13 avril 2017

Paris, France

Journée d’études : Finance et mouvements sociaux

Journée d’études : Finance et mouvements sociaux

Organisation : Quentin Ravelli (CMH) – Benjamin Lemoine (Irisso)

Jeudi 13 avril 2017 – Ecole Normale Supérieure
45 Rue d’Ulm, 75005 Paris, France
Salle des Actes TEPSIS-CMH (EHESS-ENS)

www.ens.fr

Programme provisoire sujet à modifications ultérieures

Sans changer la nature même du capitalisme, la financiarisation de l’économie mondiale depuis les années 1970 en a cependant profondément transformé les structures. Les entreprises, le logement, les retraites, la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique et privée ou encore la santé sont de plus en plus étroitement intégrés aux circuits financiers. Cette transformation engendre de multiples formes d’inégalité sociale mais se heurte aussi à des résistances. Qu’il s’agisse des luttes contre les licenciements dits « boursiers », des mouvements contre les expulsions liées aux crédits à risque, des « émeutes de la faim » consécutives à la spéculation sur les matières premières agricoles, ou encore des remises en question de la légitimité de la dette publique, la financiarisation n’est pas allée de soi. Elle s’est imposée malgré un cortège d’oppositions trop souvent perçues comme des phénomènes séparés. Et elle a aussi reposé sur des mobilisations au sein des classes dirigeantes, en faveur de la financiarisation.

Quelles sont les nouvelles formes de luttes qui s’opposent à un processus apparemment aussi virtuel et désincarné que la financiarisation ? Cette journée d’études cherchera à montrer les relations de causalité entre le poids croissant de la finance et les formes actuelles des mouvements sociaux, trop souvent étudiés séparément. On s’intéressera en particulier à deux formes de remise en cause, dans plusieurs pays (Etats-Unis, Grèce, Espagne, Afrique du Sud, Angleterre, France) : les luttes contre les crédits à risques et les expulsions consécutives à la crise de 2007 ; les oppositions politiques contre le remboursement des dettes d’Etat.


Programme de la journée d’études du 13 avril 2017

- 9h30-10h30 : Sandy Brian Hager : La dette publique dans le monde de Trump
- 10h30-11h30 : Sylvie Laurent : Bernie Sanders, contre la démocratie dévoyée par la financiarisation
- 11h45-12h45 : Isabelle Guérin : Les banques communautaires de développement brésiliennes comme tentative de réappropriation citoyenne de la finance
- 14h15-15h15 : Samantha Ashman : Financialisation and Mine Workers’ Struggles in South Africa’
- 15h15-16h15 : Quentin Ravelli : les luttes contre les banques en Espagne
- 16h30-17h30 : Les Faucheurs de chaise : récit d’une lutte inédite contre l’évasion fiscale
- 17h30-18h30 : Éric Toussaint : dette publique et lutte contre la « dette illégitime »


Sandy Brian Hager - Public Debt in a Trumpian World

The purpose of this presentation is to revisit the arguments I made in my new book, Public Debt, Inequality, and Power (2016), in light of Trump’s election victory. Specifically, my presentation will examine whether Trump will upset the domestic status quo of the debt state, characterized by stagnating tax revenues, gradually rising expenditures, and increasing inequality in the ownership of a rapidly rising public debt. I will then go on to consider what Trump’s victory means for the status of U.S. Treasuries as the world’s premiere safe asset. The prognosis is not good : Trump’s policy agenda is likely to deepen domestic inequalities and fuel uncertainty in an already perilous global financial system.


Sylvie Laurent (Sciences Po Paris) - Bernie Sanders, contre la démocratie dévoyée par la financiarisation

Les inégalités sociales américaines et leur effet délétère sur le contrat social américain, mis au jour depuis la mobilisation d’Occupy Wall street et les travaux d’universitaires devenus prestigieux, ont porté la candidature de Bernie Sanders en 2016. Mais l’inégale répartition des richesses et des ressources, l’absence d’ascension sociale et l’échec des politiques néolibérales menées depuis une trentaine d’année sont des maux que les 14 millions de dissidents qui ont voté Sanders articulent à un question plus fondamentale encore : que devient la démocratie lorsque la financiarisation de la vie politique confisque la souveraineté populaire et qu’un régime d’inégalité, régi par Wall Street comme par la Silicon Valley selon la gauche radicale américaine, oriente les politiques publiques des démocrates comme des républicains ? Cette intervention tentera d’éclairer ces questions, à l’heure où l’Amérique semble promise à devenir une « démocratie du top 1% » sans précédent.


