, retirer ses troupes d’Afghanistan et quitter l’OTAN
OTAN
Organisation du traité de l’Atlantique Nord
Elle assure aux Européens la protection militaire des États-Unis en cas d’agression, mais elle offre surtout aux États-Unis la suprématie sur le bloc occidental. Les pays d’Europe occidentale ont accepté d’intégrer leurs forces armées à un système de défense placé sous commandement américain, reconnaissant de ce fait la prépondérance des États-Unis. Fondée en 1949 à Washington et passée au second plan depuis la fin de la guerre froide, l’OTAN comprenait 19 membres en 2002 : la Belgique, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, auxquels se sont ajoutés la Grèce et la Turquie en 1952, la République fédérale d’Allemagne en 1955 (remplacée par l’Allemagne unifiée en 1990), l’Espagne en 1982, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque en 1999.
, réduire radicalement ses dépenses militaires, bannir les armes nucléaires et s’engager résolument dans le désarmement, mettre fin à sa politique de forteresse assiégée envers les candidats à l’immigration, devenir un partenaire équitable et véritablement solidaire à l’égard des peuples du Sud de la planète.
Rompre avec la domination du grand capital !
Aujourd’hui, les institutions financières à l’origine de la crise s’enrichissent et spéculent sur les dettes des États, avec la complicité active de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI pour satisfaire les intérêts des gros actionnaires et des créanciers. Cet enrichissement privé, permis par les cadeaux fiscaux et sociaux des gouvernements et accéléré avec les plans d’austérité, doit cesser.
La réduction des déficits publics doit se faire, non pas en réduisant les dépenses sociales publiques mais par la hausse des recettes fiscales en taxant davantage le capital (entreprises et capital financier) comme les revenus, le patrimoine des ménages riches et les transactions financières. Pour cela, il faut rompre avec la logique capitaliste et imposer un changement radical de société. Contrairement au capitalisme que nous subissons actuellement, la nouvelle logique à construire devra rompre avec le productivisme, intégrer la donne écologique et abattre toutes les formes d’oppression (raciale, patriarcale, etc).
Nos revendications sont de nature à répondre concrètement à la crise dans l’intérêt des peuples. Annuler la dette illégitime relève de la souveraineté des États. Il s’agit pour nous de sortir de la crise en prenant en compte l’intérêt des populations.
Nous proposons de réunir dans un front anticrise à l’échelle européenne, mais aussi localement, les énergies pour créer un rapport de force favorable à la mise en pratique de solutions radicales centrées sur la justice sociale.
Abolir [32] la dette illégitime, c’est possible et c’est dans l’intérêt des peuples !
Il y a eu dans l’Histoire de très nombreuses annulations de dettes dans les pays du Sud comme dans ceux du Nord, parfois unilatérales, parfois validées en justice, parfois concédées sous la pression par les puissances dominantes.
Le droit international est riche de doctrines et de jurisprudences qui peuvent permettre, et ont d’ailleurs déjà permis, de fonder des annulations ou des répudiations de dettes.
Exemple emblématique, le CADTM a participé activement à l’audit de la dette de l’Equateur en 2007-2008. Cet audit a permis au gouvernement d’imposer aux créanciers la vente à l’Etat des titres d’une valeur de 3,2 milliards de dollars en acceptant une réduction de valeur de 70% (grosso modo l’Etat a racheté pour 30 dollars un titre qui valait 100 dollars sur le papier). Cela a représenté une réduction de 30% de sa dette publique extérieure [33]. Cela a également permis d’économiser sur les intérêts, 300 millions de dollars par an pendant 20 ans, ce qui est très apréciable. Ces sommes sont aujourd’hui consacrées à l’amélioration de la santé publique, de l’éducation et à la création d’emplois. D’autres pays ont décrété avec succès dans un passé récent des moratoires unilatéraux sur le remboursement de leur dette : il s’agit de la Russie en 1998, de l’Argentine en 2001-2005 sur 80 milliards de dollars sous forme de titres de la dette vendus à des banques et autres investisseurs étrangers (principalement allemands, italiens et nord-américains). L’Argentine est également en suspension de paiement depuis 2001 pour un montant de 6,5 milliards de dollars au Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
et s’en porte très bien. Ce n’est que depuis octobre 2010 qu’elle a repris officiellement la négociation avec ses créanciers bilatéraux membres du Club en imposant que le FMI soit tenu à l’écart de la négociation.
