G20. ATTAC dénonce la « supercherie »

Les altermondialistes préconisent de « dégonfler le capitalisme » plutôt que de « rhabiller le capitalisme ».

26 septembre 2009 par Thomas Lemahieu




« Le G20 G20 Le G20 est une structure informelle créée par le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à la fin des années 1990 et réactivée par lui en 2008 en pleine crise financière dans le Nord. Les membres du G20 sont : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne (représentée par le pays assurant la présidence de l’UE et la Banque Centrale européenne ; la Commission européenne assiste également aux réunions). L’Espagne est devenue invitée permanente. Des institutions internationales sont également invitées aux réunions : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Le Conseil de stabilité financière, la BRI et l’OCDE assistent aussi aux réunions. de Pittsburgh est une mascarade qui intervient après les shows
médiatiques déjà organisés à Washington et à Londres, dénonceDominique
Plihon, président du conseil scientifique de l’association
altermondialiste ATTAC. On fait monter la pression, on annonce de
grandes mesures, on prépare de belles déclarations tonitruantes et
ambitieuses, mais au fond, la montagne va accoucher d’une souris et tout
le monde le sait. Dans cette affaire, on est bien obligé de constater
que les gouvernements des pays considérés comme les plus puissants
jouent vraiment petit bras. Même sur des sujets aussi périphériques que
les bonus des traders Trader
Traders
Le terme « trader » est d’origine anglo-saxonne. Il signifie littéralement « opérateur de marché ». C’est un opérateur spécialisé qui achète et vend des valeurs mobilières (actions, obligations, produits dérivés, options…), des devises, pour le compte d’un tiers (OPCVM, entreprise, personne, institutionnels…), ou pour l’établissement qu’il représente en tentant de dégager des profits.
, ils sont incapables de prendre la moindre
décision ! » Plutôt que de « rhabiller le capitalisme », les
altermondialistes appellent à « dégonfler la finance pour désarmer le
capitalisme » : hier matin, en prélude à une intervention théâtrale sur
la place du Palais-Royal à Paris, au cours de laquelle les pantins de
Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Barack Obama ont, en avant-première,
allumé leur écran de fumée, ATTAC a présenté dix mesures immédiates pour
sortir de cette farce et « nous engager dans une sortie durable de la
crise ».

À rebours de la dépénalisation croissante du droit des affaires en
France, l’association préconise une pénalisation totale des
« exactions » qui ont provoqué le désastre : démantèlement de tous les
paradis fiscaux Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.

La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
- « contrairement à ce qu’on tente de nous faire croire
avec la liste blanche, il n’y a pas de bon paradis fiscal », explique
Dominique Plihon -, éradication de la spéculation Spéculation Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
sur les matières
premières, mise à bas des hedge funds Hedge funds Les hedge funds, contrairement à leur nom qui signifie couverture, sont des fonds d’investissement non cotés à vocation spéculative, qui recherchent des rentabilités élevées et utilisent abondamment les produits dérivés, en particulier les options, et recourent fréquemment à l’effet de levier (voir supra). Les principaux hedge funds sont indépendants des banques, quoique fréquemment les banques se dotent elles-mêmes de hedge funds. Ceux-ci font partie du shadow banking à côté des SPV et des Money market funds.

