Nous avons le plaisir de partager avec vous le dernier numéro de la collection Passerelle : Féminismes ! Maillons forts du changement social, édité par Ritimo, auquel le CADTM a collaboré.
Publié en français et en espagnol, il revient sur les féminismes, leurs formes de luttes sociales et politiques complexes, et met l’accent sur leurs points communs : le combat pour l’égalité et l’émancipation, l’affranchissement des dépendances et des stéréotypes, et la rupture avec les rapports de domination.
Ce Passerelle n’a pas pour ambition de présenter un panorama exhaustif des mouvements féministes dans le monde, de leurs histoires ou des théories qui les fondent, ni de proposer un état des lieux des différents courants qui les traversent, voire les opposent. Le fil rouge de cette publication est l’expression de mouvements qui, au nord comme au sud, à l’est ou à l’ouest de la planète, se mobilisent contre d’autres formes d’oppression ou d’aliénation que la seule inégalité entre les sexes, participant ainsi à remettre fondamentalement en question l’ordre établi.
Quand combattre le sexisme revient aussi à se lever contre un système capitaliste mortifère, des politiques hiérarchisées et hégémoniques, un hétéro-sexisme normatif, le système militaro-industriel, le racisme, la colonisation de la nature et le pillage des ressources, sans toutefois perdre de vue la nécessité de continuer à lutter pour les droits des femmes, une porte est ouverte pour faire le lien avec d’autres mouvements de résistance et de changement social.
C’est cette porte que nous vous invitons à pousser, en découvrant la quarantaine d’articles et récits d’expériences que nous avons regroupés dans le présent ouvrage. Issus du travail de terrain et de recherches, ils reflètent différents positionnements et illustrent une partie de la grande diversité des réflexions et actions
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Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
menées par les mouvements féministes, partout dans le monde, pour participer à la construction de sociétés soutenables basées sur la démocratie, la justice sociale et le respect de la diversité.
Parmi les thèmes abordés : rôle des femmes sahraouies et palestiniennes dans l’auto-détermination, combat des miliciennes kurdes, afro-féminisme, éco-féminisme, cyberféminisme, mais aussi luttes contre les inégalités sociales et professionnelles persistantes, contre les violences machistes institutionnalisées, les masculinismes d’État et la montée des conservatismes...
Retrouvez la version française ci-dessous et la version espagnole ici.
Retrouvez le dossier complet sur le site de Ritimo.
INTRODUCTION par DANIELLE MOREAU et VIVIANA VARIN
Les féminismes expriment des formes de luttes sociales et politiques complexes, en constante évolution, qui varient selon leur contexte géopolitique, qui peuvent être militantes ou institutionnelles, subversives ou plus consensuelles. Ces luttes multiples ont néanmoins en commun le combat pour l’égalité et l’émancipation, l’affranchissement des dépendances et des stéréotypes, et la rupture avec les rapports de domination.
Le présent numéro de Passerelle n’a pas pour ambition de présenter un panorama exhaustif des mouvements féministes dans le monde, de leurs histoires ou des théories qui les fondent, ni de proposer un état des lieux des différents courants qui les traversent, et les opposent parfois. Le fil rouge de cette publication est l’expression de mouvements qui, au Nord comme au Sud, à l’Est ou à l’Ouest de la planète, se mobilisent contre d’autres formes d’oppression ou d’aliénation que la seule inégalité entre les sexes, participant ainsi à remettre fondamentalement en question l’ordre établi.
Ce numéro vise à permettre l’expression de points de vues divers, au travers d’articles qui n’engagent que leurs auteur-e-s et dont l’éclectisme a pour vocation d’enrichir la réflexion et le débat.
Les articles et récits d’expériences que nous avons regroupés reflètent différentes sensibilités et illustrent la grande diversité des réflexions et actions
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Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
menées par des groupements féministes, partout dans le monde, pour lesquels combattre le sexisme revient aussi à se lever contre un système capitaliste mortifère, des politiques hiérarchisées et hégémoniques, un hétéro-sexisme normatif, le système militaro-industriel, le racisme, la colonisation de la nature et le pillage des ressources.