Ces mesures, pour insuffisantes qu’elles soient, marquent des avancées non négligeables, qui peuvent être utilisées par les mouvements sociaux du Sud et du Nord pour exiger l’annulation totale et inconditionnelle de la dette illégitime.
Cette annulation est aujourd’hui une nécessité et une urgence, tant les sommes consacrées au remboursement entravent les droits économiques, sociaux et culturels des populations, tout en renforçant le pouvoir de nuisance du Capital.
VIII. Processus de convergences en cours
Depuis septembre 2010, on assiste heureusement à un processus de convergences entre le CADTM et d’autres mouvements sur la manière d’affronter les problèmes de la dette publique et de son utilisation par les gouvernements pour mettre en place de véritables programmes d’ajustement structurel. En voici quelques exemples :
1. Dans le « Manifeste des économistes atterrés » [34] lancé en septembre 2010 et signé par plus de 2700 économistes ainsi que par diverses militants/tes, on peut lire parmi les 22 propositions concrètes pour sortir de la crise, deux propositions qui rencontrent en partie celles avancées par le CADTM :
Mesure n° 9 : Réaliser un audit public et citoyen des dettes publiques, pour déterminer leur origine et connaître l’identité des principaux détenteurs de titres de la dette et les montants détenus. »
Mesure n°15 : Si nécessaire, restructurer la dette publique, par exemple en plafonnant le service de la dette publique à un certain % du PIB, et en opérant une discrimination entre les créanciers selon le volume des titres qu’ils détiennent : les très gros rentiers (particuliers ou institutions) doivent consentir un allongement sensible du profil de la dette, voire des annulations partielles ou totales. Il faut aussi renégocier les taux d’intérêt exorbitants des titres émis par les pays en difficulté depuis la crise.
2. ATTAC Espagne le 24 novembre 2010 avance la position suivante en ce qui concerne la Grèce : “En Grèce, l’association opaque, secrète et délictieuse entre Goldman Sachs et le gouvernement conservateur précédent a floué les citoyens grecs et européens, avec le soutien complice de la banque privée allemande et française. Le plan de sauvetage européen a permis à ces banques allemandes et françaises de recouvrer leurs pertes, tandis que Goldman Sachs et les responsables politiques précédents jouissent librement de leur butin. La réponse juste consistait et consiste en premier lieu à émettre un mandat d’arrêt à l’encontre des responsables afin qu’ils soient jugés pour leurs délits ; ensuite à exiger la réalisation d’un audit de la dette afin de déterminer et de reconnaitre uniquement la part juste de celle-ci, et enfin à faire primer les intérêts sociaux des Grecs sur ceux de la banque privée internationale en réenvisageant les budgets et les engagements pris concernant l’achat de nouveaux sous-marins à l’Allemagne.”
Dans le cas de l’Irlande, ATTAC Espagne affirme : « Dans ce cas-ci, il y a également de nombreuses raisons de poursuivre les dirigeants actuels et les membres du Conseil d’Administration des banques privées pour leurs délits. Refuser la poursuite du paiement de la dette sans audit préalable et faire passer les intérêts de la population avant ceux des spéculateurs fondamentalistes du marché qui nous mentent et nous trompent. »“ [35]
3. La coalition irlandaise « Dette et développement » regroupe une série d’ONG de développement et d’organisations de solidarités Nord/Sud sur la base d’une plateforme assez modérée et essentiellement centrée sur une meilleure gestion des prêts accordés aux pays du Sud. Or elle a produit un document de 24 pages sur la crise irlandaise dans lequel elle appelle le gouvernement irlandais « à remettre en question la politique du FMI, notamment en réclamant la fin des conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. attachées aux accords de prêts du FMI » [36]. De son côté, la principale confédération syndicale irlandaise exige que les détenteurs de titres de la dette publique se voient imposer une réduction de 10% de leur valeur [37].