Un Hedge funds (ou fonds spéculatif) est une institution d’investissement empruntant afin de spéculer sur les marchés financiers mondiaux. Plus un fonds aura la confiance du monde financier, plus il sera capable de prendre provisoirement le contrôle d’actifs dépassant de beaucoup la richesse de ses propriétaires. Les revenus d’un investisseur d’un Hedge funds dépendent de ses résultats, ce qui l’incite à prendre davantage de risques. Les Hedge funds ont joué un rôle d’éclaireur dans les dernières crises financières : spéculant à la baisse, ils persuadent le gros du bataillon (les zinzins des fonds de pension et autres compagnies d’assurance) de leur clairvoyance et crée ainsi une prophétie spéculative auto-réalisatrice.
, encadrement drastique des
« innovations financières » comme les produits dérivés Produits dérivés
Produit dérivé
Famille de produits financiers qui regroupe principalement les options, les futures, les swaps et leurs combinaisons, qui sont tous liés à d’autres actifs (actions, obligations, matières premières, taux d’intérêt, indices...) dont ils sont par construction inséparables : option sur une action, contrat à terme sur un indice, etc. Leur valeur dépend et dérive de celle de ces autres actifs. Il existe des produits dérivés d’engagement ferme (change à terme, swap de taux ou de change) et des produits dérivés d’engagement conditionnel (options, warrants…).
et la
titrisation Titrisation Technique financière qui permet à une banque de transformer en titres négociables des actifs illiquides, c’est-à-dire qui ne sont pas (ou pas facilement) vendables. Initialement, cette technique a été utilisée par les établissements de crédit dans le but de refinancer une partie de leurs prêts à la clientèle. Les prêts sont cédés à un véhicule juridique qui émet en contrepartie des titres (généralement des obligations) placés sur les marchés financiers. Avec la titrisation, les risques afférents à ces crédits sont transférés des banques aux acheteurs. Cette pratique s’étend aujourd’hui à d’autres types d’actifs et d’acteurs (portefeuilles d’assurances, immobilier, créances commerciales).

(extrait de Adda, p. 101, t. 1, 1996, p. 101-102)
Cette notion décrit la prépondérance nouvelle des émissions de titres (obligations internationales classiques émises pour le compte d’un emprunteur étranger sur la place financière et dans la monnaie du pays prêteur, euro-obligations libellées dans une monnaie différente de celle de la place où elles sont émises, actions internationales) dans l’activité des marchés. A quoi s’ajoute la transformation d’anciennes créances bancaires en titres négociables, technique qui a permis aux banques d’accélérer leur désengagement à l’égard des pays en voie de développement après l’irruption de la crise de la dette.
La caractéristique principale de cette logique de titrisation est la diffusion du risque qu’elle permet. Diffusion numérique tout d’abord, puisque le risque de défaut des emprunteurs cesse d’être concentré sur un petit nombre de banques transnationales en relation étroites les unes avec les autres. Diffusion qualitative ensuite, puisque chacune des composantes du risque afférent à un titre particulier peut donner lieu à la création d’instruments spécifiques de protection négociables sur un marché : contrats à terme pour se prémunir du risque de change, contrats de taux d’intérêt pour faire face au risque de variation des taux, marchés d’option négociables, etc. Cette prolifération des instruments financiers et des marchés dérivés donne aux marchés internationaux l’allure d’une foire aux risques, selon l’expression de Charles Goldfinger.
, etc. Pour Thomas Coutrot, lui aussi membre du conseil
scientifique d’ATTAC, la stabilité financière est à la fois un enjeu
démocratique et économique : « La crise a montré que la stabilité
financière est un bien public et donc le système doit être placé sous
contrôle public. On pourrait imaginer d’avoir un pôle bancaire public
qui fonctionne comme un service public, pas forcément à l’ancienne avec
des technocrates à sa tête, mais avec des règles démocratiques et
transparentes, sous la surveillance des représentants des salariés, des
usagers, des petites entreprises et des associations… » Les
altermondialistes veulent également relancer le débat sur les
inégalités. « On a bien vu le lien entre les inégalités et cette crise
aux États-Unis, fait remarquer Dominique Plihon. Les banques ont acculé
dans le surendettement les ménages les plus fragilisés par le gel des
salaires et les pertes de pouvoir d’achat… »

ATTAC propose de défendre un système d’impôt progressif qui permettrait,
par taux d’imposition « prohibitifs sur les hauts revenus », d’aboutir à
un écart maximal de 1 à 5 entre les plus bas et les plus hauts revenus.
Alors que, par exemple, Bernard Kouchner, le ministre français des
Affaires étrangères, se déclare désormais favorable à une très
improbable forme de taxation « facultative » sur les transactions
financières, les altermondialistes fustigent la manœuvre emblématique
des opérations à l’œuvre. « C’est pittoresque d’imaginer que des
entreprises voudraient contribuer volontairement à un impôt, relève
Thomas Coutrot. On le voit bien, derrière les envolées contre quelques
excès de la finance, le G20 cherche à sanctuariser la financiarisation
du monde. Il s’agit de prolonger la domination de la finance. »


Autres articles en français de Thomas Lemahieu (5)