12 octobre 2022 par Maxime Perriot
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Aux États-Unis, où 43 millions de personnes ont une dette fédérale étudiante de 37 667 dollars en moyenne [1], Joe Biden a annoncé l’annulation d’une partie de ce fardeau. Si ses mesures ne vont pas assez loin, et apparaissent davantage comme un pansement que comme une solution pérenne, elles rappellent qu’annuler une dette détenue par un État n’est qu’une question de volonté politique.
David Flacher : « Les étudiant·es endetté·es iront vers des métiers plus rémunérateurs, qui sont souvent moins socialement utiles ».
Depuis des décennies, les étudiant·es étasunien·nes s’endettent lourdement pour étudier. Bien souvent, et ce depuis 1958, c’est le gouvernement fédéral, via le Département fédéral de l’Éducation, qui émet ces dettes. Trois quarts du stock de prêts étudiants ont été émis par l’État [2]. Depuis les années 1980 et l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan, le nombre de prêts étudiants distribués et leurs montants ont explosé au gré de la hausse du coût de l’enseignement supérieur [3]. En effet, en termes réels [4], le coût d’un cursus universitaire a triplé depuis 1980 [5]. Entre 2000 et 2010, en moyenne, les droits de scolarités sont passés de 8 800 dollars à 14 400 dollars [6]. Comme une large partie des étudiant·es n’a pas les moyens de financer les études autrement qu’en s’endettant, la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
étudiante a suivi la même direction. Elle a par exemple triplé entre 2006 et 2022 [7]. Elle dépasse la somme colossale de 1 700 milliards de dollars, soit le double de la dette publique totale de l’ensemble du continent africain, qui compte plus d’un milliards d’habitant·es. D’autre part, la crise financière de 2007-2008 a accentué la tendance observée depuis 1980 [8], provoquant notamment une forte hausse des frais d’inscription dans le réseau universitaire public.
Lire aussi : David Graeber à propos de « Occupy Wall Street » et « Strike the Debt » |
Ce système a des conséquences désastreuses : une dette de 37 667 dollars en moyenne pour les 43 millions de personnes endettées suite à leurs études, 12% des ancien·nes étudiant·es sont en défaut de paiement [9] et plus de la moitié des étudiant·es travaillent. Par conséquent, ces dernier·es sont défavorisé·es par rapport aux plus riches qui n’ont pas besoin de travailler. Pire, une grande partie de ces personnes remboursent des études qui ne leur ont pas apporté de diplôme. En effet, seuls 20% des étudiant·es étasunien·nes ayant poursuivi un crusus dans une université privée ressortent diplômé·es [10].
Ainsi, de nombreux·ses Étasunien·nes consacrent une large part de leur revenu au remboursement de la dette, ce qui limite leur capacité à mener à bien leurs projets. Iels acceptent des emplois sous-payés face à l’urgence des échéances à rembourser. David Flacher, professeur à l’université de technologie de Compiègne, en France, présente également un autre impact social lié à la dette étudiante Étasunien·ne : « Les étudiant·es endetté·es iront vers des métiers plus rémunérateurs, qui sont souvent moins socialement utiles » [11].
Cette annulation ira jusqu’à 10 000 dollars pour les personnes gagnant moins de 125 000 dollars par an. Elle pourra grimper jusqu’à 20 000 dollars pour les personnes les plus pauvres
Plusieurs raisons expliquent le coût exorbitant de l’enseignement supérieur aux États-Unis. La première est d’ordre historique : le système étasunien est issu des collèges religieux et des universités de recherche fondés au 19è siècle par de riches mécènes. Ces établissements, tels que Harvard, pratiquaient des tarifs extrêmement onéreux. C’est toujours le cas aujourd’hui. Or, ces universités servent de boussoles aux autres pour fixer leurs tarifs. Ainsi, un grand nombre de structures s’alignent sur les prix d’universités comme Harvard, où l’année coûte 36 000 dollars en moyenne [12]. Même si elles étaient insuffisantes, les subventions de l’État permettaient malgré tout, jusqu’aux années 1980, de limiter le coût déjà très important de l’enseignement supérieur. Avec l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan et les politiques menées par ses successeurs, qui ont organisé le retrait de l’État au fil des politiques d’austérité, les universités étasunien·nes ont perdu des subventions. Elles ont donc augmenté leurs prix. En 1990, les étudiant·es participaient en moyenne à 25% du financement de l’enseignement supérieur public [13]. Aujourd’hui, en moyenne, 60% du budget de ces établissements sont à la charge des étudiant·es, seulement 40% étant financé par l’État [14].