4. Dans un communiqué daté du 30 novembre 2010, ATTAC France avance 6 propositions / revendications auxquelles le CADTM peut largement souscrire (même s’il faut regretter que l’audit de la dette ne soit pas mentionné) : « - taxation et régulation stricte des transactions financières, à commencer par les transactions sur l’euro ; interdiction de la spéculation sur les dettes publiques ; fermeture des marchés de gré à gré
Marché de gré à gré
Gré à gré
Un marché de gré à gré ou over-the-counter (OTC) en anglais (hors Bourse) est un marché non régulé sur lequel les transactions sont conclues directement entre le vendeur et l’acheteur, à la différence de ce qui se passe sur un marché dit organisé ou réglementé avec une autorité de contrôle, comme la Bourse par exemple.
;
mise en faillite des banques trop endettées, sans indemnisation des créanciers et actionnaires qui ont accumulé les profits en jouant avec le feu ;
nationalisation des banques renflouées par les fonds publics ; ces banques devront rapidement être socialisées, c’est-à-dire placées sous le contrôle démocratique des salariés, des citoyens et des pouvoirs publics.
interdiction aux banques de dépôts, qui gèrent l’épargne des particuliers, de prendre des positions spéculatives et d’avoir des filiales dans les paradis fiscaux ;
restructuration de la dette, voire défaut partiel pour les États étranglés par la charge de la dette publique : la dette creusée par les cadeaux fiscaux aux riches, la crise financière et le renflouement des banques, est une dette illégitime ;
en complément, monétisation partielle de la dette publique, la BCE achetant directement aux États leurs obligations. »
5. Le 5 décembre 2010, un grand quotidien grec publie une tribune de l’économiste grec Costas Lapavitsas intitulée : « Commission Internationale d’audit de la dette grecque : Une demande impérative ». Dans sa conclusion, l’auteur affirme : « La Commission internationale d’audit aura un champ d’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
privilégié dans notre pays. Il suffit de penser aux contrats de dette conclus avec la médiation de Goldman Sachs ou destinés à financer l’achat d’armes de guerre pour constater la nécessité d’un audit indépendant. Si elles se révèlent odieuses ou illégales, ces dettes seront alors déclarées nulles et notre pays pourra refuser de les rembourser, tout en demandant des comptes en justice à ceux qui les ont contractées. »
6. Le 17 décembre 2010, le réseau des ATTAC d’Europe publie une déclaration commune [38] proposant de véritables mesures alternatives, parmi lesquelles :
« - mettre en place un mécanisme de défaut, par lequel les États répudieraient tout ou partie de leur dette publique, provoquée par les cadeaux fiscaux aux riches, la crise de la finance et les taux d’intérêts prohibitifs imposés par les marchés financiers ;
réformer la fiscalité pour rétablir les recettes publiques et la rendre plus juste, avec une taxation des mouvements de capitaux, des grandes fortunes et des hauts revenus, des profits des entreprises, vers l’instauration d’un revenu maximum. »
Là aussi, on constate une large convergence sur ces deux points entre le réseau des Attac d’Europe et le Réseau CADTM Europe.
7. Quelques jours plus tard, Jean-Marie Harribey, ex-coprésident d’ATTAC France et membre de son conseil scientifique, publie un article intitulé « Il faut coincer les serial killers » dans lequel il propose « la collectivisation-socialisation de tout le système bancaire à l’échelle européenne ».
Concernant la dette, il consacre deux paragraphes auxquels on ne peut que souscrire :
« Annuler la dette publique qui est illégitime
Tout le monde sait que la montée des déficits publics et donc de l’endettement public n’est pas due à une dérive des dépenses publiques. Elle est due à deux facteurs. L’un qui est à l’œuvre de manière rampante depuis plusieurs décennies, le cas français étant exemplaire à cet égard : la fiscalité a été réduite par tous les bouts, et particulièrement la fiscalité progressive, sans que les gouvernements successifs ne réussissent à rogner proportionnellement les dépenses publiques et sociales dont une grande part est incompressible. Le second facteur est récent et le plus violent : il s’agit de l’endossement des dettes privées par les collectivités publiques à la suite de la crise bancaire et financière.
