Comité pour l'abolition des dettes illégitimes

Il signifie ainsi que les États-Unis n’abandonneront pas les méthodes brutales et sanglantes utilisées pour mettre à genoux les démocraties progressistes, socialistes ou communistes qui représentaient l’espoir pour les peuples latino-américains. Le Chili de Salvador Allende en est l’exemple le plus connu en Europe. L’Argentine avait sombré dans une des pires dictatures du sous-continent, de 1976 à 1983 : 30.000 disparus, 600 camps de concentration, des bébés volés à leurs familles, des tortures d’opposants politiques, des prisonniers jetés vivants à la mer depuis des avions… « Ni vengeance, ni pardon, Justice », scandent toujours les Mères de la Plaza de Mayo qui réclament la vérité sur les disparitions de leurs proches. La démocratie a été restaurée, les tempêtes du néolibéralisme mondialisé n’ont pas épargné le pays. Et voici le cyclone libertarien de Javier Milei.

 La grande « menace » des migrants

Lors de cette convention, le vice-président US, le très catholique JD Vance, a réitéré les commentaires qu’il avait émis lors de la Conférence sur la sécurité de Munich, selon lesquels les « plus grandes menaces » auxquelles étaient confrontés les « dirigeants de l’Occident » étaient « des millions et des millions de migrants étrangers non contrôlés [...] c’est la plus grande menace pour l’Europe et franchement, cela reste la plus grande menace pour les États-Unis, parce que oui, nous avons quatre ans de leadership du président Trump, mais je vous garantis que si les démocrates reprennent le pouvoir, ils vont essayer de le faire à nouveau ». Selon les partisans de Trump, les migrants votent démocrates et donc doivent être expulsés pour ne pas faire pencher la balance électorale au détriment des Républicains.

L’Argentine est la patrie du défunt pape François, le jésuite Jorge Mario Bergoglio et grand défenseur des migrants. Ce pays est aussi le premier à se doter d’un président pratiquant à la lettre une « éthique oligarchique néolibérale/libertarienne » : Javier Milei qui avait brandi la fameuse tronçonneuse lors de sa campagne électorale et qui inspire actuellement le président Trump.

 L’éthique libertarienne tue le social

Il y a un an, le 8 avril 2024, l’historien équatorien Juan J. Paz-y-Miño Cepeda écrivait dans son blog Histoire et aujourd’hui – blog ( www.historiaypresente.com ) « ... avec l’avancée du XXI^e siècle et la renaissance du néolibéralisme et son évolution vers le libertarianisme, car il est clair que l’ancien ‘ethos oligarchique’ n’a pas été définitivement surmonté mais se déplace sur un nouveau plan conceptuel : rétrécissement de l’État, privatisation de tout ce qui est public, évasion et élimination des impôts sur les hommes d’affaires, etc. Rendre les relations de travail plus flexibles, ré-harmoniser les économies internes, renforcer les relations de dépendance extérieure par des accords de libre-échange, avec des avantages pour le capital étranger par l’arbitrage international, etc. (...) Il convient de souligner que l’ éthique oligarchique néolibérale/libertarienne moderne est devenue un frein historique au progrès économique et au bien-être social ou Buen Vivir, si vous préférez ce terme. », souligne l’historien.

Et c’est bien ce qu’il se passe en Argentine depuis le 10 décembre 2023, date de l’accession à la présidence de la Nation argentine de l’économiste Javier Milei, libertarien d’extrême-droite, modèle de Donald Trump et autres richissimes oligarques. Il a été confronté à l’énorme dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics. externe avec le FMI FMI
Fonds monétaire international Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

Cliquez pour plus de détails. , plus de 40 milliards de dollars. Milei a annoncé son ambition : l’équilibre fiscal à tout prix, et pour cela, l’élimination à terme de l’État qui est la “base de tous les maux”, en utilisant la « tronçonneuse » comme moyen d’en finir !

L’une des premières mesures du gouvernement a été une dévaluation Dévaluation Modification à la baisse du taux de change d’une monnaie par rapport aux autres. de 118 % ce qui a durement touché la population la plus pauvre et une partie de la classe moyenne. On a vu augmenter les prix de l’énergie, des produits de première nécessité, de l’alimentation, la santé, les transports, etc. Or, le président avait annoncé que ce serait « la caste » (les politiciens liés à l’ État), qui supporterait ce brutal ajustement de l’économie. La vraie « casta », celle qui en tire des bénéfices, est composée des ultra millionnaires des grandes corporations de l’alimentation, des énergies, etc., qui fixent les prix, tout en exportant leurs énormes bénéfices vers des paradis fiscaux Paradis fiscaux
Paradis fiscal Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.

La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations. .

La pauvreté atteint 11 millions de personnes, les soupes populaires se multiplient dans la plupart des quartiers des villes, les médicaments assurés par l’État n’arrivent pas aux malades, les hôpitaux manquent de produits essentiels. Même le FMI recommande au gouvernement de « s’occuper des secteurs les plus vulnérables » ….