En liant toutes les formes d’inégalités, sans pour autant prétendre que la classe, l’origine ethnique, le genre ou encore la sexualité soient des causes interchangeables, ces mouvements portent une grande attention à la manière dont les sources d’inégalités s’imbriquent les unes aux autres et dont elles se nourrissent les unes des autres. Cette attention et la reconnaissance de la pluralité des expressions de luttes pour l’émancipation permettent de mettre l’accent sur les croisements des analyses et des pratiques.
Comment les mouvements féministes alimentent-ils et renouvellent-ils les pratiques et réflexions d’autres mouvements de résistance et de transformation sociale ? A travers le monde et depuis des décennies, les femmes ont mené des combats contre les rapports sociaux de domination. On peut par exemple citer la grève des ouvrières de Saint-Pétersbourg de 1917 (qui a donné lieu à la journée internationale des femmes du 8 mars) pour exiger du pain et le retour de leurs maris partis au front ; le camp de femmes pacifistes de Greenham Common, qui de 1980 à 2000 a protesté contre l’installation de missiles nucléaires sur une base de l’armée anglaise ; les mouvements féministes et leur participation dès les années 1990 au combat contre la mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
néolibérale ; le rôle clé des femmes dans le monde arabe, notamment durant les Révolutions arabes où elles ont remis en cause les stéréotypes tout en dénonçant les dictatures ; les résistantes kurdes mobilisées contre Daech en Syrie et en Irak, ou encore le rôle des femmes dans la dénonciation de l’exploitation de la nature. Tous ces mouvements féministes ont contribué, et contribuent encore, à faire émerger des sociétés démocratiques, non-violentes, écologiques, non-régies par le profit et surtout... des sociétés libres et justes.
Néanmoins, tout en créant des convergences avec les autres mouvements de résistance et de transformation sociale, il est important de rester vigilant.e.s pour ne pas perdre l’horizon des luttes féministes.
Dans de nombreux pays et régions du monde, la résurgence de conservatismes sociaux, traditionnels et religieux constitue un grand danger. Les femmes continuent d’être victimes de violences et de discriminations. On assiste même parfois à de véritables retours en arrière, notamment en matière d’accès aux droits pour les femmes, dans la sphère privée comme publique, y compris dans certains pays où ces droits sont considérés comme acquis.
Les freins à l’accès aux droits sexuels et reproductifs sont par exemple encore nombreux (sociaux, politiques ou matériels) et les femmes doivent toujours se battre pour pouvoir choisir d’avoir un enfant ou pas, disposer librement de leurs corps, décider de leur vie sexuelle ou encore de leur identité de genre. Ce, sans craindre d’être persécutées ou poursuivies en justice, notamment les lesbiennes qui se trouvent doublement discriminées, par leur genre et leur orientation sexuelle. En Europe par exemple, on assiste à la montée des partis conservateurs, nationalistes, xénophobes et racistes qui, au nom de la laïcité et de la défense des droits des femmes, stigmatisent les populations immigrées, alors qu’en réalité leurs programmes représentent une menace rétrograde pour les femmes et leurs acquis sociaux.
Par ailleurs, de nombreuses batailles restent encore à mener en ce qui concerne l’accès à l’éducation, au vote ou au salaire égal à celui des hommes pour un même poste. Bien que la pauvreté recule à l’échelle mondiale, les femmes restent avantage
touchées : sur 1,3 milliard de personnes vivant sous le seuil de l’extrême pauvreté, sept sur dix sont des femmes [1]. L’indépendance économique est loin d’être gagnée. Une vulnérabilité qui fait perdurer la dépendance et contre laquelle les mouvements féministes et LGBTI continuent de lutter de manière spécifique, parfois même à travers des espaces de réflexion non-mixtes, pour que la parole soit complètement libérée et que des solidarités puissent se construire, y compris avec celles et ceux qui ne sont pas eux-mêmes confrontés à l’oppression mais qui souhaitent la voir disparaître.
À l’heure où la convergence des luttes est plus que jamais d’actualité, ce numéro de la collection Passerelle a pour objectif de faire le point sur les contributions des mouvements féministes à la construction de sociétés plus justes.
[1] Atlas mondial des femmes - Les paradoxes de l’émancipation. Éditions Autrement, Paris, 2015.
11 septembre 2018, par Caroline Weill , Ritimo
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