Forum social mondial, Mumbaï 2004.
2 février 2004 par Alain Saumon
Séminaire organisé le 20 janvier 2004 par France nature environnement (FNE), le CRID, Adéquation.
Synthèse : Alain Saumon.
Commentaires préliminaires :
L’organisation physique des séminaires a parfois manqué de rigueur à Mumbai. Ainsi, lors de la soumission des séminaires auprès du comité organisateur, à l’automne 2003, le CADTM, SPEDCA et Jubilée Sud avaient-ils tous les trois, individuellement, proposé un séminaire sur la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
écologique. En décembre, le FSM proposait de réunir ces trois séminaires en un seul ce qui fut fait sans problème par les trois organisations. Mais le changement n’a été fait ni sur le programme papier ni dans l’attribution des salles. Nous avons donc dû plus ou moins improviser le séminaire du 17 janvier (10 participants) et celui du 18 janvier (environ 25 participants), et laisser le séminaire du 19, « liens entre commerce et dette écologique
Dette écologique
La dette écologique est la dette contractée par les pays industrialisés envers les autres pays à cause des spoliations passées et présentes de leurs ressources naturelles, auxquelles s’ajoutent la délocalisation des dégradations et la libre disposition de la planète afin d’y déposer les déchets de l’industrialisation.
La dette écologique trouve son origine à l’époque coloniale et n’a cessé d’augmenter à travers diverses activités :
La « dette du carbone ». C’est la dette accumulée en raison de la pollution atmosphérique disproportionnée due aux grandes émissions de gaz de certains pays industriels, avec, à la clé, la détérioration de la couche d’ozone et l’augmentation de l’effet de serre.
La « biopiraterie ». C’est l’appropriation intellectuelle des connaissances ancestrales sur les semences et sur l’utilisation des plantes médicinales et d’autres végétaux par l’agro-industrie moderne et les laboratoires des pays industrialisés qui, comble de l’usurpation, perçoivent des royalties sur ces connaissances.
Les « passifs environnementaux ». C’est la dette due au titre de l’exploitation sous-rémunérée des ressources naturelles, grevant de surcroît les possibilités de développement des peuples lésés : pétrole, minéraux, ressources forestières, marines et génétiques.
L’exportation vers les pays les plus pauvres de produits dangereux fabriqués dans les pays industriels.
Dette écologique et dette extérieure sont indissociables. L’obligation de payer la dette extérieure et ses intérêts impose aux pays débiteurs de réaliser un excédent monétaire. Cet excédent provient pour une part d’une amélioration effective de la productivité et, pour une autre part, de l’appauvrissement des populations de ces pays et de l’abus de la nature. La détérioration des termes de l’échange accentue le processus : les pays les plus endettés exportent de plus en plus pour obtenir les mêmes maigres recettes tout en aggravant mécaniquement la pression sur les ressources naturelles.
», à d’autres questions concernant la dette financière.
Synthèse :
Intervenant le 20 janvier au séminaire « inégalités sociales et inégalités écologiques » (une cinquantaine de participants), j’ai joint à la présente synthèse les éléments marquants de celui-ci.
Wolfang Sachs rappelle que si toute l’humanité produisait, consommait et polluait comme le font les pays développés, il faudrait l’équivalent des ressources de quatre planètes supplémentaires. L’empreinte écologique [1] moyenne d’un habitant des pays riches a été multiplié par 5 entre 1900 et 2000 [2]. Le gâteau terre ne grossit pas et, puisque 20 % de la population mondiale consomme 80 % des ressources, nous devons nous référer à la notion d’équité et pour cela réintroduire le respect de la justice, une justice relative concernant une répartition plus appropriée des richesses et une justice absolue dans le cadre de normes définies. Selon Sachs, la barrière n’est pas nord/sud, elle est entre la société transnationale et la majorité sociale marginalisée : les 85 millions d’Allemands (moins une faible proportion) font partie de la société transnationale et 85 millions d’Indiens (sur plus d’un milliard) également.
Une proportion non négligeable de chaque auditoire n’étant pas familière au concept de dette écologique, il a fallu à chaque fois répéter les quatre grandes directions sur lesquelles elle s’appuie. Plusieurs intervenant dont notamment Joan Martínez Alier s’y sont appliqués.