Il est donc impossible de justifier que les populations soient obligées d’absorber toutes les conséquences d’une situation dont elles ne sont nullement responsables. La quasi-totalité de la dette publique est illégitime. »
Conclusion : Incontestablement, le thème de la dette publique a fait irruption au Nord à l’occasion de la grave crise que le monde traverse depuis 2007-2008. Les enseignements de trente années d’ajustement structurel au Sud doivent être tirés et les peuples européens doivent se mobiliser fortement pour que les décisions prises au Nord ne soient pas le pendant des décisions imposées au Sud au cours des trois dernières décennies. De nombreux mouvements posent d’ores et déjà la question de la légitimité de cette dette et de son audit complet en vue de l’annulation de la partie illégitime. Ce combat-là est essentiel pour poser les bases d’une logique économique et financière radicalement autre. La dette publique est le verrou qu’il faut parvenir à faire sauter dans l’intérêt des peuples et non dans celui des créanciers. Pour commencer à mettre en place une politique économique et sociale au service des populations et pour lutter contre le changement climatique, la réduction radicale de la dette publique est une condition nécessaire mais pas suffisante. Elle doit être accompagnée de toute une série de réformes radicales. Seule une mobilisation populaire massive avec des objectifs clairs pourra y parvenir.
Fin de la série : Du Nord au Sud de la planète : la dette dans tous ses états.
Ce texte est une version largement retravaillée et augmentée de l’introduction donnée à l’atelier « Dette publique au Sud et au Nord » lors de la Conférence Nationale des Comités Locaux (CNCL) d’ATTAC France tenue les 16 et 17 octobre 2010 à l’Université de Saint-Denis (Paris VIII) à Paris. Une version proche de celle-ci a été donnée lors de la formation organisée par l’Observatoire internationale de la dette avec le CADTM à Liège les 29 et 30 novembre 2010 voir www.cadtm.org/Dette-publique-dans-les-pays-du,6103) ainsi que lors du 4e atelier CADTM d’Asie du Sud tenu à Colombo (Sri Lanka) les 9 et 10 décembre 2010 (voir www.cadtm.org/Le-CADTM-Asie-du-Sud-reuni-a) de même qu’à l’occasion d’une conférence donnée à Nagercoil (dans l’Etat du Tamil Nadu en Inde) le 28 décembre 2010.
[1] Dans ce texte le « Nord » correspond aux pays les plus industrialisés.
[2] Dès novembre 2008, je l’avais annoncé et dénoncé dans un article intitulé « Union sacrée pour sacrée arnaque » http://www.cadtm.org/Union-sacree-pour-sacree-arnaque Il n’y a quasiment aucune correction à apporter aux contenu de cet article. Les prévisions qu’il contient ont été entièrement confirmées et les propositions de solution restent valables même s’il faut y ajouter l’audit de la dette aboutissant à des annulations/répudiations (voir plus loin dans le présent article).
[3] Les banquiers allemands et français détiennent à eux seuls 48% des titres de la dette espagnole (les banques françaises détiennent 24% de ces dettes), 48% des titres de la dette portugaise (les banques françaises en détiennent 30%) et 41 % des titres de la dette grecque (les françaises venant en tête avec 26%). Voir les trois graphiques plus loin.
[4] Repris de C. Lapavitsas, A. Kaltenbrunner, G. Lambrinidis, D. Lindo, J. Meadway, J. Michell, J.P. Painceira, E. Pires, J. Powell, A. Stenfors, N. Teles : « The eurozone between austerity ans default », September 2010. Source : CPIS.
[5] Les principaux détenteurs (càd les banques des pays mentionnés) des titres de la dette grecque sont selon l’infographie présentée : la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Royaume Uni, les autres détenteurs sont regroupés dans la catégorie « reste du monde ». Cette infographie est reprise de de C. Lapavitsas, op. cit., p. 11 Selon la BRI, en décembre 2009, les banque françaises détenaient la dette publique grecque pour un montant de 31 milliards de dollars, les banques allemandes en détenaient 23 milliards.
[6] Qui est utilisé par certains dans un sens péjoratif, voire raciste.
