Suite aux événements d’une extrême violence survenus le 31 décembre 2017, les 21 janvier et 25 février 2018 à Kinshasa et presque dans toutes les provinces de la RDC, le CADTM Afrique dénonce les dérives autoritaires de votre régime, M. Joseph Kabila, pour la énième fois en violant la Constitution pour interdire la marche pacifique des chrétiens catholiques, organisée par le Comité Laïc de Coordination (CLC).
Rappelons, M. Kabila, que vous êtes arrivé au pouvoir après l’assassinat de votre père, Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier 2001 avec une transition entre 2001 et fin 2006. Vous êtes réélu en 2011, mais votre principal adversaire, feu Étienne Tshisekedi, conteste les résultats et se proclame également président de la République. Mais vous parvenez néanmoins à être le président légal de la RDC. Conformément à la Constitution, c’était votre deuxième et dernier mandat, devant prendre fin le 20 décembre 2016.
Cependant, vous n’avez pas préparé l’organisation des élections, en fait, par volonté de vous accrocher, au mépris du respect de la Constitution de votre propre pays et de vos concitoyens. Opportunément pour vous, vous êtes maintenu au pouvoir suite à l’accord signé sous l’égide de l’Union africaine, le 18 octobre 2016 et celui de la Saint-Sylvestre de la même année sous l’égide de la Conférence Épiscopale du Congo (CENCO). Mais vous n’en avez pas finalement respecté les résolutions, notamment la plus importante : l’organisation d’élections libres et transparentes avant décembre 2017. Votre refus d’appliquer ledit accord n’a fait qu’accroître un climat de méfiance et d’instabilité et a plongé le pays dans une inquiétante crise politique et socio-économique.
Aux manifestant-e-s pacifiques appelant à la paix et à l’alternance démocratique, constitutionnelle, vous avez répondu par une violente répression ; plusieurs églises catholiques ont été attaquées par des policiers lourdement armés, ayant non seulement lancé des gaz lacrymogènes, mais n’ayant pas, en plus, hésité à faire usage de leurs armes à feu. Ainsi, aux nombreuses arrestations dont des prêtres, des enfants de chœur et des militantes pro-démocraties, s’est ajoutée une dizaine de morts sur l’ensemble du pays. Ces nouvelles victimes de votre régime autoritaire viennent s’ajouter à la longue liste des personnes arbitrairement détenues par la justice congolaise, en violation des droits et libertés humaines. Vous ne vous êtes pas privé de procéder à la nouvelle trouvaille répressive : la coupure de la connexion internet mobile et du service de messagerie de téléphonie mobile.
Lors de ces incidents, faut-il le rappeler, le peuple congolais dans son ensemble, et la jeunesse en particulier, avait, vu qu’il est question par la suite de « son attachement », tenu à témoigner son attachement à la Constitution, aux valeurs républicaines, au respect des droits humains et à des élections libres, démocratiques et apaisées.
En dehors de ces violations, voire homicides, votre régime illégal et illégitime est caractérisé par une corruption généralisée. Le népotisme ou le tribalisme sont également réapparus. À titre d’illustrations, le Parlement du Royaume-Uni a déclaré sur son site avoir gelé des avoirs de l’ordre de 580 millions de livres (802 millions $), entre 2005 et 2016, dans le cadre des sanctions imposées par l’ONU, visant votre régime en République démocratique du Congo. Selon les propos avancés par le secrétaire d’État au Trésor chargé de l’économie, John Glen, et repris par Reuters, ces gels ont essentiellement visé des chefs de milice, des cadres de l’armée et des organisations privées ayant des relations avec votre régime. Il ne s’agit apparemment que d’une partie de la fortune accumulée et placée à l’étranger par des dignitaires de votre régime. C’est décevant que le premier producteur de cobalt au monde, avec un PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
estimé à 30 milliards $, soit classé 177e sur 188 pays, en matière d’Indice de développement humain (IDH
Indicateur de développement humain
IDH
Cet outil de mesure, utilisé par les Nations unies pour estimer le degré de développement d’un pays, prend en compte le revenu par habitant, le degré d’éducation et l’espérance de vie moyenne de sa population.
) du PNUD
PNUD
Programme des Nations unies pour le développement
Créé en 1965 et basé à New York, le PNUD est le principal organe d’assistance technique de l’ONU. Il aide - sans restriction politique - les pays en développement à se doter de services administratifs et techniques de base, forme des cadres, cherche à répondre à certains besoins essentiels des populations, prend l’initiative de programmes de coopération régionale, et coordonne, en principe, les activités sur place de l’ensemble des programmes opérationnels des Nations unies. Le PNUD s’appuie généralement sur un savoir-faire et des techniques occidentales, mais parmi son contingent d’experts, un tiers est originaire du Tiers-Monde. Le PNUD publie annuellement un Rapport sur le développement humain qui classe notamment les pays selon l’Indicateur de développement humain (IDH).
Site :
(source : Agence Ecofin).
Sur le plan de l’endettement, le constat est très alarmant, la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
constitue une grosse pierre au cou de la RDC. En 2010, le pays a atteint le soi-disant « point d’achèvement » au prix de mesures néolibérales oppressantes qui piétinent les droits de la population congolaise déjà éprouvée par des décennies de colonisation, d’ajustements structurels, de dictatures.
La réalisation du point d’achèvement de l’initiative PPTE
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
et IADM, en 2010, n’a pas véritablement amélioré les conditions de vie des citoyen-ne-s de la RDC. Sur un total de 14 milliards de dollars de dette, à peu près 11 milliards ont été annulés. Comme pour tout pays ayant « bénéficié de cette faveur » du FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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(BM), les deux institutions ont imposé la libéralisation de toute l’économie (du secteur minier à l’énergie en passant par l’agriculture) au détriment de la population. Les conditions de vie en RDC ne se sont clairement pas améliorées au cours du temps : l’éducation, la santé, les routes, tout est dans un état catastrophique.
