À Conakry en Guinée
À l’initiative du CADTM Afrique et du Secrétariat international partagé du Réseau CADTM, (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes) s’est tenue dans la ville de Conakry, en Guinée, une formation sur les dettes illégitimes, leurs impacts et les alternatives du 6 au 8 novembre 2018 dans la salle de conférence de l’Institut national de recherche et d’action pédagogique sis à Donka, dans la commune de Dixinn.
Également disponible en arabe
Cette rencontre, destinée à la formation des membres du Réseau, a permis aussi d’échanger entre les soixante militantes et militants venu-e-s de quatre (4) pays africains (la Guinée Conakry, le Mali, le Maroc, le Bénin) et la France.
Le mécanisme de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque Africaine de Développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds Européen de Développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
comme système de transfert des richesses du Sud vers le Nord et ses conséquences sur la vie des peuples de notre continent ont été au centre des travaux de cette formation.
Nous, mouvements sociaux réunis à cet effet à Conakry en Guinée, avons au cours de cette formation traité plusieurs thèmes qui touchent les problèmes entravant le progrès social et économique du continent africain particulièrement la Guinée Conakry.
Ainsi, nous avons abordé ce qui suit :
- La situation politico-économique et sociale de la Guinée ;
- La dette et l’aide publique au développement dans le cadre de la réalisation du Plan national de développement économique et social de la Guinée Conakry ;
- Les mouvements sociaux et le Plan national de développement économique et social de la Guinée Conakry ;
- L’historique de la politique anti-dette du CADTM, objectifs, stratégies, structures organisationnelles du Réseau international CADTM ;
- La situation actuelle de la dette en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne
- Quelles alternatives au système de microcrédit ?
- Les impacts de la dette sur les Droits humains fondamentaux, notamment en fonction du genre et de la classe sociale ;
- L’audit citoyen de la dette et les arguments juridiques pour répudier une dette illégitime
Dette illégitime
Comment on détermine une dette illégitime ?
4 moyens d’analyse
* La destination des fonds :
l’utilisation ne profite pas à la population, bénéficie à une personne ou un groupe.
* Les circonstances du contrat :
rapport de force en faveur du créditeur, débiteur mal ou pas informé, peuple pas d’accord.
* Les termes du contrat :
termes abusifs, taux usuraires...
* La conduite des créanciers :
connaissance des créanciers de l’illégitimité du prêt.
, illégale, odieuse et insoutenable ; - La dette comme outil de domination politique et de transfert des richesses.
L’actualité et l’importance de ces problématiques, analysées au cours de cette formation, nous amènent à réaffirmer la nécessité d’élargir le front social commun entre les mouvements des pays du Sud d’une part et le Nord d’autre part. La construction croissante de résistances et d’alternatives à travers les mouvements sociaux que nous représentons constitue déjà aujourd’hui, et constituera plus encore demain, les forces nécessaires pour mettre au pas les logiques de dépendances dans laquelle le système capitaliste et le système dette tente de nous emprisonner.
Par voie de conséquence nous, mouvements sociaux réunis durant ces trois jours, avons remarqué une fois encore :
- Qu’au-delà des effets d’annonce d’annulation de la dette par les pays dits développés et autres institutions de Bretton Woods, une nouvelle crise de la dette est déjà visible pour certains pays africains et se pointe à l’horizon pour d’autres ;
- Que les accords de libre-échange constituent des instruments en faveur des grandes puissances capitalistes et des multinationales du Nord et qu’à ce titre ils représentent des accords commerciaux néocoloniaux contre les peuples ;
- Que les industries extractives présentes développent leur activité au mépris du droit à la vie des populations et des travailleurs, et qu’elles exercent leur pillage en toute liberté et en toute impunité sans qu’aucun contrôle ne soit exercé par les autorités politiques et administratives sur elles ;
- Que l’orientation de l’agriculture vers l’exportation au profit du secteur de l’agrobusiness détruit l’agriculture vivrière, accentue l’appauvrissement des paysans et la dépendance alimentaire de nos pays vis à vis de ceux du Nord ;
- Que les partenariats public-privé ne sont que le nez caché de la privatisation ou la mobilisation de l’argent public pour nourrir le privé.
Pour l’ensemble des raisons susmentionnées nous, mouvements sociaux participants, exigeons :
- La mise en place d’un audit citoyen de la dette extérieure et intérieure de la Guinée Conakry pour en déterminer les parts illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables et de procéder à leur abolition pure et simple ;
- L’arrêt des classements du climat des affaires (programme Doing Business) de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies. En 2011, 187 pays en étaient membres.
Créée en 1944 à Bretton Woods dans le cadre du nouveau système monétaire international, la Banque possède un capital apporté par les pays membres et surtout emprunte sur les marchés internationaux de capitaux. La Banque finance des projets sectoriels, publics ou privés, à destination des pays du Tiers Monde et de l’ex-bloc soviétique. Elle se compose des cinq filiales suivantes :
La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD, 189 membres en 2017) octroie des prêts concernant de grands secteurs d’activité (agriculture et énergie), essentiellement aux pays à revenus intermédiaires.
L’Association internationale pour le développement (AID, ou IDA selon son appellation anglophone, 164 membres en 2003) s’est spécialisée dans l’octroi à très long terme (35 à 40 ans, dont 10 de grâce) de prêts à taux d’intérêt nuls ou très faibles à destination des pays les moins avancés (PMA).
La Société financière internationale (SFI) est la filiale de la Banque qui a en charge le financement d’entreprises ou d’institutions privées du Tiers Monde.