Les changements climatiques en premier lieu, dus très majoritairement aux émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés. L’augmentation de la température sur la terre entraîne une élévation des niveaux marins et les pays les plus touchés sont les pays pauvres. Ainsi, le Bangladesh risque sérieusement de perdre un quart de ses terres cultivées dans les deltas du Brahmapoutre et du Gange, par l’élévation du niveau de l’eau dans la baie du Bengale. Qui prendra en charge les catastrophes humaines qui en résulteront ?
Deuxièmement la biopiraterie : 80 % des ressources biologiques terrestres se trouvent en zone intertropicale et sont abondamment pillées par les pays du Nord. Ceux-ci n’offrent que de maigres compensations monétaires au regard des bénéfices qu’ils tirent de l’exploitation de ces ressources. L’industrie pharmaceutique, notamment, tire un profit honteux des molécules qu’elle trouve sous les tropiques et a le cynisme tragique de revendre au prix fort, aux pays du Sud, les médicaments issus de ces molécules.
Troisième direction, les passifs environnementaux. Les exemples d’entreprises créant des dégradations souvent irréversibles de l’environnement dans les pays pauvres sont innombrables. L’entreprise Texaco, par exemple, exploite le pétrole de l’Amazonie équatorienne en polluant sans complexe des milliers d’hectares de la forêt autour des puits. Les autochtones en supporteront bien les conséquences. Les procès qui ont suivi l’explosion de l’usine chimique de Bophal en Inde, en 1984, ont attribué, après de longs et durs combats juridiques, 150 dollars de compensation par mort directement occasionnée. Le calcul a été fait qu’aux Etats-Unis la compensation aurait été de 15 000 $ ; les « espèces » du Sud coûtent moins cher, en conclut Vinod Raina.
Enfin, quatrième point principal de lutte : l’exportation de déchets dangereux. Dioxine, appareillages contenant des métaux lourds, amiante, huiles de moteurs usagées, etc., sont exportés vers les pays en développement qui acceptent de les stocker à bas prix dans n’importe quelles conditions sur leurs territoires. Les entreprises des pays riches y trouvent largement leur compte en profitant des faibles niveaux des législations en la matière des pays pauvres. Les conventions internationales sont allègrement détournées.
Biopiraterie, passifs environnementaux et exportation de déchets dangereux ont un lien direct avec la pauvreté.
Plutôt que de dette écologique, Vinod Raina se demande s’il ne vaudrait pas mieux employer le mot de « dette éthique » ou « dette morale » ? Autrefois, a-t-il souligné, on mettait les Noirs dans des bateaux pour les utiliser comme force de travail : cela s’appelait l’esclavage. Aujourd’hui, les usines traversent les océans sur des bateaux et, comme nous sommes des êtres civilisés, on ne parle pas d’esclavage. La dette des pays du Nord est si grande, ajoute-t-il, qu’ils n’arriveront jamais à la payer.
Le passé est important mais le futur est plus important encore, a fait remarquer Joan. Il s’agit avant tout de préserver les générations à venir. Deux orientations doivent retenir notre attention pour élaborer une stratégie efficace. D’une part, il faut commencer par introduire les coûts externes dans toute production, agricole, industrielle et de transport, en se basant sur des critères de soutenabilité par exemple en diminuant les émissions de carbone. D’autre part, même si la difficulté est insurmontable, il faut essayer de quantifier la dette écologique afin qu’elle se rattache à un symbole, comme une amende, de sorte que l’on prête attention au futur. Il faut introduire la notion de culpabilité dans les mentalités des citoyens gaspilleurs voire vandales. En suédois, « skuld » signifie « dette, faute, culpabilité, tort, délit, responsabilité » ; en allemand, « Schuld » signifie « dette, faute ».
De nombreux inconnus sont déjà morts, assassinés, pour sauvegarder leur environnement. Nous devons amplifier le combat pour plus de justice et le respect de la nature.
[1] L’empreinte écologique représente « la surface productive de sol et d’océans et mers nécessaires pour, à la fois, fournir les ressources consommées par une population donnée, et assimiler les rejets et déchets de ladite population ». Dématérialisation de l’économie et conservation des ressources naturelles, Sommet mondial sur le développement durable, République Française, Ministère des Affaires Etrangères et Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement.
[2] Idem, Dématérialisation...
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