Isabelle Guérin (IRD-Cessma) - Les banques communautaires de développement brésiliennes comme tentative de réappropriation citoyenne de la finance

Basée sur un terrain mené par une équipe franco-brésilienne (IRD-Université fédérale de Bahia), cette communication montrera comment les banques communautaires de développement (BCD) brésiliennes luttent contre les formes dominantes de la financiarisation en faisant de la finance à la fois un commun géré localement et un vecteur de liens de solidarité et d’une culture politique inédite, basée sur une démocratie de type délibératif. Elle montrera également les ambiguïtés des BCD et les tensions et limites auxquelles elles se heurtent. Enfin, à partir de cette étude de cas singulière, cette communication questionnera les processus sociopolitiques à l’œuvre dans la fabrique de « marchés » financiers, la manière dont s’entremêlent différents principes économiques et les conséquences plus ou moins démocratiques de cet entremêlement.


Samantha Ashman - Financialisation and Mine Workers’ Struggles in South Africa

The massacre of striking mineworkers at Marikana in 2012 is widely regarded as a turning point in the history of democratic South Africa. As well as revealing the virtually unconditional support given to capital by the ANC and the new black elite, it revealed also the high levels of debt amongst mine workers. Most of this debt is with ‘micro-lenders’ and the growth of micro-lending in South Africa has been nothing short of phenomenal. For South Africans earning between R3 500 and R10 000 a month (a workers’ salary) as much as 40% of income goes toward covering loan repayments. Garnishee orders - when employers are ordered by the courts to deduct debt repayments directly from workers’ salaries – are common. Many mineworkers were striking for higher wages in 2012 in part because garnishee orders were leaving them with little on which to live or because they were indebted to the unsecured lenders operating outside the mines or to the cash loan shops that have grown up in towns like Marikana all over South Africa. The paper explores these rising levels of debt in South Africa and the connection with workers’ struggle.


Quentin Ravelli - Les luttes contre les banques en Espagne

La généralisation des crédits immobiliers à risque au cours de années 2000 a conduit à une situation de surendettement massif des classes populaires espagnoles. Au lieu de permettre l’accession à la petite propriété et à la classe moyenne, la financiarisation de l’immobilier a eu l’effet inverse : une vague d’expulsions de logements, aujourd’hui estimée à plus d’un demi-million de familles, depuis le début de la crise en 2007-2008. Un mouvement social de grande envergure, la Plataforma de Afectados por la Hipoteca, devenu incontournable dans l’organisation politique du pays, lutte contre les expulsions et occupe les banques pour annuler les dettes. Cette communication présentera une longue enquête ethnographique, en partie filmée, ainsi que les résultats d’un questionnaire auprès de 500 personnes dans différentes villes espagnoles, pour comprendre qui sont les victimes du crédit qui s’organisent.


Les « Faucheurs de chaises » : Récit d’une lutte inédite contre l’évasion fiscale

Après la première « réquisition citoyenne de chaises » dans l’agence HSBC de Bayonne le 12 février 2015, un mouvement de dénonciation de l’évasion fiscale s’est généralisé. L’étonnante stratégie symbolique du « vol de sièges » a conduit à une popularisation rapide et à une multiplication des soutiens, mais aussi à des procès médiatisés malgré l’ouverture de discussions avec la direction de certaines banques. Le « collectif des faucheurs » de chaises qui viendra présenter l’histoire de ce mouvement inhabituel, ses revendications qui s’inspirent de traditions politiques habituellement maintenues séparées, ainsi que ses stratégies.


Éric Toussaint : dette publique et lutte contre la « dette illégitime »

Depuis le début des années 2000, plusieurs suspensions de paiement de dettes publiques ont été liées à des mobilisations sociales : Argentine à partir de 2001 ; Equateur en 2008-2009 suite à un audit à participation citoyenne ; Islande en 2008-2010. Nées en Amérique latine (Brésil, Equateur,…) au début des années 2000, les initiatives d’audit citoyen de la dette ont gagné l’Europe à partir de 2011 (Grèce, Espagne, France, Portugal, Italie, Belgique,…). En 2015, l’accession de la gauche radicale au gouvernement en Grèce a suscité un énorme espoir. Au bout de six mois, cela s’est terminé par une capitulation parce que le gouvernement de Tsipras a refusé d’utiliser l’arme de la suspension de paiement combinée à d’autres mesures qui auraient dû porter sur les banques, la monnaie, les impôts, la dette privée des ménages, etc. Quelles leçons tirer ? Pourquoi est-il vital de remettre en cause le paiement de la dette illégitime ? Quels sont les défis pour les mouvements sociaux d’Espagne où Podemos, allié à Izquierda Unida et à d’autres forces du changement, participe à une centaine de gouvernements municipaux dont ceux des 4 plus grandes villes du pays ?


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