Le gouvernement licencie des travailleurs dans la totalité des entreprises publiques, et de la pire des manières : en communiquant par whatsapp, ou twitter, dans la nuit ou lorsqu’ils arrivent au travail le matin. « On va ‘expulser ‘ 70.000 employés de l’ État dans les différents ministères », a dit Milei. Actuellement, plus de 40 000 fonctionnaires ont été licenciés, et la moitié des ministères ont été supprimés. Exemple : les Ministères de la Femme, de la Santé ont été remplacés par des secrétariats dans d’autres ministères. Les bons résultats des luttes des femmes argentines sont ainsi évacués.

Parmi les mesures catastrophiques, il y a la fermeture de 11.000 coopératives, base de l’économie populaire ; la ANSES ( qui gère les pensions) réduit de 40% son personnel avec des conséquences désastreuses pour les paiements des pensions entre autres, ainsi que le PAMI, l’œuvre sociale des pensionnés.

Autre victimes de la tronçonneuse : l’ Agence Nationale des Handicapés, le Service de Météorologie National, l’ Agence de sécurité des voiries, le CONICET, ce qui est un vrai attentat à la recherche scientifique, l’Institut Géographique National, les Parcs Nationaux, l’Administration Nationale des Ports, l’Institut National d’Administration Publique, l’Administration Nationale des Biens de l’ État, et beaucoup d’autres…

Et bien entendu, la presse, la culture et l’éducation ont été parmi les premiers visés par le libertarien liberticide. Ainsi, les travailleurs de TELAM, l’Agence des Infos Nationale, ont été chassés de leurs bureaux en pleine nuit, le 4 mars 2024 et les autres ont été informés de la fermeture sans délai de cette agence, la plus importante du pays. Depuis, les réseaux privés et des réseaux sociaux dominent l’information, avec son lot de mauvaises et de fausses informations.

La Bibliothèque Nationale, qui est la base de la mémoire historique de la société argentine, connaît une réduction de plus de 200 travailleurs. Les Universités Nationales souffrent de lourdes pertes de leur financement, des hôpitaux universitaires risquent la fermeture.

L’Institut National du cinéma et des Arts audiovisuels, INCAA, voit la fermeture de plateformes digitales et télévisuelles, l’annulation des festivals dont le prestigieux Festival International de Cinéma de Mar del Plata. Or, le cinéma et l’audiovisuel signifient 700.000 emplois directs et indirects, et représentent 5% du PBI.

Le théâtre et la musique sont aussi dans la ligne de mire, la censure est une menace très présente. La pianiste mondialement connue, Martha Argerich, a dénoncé la suppression des bourses portant son nom à des jeunes musiciens. Elle a déclaré : « Si l’État ne soutient pas la culture , le futur des enfants et des jeunes, et de toute la population, est en danger ».

On le voit, ce scénario a inspiré Donald Trump qui l’a mis en œuvre dès son arrivée au pouvoir.

 L’Europe courtise le Mercosur Mercosur Le Mercosur est une zone régionale de coopération économique du Cône Sud (marché du Cône Sud) qui rassemble le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, en plus de plusieurs pays associés, le Chili, la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Suriname, le Guyana et le Pérou.

Qu’en est-il des réactions de l’Europe ? Le 6 décembre 2024, elle est arrivée à un accord politique sur le Mercosur ; à savoir l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, en vue d’un « accord de partenariat novateur ». En effet, l’UE est le premier partenaire du Mercosur en matière de commerce et d’investissement. Les exportations de l’UE vers le Mercosur se sont élevées à 56 milliards d’euros en biens en 2023 et à 28 milliards d’euros en services en 2022. Si l’accord de partenariat se concrétise, cela « renforcerait le projet politique de Javier Milei en Argentine, qui prône l’élimination des mécanismes de protection environnementale, la transformation de l’Argentine en fournisseuse de minerais, ainsi que la suppression des voix contestataires et des droits syndicaux 26 & 27. La situation en Argentine n’est donc pas fondamentalement différente de celle du Brésil sous Jair Bolsonaro en 2019, lorsque l’UE avait suspendu les négociations en réaction à la déforestation intensive promue par le président brésilien. L’UE doit aujourd’hui donc faire preuve de cohérence. », estiment Sophie Wintgens et Elise Kervy, dans une étude publiée par le CNCD.

Cependant, alléché par la perspective d’un accord de libre-échange avec les États-Unis de Donald Trump, Milei s’est redit prêt « si nécessaire » à sortir du Mercosur...

https://www.wsws.org/fr/articles/2025/02/24/mrij-f24.html?pk_campaign=wsws-newsletter&pk_kwd=wsws-daily-newsletter

https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/03/11/en-argentine-javier-milei-coupe-les-vannes-de-l-aide-alimentaire-aux-organisations-sociales_6221359_3234.html

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/12/argentine-le-president-milei-ferme-l-agence-de-presse-telam-qu-il-accuse-de-propagande_6221555_3210.html

https://musicaclasica.com.ar/en/martha-argerich-if-the-state-doesnt-support-culture-the-future-is-really-dangerous/

https://www.pagina12.com.ar/820286-lapidario-editorial-de-victor-hugo-morales-a-500-dias-del-go

https://www.slate.fr/monde/politique-tronconneuse-bilan-argentine-quinze-mois-presidence-javier-milei-economie-ultraliberalisme-monnaie-peso-dollar-inflation-investisseurs-cryptomonnaie