G7/Dette : Position de Jubilé Sud Afrique

16 juin 2005 par Jubilee South


POSITION DE LA SECTION AFRIQUE DE JUBILE SUD SUR LA DECLARATION DES MINISTRES DES FINANCES DU G7 SUR LA DETTE.



Alors que les Ministres des Finances du G7 G7 Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing. ont pris une décision, qui aurait
dû intervenir depuis longtemps, pour annuler certaines des dettes
multilatérales de 18 pays parmi les plus pauvres, ils ont en même temps
renforcé leur contrôle sur ces pays, au détriment des citoyens de ceux-ci.
C’est le résultat de la réunion des Ministres des Finances du G7, tenue les
10 et 11 juin 2005. Ceci, parce que pour obtenir l’annulation de leurs
dettes, les pays éligibles avaient dû passer par le processus menant au
Point d’Achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.

Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.

Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.

Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.

Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.

Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
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processus qui inclut la mise en œuvre de réformes très contraignantes en
faveur de l’économie de marché, telles que des coupes budgétaires, la
libéralisation financière et commerciale, la privatisation ainsi que
d’autres réformes pour s’assurer de l’élimination de tous les obstacles à
l’investissement privé, tant domestique qu’étranger (déclaration des
Ministres des Finances du G7). Vingt autres pays pourraient être les
prochains bénéficiaires, mais à la condition qu’ils soient prêts à subir la
même peine que les 18 pays ont déjà endurée.

Beaucoup de commentateurs, d’universitaires, de théologiens et d’activistes
au sein du mouvement pour la justice économique ont fait remarquer que les
coûts des Programmes d’Ajustement Structurel et des conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt.
imposées par les créanciers dépassent de loin le montant de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
à
annuler.

En d’autres termes, si on devait mettre en œuvre les propositions des
Ministres des Finances du G7, elles donneraient aux pays affectés un moyen
de souffler financièrement tout en s’assurant de leur adhésion renouvelée
aux diktats des riches pays industrialisés et le pillage par leurs
entreprises multinationales. Pas seulement par le biais de l’exploitation de
nos ressources naturelles, mais également par le rapatriement des bénéfices,
la chute des termes de l’échange, un plus grand accès à des incitations
financières et fiscales. Dans ces conditions, un nouveau cycle d’endettement
se développera inévitablement.

Devons-nous applaudir tout en sachant que ces nouvelles promesses peuvent
emprunter le même chemin que les autres engagements du G7, c’est-à-dire
qu’elles ne seraient pas tenues ? Devrions-nous applaudir quand on sait que
les 18 pays concernés ne représentent qu’une petite fraction des pauvres
dans le monde ? Devrions-nous faire les éloges du G7 quand on sait que ces
dettes n’étaient même pas remboursées (du fait de l’incapacité des pays à
rembourser) et quand on sait qu’elles auraient dû être répudiées depuis
longtemps comme dettes illégitimes si nos gouvernements jouissaient d’une
véritable indépendance politique et économique ? La nature illégitime des
dettes se trouve dans le fait qu’elles avaient été contractées par des
dictatures de toutes natures, qu’elles avaient été utilisées pour renforcer
leurs régimes non démocratiques contre les intérêts de leurs peuples et pour
mettre en œuvre des politiques qui ont mis des millions de vies en danger.
En vérité, s’il y avait une quelconque égalité au sein du système politique
international, l’utilisation par les Etats-Unis de la doctrine de la dette
odieuse pour obtenir l’annulation de la dette de l’Irak sous Saddam Hussein,
serait étendue à l’Afrique et au reste des pays du Sud.

En tant que mouvements africains, engagés dans la campagne pour la dette,
nous réitérons nos exigences, connues de longue date :

- L’annulation inconditionnelle de la dette de TOUS les pays africains et
des autres pays en développement. Tout récemment, la Commission de l’Union
Africaine a joint sa voix à celles des organisations de la société civile
africaine pour l’annulation de la dette. Cela signifie qu’il y a un
consensus général en Afrique sur le sujet, parce que tous sont d’accord que
l’annulation de la dette est une question de justice et d’équité, non de
charité.

- Nous exigeons l’abolition des politiques de la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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et du FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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sous quelque masque qu’elles se présentent, ainsi que des réparations pour
les coûts induits par les programmes d’ajustement structurel. Il est évident
que le redressement économique de l’Afrique est incompatible avec les
conditionnalités de ces institutions, qui annuleraient tout gain potentiel
qui serait lié à l’annulation de la dette. Les institutions de Bretton Woods
devraient être remplacées par des institutions démocratiques, transparentes
et orientées vers le développement durable.

- Nous exigeons le rapatriement de toute la richesse volée aux peuples
africains et déposée dans les pays occidentaux. Si les puissances
occidentales sont sincères dans leur lutte contre la corruption, ceci est un
test de cette sincérité. Le rapatriement et la restitution de cette richesse
à ses vrais propriétaires- les peuples africains- enverraient le bon signal
à tous les pillards potentiels et aideraient l’Afrique dans son
redressement.

- Nous demandons aux dirigeants et décideurs africains de s’éloigner des
politiques néolibérales destructrices et d’explorer des politiques
véritablement populaires. Tout refus de suivre une telle voie va
inévitablement susciter de nouvelles vagues d’émeutes liées aux politiques
du FMI et à une aliénation du peuple à l’égard des classes dirigeantes.

- Nous croyons très sincèrement que l’Afrique doit recouvrer son droit souverain à décider de ses priorités et de sa propre voie de développement.

14 juin 2005