Ce retrait organisé de l’État du financement des universités a coïncidé avec une forte hausse de la demande d’études supérieures aux États-Unis. Moins de moyens pour plus de monde : les étudiant·es ont compensé via l’emprunt et les établissements privés ont essaimé. Plus nombreux, et en concurrence, ils ont dû se battre pour obtenir la meilleure réputation possible. Ainsi, des campus de plus en plus luxueux ont été bâtis, des salaires mirobolants ont été versés pour attirer les professeur·es les plus préstigieux·euses. Les frais de scolarité ont donc grimpé en flèche alors que trois fois moins d’argent est consacré à l’enseignement dans le privé que dans le public [15]… Ainsi, ce système, par manque de places dans les universités publiques, pousse les étudiant·es vers le privé, qui coûte plus cher donc pousse à l’endettement, enseigne moins bien que le public, et diplôme très peu.
Le système des bourses est largement insuffisant pour compenser les inégalités détaillées ci-dessus. En effet, la bourse réservée aux plus vulnérables – Pell Grand – ne dépasse pas 6 895 dollars par an. Pas assez pour payer des droits de scolarité qui dépassent souvent 15 000 dollars par an [16], tout en s’acquittant des dépenses courantes nécessaires tout au long de l’année. Par conséquent, une partie très importante des étudiant·es s’endettent, majoritairement auprès de l’État, mais également envers les banques commerciales
Banques commerciales
Banque commerciale
Banque commerciale ou banque de dépôt : Établissement de crédit effectuant des opérations de banque avec les particuliers, les entreprises et les collectivités publiques consistant à collecter des fonds pour les redistribuer sous forme de crédit ou pour effectuer à titre accessoire des opérations de placements. Les dépôts du public bénéficient d’une garantie de l’État. Une banque de dépôt (ou banque commerciale) se distingue d’une banque d’affaires qui fait essentiellement des opérations de marché. Pendant plusieurs décennies, suite au Glass Steagall Act adopté pendant l’administration Roosevelt et aux mesures équivalentes prises en Europe, il était interdit aux banques commerciales d’émettre des titres, des actions et tout autre instrument financier.
, qui pratiquent des taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
bien plus élevés. Face aux millions d’étudiant·es et d’anciens étudiant·es lourdement endetté·es, et au nombre croissant de personnes incapables de rembourser, les mouvements sociaux se sont massivement mobilisés aux États-Unis, et ce depuis des années.
Debt Collective a mené une campagne nommée « Annulons la dette étudiante », fournissant un travail essentiel de politisation, de sensibilisation et d’explication des mécanismes qui sous-tendent l’endettement étudiant
Le niveau d’endettement des étudiant·es étasunien·es a alerté nombre de personnes, de syndicats et d’associations, qui se sont mobilisé·es [17]. Ce fut notamment le cas du Debt Collective, un syndicat défendant les personnes endettées. Ses membres se sont battus pour prolonger le moratoire
Moratoire
Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.
Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
sur les paiements des prêts étudiants, mis en place depuis le début de la pandémie de Covid-19. Debt Collective a également mené une campagne nommée « Annulons la dette étudiante », fournissant un travail essentiel de politisation, de sensibilisation et d’explication des mécanismes qui sous-tendent l’endettement étudiant. Astra Taylor, co-fondatrice du syndicat, explique par exemple que chaque dollar de dette étudiante vient gonfler les bénéfices de créanciers qui gagnent de l’argent avec de l’argent, sans fournir le moindre effort [18]. En effet, les intérêts payés par les travailleur·euses quand iels remboursent leur dette étudiante vient enrichir des financiers, souvent parmi les personnes les plus riches du pays, qui ont seulement prêté du capital. Chaque dollar de dette étudiante correspond donc à un transfert d’argent du travail vers le capital, des plus pauvres, ou de la classe moyenne, vers les plus riches. Ainsi, en détaillant ces mécanismes, Astra Taylor montre que l’endettement étudiant aggrave les inégalités.
Lire aussi : Manuel de résistance contre la dette illégitime aux États-Unis |
De plus, le Debt Collective n’a pas manqué de rappeler que Joe Biden, quand il était sénateur du Delaware, a grandement participé à l’affaiblissement de la protection des emprunteurs en rendant la faillite plus difficile. Il a donc participé au renforcement du pouvoir des créanciers, diminuant les risques de non-remboursement, notamment vis-à-vis des étudiant·es.
Le travail colossal de ces militant·es a grandement participé à mettre Jo Biden sous pression, le poussant à tenir l’une de ses promesses de campagne : l’annulation d’une partie de la dette étudiante.