[7] Repris de C. Lapavitsas et al., op. cit., p. 30
[8] Selon Alexander Sack, théoricien de la doctrine de la dette odieuse “ Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas selon les besoins et les intérêts de l’Etat, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier (…) Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation : c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir ” (Sack, 1927). Pour une présentation synthétique, voir Hugo Ruiz Diaz, “ La dette odieuse ou la nullité de la dette”, contribution au deuxième séminaire sur le Droit international et la Dette organisé par le CADTM à Amsterdam en décembre 2002, http://www.cadtm.org/La-dette-odieuse-ou-la-nullite-de Voir « La position du CADTM Belgique sur la doctrine de la dette odieuse et sa stratégie juridique pour l’annulation de la dette » http://www.cadtm.org/La-position-du-CADTM-Belgique-sur et également « Dette illégitime : l’actualité de la dette odieuse. Position du CADTM par CADTM international » http://www.cadtm.org/Dette-illegitime-l-actualite-de-la
[9] Dave Zirin, “The Great Olympics Scam, Cities Should Just Say No”, www.counterpunch.org/zirin07052005.html : « But for those with shorter memories, one need only look to the 2004 Summer Games in Athens, which gutted the Greek economy. In 1997 when Athens »won« the games, city leaders and the International Olympic Committee estimated a cost of $1.3 billion. When the actual detailed planning was done, the price jumped to $5.3 billion. By the time the Games were over, Greece had spent some $14.2 billion, pushing the country’s budget deficit to record levels. »
[10] Voir un résumé détaillé du scandale Siemens-Hellas sur http://www.scribd.com/doc/14433472/Siemens-Scandal-Siemens-Hellas . Les délits incriminés à Siemens par la justice allemande étaient tellement évidents que pour éviter une condamnation en bonne et due forme, cette entreprise a accepté de verser une amende de 201 millions d’euros en octobre 2007 aux autorités germaniques. Le scandale a tellement terni l’image de Siemens que, pour essayer de trouver une parade, le portail internet de la transnationale annonce en bonne place qu’elle a doté de 100 millions d’euros un fonds de lutte contre la corruption. Voir :
http://www.siemens.com/sustainability/en/compliance/collective_action/integrity_initiative.php
[11] Tableau repris de C. Lapavitsas, A. Kaltenbrunner, G. Lambrinidis, D. Lindo, J. Meadway, J. Michell, J.P. Painceira, E. Pires, J. Powell, A. Stenfors, N. Teles : « The eurozone between austerity ans default », September 2010. http://www.researchonmoneyandfinance.org/media/reports/RMF-Eurozone-Austerity-and-Default.pdf. Voir également le résumé en français (rédigé par Stéphanie Jacquemont du CADTM) de cette étude : http://www.cadtm.org/Resume-de-The-Eurozone-between
[12] Le même phénomène s’est produit au même moment envers le Portugal, l’Espagne, des pays d’Europe centrale et de l’Est.
[13] Tableau repris de C. Lapavitsas, op. cit.
[14] Chiffres 2009. Parmi les pays membres de l’OTAN, seuls les Etats-Unis dépensent proportionnellement plus que la Grèce : 4,7% du PIB.
[15] Une partie des données mentionnées proviennent de François Chesnais, « Répudiation des dettes publiques européennes ! » in Revue Contretemps n°7, 2010 qui se base sur Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), www.sipri.org/yearbook
[16] On peut ajouter au moins un autre argument pour déclarer illégitime ou nulle cette nouvelle dette. Le voici : pour qu’un contrat entre deux parties soit valide, selon la Common Law, il faut que chaque partie ait exercé l’autonomie de la volonté, càd il faut que chaque partie ait été en situation de pouvoir dire non ou de pouvoir refuser certaines clauses du contrat qui allaient à l’encontre de ses intérêts. Lorsque les marchés financiers ont commencé à faire du chantage à l’égard de la Grèce en mars-avril 2010 et qu’ensuite la Commission européenne et le FMI se sont coalisés pour imposer des conditions draconiennes à la Grèce (mesures d’austérité très dures qui constituent une violation des droits économiques et sociaux), on peut considérer que la Grèce n’était pas vraiment en état d’exercer l’autonomie de la volonté et de refuser.
[19] Voir son site http://www.contra-xreos.gr/. Ce comité a adhéré au réseau mondial du CADTM en décembre 2010.