Alors qu’au même moment, en conséquence d’un endettement public colossal de 9,9 milliards $ fin 2017 selon le FMI [1] dont 4 milliards auprès de créanciers extérieurs [2] , ayant conduit l’État de la RDC à l’Initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) et à l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM) dont les mesures relèvent bel et bien de la néolibéralisation – à l’instar localement de la libéralisation du secteur minier et du secteur énergétique, en passant par le secteur agricole – et risquent de consolider les chaînes de l’endettement (le projet INGA III, par exemple, dont la réalisation par endettement des entreprises privées sera garantie, illégitimement, par l’État de la RDC, qu’INGA I et II avaient déjà surendetté, comme vous le savez pourtant), vos compatriotes des couches sociales populaires, l’écrasante majorité de la population de la RDC, peinent pour s’alimenter quotidiennement, se faire soigner, se loger, etc. Le social en général, de l’emploi à l’éducation, est dans un état catastrophique. Ainsi, le pays que vous dirigez, considéré comme particulièrement riche en ressources naturelles en général, minières en particulier, alors qu’il est, par exemple, le premier producteur mondial de cobalt, ce pays n’occupe que le 177e rang sur 188 en matière d’Indice du développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement.
En 2017, l’Union européenne avait déjà mis en place des sanctions individuelles contre neuf responsables du gouvernement, de la police et de l’armée congolaise, pour de graves violations des droits humains. Sous des prétextes sécuritaires et économiques, les puissances occidentales, et en particulier la Belgique et la France, ne doivent pas aider des gouvernements autoritaires comme le vôtre à renforcer vos organes de contrôle des populations dans le but d’asseoir davantage votre pouvoir. La Belgique de Charles Michel protège le terroriste Joseph Kabila, le génocide congolais n’émeut pas le gouvernement belge car ses intérêts passent avant la vie des Congolais.
Le CADTM Afrique constate avec amertume que le processus électoral, entamé en avril 2015 avec la publication du calendrier électoral, est en panne et aucune explication n’a été donnée par la CENI alors que la campagne électorale était censée débuter le 24 septembre 2015. Nous notons qu’à cette confusion savamment orchestrée par la CENI, en complicité avec le gouvernement congolais, est venue s’ajouter la très controversée décision de la Cour constitutionnelle qui est allée au-delà de ses prérogatives en muant son arrêt en une multitude d’injonctions faites au gouvernement et à la CENI. Les décisions de cette instance étant irréversibles, la Cour ne fait qu’augmenter les troubles et la tension au lieu d’apaiser les ressentiments et les frustrations depuis la prise de l’initiative du découpage territorial. La Cour constitutionnelle vous a autorisé à rester en poste jusqu’à avril 2018, malgré les protestations de l’opposition et de la communauté internationale.
Nous dénonçons votre collusion avec les multinationales qui opèrent en RDC. Il s’agit notamment des sociétés minières comme Mark Bristow de Randgold Resources, Ivan Glassenberg de Glencore, l’ami personnel du chef de l’État, Steele Li de CMOC, Mark Davis de MMG, Lars Ericksen Johanson d’Ivanhoe Mines, etc.
Le 7 mars dernier, il y a eu une réunion entre vous et ces gestionnaires de milliards de dollars des investissements miniers à travers le monde. Il était question d’obtenir de vous, la réouverture des négociations sur certaines dispositions qu’ils désapprouvent dans le Code minier révisé, en instance de promulgation, afin que le code minier leur soit davantage favorable, au détriment de la population congolaise. C’est pour cette raison que ces délinquants financiers sont favorables à votre maintien illégal et illégitime au pouvoir.
Sous votre régime, on note une forte augmentation progressive de la dette publique, entachée d’illégitimité et d’illégalité, voire même odieuse.
Le CADTM Afrique constate aussi l’échec de toutes les tentatives de dialogue initié par le régime de Joseph Kabila les unes après les autres. Il pense que tout dialogue s’inscrivant dans la logique de violer la Constitution doit être proscrit et rejeté par la population congolaise pour l’intérêt suprême de la Nation. En effet, pour résoudre définitivement cette crise politico-sécuritaire, le CADTM Afrique :
Le Groupe de coordination du CADTM Afrique.
[1] Christian Brice Elion, « Coopération : le FMI veut conclure les discussions avec le Congo », Agence d’information d’Afrique centrale, 3 avril 2018, http://www.adiac-congo.com/content/cooperation-le-fmi-veut-conclure-les-discussions-avec-le-congo-81541
[2] Voir International Debt Statistics 2018, Banque mondiale
SECRETARIAT RESEAU CADTM AFRIQUE, CAD-Mali Djélibougou Rue : 326 Porte : 26 - BP. 2521 Bamako - Mali - Tél./Fax : 20 24 01 34 / E-mail : secretariatcadtmafrique chez gmail.com
10 février, par CADTM Afrique , Broulaye Bagayoko
10 novembre 2022, par CADTM Afrique
4 novembre 2022, par CADTM Afrique
Communiqué
Le CADTM Afrique exige des réparations, la fin des conditionnalités et l’annulation des dettes illégitimes du continent24 octobre 2022, par CADTM Afrique
10 octobre 2022, par CADD , CADTM Afrique
2 février 2022, par CADTM Afrique
31 octobre 2021, par CADTM Afrique
21 mai 2021, par CADTM France , Survie , CADTM Afrique
26 avril 2021, par Collectif , CADTM Afrique , Martine Boudet
5 février 2021, par CADTM Afrique , Womin