À la fin du mois d’août 2022 – et à quelques mois des élections de mi-mandat – Joe Biden a annoncé l’annulation d’une partie de la dette étudiante détenue par l’État. Il a pu le faire sans passer par le Congrès, grâce au Higher education act, adopté en 1965 [19]. Cette annulation ira jusqu’à 10 000 dollars pour les personnes gagnant moins de 125 000 dollars par an [20]. Elle pourra grimper jusqu’à 20 000 dollars pour les personnes les plus pauvres, ayant bénéficié de la bourse Pell Grant. Cette dernière concerne environ un tiers des étudiant·es étasunien·nes. Selon la Maison blanche, ces mesures vont toucher environ 20 millions de personnes.
D’autre part, le gel des remboursements et des paiements d’intérêt de la dette étudiante, décidé en 2020 au moment de la crise liée au Covid-19, sera étendu jusqu’au 31 décembre 2022. Quand les remboursements reprendront, ces derniers seront limités à 5% du revenu discrétionnaire – ce qu’il reste après avoir effectué les dépenses de première nécessité comme la nourriture et le loyer – des personnes endetté·es. Cela signifie qu’un individu célibataire gagnant 38 000 dollars par an ne remboursera pas plus de 31 dollars par mois au titre de sa dette étudiante [21]. Jusqu’à maintenant, ces remboursements étaient plafonnés à 10% du revenu discrétionnaire.
Ces mesures vont donc soulager financièrement plusieurs millions d’Étasunien·nes.
En 2019, 20 ans après avoir commencé leurs études, les personnes noires s’étant endettées devaient 95% de leur dette étudiante. Les individus blancs dans la même situation avaient remboursé 94% de cet emprunt
Les mesures annoncées par Joe Biden bénéficieront principalement aux personnes issues de la classe moyenne étasunienne. En effet, la plupart des personnes qui seront aidées gagnent entre 51 000 et 82 000 dollars par an [22]. Elles participeront néanmoins – même si nous montrerons que c’est très insuffisant – à réduire les inégalités raciales et de genre aux États-Unis.
Elles y participeront car les personnes hispaniques et noires sont davantage touchées par les problèmes d’endettement étudiant. Elles subissent en effet une série de discriminations sur le marché de l’emploi et dans leur cursus éducatif. Elles gagnent donc moins d’argent que les personnes blanches, et une moindre capacité d’aide vis-à-vis de leurs enfants quand ils étudient. Ces affirmations se vérifient par les chiffres : en 2019, le ménage blanc médian [23] possédait 188 200 dollars contre 24 100 dollars pour le ménage noir médian [24]. Les personnes racisées ont donc davantage besoin de s’endetter au moment de faire des études. Une fois arrivé·es sur le marché du travail, elles sont confrontées, comme leurs parents, aux inégalités et aux discriminations : leurs salaires sont plus bas et elles trouvent moins facilement un emploi. Logiquement, elles ont beaucoup plus de difficultés pour rembourser la dette accumulée pendant leurs études. Quand elles seront adultes, elles auront davantage de difficulté pour aider leurs enfants. Les personnes racisées subissent donc un cercle vicieux de l’endettement bien plus grave que les personnes blanches. En 2019, 20 ans après avoir commencé leurs études, les personnes noires s’étant endettées devaient 95% de leur dette étudiante. Les individus blancs dans la même situation avaient remboursé 94% de cet emprunt [25].
Un constat similaire peut être fait pour les femmes, qui subissent également des discriminations d’accès à l’emploi directes et indirectes (via le travail domestique non-rémunéré qu’elles effectuent). En effet, elles ont moins de temps, plus de difficultés pour trouver un emploi et gagnent moins d’argent que les hommes à travail égal. Ainsi, elles mettent également bien plus longtemps pour rembourser un prêt étudiant que les hommes, d’autant plus qu’elles s’endettent plus que ces derniers pendant leurs études [26]. Pour cette raison, en 2019, les femmes détenaient environ deux tiers de la dette étudiante étasunien·ne [27].
Précisons enfin que pour les personnes qui se trouvent à l’intersection entre toutes ces discriminations – les femmes noires par exemple –, les oppressions et les inégalités s’imbriquent, les touchant encore davantage que si elles n’étaient « que » femmes ou personnes racisées [28].