[20] Cette partie est largement inspirée d’un diaporama réalisé par Pascal Franchet (« Actualité de la dette publique au Nord », http://www.cadtm.org/IMG/ppt/Actualite_de_la_dette_publique_dans_les_pays.ppt).
[21] Le taux d’imposition des bénéfices de société s’élève à 39,5% au Japon, 39,2% en Grande Bretagne, 34,4% en France, 28% aux Etats-Unis.
[22] Les difficultés de l’allemand Hypo Reale Estate (sauvé en 2007 par le gouvernement d’Angela Merckel) et la faillite de la banque d’affaire états-unienne Bear Sterns (rachetée en mars 2008 par JP Morgan avec l’aide de l’administration Bush) proviennent notamment des problèmes de leurs fonds spéculatifs dont le siège était à Dublin.
[23] Voir C. Lapavitsas, A. Kaltenbrunner, G. Lambrinidis, D. Lindo, J. Meadway, J. Michell, J.P. Painceira, E. Pires, JPowell, A. Stenfors, N. Teles : « THE EUROZONE BETWEEN AUSTERITY AND DEFAULT », September 2010– 72 pages http://www.researchonmoneyandfinance.org/media/reports/RMF-Eurozone-Austerity-and-Default.pdf. Voir également le résumé en français (rédigé par Stéphanie Jacquemont) de cette étude : http://www.cadtm.org/Resume-de-The-Eurozone-between
[24] Quotidien El Pais, “La deuda externa atenaza a Espanha”, 28 février 2010, sur la base du FMI et de McKinsey Global Institute.
[25] Le reste de la dette externe peut être considéré comme entièrement privé
[26] Herman, Barry ; Ocampo, José Antonio ; Spiegel, Shari, 2010, Overcoming Developing Country Debt Crises, OUP Oxford, Oxford, ISBN : 9780191573699
[27] En effet, une des conditions posées par le FMI lorsqu’il vient en aide à un pays au bord du défaut de payement est d’augmenter les taux d’intérêt locaux. Si un pays échappe aux conditions fixées par le FMI, il peut au contraire baisser les taux d’intérêt afin d’éviter autant que possible des faillites d’entreprise.
[28] Joseph Stiglitz a défendu cette position à de nombreuses reprises au cours des dix dernières années. Voir notamment son livre La grande désillusion, Fayard, 2002.
[29] Journal of Development Economics 94 (2011), p. 95-105.
[30] “Default episodes mark the beginning of the economic recovery”.
[32] Abolir une dette signifie que l’initiative peut venir à la fois du créancier (annulation) que du débiteur (répudiation)
[33] Il s’agissait de titres de la dette venant à échéance en 2012 et en 2030 détenus principalement par des banques nord américaines.
[35] En Grecia la asociación opaca y secreta delictiva de Goldman Sachs con el Gobierno conservador anterior estafó a la ciudadanía griega y a la europea, con el apoyo cómplice de la banca privada alemana y francesa. El rescate articulado con fondos europeos ha ido a garantizar el cobro de sus fondos a estos bancos alemanes y franceses, mientras que Goldman Sachs y anteriores responsables políticos están libres y sin cargos disfrutando de sus botines. La respuesta justa pasaba y pasa primero por imputar a estos responsables y emitir una orden de caza y captura por sus delitos para que sean juzgados ; segundo por no reconocer la deuda y exigir su auditoria previa para sanearla y reconocer sólo lo justo y, tercero por anteponer los intereses sociales de los griegos a los intereses de la banca privada internacional replanteándose los presupuestos y compromisos de compra adquiridos como los nuevos submarinos a Alemania.” (…) “También allí hay motivos de sobra para juzgar los delitos de los actuales gobernantes y de los miembros de Consejo de Administración de los bancos privados. A negarse a pagar la deuda sin una auditoria previa y anteponer los intereses de la ciudadanía a los espurios de los especuladores fundamentalistas del mercado que nos mienten y engañan.”, http://www.attac.es/realidad-contra-incompetencia-de-responsables-economicos-en-la-union-europea/
[36] A Global Justice Perspective on the Irish EUIMF Loans : Lessons from the Wider World http://www.cadtm.org/IMG/article_PDF/article_a6187.pdf
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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