Enfin, le Centre international de règlements des différends relatifs aux investissements (CIRDI) gère les conflits d’intérêts tandis que l’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) cherche à favoriser l’investissement dans les PED. Avec l’accroissement de l’endettement, la Banque mondiale a, en accord avec le FMI, développé ses interventions dans une perspective macro-économique. Ainsi la Banque impose-t-elle de plus en plus la mise en place de politiques d’ajustement destinées à équilibrer la balance des paiements des pays lourdement endettés. La Banque ne se prive pas de « conseiller » les pays soumis à la thérapeutique du FMI sur la meilleure façon de réduire les déficits budgétaires, de mobiliser l’épargne interne, d’inciter les investisseurs étrangers à s’installer sur place, de libéraliser les changes et les prix. Enfin, la Banque participe financièrement à ces programmes en accordant aux pays qui suivent cette politique, des prêts d’ajustement structurel depuis 1982.
TYPES DE PRÊTS ACCORDÉS PAR LA BM :
1) Les prêts-projets : prêts classiques pour des centrales thermiques, le secteur pétrolier, les industries forestières, les projets agricoles, barrages, routes, distribution et assainissement de l’eau, etc.
2) Les prêts d’ajustement sectoriel qui s’adressent à un secteur entier d’une économie nationale : énergie, agriculture, industrie, etc.
3) Les prêts à des institutions qui servent à orienter les politiques de certaines institutions vers le commerce extérieur et à ouvrir la voie aux transnationales. Ils financent aussi la privatisation des services publics.
4) Les prêts d’ajustement structurel, censés atténuer la crise de la dette, qui favorisent invariablement une politique néo-libérale.
5) Les prêts pour lutter contre la pauvreté.
Site :
, qui ne s’appuient que sur le registre de la spéculation
Spéculation
Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
, au détriment des critères sociaux et environnementaux, et favorisent l’accaparement des terres et de l’eau ; - L’arrêt et l’annulation des contrats de prêts chinois et concessions d’autres multinationales basés sur le pillage systématique des ressources naturelles ;
- L’arrêt et annulation des contrats de désendettement et de développement (C2D) qui maintiennent les peuples africains sous perfusion ;
- L’arrêt de la vente des titres de dettes publiques sur les marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
des pays les plus industrialisés aggravant la situation d’endettement des pays du Sud ; - La renationalisation de toutes les sociétés d’État et les services publics qui ont été privatisés sous la pression du FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 188 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et la Banque mondiale et contre les intérêts des Africains ; - La création d’une banque du Sud en remplacement du FMI et de la Banque mondiale ;
- L’arrêt immédiat de l’accaparement des terres, du pillage des ressources naturelles et minières de la Guinée Conakry et du continent africain ne profitant qu’à une élite étrangère et nationale ;
- L’abolition de toutes les formes d’oppression (sociale, patriarcale, néocoloniale, politique, etc.) afin de promouvoir un développement autour des priorités et spécificités des peuples de l’Afrique ;
- La réinstauration d’un système de contrôle de la population sur le mouvement des capitaux ;
- La rupture avec les institutions financières et l’abolition de toutes les dettes illégitimes publiques et privées (microcrédits…) pour recouvrir notre souveraineté économique, politique et alimentaire.
Nous travaillerons aussi à :
- Faire de la mobilisation sociale une arme ;
- Susciter un débat public autour de la dette ;
- Démultiplier la formation et la sensibilisation à tous les niveaux.
Nous, mouvements sociaux guinéens, nous nous engageons à poursuivre ce combat en développant notre solidarité pour la justice socioéconomique et climatique.
Nous ne devons rien, nous ne paierons rien.
Un autre monde est possible.
Fait à Conakry le 8 novembre 2018
Liste des signataires
ATTAC CADTM Maroc-Secrétariat International Partagé du CADTM |
CAD Mali (Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement) |
CADD-CADTM Benin (Cercle d’Autopromotion pour le Développement Durable) |
CADTM France |
SGAR (Secrétariat Général aux Affaires Religieuses) |
APL (Association de Presse Libre) |
APL (Association des papillons libres) |
AFD (Action
Action Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
Femmes Développement) |
Jeunesse CEDEAO |
CONAG-DCF (Coalition nationale de guinée pour le droit et la citoyenneté des femmes) |
CNOSCG (Conseil national des organisations de la société civile guinéenne) |
SERPROMA (Service national de promotion et de règlementation des ONG) |
AFOGAD (Association de Femmes Originaires de Gaoual pour le Développement Durable de Guinée) |
AGUIPEL (Association Guinéenne de la presse en ligne) |
AGFC (Association Guinéenne des femmes Chercheurs) |
RAFFA (Rassemblement des Filles et Femmes Altermondialistes de Guinée) |
SLEECG (Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée) |
AMG (Altermondialistes de Guinée) |
ONG Pacific |
RAFEP/G (Réseau Africain pour l’Autopromotion des Femmes, de l’enfant et de la Famille) |
CADIF (Coalition pour les Alternatives Dettes et Développement) |
CERIDA (Centre d’Etude et de Recherche pour l’Intégration régionale et le Développement en Afrique) |
UGTG (Union Générale des Travailleurs de Guinée) |
OGC (Organisation Guinéenne de la Citoyenneté) |
FSPE (Fédération syndicale professionnelle d’éducation) |
CONASOC (Coordination Nationale des Organisations de la Société Civile) |
CONASIG (Confédération Nationale des Syndicats Indépendants de Guinée) |
Jeunesse CEDEAO |
SIFOG (Syndicat Indépendant des Forces Ouvrières de Guinée) |
ONSLG (Organisation nationale des syndicats libres de Guinée) |