Ainsi, comme les personnes d’origine hispanique, les noir·es, et les femmes sont plus pauvres, relativement plus nombreuses à devoir rembourser une dette étudiante, comme elles sont relativement plus nombreuses à recevoir la bourse Pell Grant, elles bénéficient, en termes relatifs, davantage de l’annulation d’une partie de la dette étudiante par Joe Biden. L’endettement étudiant affiche, exacerbe et décuple les inégalités sociales et raciales. En s’y attaquant, on participe donc à les réduire. Néanmoins, cette réforme est insuffisante car elle ne cible pas directement ces personnes les plus touchées par les inégalités d’accès aux études et à l’emploi. Elle ne cible pas les premières victimes de la dette étudiante et ne s’attaque pas aux causes structurelles de l’explosion de l’endettement étudiant.
Il faudrait une réforme qui augmente considérablement l’offre d’universités publiques ; qui réduit drastiquement les frais de scolarité dans ces dernières, tout en augmentant les bourses pour les plus précaires
Cette mesure apparaît comme un pansement nécessaire mais ne changera rien à moyen et long terme. Elle n’a pas d’effet sur les causes structurelles qui rendent l’accès à l’emploi et le financement des études beaucoup plus difficiles pour les personnes racisées et pour les femmes. D’autre part, elle ne bénéficiera pas aux Étasunien·nes les plus pauvres car iels ne vont pas à l’université. Pour ces personnes et pour les premières victimes de l’endettement étudiant, il faut une réforme systémique de l’enseignement supérieur étasunien. Une réforme qui augmenterait considérablement l’offre d’universités publiques ; qui réduirait drastiquement les frais de scolarité dans ces dernières, tout en augmentant les bourses pour les plus précaires ; qui permettrait à un maximum d’individus, sans inégalités raciales ou de genre, d’accéder à l’enseignement supérieur.
Lire aussi : Bernie Sanders s’engage à annuler toute la monstrueuse dette étudiante ! |
Cette réforme devrait être couplée à une réforme du marché du travail, protégeant au mieux les personnes racisées et les femmes des discriminations qu’elles subissent depuis des siècles. La campagne menée par Debt Collective et les propositions de Bernie Sanders, présentées lors de la dernière campagne électorale présidentielle, vont dans ce sens. Il réclame l’annulation totale de la dette étudiante, la gratuité dans les universités publiques de premiers cycles, l’attribution de bourses pour financer les livres, les transports et le logement [29]. Bernie Sanders souhaite également limiter les intérêts associés aux nouveaux prêts contractés pour étudier. Il veut financer ces mesures avec une taxe sur les transactions financières.
La mesure de Joe Biden rappelle qu’il est parfaitement possible d’annuler une dette possédée par un État. La volonté politique du Président étasunien a suffi pour prendre une mesure qui coutera, selon le Congrès étasunien, 400 milliards de dollars. Il est important de rappeler qu’elle rapportera également de l’argent à l’État, comme les parents et les jeunes actif·ves dépenseront ailleurs leur argent. Ce dernier participera donc à augmenter la demande de biens et de services, donc l’activité, donc les impôts récoltés par l’État. La volonté d’un·e Chef·fe d’État suffirait donc à annuler une dette bilatérale illégitime. Cela signifie, par exemple, qu’il suffit de volonté politique du Chef d’État français pour annuler la dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
issue de l’indépendance d’Haïti. Celle-ci, évaluée à 28 milliards de dollars, a été contractée en 1925, plus de vingt ans après l’indépendance, pour indemniser les anciens esclavagistes français [30]. De la même manière, les pays du G20
G20
Le G20 est une structure informelle créée par le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à la fin des années 1990 et réactivée par lui en 2008 en pleine crise financière dans le Nord. Les membres du G20 sont : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne (représentée par le pays assurant la présidence de l’UE et la Banque Centrale européenne ; la Commission européenne assiste également aux réunions). L’Espagne est devenue invitée permanente. Des institutions internationales sont également invitées aux réunions : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Le Conseil de stabilité financière, la BRI et l’OCDE assistent aussi aux réunions.
peuvent décider d’annuler la dette qu’ils détiennent envers 77 des pays dits les plus pauvres. Cela leur coûterait 750 milliards de dollars, soit 1% du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
de ces 20 pays réunis, moins que le plan d’aides post-covid allemand ou étasunien…
[1] Associated Press, « Student loan forgiveness : what you need to know about Biden’s plan », The Guardian, 24/08/2022, https://www.theguardian.com/money/2022/aug/24/student-loan-forgiveness-who-qualifies-pell-amount
[2] Romaric Godin, « Aux États-Unis, Bernie Sanders propose l’annulation totale de la dette étudiante », Mediapart, 26/06/2019, https://www.mediapart.fr/journal/international/260619/aux-etats-unis-bernie-sanders-propose-l-annulation-totale-de-la-dette-etudiante
[3] Christophe Newfield, « La dette étudiante, une bombe à retardement », Le Monde diplomatique, Septembre 2012, https://www.monde-diplomatique.fr/2012/09/NEWFIELD/48135
[4] En neutralisant les effets de l’inflation sur la période donnée.
[5] The editorial board, « Biden’s imperfect but necessary plan to tackle student debt », Financial Times, 01/09/2022, https://www.ft.com/content/51262c7c-8ba6-4187-9dfa-896a954eb1fe
[6] Christophe Newfield, art.cité.
[7] Chris Stein, Lauren Aratani, « Biden unveils plan to cancel $10,000 in student loal debt for millions », The Guardian, 24/08/2022, https://www.theguardian.com/us-news/2022/aug/24/joe-biden-us-student-loan-debt-cancellation
[8] Christophe Newfield, art.cité.
[9] Romaric Godin, art.cité.
[10] Christophe Newfield, art.cité.
[11] Clémentine Eveno, « Endettement des étudiants : « Avec les États-Unis, on se rend compte de l’ampleur de l’échec de ce modèle », Libération, 26/08/2022, https://www.liberation.fr/economie/social/endettement-des-etudiants-avec-les-etats-unis-on-se-rend-compte-de-lampleur-de-lechec-de-ce-modele-20220826_MP3NWAWEBRBYFDTBWPFEK7KZNA/?redirected=1
[12] Christophe Newfield, art.cité.
[13] Romaric Godin, art.cité.
[14] Jean-Philippe Berteau, « Tribune : Financement universitaire : le savoir n’est pas une dette », Libération, 15/02/2022 https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/financement-universitaire-le-savoir-nest-pas-une-dette-20220215_ZFBCN6Z5CVCOTPK26MOIALWKTU/?redirected=1
[15] The editorial board, « Biden’s imperfect but necessary plan to tackle student debt », Financial Times, art.cité.
[16] Christophe Newfield, art.cité.
[17] Sur ce sujet, le CADTM a publié un « Manuel de résistance contre la dette illégitime aux États-Unis », rédigé par Kamilia Sahli et Simon Perrin et publié le 29/09/2017, https://www.cadtm.org/Manuel-de-resistance-contre-la
[18] Amy Goodman, Astra Taylor, Nermeen Shaikh, ““Your Debt Is Someone Else’s Asset” : Calls Mount to Cancel Debt & Halt Wealth Transfer to the Rich”, Democracy Now !, 09/12/2021, https://www.democracynow.org/2021/12/9/student_debt_loan_moratorium
[19] Depuis le Higher education act, il est possible pour le Président étasunien d’annuler des dettes étudiantes détenues par l’État fédéral. Politicoboy, « Annulation de la dette étudiante aux États-Unis : la fin d’un totem néolibéral », LVSL, 23/09/2022, https://lvsl.fr/annulation-de-la-dette-etudiante-aux-etats-unis-la-fin-dun-totem-neoliberal/
[20] Associated Press, « Student loan forgiveness : what you need to know about Biden’s plan », The Guardian, art.cité.
[21] Ibid.
[22] Jim Tankersley, « Biden’s Student Loan Plan Squarely targets the Middle Class », The New York Times, 25/08/2022, https://www.nytimes.com/2022/08/25/us/politics/biden-student-loans-middle-class.html
[23] Cela signifie que le nombre de ménages qui gagnent plus que ce ménage, et qui gagnent moins que ce ménage, est le même.
[24] Taylor Nicole Rogers, Gary Silverman, « Race and finance : the student loan trap », Financial times, 21/12/2021, https://www.ft.com/content/51ece9ca-750b-49ef-aacb-834b8e691eea. Étude menée sur près de 25 ans par Federal Reserve Bank of St Louis, publiée en 2017.
[25] Ibid. Selon une étude de 2019 de l’Institute on Assets and Social Policy de l’Université Brandeis.
[26] Linda A. Thompson, « Quelle solution au problème de l’endettement des étudiants aux États-Unis », 02/04/2019, Equal Times, https://www.equaltimes.org/etats-unis-quelle-solution-au#.Y0PlkuxBzPY
[27] Study International Staff, « In the US, student loan debt is a women’s issue. Here’s why.”, Study International, 27/05/2019, https://www.studyinternational.com/news/in-the-us-student-loan-debt-is-a-womens-issue-heres-why/
[28] Linda A. Thompson, art.cité.
[29] Romaric Godin, art.cité.
[30] Gusti-Klara Gaillard, « Haïti : Il y a 196 ans, la « dette de l’indépendance », Le Nouvelliste, 12/08/2021, https://lenouvelliste.com/article/230931/il-y-a-196-ans-la-dette-de-lindependance
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